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Full text of "Mémoires de la Société royale et centrale d'agriculture, sciences et arts du département du Nord, séant à Douai"

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MÉMOIRES 

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MÉMOIRES 


DE 

LA SOCIÉTÉ ROYALE ET CENTRALE D’AGRICULTURE, 
SCIENCES ET ARTS 
DU DEPARTEMENT DU NORD, SÉANT A DOUAI. 


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MÉMOIRES 


DK 


LA SOCIÉTÉ ROYALE ET CENTRALE 

Qp&uwmwk ww » 

SCIENCES ET ARTS DU DÉPARTEMENT DU NORD, 

Séant à Banal. 


1841-1842. 



Douai* 

ADAM DÀUBERS, IMPRIMEUR, 

RIE DES PROCUREURS ,12. 

— 1845 .— 


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DISCOURS 

PRONONCÉ 

A l’outebtube de là séance publique du 24 juillet 1842 , 
Par M. LEROY ( DE BÉTHUNE ). 


Messieurs , 

11 y a deux ans, lorsque le choix de la Société d’Agri- 
culture m’appela à présider une pareille solennité, évi- 
tant l’appât dangereux de toute ambition littéraire , je 
me bornai à prémunir nos cultivateurs par de prudents 
conseils contre le désir immodéré de posséder à tout 
prix quelque parcelle du sol. Cette année, je crois leurs 
intérêts fortement engagés dans le traité de commerce 
qui a pour but d’exempter la Belgique de la loi com- 
mune sur les matières de jM-Yfÿljyiqué importées en 
France. Vous me permettreE de traîter ce sujet , dont 
votre amour du bien public vous fera oublier l’aridité. 

Parmi les industries qu’a toqjpurs-jeùltivées la France 
et qui sont l’âme de son travail en assurant les salaires 
de sa nombreuse population agricole et manufacturière, 
l’industrie des lins a toujours figuré dans les premiers 
rangs. Il serait difficile de préciser son importance sous 
le rapport de la consommation intérieure ; toutes les 
statistiques , à cet égard , manqueront toujours de don- 
nées certaines; mais , à défaut de calcul , la réflexion 
vient en aide* Le lin se trouve mêlé pour ainsi dire à 
tous les usages de la vie , dans toutes les classes , dans 
tous les âges , dans toutes les situations ;‘et quand on 
songe à tout ce que peut mettre en œuvre ou consom- 
mer une population active et toujours agissante de 33 
millions d’habitans, quand on songe que plus elle prend 
part aux travaux rudes , plus l’emploi du lin lui est 
nécessairement aflecté, soit parla ténacité de son tissu , 


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( 2 ) 

soit par la modicité de son prix , tout en restant incer- 
tain sur la somme précise qu’absorbe cet emploi , on ne 
peut s’empêcher de l’élever à un chiffre énorme et auquel 
atteignent très peu d’autres industries. Quant au com- 
merce extérieur, les tissus de lin à eux seuls, indé- 
pendamment des autres formes que prend la matière , 
obtiennent dans l’écbelle de nos relations avec les 
nations étrangères le quatrième ou cinquième rang. 
T!e fnt donc une aberration déplorable que ceHe qui , 
sous prétexte de tenter s’il nè serait pas possible, à 
l’abri de droits modérés , de développer parmi nous 
une industrie remise en question et toUt^à-fait neùvè 
par la découverte de la filature et du tissage mécani- 
ques , nous a livrés pendant cinq à six aùs à la merci 
de la concurrence la plus désastreuse parce qu’elle 
s’opérait dans les conditions les plus inégales. Mais 
sous un régime de libre discussion , le mal , quel qu'il 
soit, ne peut durer long-temps. Trop de passages sont 
ouverts à la plainte, trop d’échos prêtés h la vérité , 
pour qu'elles restent étouffées ; l’action des masses qui 
souffrent est par trop directe aussi sur le pouvoir, 
ponr que dans un temps rapproché il n'aille pas de 
lui-même au-devant du remède. Nous sommes entrés 
dans la voie des réparations. Il ne faut pas que l’Angle- 
terre se fasse illusion à cet égard; la barrière élevée 
entre elle et nous , relativement aux tissus et fils de lin , 
est suffisante ou elle ne l’est pas. Suffisante , elle garantit 
notre marché contre l’invasion anglaise et permet à 
notre agriculture et à nos travailleurs comprimés de 
reprendre leur essor; insuffisante, on la relèvera. Cette 
détermination, désormais acquise au pays, n’est ni ini- 
que, ni injuste , ni provoquante à l’égard de l’Angle- 
terre. C’est l’expression là plus simple du besoin de 
conservation , le rappel à un antique état de choses 
brusquement interverti par une découverte née d’hier. 


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( * ) 

Si nous versions à grands flots dans son sein un produit 
qui amoindrit les fruits de son agriculture, l’action de 
ses manufactures , le pain de ses ouvriers , l’Angleterre 
aurait raison de ne pas le tolérer. Ce qui ne serait de sa 
part qu’un acté légitime , ne peut être un acte arbitraire 
de fa nôtre. 

Mais entrons dans le sujet que nous nous proposons 
dè traiter spécialement et brièvement; On sait que sans 
avoir précisément les mêmes motifs de crainte à l’égard 
d’une atttre nation voisine ( et cepéndant, de ce côté , 
l’avenir, à nos yeux, n’est pas sans nuage), nous avons 
offert à la Belgique de l’éxempter de la mesure et de lui 
conserver l’ancien tarif , si , par un retour de bous pro- 
cédés, elle voulait compenser par de sérieux avantages 
pour la Francé céuî qu’une préférence si marquée pou- 
vait lui assurer k elle-même. Momentanément, et pour 
n’être pas victime des temporisations , l’ordonnance lui 
fut appliquée dans toute sâ sévérité. 

A l’apparition de cette mesttre , les esprits s’agitèrent 
Chez nos voisins ; les plus bouillants parlèrent de se lier 
pins intimement avec quelque autre puissance qui re- 
connût mieux le prix de l’àlliance belge. Les mots d’An- 
gleterre ét de Prusse furent répétés avec affectation.' 
Quantk là France , il ne s’agissait rien moins qiiedclui 
fermer toutes les portes. Pour notre part, nous ne fûmes 
pas effrayés un moment de celte agitation. Elle foi cé 
qu’elle devait être, ce qu’elle serait probablement chez 
nous, si, possesseurs d’un immense marché* acquis sans 
compensation bien réelle , nous étions à la veille de le 
perdre ou d’y mettre enfin quelque prix. Mais après le 
brttit, lès imaginations se calment * la réflexion agit , les 
intérêts supputent , et l’esprit de transaction, le plue 
grand bienfaiteur dé notre temps , amène Une solution 1 
qtfi * sans doute, né satisfait pas tout le mondé, mais qtti 
ne laisse pas sur le terrain l’une des parties immolée. 


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( * ) 

La nouvelle, si généralement accréditée, que tout diffé- 
rend est apaisé avec la Belgique, rend superflu tout effort 
pour calmer les esprits ; mais comme rien n'est per- 
manent dans les transactions de ce genre, que d'ailleurs 
la convention annoncée est temporaire , il est bon que, 
pour notre faible part , nous contribuions à élucider la 
question en donnant les motifs de sécurité qui nous ont 
toujours tranquillisés sur une rupture , afin que , le 
débat se rouvrant , les hommes chargés de la défense 
de nos intérêts connaissent bien tous les élémens du 
problème et que notre France n’ait jamais à souffrir. 

• Ce sont des documens officiels, émanant de la Belgique 
elle-même , qui nous ont donné la foi vive que cette 
puissance ne pouvait se jeter dans les bras de la Prusse 
et encore moins de l’Angleterre, et qu’à part même la 
question politique, les sympathies de moeurs, de langue, 
de religion et de révolution communes , il était impos- 
sible que la Belgique ne revînt pas à nous par la simple 
considération des intérêts matériels , à moins de com- 
mettre un suicide commercial auquel ses populations 
ne sont certes pas disposées. 

Nous avons sous les yeux trois volumes de tableaux 
du commerce de la Belgique, publiés par l’administra- 
tion belge et contenant toutes les opérations des années 
1836 , 1837 , 1838. Une année ou deux ont pu paraître 
depuis , l’administration belge marchant dans ses pu- 
blications avec une certaine lenteur O. Quoiqu’il en 
soit, nous croyons en avoir assez pour asseoir nos preu- 


(1) Le tableau de 1838 n’a paru qu’en' 1840. Ces tableaux imprimés 
avec un grand luxé et dâns un format gigantesque , ne donnent pas tou- 
jours tous les renseignemens qu’on pourrait désirer. L’administration 
belge auraità gagner en étudiant les publications annuelles de la nôtre , 
qui sont de vrais modèles de clarté et d’analyse. Pourquoi , avec un 
système monétaire et de mesures uniformes, n’aurions-nous pas un cadre 
semblable pour ce» documens ? 


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( 5 ) 

res, surtout dans la circonstance que le volume de 1838 
résume toutes les importations et exportations depuis 
1831. La série des transactions avec chacune des nations 
qui forment les termes de nos rapprochemens, présente 
une suite trop constante pour que les quelques années 
passées depuis y aient apporté de bien grands chan- 
gemens. 

Nous allons mettre sous vos yeux un tableau qui 
mérite votre sérieuse attention. Tout ce que nous 
avons à dire en ressort si naturellement que nous 
pourrions nous en reposer sur votre perspicacité. 
Ce tableau donne , de 1831 à 1838 , le chiffre annuel 
avec les moyennes des importations faites par la Belgi- 
que de tous pays et de ses exportations en tous pays ; 
puis le chiffre particulier pour lequel la France , la 
Prusse et l’Angleterre sont entrées dans ces importa- 
tions et exportations. 

C’est du commerce spécial qu’il s’agit ici. Ce n’est pas 
sans raison que nous avons fait ce choix plutôt que de 
nous arrêter au commerce général. On sait qu’on entend 
par cette expression commerce spécial les exportations 
que fait un pays de ses produits propres , naturels ou 
industriels , et scs importations des produits étrangers 
qui entrent dans sa propre consommation. Le commerce 
général , au contraire, embrasse confusément avec tes 
opérations spéciales à un pays celles qu’il ne fait que 
comme intermédiaire, soit en expédiant de ses entre- 
pôts , soit en laissant simplement passer, par le transit, 
des produits étrangers pour l'étranger. On sent tout de 
suite que le premier commerce importe plus à un peu- 
ple que le second; qu’il est bien mieux l’expression de 
sa force et de sa vitalité ; que ce peuple est bien plus 
maître de l’un que de l'autre , le passage ou la commis- 
sion qu’il refuserait pouvant à l'instant et presque tou- 
jours s’accomplir par d’autres ou par ailleurs. 


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|T 178,313,846. 123,546,099 31,387,468 f 62,733,035] 19,420,647 T 22,1 §4,984 [ 34,282,708 12,034,847 


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( * ) 

Une première preuve ressort de ce tableau : c’est que 
la Belgique exportant annuellement 125 millions et 
dejni de ses produits, la France à elle seule lui en achète 
plus de moitié, 62 millions 7 /io ; que l’Union allemand#, 
vers laquelle quelques imprudents voulaient la pousser, 
u’ecqule pour la Belgique que le tiers de ce que prend 
la Frapce, 22 millions; et qu 'enfin l’Angleterre ne puise 
à cettq source que le cinquième de ce que nous y pui- 
sons, se bornant uniquement à 12 millions d’achats. 

En second lieu, il est démontré, par le tableau, qu’ab- 
sorbant infiniment plus qu’une autre, valant autant pour 
la Belgique que toutes les nations civilisées ensemble , 
en-deçà et aurdelà des mers, la France est encore in- 
contestablement celle qui exige le moins en compensa- 
tion des avantages qu’elle procure. Elle n’envoie à la 
Belgique que la moitié de ce qu’elle en tire, 3i millions 
Sur près de 63 t 1 ). La Prusse, qui lait beaucoup moins 
pour nos voisins, porte aussi beaucoup plus haut ses 
exigeapces, 19 millions prêtés pour 22 millions rendus. 
C’est une afiaire presque au pair , rien pour rien , don- 
nant donnant. Quant à l’Angleterre, nous suspections 
quelque peu l’équité de son compte ; mais le soqpçon 
était en dessous de la réaUté : c’est une véritable juive- 
rie , Jacob ne vendait pas plus cher ses lentilles , 54 


(1) BOCUKBMS OFFICIELS FRANÇAIS. 

Différences en million en faveur «lu commerce belge , années posté- 
rieures à 1838. 



1839. 

1840. 

La Belgique importe en France. . 

. 72. 2 

76. 3 

La Belgique exporte de France, - 

. 39.5 

45, 1 

Différence. . 

. 32. 7 

31. 2 


Le résultat de l’année 1841 n’a pas encore été public ; mais , on le 
voit , rien n’a change depuis 1838 : la Belgique maintient sa supériorité. 


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( 8 ) 

millions pour 12! Voilà ce qui s’appelle savoir placer 
son argent. Au prix qu’elle ntet aux choses , l’Angle- 
terre pourrait dire comme Verrès : J’aime mieux ache- 
ter que de demander. Malo emere quant rvgare ( f ). 

Des économistes se sont évertués à prouver, à grand 
renfort d’argumens, peu lucides selon nous , et partant 
peu persuasifs, qu’il était assez indifférent pour un pays 
d’acheter ou de vendre ; nous avons peine à nous rendre 
à cette assertion. Nos ventes, en général , sont l’expres- 
sion du travail que l’étranger donne à nos nationaux, et 
de la valeur qu’il confère à notre sol. Nous insistons sur 
le prix du travail, parce que, dans les produits manufac- 
turés , il entre pour une immense part, et que dans les 
produits naturels l’œuvre de l’homme compte encore 
pour beaucoup. Nos achats , par contre , sont le plus 
souvent le salaire que nous envoyons aux labeurs des 
autres; c’est la moralité , le bien-être, le développement 
matériel et moral, le nerf , la vie que nous leur dispen- 
sons. Quand donc la proportion est notablement rompue 
entre ces deux choses , l’importation et l’exportation , 


(1) Le Constitutionnel du 25 juillet nous arrive au moment où cet 
opuscule est déjà sous presse. Il nous donue un extrait du journal 
belge Y Eclair , qui , pour toute réponse au Standard , qui se répand en 
menaces de représailles contre la Belgique pour le cas où elle adopte- 
rait le tarif français sur les matières de lins , se contente de mettre sous 
les yeux du journal tory le chiffre des importations et exportations de 
l’Angleterre par rapport à la Belgique en 1841 , commerce général et 
commerce spécial. Celui-ci donne : 

Importé par l'Angleterre en Belgique. • . . 44,368,292 fr. 

Exporté par l’Angleterre de la Belgique. . . 14,326,655 

Balance en faveur des produits anglais. , . . 30,041,637 

La différence est encore beaucoup plus grande pour le commerce gé- 
néral. 

La réponse nous parait assez catégorique et présente la question sous 
son véritable jour. 


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( 9 ) 

au détriment de celle-ci, il y a sérieuse matière à réflé- 
chir pour un pays sur la direction que commercialement 
il donne à ses affaires , et en particulier sur les relations 
internationales d’où procède cette inégalité. 

Si nous descendons maintenant dans la nature par- 
ticulière des échanges que les trois nations mises en 
présence consomment avec la Belgique , nous demeure- 
rons bien plus convaincus encore que tout divorce de 
celle-ci avec la France devenait impossible. Indépen- 
damment de toutes nos affinités si difficiles à dissoudre , 
il y avait évidemment pour la Belgique une dot riche, 
opulente, des mieux garanties, qu’il aurait fallu rendre 
et qu’on ne retrouverait plus ailleurs. Certes , dans 
l’état de l’Europe, nous dirions volontiers du monde , 
ce qu’il y a de plus difficile à écouler pour un pays est 
incontestablement sa matière fabriquée. C’est là ce qui 
perd l’Angleterre et ce qu’avait si bien senti Napoléon 
en l’attaquant par son blocus ; c’est aussi ce qui fait dire 
aux hommes de sens qu’encore , à l’heure qu’il est , 
l’arme la plus terrible à l’Angleterre , c’est la paix , la 
paix qui fait que chaque nation s’attache à utiliser ses 
bras par le perfectionnement de sa fabrication , et se 
met en garde contre le débordement des industries 
étrangères; heureux dans cette lutte, qu’il est plus 
facile de blâmer que d’arrêter , le peuple possesseur d’un 
vaste territoire, varié par ses zônes, ses besoins, ses 
goûts, ses caprices , et offrant par la masse compacte de 
sa population un marché qui, se renouvelant sans cesse, 
répond toujours à la rémunération de ses travailleurs ! 
Voyons donc quel soulagement chacune des trois na- 
tions apporte à la Belgique pour les matières fabriquées 
dont elle surabonde , nul pays , si nous en exceptons 
l’Angleterre , ne produisant plus que la Belgique eu 
égard à son étendue et à sa population. Nous ne pou- 


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( 10 ) 

yods donner que le résumé des trois années qui nous 
soient connues; les possesseurs de doçumens ultérieurs 
le compléteront. 


BELGIQUE. 

SR* EXPORTATIONS BIT MATIÈRES FABRIQUÉES. 


^PAAlfGSe 

?» mm* 


1836 

1837 
1*3$ 

3S,f07,6SS 

5S,48?,6$Q 

46.S74.385 

9.88S.483 

14.4iS.684 

8,168,304 

1,181,953 

8789880 

.Totaqx ... it7.S6S.7li 
moyennes. 39,086,570 

31,380,518 

10,440,173 

4 . 1 * 9 ,™ 

1.409,893 


Quel nouveau trait de lumière l La France, sur 62 mil- 
lions d’aphats en Belgique , l’exonère de 39 millions de 
matières fabriquées, deux tiers de cequ’elle lui emprunte 
avec une profusion qu’égalent à peine les commandes 
de toutes les nations ensemble. La Prusse se borne à 
1Q millions, ou moitié de ses exportations. Quant à l’An- 
gleterre , il fout convenir que jamais peuple plus que 
les Belges n’a fait preuve à son égard d’abnégation 
cbrétjenne. C’est peu du solde de 49 millions encaissé 
régulièrement par l’Angleterre ; celle-ci, dans les 19 pan- 
"vres millions qu’elle exporte de la Belgique , ue com- 
prend de matières fabriquées que pour 1 million 4/10. 
Qn devait s’y attendre ; regorgeant de produits de cette 
nature et les offrant partout, que peut-elle eu demander 
aux autres ? 

Mais n’y eût-il que le seul article des toiles que nous 
avions là un gage infaillible des efforts que tenterait la 
Belgique pour rentrer dans le conpert français. La Bel- 
gique en fabrique pour des sommes considérables , et , 
sa consommation déduite, elle n’en fabrique pour ainsi 


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( 11 ) 

dire que pour nous. Partout ailleurs elle trouve des 
barrières insurmontable?. Qu’on lise plutôt cette auelyse 
fidèle de ses exportations pendant nos trois années. 


s RCOT58, 

BLANCHES BT WP» -PLANCHES 
EXPORTÉES f AB LA BELGIQUE. 

B 

ENFRjpCS. 

PARTOUT AILLEURS* 

f 836 

1837 

1838 

' fr. 

31,131,091 

93,408,338 

33.993,970 

£,392,916 

4,175,473 

3,975,954 

Totaux.... 89,103,396 
moyennes. 99,901,139 

9,443,743 

3,134,581 


Nous avions donc bien raison de dire que la France 
est l’unique débouché ouvert à ce produit éminemment 
belge. Conçoit-op maintenant que la Belgique puisse se 
résignera voir tout d’un coup ce débouché hermétique- 
ment fermé sur elle , et non seulement cette porte fer- 
mée , mais .ses ports ouverts aux fils anglais qui déjà 
font chez elle une irruption menaçante et que la digue 
élevée sur notre rivage précipiterait en Belgique à plus 
grands flots ? Aipsi refoulement de ses toiles du côté de 
la France , inondation de fils du côté de l’Angleterre, 
c’était trop de moitié pour soulever toutes les Flan- 
dres (*). 

Nous n’avons connaissance que par les journaux de 
la transaction conclue avec la Belgique ; mais leur 

(1) Voici la pngranoa des importations des fils anglais en Belgique 
pendant le terme des trois ans que noua Analysons: 

1836 1837 1838 

923,744 fr. l,IWyW«fr. 


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( 12 ) 

accord est si parfait qu’il çst impossible qu'ils n'aient 
pas été exactement informés. Nous avouerons que nous 
ne partageons que médiocrement l’enthousiasme que 
ceux de France font éclater. Jamais , à les entendre , 
notre administration n’eut la main si heureuse en fait de 
négociation commerciale. Voyons donc. 

L’ordonnance du 26 juin, on vient de le voir, mettait 
la Belgique dans la situation la plus critique. Befondre 
ses traités commerciaux avec l’Angleterre ou la Prusse 
de manière à retrouver chez elles ce qu’on allait perdre 
chez nous, quelle apparence, quand l’Angleterre étouffe 
sous sa production invendue ; quand la Prusse est si 
peu disposée à élargir la voie aux marchandises étran- 
gères , que naguère et avec éclat elle a rompu avec la 
Hollande qui menaçait de poser un pied trop solide dans 
l’Union ; quand , il y a peu de jours , le parlement an- 
glais retentissait de reproches amers d’ingratitude con- 
tre la Prusse de pins en plus récalcitrante au fardeau 
des produits manufacturés de deçà l’eau ! Fatalement la 
Belgique était rejetée vers la France , et elle l’était non- 
seulement pour éviter un dommage flagrant, mais pour 
conquérirun grave avantage qui sortira tout naturelle- 
ment pour elle de l’ordonnance du 26 juin. L’exclusion 
de l’Angleterre ouvre sur notre marché un large vide 
que la Belgique s’apprête à combler. 

Pour ces grands bénéfices du passé reconquis , pour 
ces chances d’un si bel avenir , elle noué concède deux 
avantages qu’on met en première ligne , car personne 
ne se fait illusion sur la valeur des autres. Elle réduit 
sur nos vins les droits de douane à 0,50 c. par hectoli- 
tre , et ceux de consommation aux trois quarts de ce 
qu’ils étaient. Les droits qui frappaient nos sôieries se- 
ront réduits d’un cinquième ou 20 0/0. 

En Belgique, les droits de douane sur nos vins étaient 


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( 13 ) 

très-peu de chose , 2 fr. par hectolitre. A la vérité, on y 
ajoutait chaque année quelques accessoires ou majorai 
lions (centimes additionnels ici , majorations là-bas, ce 
sont jumeaux , parnobile fratrum , nequitid gemellum ); à 
savoir : 6 0/0 pour différence de valeur monétaire ,. et 
13 0/0 je ne sais pourquoi, mais un impôt a toujours son 
pourquoi. La réduction à 0,50 c. écarte-t-elle tous ces 
ornemens du' principal , ou bien subsistent-ils propor- 
tionnellement ? Nous l’ignorons ; mais il est probable 
qu’il n’y a de réduit à 0*50 c. que le principal de 2 fr. dont, 
parlent lesjournaux. Gare en ce cas que les majorations 
ne grandissent et ne deviennent tout-à-fait majeures. 

Les droits d’accise étaient plus graves. En principal , 
majorations , timbre collectif, timbre d’acquit , et autres 
sauvageries, ils s’élevaient à 33 fr. 56 c. C’est là-dessus, 
qu’au dire des journaux, un triomphe coipplet a été 
obtenu , réduction d’un quart. C’est quelque chose , 
sans doute. Maris est-ce là tout ce qu’on pouvait attein- 
dre ? Mais la Belgique ne prenant que la fleur de nos 
vins, espère- 1- on une consommation plus grande 
quand , tout compris , accise et douane , le litre sera 
réduit , non pas pour le consommateur , mais presque 
toujours pour l’intermédiaire, de dix centimes environ? 
On se plaint , et avec raison , qu’en France le poids des 
charges diminue la consommation. Que s’y passe-t-il 
pourtant? Prenons le département du Nord, un des 
pins maltraités selon les catégories de droits de con- 
sommation établies parmi. nous. A part les hôtelleries 
et détaillans , tout se borne , par hectolitre, à 3 fr. 30 c. 
de droit d’entrée et 1 fr. 32 c. de droit de congé ou de 
circulation , somme toute 4 fr. 62 c. Lors môme que le 
droit de détail est réparti sur toute la bourgeoisie par 
dégrèvement des détaillans, comme les conseils muni- 
cipaux peuvent le faire et le fpnt très dommageablement, 


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( i* ) 

là plupart du temps ( mais ce n’ésl pas Ici le liétt dé le 
prouver) , les droits de consommation ne dépassent pas , 
dans le département du Nord , 7 à 8 fr. par hectolitre , 
et nous sommes , nous lé répétons , les plus mulctés 
entre les mulctés. Que laisse donc Subsister le traité 
en Belgique ? Un droit triplé et au-delà d’un droit très- 
lourd eu France. Je ne parle pas des octrois ; ils sont 
communs aux deux pays. Seulement il y a cétté diffé- 
ronce qu’en France ils ne peuvent être augmentés sans 
adhésion du pouvoir central « et que la loi à pris de 
sages mesures pour les ramener tous dans dés limites 
modérées , tandis qu’en Belgique il parait que le gou- 
vernement n’a qu’y voir, et qu’ils sont remis à la Sagesse 
des conseils municipaux ; Or , cétte sagesse ne me ras* 
sure guère. Mais nous dénoncerons lé traité si les 
bourgmestres et les échevins s’émancipent 1 Oui , mais 
quel sera le chiffre des centimes imposés, où des bour- 
gades on villes mutinées , pour décider ce grand acte 
de répudiation ? A quel signal précis expédiérét-VouS 
vos hérauts ? Je le redis , on pouvait obtenir .mieux , 
et plus certain. 

Et même , remarquez-le bien , dans la supposition où 
vous auriez commis la rare imprudence de ne pas stipu- 
ler une révocation facultative et réciproque, moyennant 
avertissement, vous seriez à la merci de la Belgique r ét 
elle ne serait jamais à la vôtre. Que la chance en effet 
tourne contre elle, ses bourgmestres sauront bien la ré» 
tablir, et au besoin vous forcer à une résiliation. 
Mais , vous , que ferez 1 - vous si pendant le terme du 
traité , le fardeau devient intolérable? Quel moyen Vous 
reste-t-il de le secoue? f 1 ) ? 


(1) Nous rie disons rien de la clause du traité qui ramène de 13 fr. 
à Si fr. le droit d’importation sur ftos vins eto Bouteille. L'importation 


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( 15 ) 

Je ne comprends pas les congratulations qu’on s’adres- 
se à l’occasion dès soieries. Les soieries sans distiùction 
étaient taxées en Belgique à 5 fr. par kilogramme , 
plus majoration 19 0/0, soit 6 fr. Vous obtenez uüô ré- 
duction d’un cinquième, c’est 1 fr. 20 c. par kilogramme. 
Bais combien vaut donc un kilogramme de soierie P Les 
tableaux belges, Sans intérêt dans la question, puisqu’on 
percevaitau poids, l’estiment uniformément 110 fr. Nos 
états officiels varient dans leur estimation depuis 120 fr. 
jusqu’à 240 fr., selon que cette étoffe e6t unie, brochée, 
façonnée, mêlée d’or ou d’argent. A quelque estimation 
que vous vous arrêtiez , c’est une misère qu’une réduc->- 
tion qui, sur un objet dé luxe et dé prix , s’élève à peine 
à 1 0/0 de là valeur imposée. 

J’avoue que je verrais ütte plus belle conquête dans 
toute mesure ayant pour résultat d’activer notre naviga- 
tion sans nuire aux produits de notre sol , agricoles ou 
minéraux ; que dis-je P èn les favorisant. Ce serait nu 
double triomphe ; mais iaire payer l’un par l’autre serait 
misérable, et sans doute qu’on ne le tentera plus. C’est 
donc avec une joie toute française que j’ai lu l’annonce 
que nous allions obtenir du frêt toujours prêt et pour 
une matière encombrante, au moyen de l’égalité, quant 
aux déchets, pour les sels français et anglais arrivaut eu 
Belgique. Mais ma joie a été dè courte durée lorsque , 
Voulant connaître précisément le chiffre des différences 


des Tins en bouteille en Belgique a toujours été fort peu de chose* et le* 
habitudes du pays y répondent si peu qu’il n’y a rien à espérer de cette 
réduction de tarif. Le riche bourgeois belge prend nos vins par pièces 
entières ; fet qüatit aux vins qui , coftitoe ceux de Champagne , ne sont 
expédiés qu’en bouteilles , notre remarque sur l’insignifiabee de b di- 
minution des droits reladveroeût au prix , s’applique ici àvee une nou- 
velle force. On n’en boira pas un verre de Champagne de plus ou de 
moins en Belgique. 


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( «6 ) 

que l’inégalité du passé avait mis entre les sels impor- 
tés en Belgique sous pavillon français et ceux importés 
sous pavillon anglais, j'ai trouvé un résultat que je 
donne en mille à deviner. Zéro pour l’une des importa- 
tions , et zéro pour l’autre. Voilà au moins un cas ma- 
ritime où nous sommes avec l’Angleterre sur un pied 
parfaitement égal de développement , chose assez rare. 

Ce n’est donc pas sérieusement qu’on met en ligne de 
compte le frêt que le traité va nous procurer; il y a à 
cela un obstacle insurmontable. Le sel entrant en Belgi- 
que sous pavillon belge est exempt de tout droit d’im- 
portation; celui entrant sous pavillon étranger, au con- 
traire , est frappé de 4 fr. par 100 kil. indépendamment 
des majorations. Toute importation se fait donc sons 
pavillon belge, et à moins que la législation de 1838 ne 
soit complètement bouleversée , il en sera toujours 
ainsi. On se félicite donc d’une victoire imaginaire. Il 
aurait fallu dire que, moyennant l’égalitéde déchets pour 
les deux sels , le pavillon belge se pourvoira peut-être au- 
tant en France qu’en Angleterre ; mais nous ne trans- 
porterons jamais la denrée ; notre navigation n’a rien à 
démêler en ceci. 

Tandis que nous écrivions ces lignes , un ministre 
belge, voyant les premiers symptômes d’agitation chez 
ses nationaux pressés comme dans un forceps par la 
double action du tarif français et de l’importation an- 
glaise, leur écrivait, le 18 du présent mois de juillet, une 
circulaire dont nous signalons deux passages à toute 
l’attention du public français. 

Par l’un, confirmant les concessions ci-dessus énon-* 
cées , que la Belgique fait à la France quant à ses vins 
et ses soieries , il disait : « Ces réductions sont stipulées - 
» dans le traité au profit de la France, mais la Belgique 
» peut les accorder à d’autres pays si elle le juge de son 
» intérêt. ». 


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( 17 ) 

Dans l’autre, parlant de l’exception toute de faveur 
où nous plaçons là Belgique dans notre tarif des matières 
de lins, M. Nothomb disait: « Le tarif sur notre fron-; 

> tière ne pourra être augmenté ; et si le tarif des autres 
» frontières subit une diminu tion de plus d’un sixième, 

> une diminution analogue devra être faite sur notre 
» frontière, de manière qu’il y ait toujours entre le tarif 
» appliqué sur notre frontière et le tarif des autres fron-' 
» tières la différence de 3 à 5. » 

Ainsi , les avantages que nous confère la Belgique 
sont communicables à tous ; ceux que nous lui' accor- 
dons ne sont communicables à personne. Que tout à 
l’heure la Belgique trouve bon dans certaines Vues , et 
pour s’assurer certains retours , de mettre les vins du 
Rhin , d’Espagne ou d’ailleurs sur le même pied que les 
nôtres , qu’elle appel le les soieries de Süisse et d’Angle- 
terre aux immunités des nôtres , qu’elle défasse isan 
indirectement ce qu’elle a fait directement, la Belgique 
pourra le faire , et cela sans conteste , sans récrimina- 
tion , sans obstacle; Qu’une nation quelconque* au con- 
traire , fasse à la France les offres les plus brillantes 
sous l’équitable et si fréquente condition d’être traitée 
comme la puissance la plus amie, ces offres Testeront 
stériles et la France devra les répudier , parce que la 
Belgique doit rester pour nous une puissance hors ligne, 
essentiellement privilégiée. Je le demande, est-ce là de 
la réciprocité, de l’égalité, de la justice? Ne semble-t-il 
pas que nous étions à l’égard de la Belgique des obligés 
à tous égards? que toute balance du commerce avait 
jusqu’ici penché pour nous ? que nous avions tout à per- 
dre en appliquant le tarif du 26 juin à la Belgique, et 
<^ue, dans l’exception sans exemple faite pour elle, la 
Belgique n‘avait rien à gagner? 

Conclusion , ce qu’il y a de bon dans le traité, ce sont 

2 . 


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( «8 ) 

moins les concessions fort modestes qu’il nous accorde 
et les conditions fort inégales qu’il y attache, que le prin- 
cipe sur lequel il repose. Il consulte la production dans 
l’un et l’autre pays, afin de ne rien faire qui lui soit gra- 
vement dommageable , afin même d’activer une sève 
généreuse dans certaines branches engourdies. Dieu 
veuille que l’empressement de nos commissaires , cer- 
taines préventions ou l’absence de documents positifs 
n’aient pas trahi leur zèle et leur incontestable dévou- 
aient ; qu’aucun préjudice ne retombe sur notre pays , 
aucun préjudice au moins dont il ne puisse aisément se 
dégager! Mais loin d’impliquer l’idée d’abandonner la 
protection , le traité tend à la régulariser et par-suite à 
la sanctionner tel est son esprit évident. Que nos gou- 
vernants , en effet , ne perdent jamais de vue qu’avec un 
tarif peut-être plus libéral que le nôtre, mais aussi avec 
un sol généralement plus fécond , une population plus 
condensée , des capitaux plus abondans et moins chers , 
un excellent système de canaux, de routes et de chemins 
de fer, la Belgique sait , en dépit de nos barrières, com- 
penser annuellement 31 millions qu’elle nous demande 
par 62 millions qu’elle nous envoie. Conclure de là à 
des redressement, rien de mieux ; à une complète union 
commerciale , rien de pire. 

Douai , le 24 juillet 1842. 



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COMPTE RENDU 


DES 


TM VAUX DR LA SOCIÉTÉ, DEPUIS SA DERNIÈRE SÉANCE PUBLIQUE, 


Par )f. PARMENTIER, avocat, secrétaire>génkral. 


Messieurs » 


Deux années se sont écoulées depuis- qu'à votre der- 
nière séance publique j’ai mis sous vos yeux l’exposé 
de vos travaux. Pendant ce laps de temps, votre activité 
ne s’est pas ralentie. De vos diverses commissions, il n’en 
est pas une qui soit restée oisive dans le cercle de ses 
attributions spéciales. Vous n’avez été indifférents à au- 
cune seience , à aucun art. Mais, voulant vous montrer 
dignes de votre premier litre , fidèles à votre principale 
mission, vous avez employé surtout vos efforts à la dé- 
fense et au perfectionnement de l’agriculture. Les séan- 
ces mensuelles de votre commission , vous mettant en 
rapport plus direct avec les agriculteurs membres cor- 


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( 20 ) 

respondans, ont établi une sorte d’enseignement mutuel 
entre la pratique et la théorie , qui a profité à tout le 
monde. Des problèmes agricoles de la plus haute impor- 
tance ont été mis en avant, étudiés avec soin, et sérieuse- 
ment débattus au seindevos conférences, et si quelques- 
uns n’ont pas été résolus, du moins avez-vous avancé > 
pour ceux-là l’état de la question. 

CARIE DES BLÉS. 

C’est cc que nous pouvons dire notamment de la 
cause et des remèdes de la carie des blés , qui ont fait le 
sujet de savantes et utiles controverses dont nous ne 
pourrions vous donner ici qu’une idée fort imparfaite. 
Disons seulement que la matière a été épuisée, sinon 
complètement éclaircie encore, par les habiles agricul- 
teurs membres correspondans , qui ont apporté à cette 
discussion le tribut de leurs lumières et de leur expé- 
rience (*). Au reste, votre commission d’agriculture con- 
tinuera à rechercher, par tous les moyens praticables , 
la cause de la production de la carie, ainsi que les remè- 
des efficaces à lui opposer , et elle a invité messieurs les 
membres correspondans à l’aider dans cette recherche, 
en Iqi communiquant leurs propres observations. 


(1) V. le journal YJneiituleur, avril 1842 , n° 4 , chez Adam d’Aubers, 
imprimeur à Douai. Nous croyons toutefois devoir ajouter que l’on trou- 
vera encore des renseignemens utiles dans le Bulletin Agricole , publié 
par |a Société d’Arras , année 1840 , n* 9 , qui contient un article fort 
remarquable de M. Legentil de Méricourt, membre correspondant de 
notre Société , sur les ccnuet de ta carie du bU et le moyen d'y remédier. Ce 
savant agriculteur est convaincu par une expérience tradiûonnelle dans 
sa fa mille que le chantage , tel qu’il l’emploie , est un remède souverain 
de là carie du blé. 


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(81 ) 


AMÉLIORATION DE LA RACE OVINE INDIGÈNE. 

Hais il ne vous suffisait pas de disserter sur l’agricul- 
ture , ses ressources et ses besoins; vous avez voulu 
mettre la main à l’œuvre et prêcher d’exemple. Vous 
étiez las de provoquer sans cesse, par des primes et des 
récompenses toujours inefficaces , l’amélioration des 
races ovine et bovine si défectueuses dans nos contrées. 
Vous avez voulu donner l’impulsion aux cultivateurs 
en leur mettant sous les yeux un bélier de la race de 
New-Kent , provenant de la bergerie de M. Mafingié- 
Nouel , membre correspondant , à la Charmoise , près 
Pont-Leroy, qui vous a généreusement fait don d’un ma- 
gnifique bélier de la race Kento-Mérinos, et auquel , en 
témoignage de gratitude , vous avez résolu de décerner 
une médaille d’or dans cette séance publique. Ces deux 
animaux,confiésaux soins de M. Bernard, de,Roost-Wa- 
rendin , membre correspondant , ont donné de si. beaux 
produits, qu’un certain nombre de cultivateurs , con- 
vaincus par l’expérience, veulent se réunir pour acheter 
un troupeau entier de la race de New-Kent , comme l’a 
fait dqjà, dans l’arrondis6ement d’Arras, M. Rohart.d’A- 
vion, seul, sans aide ni subvention, et poussé par l’uni- 
que désir d’aller plus loin que ses devanciers. Vous ne 
pouviez rester indifférents à la louable entreprise de cet 
habile agriculteur ; vous avez désiré connaître l’état de 
ses bergeries, de ses étables , et les résultats qu’il avait 
obtenus. Plusieurs de vos collègues , les plus capables 
par leurs connaissances spéciales de bien juger l'établis- 
sement pastoral de H. Rohart, l’ont visité avec le plus 
grand soin. Us vous ont dit ce qu’ils en pensaient, et 
vous avez entendu avec un vif intérêt leur rapport sur 
les animaux de diverses races bovine et ovine qui ont 
justement e-xcité leur admiration. 


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( 22 ) 

MALADIE APHTEUSE, ÉPIZOOTIQUE.— NOTICE DE M. JOUGGLA. 

Cependant , comme rien dans ce bas-monde n’est 
exempt d’imperfection , l'on a cru remarquer que la 
belle race de New-Kent était plus particulièrement ex- 
posée à une maladie épizootique , qui affecte en général 
les races ovine , bovine et porcine. Cette maladie aph- 
teuse assez étrange, encore problématique pour les 
hommes de l’art, a été soigneusement étudiée par votre 
savant collègue M. Jouggla. La notice remarquable qu’il 
en a faite, pleine de recherches scientifiques, d’observa- 
tions judicieuses et éminemment utiles pour le pays , 
sera imprimée dans le volume de vos Mémoires , 

AMÉLIORATION DE LA RAÇE BOVINE. 

C’est en vain , Messieurs , que le dernier programme 
de vos concours a augmenté la prime d’encouragement 
à l’introduction dans le pays d’un taureau à courtes cor- 
nes de la race de Durham. Personne n’a répondu à votre 
appel. Il est toutefois certain que l’on ne peut opérer 
une amélioration réelle des races indigènes que par le 
croisement avec les belles races étrangères. Bien con- 
vaincus de cette vérité , vous auriez voulu introduire 
vous-mêmes dans l’arrondissement la race anglaise per- 
fectionnée. Près de nous , là Société centrale du Pas-de- 
Calais a pu le faire, grâce aux subventions départemen- 
tales, et à l’aide d’une large allocation que le gouverne- 
ment lui a octroyée. Votre Société, moins heureuse, n’a- 
vait pas dans ses seules ressources les moyens de faire 
cette dépense , et elle s’est vue contrainte d’ajourner la 
réalisation de l’un de ses vœux les plus chers. 

AMÉLIORATION DE LA RACE CHEVALINE. 

Tout bon Français déplore la dégénération croissante 
de nos races chevalines, qui nous rend déplus en plus 


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( 23 ) 

tributaires de l’étranger. On se demande avec inquié- 
tude quel serait le moyen d’arrêter le mal sur la pente 
qui l’entraîne presque fatalement. Votre commission 
d’agriculture, qui s’en est vivement préoccupée, a consa- 
cré plusieurs séances à l’étude de ce grave problème » 
sans pouvoir se flatter néanmoins de l’avoir résolut 1 ). 

L’on voit que nous avons beaucoup à faire pour amé- 
liorer nos races d’animaux domestiques , et vous avez 
sagement pensé que ce devait être le principal objet de 
vos efforts. 

TARIF DES DROiTS A L’ ENTRÉE DES BESTIAUX ÉTRANGERS* 

Aussi deviez-vous protester, et vous l’avez fait éner- 
giquement , dans l’intérêt de l’agriculture , contre tout 
projet de diminution des droits à l’entrée des bestiaux 
étrangers. Votre protestation, soumise au gouvernement 
et aux Chambres, avait été rédigée par M. Leroy (de Bé- 
thune). Vous n’avez pas oublié. Messieurs, que votre 
honorable président, appelé au sein du conseil supérieur 
d’agriculture, qui s’est réuni cette année, y a constam- 
ment défendu les intérêts agricoles de notre pays dans 
toutes les discussions auxquelles il a pris part. Je le 
répète, vous deviez repousser de toutes vos forces un 
projet de réduction du tarif des douanes qui aurait eu 
poureffet l’anéantissement de la production nationale , 
la suppression de l’élève et de l’engraissement des bes- 
tiaux indigènes , et par suite l’appauvrissement du sol 
cultivable qui eût été ainsi privé de son principe de 
fécondité et de vie. 

ÉTAT DE L’AGRICULTURE DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD. 

Il faut le dire, au reste, l’agriculture, déjà si avancée 


(l) V. le journal V Ituliluitur, juillet et août 1311, torno 1, n M “ et S. 


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( 24 ) 

dans le département du Nord , aurait peu à gagner à la 
recherche de théories et de méthodes nouvelles. Elle 
a compris de bonne heure parmi nous que sa prospérité 
dépendait de trois choses : une grande variété dans les 
produits ; un nettoiement parfait du sol, et par-dessus 
tout un riche et fréquent engrais. 

Mais l’on pourrait sans doute désirer l’introduction 
et l’usage dans notre contrée de certaines machines qui 
suppléeraient aux bras de l’homme, devenus insuffisans 
en beaucoup d’endroit3 où l’industrie manufacturière 
les détourne de l’agriculture. 

MACHINE A BATTRE LES GRAINS. 

Nous citerons la machine à battre les grains , encore 
inappliquée dans notre arrondissement , malgré votre 
prime de 300 francs promise au cultivateur qui , le pre- 
mier, l’y aura introduite. Vous saviez que cette machine 
fonctionnait depuis plusieurs années dans la ferme de 
M; de Crombecque , de Lens , et à la grande satisfaction 
de cet agriculteur distingué , membre correspondant ; 
lui-même vous l’avait dit. Vous avez désiré qu'unde vos 
collègues en fît l’examen attentif, la description exacte, 
et qu’il vous apprît ensuite , par comparaison avec le 
mode vulgaire de battre les grains, quels pouvaient être 
les avantages et les inconvénients du battage mécanique. 
M. Dussaussoy, qui voulut bien accepter cette mission, 
l k a remplie avec conscience , et voaS avez vu, dans sa 
notice, que la machine de M. de Crombecque, stiscepti-r 
ble de perfectionnement d’ailleurs , opérait plus écono- 
miquement, plus vite et beaucoup mieux à tous égards 
que le fléau de nos batteurs en grange. MM.. Rohart , 
d’ Avion, etLéon d’Herlincourt, membres correspondans, 
qui font également usage de cette machine , s’applau- 
dissent de l’avoir introduite dqns leurs exploitations.. 


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(Î5) 

SEMOIRS-MÉCANIQUES. 

La supériorité de l’ensemencement en lignes par le 
semoir sur l’ensemencement à la volée n’est plus guère 
contestable , et M. Legentil de Méricourt , membre cor- 
respondant l’a prouvé à l’évidence dans un mémoire 
fort intéressant qui vous a été lu en commission d’agri- 
culture, Aussi le semoir-méda nique paratt-il rencontrer 
moins d’opposition dans les habitudes des cultivateurs 
que la machine à battre les grains. On le voit plus com- 
munément employé, et son usage tend à se répandre tous 
les jours. Le plus célèbre , celui dont le public s’est le 
plus occupé , c’est assurément le semoir-Hugues , sur 
lequel toutefois les opinions ne sont pas d’accord. Pour 
convaincre tous les incrédules du mérite supérieur de 
son procédé , H* Hugues est venu lui-même en, faire 
l’application dans nos contrées sur un grand nombre 
de champs qui ont été ensemencés, moitiéen lignes avec 
son semoir, moitié par la méthode ordinaire, à la volée. 
Il compte revenir à l’époque de la moisson pour démon- 
trer par l’expérience les avantages de son invention. 
Votre commission d’agriculture a prié les propriétaires 
des champs ensemencés de bien constater les résultats 
obtenus et de lui en rendre un compte exact. 

Le semoir inventé par votre collègue H. Montez, n’a 
pas fait autant de bruit dans le monde agricole que le 
semoir-Hugues, et cependant il lui serait préférable , au 
dire de M. Auguste Dubois, qui, employant l’un et l’au- 
tre , a pu les juger .comparativement à l’œuvre. Quoi 
qu’il en soit , le semoir-Moniex a un avantage réel sur 
le semoir-Hugues, c’est qu’il coûte beaucoup moins. Son 
prix , de 150 fr. , le met à la portée des petites bourses , 
tandis que le prix du semoir-Hugues,s’élevant à 450 fr. , 
ejt restreint l’usage aux riches cultivateurs. 


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DÉFRICHEMENT DES BOIS ET FORÊTS. 

Le défrichement des bois et forêts doit-il être laissé 
an libre arbitre des propriétaires ou rester soumis à l'au- 
torisation préalable du gouvernement? C’est un point 
fort controversé. Il n’y a point d’année que plus d’un 
pétitionnaire ne demande, que souvent même des députés 
ne proposent aux Chambres de lever les entraves mises 
par la loi au défrichement des bois. On l’a fait jusqu’ièi 
sans succès. M. Leroy (de Bailleul), membre correspon- 
dant, dans un mémoire qu’il vous a adressé sur le défri- 
chement des forêts, établit une distinction entre celles 
ne produisant que des bois de chauffage, de jour en jour 
moins nécessaires suivant lui, par suite de l’exploitation 
du charbon fossile, ét les forêts qui donnent des bois de 
Construction. Ces dernières seulement devraient être 
conservées, dit-il, parce que ces bois sont nécessaires , 
que rien ne peut les remplacer, et qu’à leur défaut nous 
serions dépendants de l’étranger. Et puis, toutefois, di- 
visant en trois catégories les forêts à conserver, il pro- 
pose , dans l'intérêt de l’agriculture , la vente des lisiè- 
res, et aussi le défrichement de certaines forêts, notam- 
ment celle de Nieppe , dont le sol est très-propre à la 
culture des céréales , ou à être converti en prairies. M. 
Delattre, votre collègue, que vous avez chargé d’exami- 
ner cet ouvrage, en a fait le sujet d’un rapport fort inté- 
ressant qu’il vous a lu. Avec l’autorité que lui donnent 
ses connaissances spéciales et sa longue expérience, il 
combat la plupart des idées émises par M. Leroy ( de 
Bailleul). Ainsi les lisières ne pourraient être suppri- 
mées sans danger, car elles sont nn moyen de protec- 
tion , une sorte de boulevard établi contre les grands 
vents si funestes, surtout daHs le voisinage de la mer ; 
et d’un autre côté , si l’on défriche les forêts dont le sol 
pourrait être avec avantage livré à l’agriculture, où 


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s’arrêtera-t-on dans cette voie ? N’a-t-on pas fait dispa- 
raître déjà du sol forestier des masses trop considéra- 
bles ? Une nation ne vit pas seulement de pain , il lui 
faut des bois, non pas tant pour son chauffage que pour 
sa navigation, sa marine, ses armemens et ses construc- 
tions de tous genres , et c’est , pour le dire en passant , 
ce que Montesquieu avait sans doute perdu de vue, lors- 
qu’il écrivait dans son Esprit des Lois : « Ues pays où 
» les mines de charbon fournissent des matières propres 
» à brûler, ont cet avantage sur les autres, qu’il n’y faut 
» point de forêts et que toutes les terres peuvent être 
» cultivées (Liv. 23. ch. 14). » On s’étonne vraiment 
de trouver une remarque aussi superficielle , une opi- 
nion si peu réfléchie dans le bel ouvrage de ce grand 
publiciste. Dirons plutôt, avec M. Delattre, qu’il importe 
de mettre un terme aux défrichemens multipliés dont 
les conséquences sont désastreuses pour le pays. Pour- 
rait-on ne pas conserver précieusement ce qui nous 
reste de forêts , lorsque l’on voit, par les comptes-ren- 
dus de l’administration des douanes, que les importa- 
tions en bois de construction , en merrain et même en 
bois de chauffage, dépassent immensément les exporta- 
tions (*) ? Je ne puis vous donner ici plus ample connais- 
sance du rapport de M. Delattre, que vous lirez tout en- 
tier dans le volume de nos Mémoires. 


(1) 1840. — Les importations en bois de mâture et 


de construction se sont élevées à une valeur de. . . 24,666,309 fr. 

Les exportations à. 3,697,038 

L’importation du merrain à. 4,777,946 

L’exportation à 058,987 

Les importations de bois de chauffage à. • . . 3,020.793 

Les exportations à. .......... 90,363 


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ESSAIS DE CULTURE. 


Pour finir la première partie de ce compte-rendu , je 
dois vous parler brièvement de divers essais de culture 
qui ont été entrepris ou continués depuis votre der- 
nière séance publique. 

blé b’espagne. 

M. Anacharsis Bommart , votre collègue, a cultivé le 
blé dit d’Espagne ou de Talavcyra avec grand avantage. 

Leblé semé le 44 mars sur45 ares de terre bien fumée 
a produit 18 hectolitres de bon grain , fort pesant , à 
pellicule fine, qui donna une belle farine. 

La paille , plus élevée , mais aussi plus fibreuse que 
celle du blé de saison, n’a point été essayée comme nour- 
riture des bestiaux. M. Bommart ayant fait semer cent 
litres par 45 ares a reconnu que cette quantité est trop 
considérable, parce que le blé talle fortement. Il se pro- 
pose, dans ses expériences ultérieures, de faire ses semis 
du 15 février au 15, mars. 

Il est facile d’apprécier les avantages de cette culture 
en remarquant que le produit du blé de saison sur les 
terres où a été cultivé le blé d’Espagne comme blé de 
mars, et dans les mêmes conditions d’ailleurs, estseule- 
mentde 13, 14 ou 15 hectolitres, et que le produit moyen 
des blés de mars n’est que de dix hectolitres par 45 ares. 

M. Fiévet, deMasny , membre correspondant, a bien 
voulu se charger de faire une expérience comparative 
depanification entre leblé d’Espagne et le blé ordinaire. 
Les deux pains faits avec l’un et l’autre blé, ont été mis 
sous vos yeux. La comparaison a été favorable au blé 
d’Espagne. Vous avez reconnu que lë pain en prove- 
nant avait meilleur goû t , était plus blanc que l’autre. Le 
grain de ce blé est plus riche en gluten que celui de blé 


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(29 ) 

ordinaire ; car , sur une quantité égale (75kilogr.), mise 
au moulin, il a procuré environ un kilogramme déplus 
en pain , et il faut dire en outre que le son de qp blé est 
plus.ehargé de gluten que lesondu blé ordinaire. 

La culture du blé d’Espagne mérite donc d’èt rerépan- 
due dans le pays. 


MADIA— SATI VA. 

Pouvons-nous en dire autant du Madia-Sativa , plante 
oléagineuse, originaire du Chili, dont la culture a étéin- 
troduite en France depuis peu d’années? M. Auguste 
Dubois , qui l’a cultivé , nous fait connaître , dans un 
rapport écrit sur les résultats de son expérience , que 
le madia semé à la volée , le 27 avril 1840 , avait atteint 
tout son développement vers le 25 juillet. Les tiges 
s’élevaient alors à 65 centimètres , chacune portait 
plusieurs fleurs qui ne s’ouvraient pas en même temps. 
Vers le 10 août, les plantes furent arrachées et le 26 août 
l’on récolta la graine. 

Un premier battage produisit. ... 7 hectol. 25 litr. 

Un 2 e battage fait 15 jours plus tard. 1 hectol. 10 litr. 

Total. 8 hectol. 35 litr. 

Six hectolitres de graines ont fourni 81 litres d’huile et 
284 tourteaux. 

M. Dubois emploie l’huile de madia dans ses lampes- 
carcel, et il la. trouve bien supérieure à l’huile de colza 
pour l’éclairage; mais il ne pense pas qu’elle puisse ser- 
vir cohune substance alimentaire. Peut-être en lavant 
la graine dans une eau tiède avant de la soumettre au 
tordoir, parviendrait-on à lui enlever ce principe d’a- 
mertume qui rend l’huile insupportable au goût. C’est 
une expérience à faire. En résumé, votre collègue doute 
que la culture de cette plante oléagineuse convienne 


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( 30 ) 

à notre pays. Sa floraison successive, sa fleur touffue, 
serrée , entourée de follioles qui ne laissent que peu 
d’action à l’air , seront autant de causes dë destruction 
de la graine dans les années pluvieuses. L’expérience a 
été faite dans une année sèche, sur des terres d’excel- 
lente qualité ; il faudrait pour se fixer sur les avantages 
de cette plante , renouveler l’expérience sur des terres 
médiocres et même pendant une année moins favorable 
que ne l’a été 1840 à sa récolte. 

M. Anacharsis Bommart, qui, en 1840, a également 
semé le madia sur 45 ares de bonne terre bien, fumée, a 
récolté 15 hectolitres 75 litres de graine. 

M. Houseau , de Lallaing , membre correspondant , 
qui dans la même année a aussi cultivé cette plante, 
vous a rendu compte de3 résultats de sa culture, qni dif- 
fèrent peu de ceux obtenus par MM. Dubois et Bommart. 
Enfin, Messieurs, dans votre champ d’expérience, 6 ares 
de terre ont donné , en 1841 , 2 hectolitres de graines 
de madia. 

Nous n’avons point ici a nous prononcer pour ou 
contre cette culture; mais dans l’état des choses, il nous 
semble qu’on doit s’abstenir de juger, ou suspendre son 
jugement jusqu’à plus ample informé, L’expérience en 
décidera. 

XLÉ GÉANT. 

Depuis 1832 , le blé-géant est cultivé sur votre champ 
d’expériences. La semence n’a pas dégénéré , la paille 
seulement a diminué de hauteur. Un hectolitre de blé , 
récolté en 1841 , pèse 80 kilogr. ; le meilleur blé du pays 
atteint rarement ce poids. Et, de plus , tandis que 6 are» 
ont produit 80 bottes et un hectolitre et demide blé-géant 
à 20 francs . . 30 francs. 

La même étendue de terre n’a produit en 


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( 31 ) 

blé du pays que 70 boites et un hectolitre 
«U quart à 20 francs francfi 

U paille est bonne, les chevaux et les vaches la man-1 
gent volontiers lorsqu’elle est assouplie par le battage. 

CAROTTE A COLLET VERT. — POMME DE TERRE DE ROHAN. 

Dans le rapport que M. Broy, membre correspondant 
à Cuincy, vous a rendu des résultats obtenus sur votre 
champ d’expériences, en 1841, vous avez remarqué que 
la culture des plantes nouvelles comparée avec celle des 
plantes cultivées depuis long-temps présentait un avan- 
tage assez notable. Ainsi la carotte à collet vert rapporte 
beaucoup plus que celle du pays; il y a 20 p. 0/0 de dif- 
férence en produit. Ainsi encore, dans un champ de six 
ares, la pomme de terre de Rohan a rendu huit hectoli- 
tres, tandis que celle du pays, sur la même étendue de 
terre, a procuré six hectolitres seulement qui ont été 
vendus au même prix de 5 francs. Cependant la pomme 
de terre de Rohan serait inférieure à l’autre en qualité, 

m dire de M. Broy, qui la donne ordinairement aux 
bestiaux. 

ORGE NAMPTO. 

Vous avez tenté cette année une nouvelle expérience 
en cultivant l’orge dite Nampto,dontM. Othman, mem- 
bre correspondant à Strasbourg, avait bien voulu vous 
envoyer deux litres. Cet agriculteur aussi zélé que sa- 
vant a fait venir directement lagrainedela Russied’Asie. 

Il vous a écrit que cette variété a le double avantage, 
d’abord de rendre deux et trois fois plus, et ensuite de 
contenir en substance nutritive une fois autant que toute 
autre variété d’orge. Ainsi elle aurait rendu depuis 65 
jusqu’à 120 grains pour un de semence. M. Auguste 
Marescaille de Courcelles, membre correspondant à Lille, 
qui le premier, dans ce pays, a cultivé l’orge Nampto 


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( 82 ) 

dont M. Othmanlui avait procuré la graine, vous a écrit 
qu’il en avait semé un seizième de litre, en 1841, sur 
trente centiares de terre de jardin. La graine avait été 
clair-semée, parce qu elle talle beaucoup. Les grandes 
pluies du mois de juillet n’ont pas empêché son déve- 
loppement. Êlle était mûre à la fin de ce mois, J>Ius tôt 
que les autres variétés ne mûrissent. 

Le seizième de litreseméa produit dix litresde graines, 
nonobstant les pertes causées par la saison humide et Iat 
voracité des oiseaux. C’est encore plus que M. Othman 
n’avait dit. M. de Courcelles, encouragé par ce brillant 
début, a dû continuer une expérience que nous avons 
commencée celte année. Nous pourrons comparer les 
résultats ; mais tout nous fait espérer que la culture de 

l'orgeNamptoseraune précieuseacquisition pour ce pays. 

VARIÉTÉS NOUVELLES DE SEIGLE* D AVOINES ET DE LIN. 

M. Othman vous a également envoyé un litre de 
graines d’une nouvelle variétéde seigle (secalearttndina- 
ceum), qui rapporte, dit-on, une fois autant qüe le seigle 
mnlticaule,et, en outre, de la semence de plusieurs varié- 
tésd’avoines étrangères, delin vivace et de malva crispa, 
plante originaire de la Syrie. Vous avez fait la distribu- 
tion deces graines entre divers membres correspondans, 
qui en essaieront la culture. 

POIS DE KNIGTS. 

M. Othman a joint à cet envoi des pois de knigts, qui 
seraient plus sucrés, plus délicats et plus productifs 
que le petit pois Michaux. Vous jugerez par l’expérience 
si leur réputation est ou n est pas usurpée. 


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SCIENCES EXACTES ET NATURELLES. 

MOYENS DE SOUSTRAIRE i/EXPLOITATION DES MINES DE HOUILLE 

AUX CHANCES D’EXPLOSION. — RAPPORT DE M. BLAVIER. 

Je viens de vous présenter, Messieurs, un simple 
aperçu de vos travaux en agriculture; je placerai sous la 
rubrique des sciences exactes et naturelles un rapport 
du plus haut intérêt que vous a fait *M. Blavier , sur un 
ouvrage renvoyé à son examen et relatif aux moyens de 
soustraire l’exploitation des mines de houille aux chan- 
ces d’explosion. Il appartenait à votre savant collègue, 
ingénieur en chef des mines, mieux qua tout autre de 
bien traiter ce sujet. Il avait en outre le mérite de 1 a- 
propos, aujourd’hui que l’exploitation des mines de 
houille a pris un immense développement, qu’elle est 
devenue, en quelque sorte, l’affaire de tous, riches et 
pauvres, petits et grands, qui n’ont pas craint de mettre 
à cette loterie, ceux-ci des capitaux considérables et 
ceux-là toutes leurs épargnes péniblement accumulées. 
Mais les ouvriers mineurs risquent bien plus encore dans 
les houillères: ils y exposentleursantéetleur vie. Le feu 
grisou est pour eux , comme l’épée de Damoclès , cons- 
tamment suspendu sur leurs têtes. Le gaz qui se répand 
dans les mines, connu sous le nom de grisou, vous a dit 
votrecollègue.secomposed’hydrogène protocarboné, mé- 
langé dans la proportion de 8 p. 0/0 environ d’hydrogène 
bicarboné et d’azote. On n’est pas d’accord sur la cause 
génératrice de ce gaz. Suivant les uns, il serait renfermé 
dans les pores de la houille; suivant les autres, c’est le 
produit d’une décomposition qui s’opère par suite de 
l’exploitation , alors que l’eau suinte et se met en contact 
avec la houille. Ce ne sont encore que des hypothèses. 
M. Blavier pense avec d’autres savants que si le gaz se 
manifeste avec abondance quand la pression almos- 


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( 34 ) 

phérique devient moins considérable, c’est parce qu’a- 
lors l’aérage se fait moins bien dans la mine. Du reste, 
la science n’a encore trouvé aucun moyen d’empêcher 
la formation de ce gaz, et quand il est formé, c’est par 
la ventilation, par l’aérage qu’il faut l’entraîner et le 
détruire; ce qui s’opère le plus ordinairement au moyen 
d’un foyer que l’on place au bas du puits d’extraction 
mis en communication avec le puits d’aérage. On établit 
ainsi un courant d’air qui entraîne tous les gaz qui 
peuvent se dégager. 

Un point des plus importans pour prévenir les acci- 
dents, c’est le mode d’éclairage. On ne peut employer 
de lumière à feu nu, car le contact de la lumière avec 
le gaz déterminerait immédiatement l’explosion. Davy 
a imaginé de couvrir la lampe d’un treillage métallique. 
Il a observé que le gaz brûle dans un cylindre de cette 
nature, le fait rougir jusqu’au blanc, sans que la com- 
munication s’établisse à l’extérieçr, en règle générale 
du moins ; car si la lampe est exposée à un courant très 
vif, la communication avec le gaz ambiant peut s’établir 
et déterminer l’explosion. Il faut dire en outre que ces 
lampes éclairent peu, la lumière pouvant à peine se ré- 
pandre au travers du tissu métallique qui l’environne. 
On a donc cherché à perfectionner les lampes de Davy, 
et M. Blavier a mis sous vos yeux une lampe perfection- 
née qu’il a vu employer près de Liège. Le cylindre qui 
surmonte le réservoir d’huile et entoure la lumière est 
composé, à sa partie inférieure, d’un cristal très épais; la 
partie supérieure seulement est en toile métallique. 
Entre les deux parties du cylindre se trouve un dia- 
phragme, en toile métallique également, traversé par un 
petit cylindre en cuivre qui se trouve placé au-dessus 
de la flamme. Si la combustion devient plus rapide à 
l’intérieur de la lampe par la combustion du gaz, alors 


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( 35 ) 

l’acide carbonique dégagé se précipite au fond de la lampe 
où il se mélange avec l’air ambiant qui alimente la flamme 
et bientôt la lumière s’éteint. C’est ainsi que dans la 
mine où M. Blavier a vu faire usage de ces lampes, elles 
se sont éteintes tout d’un coup par l’effet d’un courant 
d’air inflammable qui s’était subitement manifesté. 

Lorsqu 'un acciden ta 1 ieu , on n’a encore que des moyens 
peu sûrs et fort imparfaits de pénétrer dans la mine. Un 
ouvrier mineur muni d’un masque s’avance, emportant 
avec lui une provision d’air respirable enfermée dans un 
réservoir portatif en caoutchouc ou en cuir élastique ; 
mais ce sont des appareils plutôt théoriques que prati- 
ques. D’ailleurs, on nepeutguèreemporter par ce moyen 
qu’une quantité d’air suffisante pour sept ou huit minu- 
tes environ. L’appareil en outre est fort gênant, quand 
il faut passer, au milieu des éboulements, dans d’étroites 
excavations. On a imaginé de comprimer de l’air à 25 
ou 30 atmosphères ; on en aurait ainsi pour 20 à 25 mi- 
nutes dans un récipient de la grandeur d'un sac de sol- 
dat; mais ce moyen n’a pas encore été expérimenté. 

M. Blavier doit se livrer à de nouvelles expériences et 
il a promis de vous en communiquer les résultats. 

MÉMOÎRE DE M. VASSE SUR L* APPLICATION DE L’ ANALYSE A LA 
SOLUTION DE QUELQUES PROBLÈMES AUXQUELS PEUT 
DONNER LIEU L’ÉLECTION DES DÉPUTÉS. 

H. Vasse aîné, professeur de physique au collège royal, 
votre collègue, vous a lu quelques morceaux détachés 
d’un mémoire fort savant sur l’application de l’analyse 
à la solution de plusieurs problèmes auxquels peut don- 
ner lieu l’élection des députés. Mais un travail de hautes 
mathématiques comme celui-là, pour être bien apprécié, 
doit être soumis à des juges spéciaux. Qu’il excédât ou 
non d’ailleurs les bornes de votre compétenceen matière 


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( 36 ) 

scientifique, il méritait bien qu’une juridiction supé- 
rieure en fît l’examen. C'est pourquoi vous avez engagé 
M. Vasse à compléter son mémoire pour l’adresser en- 
suite à l’Académie des sciences. 

CERCLE COMPUTATEUR DE M. HACART. 

M. Hacart, menuisierà Douai, vous a présenté un ins- 
trument de son invention nommé cercle computateur. 
Vne commission spéciale que vous avez chargée de l’ex- 
aminer n’y a vu qu’une modification de la règle à cal- 
culer des Anglais, et cet le modification n’est pas heureuse. 
Elle avait déjà été essayée, puis abandonnée comme 
inutile par les inventeurs de la règle anglaise eux-mémes. 
Vous avez donc pensé qu’il ne fallait pas engager M. Ha- 
cart à donner suite à son idée, en faisant confectionner 
de nouveaux instrumens; et toutefois, pour récompenser 
son travail, vous avez résolu de lui décerner une mé- 
daille d'argent dans cette séance publique. 

SAVON 1IYDROFUGE DU SIEUR MENOTTI. 

L’invention du sieur Ménotti vous a paru plus utile. 
Vous n’avez porté votre jugement sur son savon hydro- 
fuge qu’en parfaite connaissance de cause. Vous avez 
désiré savoir s’il jouissait réellement des propriétés que 
lui attribue son inventeur. M. Dussaussoy, au nom d’une 
commission spéciale que vous aviez chargée défaire cette 
vérification, vous a appris, dans un rapport lumineux et 
fort circonstancié qui figurera dans le recueil de vos 
Mémoires , les résultats des diverses expériences qui 
ont été faites avec ce savon sur des étoffes de qualité et 
de composition différentes. 

Il résulte de ces expériences que les tissus les plus 
serrés acquièrent le plus d’imperméabilité par reflet du 
savon bydrofuge, et que ceux de coton écru et de toile 


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( 37 ) 

grise fixent le mieux ce savon. Au contraire, l’on ne 
pourrait appliquer ce procédé avec succès aux tissus qui 
présentent de grosses et larges mailles, c’est-à-dire aux 
étoffes très communes, et c’est ce que l'inventeur avait 
déjà reconnu. 11 était à craindre qu’en sortant de la dis- 
solution savonneuse ces tissus ne s’opposassent à la cir- 
culation de l’air dans lesvétemens et au dégagement de la 
transpiration; mais l’expérience a prouvé qu’ils restaient 
perméables à l’air en devenant imperméables à l’eau. 
La difficulté de bien blanchir les tissus qui ont été im- 
prégnés de de savon ne peut pas en faire rejeter l’emploi, 
parce qii’on ne tient point à avoir les roulières , blouses/ 
vestes, aussi propres que le linge fin; mais les petits soins 
que sa dissolution exige pour en prévenir la fermenta- 
tion, surtout pendant l’été, rebuteront, je le crains, les 
personnes qui seraient tentées d’en faire usage. De plus, 
la dépense, quoique faible pour le riche, peut être un 
obstacle pour le pauvre, puisque chaque routière ainsi 
préparée revient à quarante centimes environ, non com- 
pris le blanchissage préalable. 

En définitive, vous avez pensé que le savon hydro- 
fuge du sieur Ménotti, s’il avait des inconvénients, pré- 
sentait assez d’avantages dans un grand nombre de cas 
pour être considéré comme une bonne etutile invention. 


SCIENCES MQRALES ET HISTORIQUES. 

Les bornes étroites d’un compte-rendu m’obligent de 
passer rapidement sur les divers objets de vos travaux 
et ne me permettent^ de vous en offrir ni l’exposition 
ni même l’analyse complète. Je serai donc bref sur le 
chapitre des sciences morales et historiques dont il me 
reste à vous entretenir. 


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MÉMOIRE DE M. LAURENS SUR LA QUESTION DES ENFANTS 

TROUVÉS. 

M. Laurens, membre correspondant à Sa verdun (Ar- 
riège ) , vous a adressé un mémoire intitulé : Considérations 
sur les vices de la législation dans ses rapports avec la question 
des enfants trouvés. Aux yeux de l’auteur, la dépravation 
toujours croissante et l’augmentation du nombre des 
enfants trouvés tiennent aux vices de la législation, sur- 
tout en ce qui touche, 1". l’affaiblissement de la puissance 
paternelle; 2®. l’interdiction de la recherche de la pa- 
ternité; 3°. la facilité d’exposer et d’abandonner les en- 
fants à l’aide des tours des hospices. 

Nous n’avons pas à discuter ici une question fort dé- 
battue entre les meilleurs esprits et sur laquelle on 
doit attendre la solution de l’expérience avant de se pro- 
noncer; mais nous croyons pouvoir dire dès à présent, 
contre l’opinion de M. Laurens, que l’interdiction delà 
recherche de la paternité doit être maintenue, quand 
même, en la levant, on diminuerait (ce qui est douteux) 
l’intensité du mai dont on se plaint; car, dans ce cas, le 
remède serait pire que le mal. Autoriser la recherche de 
la paternité, ce serait ouvrir la porte aux plus scanda- 
leuses procédures et donner en quelque sorte une prime 
à la spéculation des filles-mères. 

Dans la seconde partie de son mémoire, l’auteur re- 
cherche les causes de l’accroissement du nombre des 
enfants trouvés , à l’aide de renseignements statistiques 
d’un haut intérêt. Il s’attache à démontrer que cette 
augmentation est due principalement à l’existence des 
tours; enfin il compare à ce propos les législations 
étrangères avec celle de la France. 

Une troisième partie est consacrée à l'examen des 
objections que soulèvent les partisans des tours. 


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( 3» ) 

Enfin, dans une dernière partie, M. Laurens examine 
les moyens employés jusqu’à ce jour ou que l'on pour- 
raittenter encore, afin d’arriver à la destruction des abus. 

ESSAI SUR l’histoire DES INSTITUTIONS DES PRINCIPAUX PEU- 
PLES , PAR M. TAILLIAR. 

M. Tailliar, qui s’est déjà fait un beau nom dans la 
science avec ses travaux historiques, n’a pas mis dans la 
connaissance des événemens le terme et la fin dernière 
de ses études. Ce n’est pour lui que le moyen d’atteindre 
un but plus élevé. Suivant le précepte d’un grand maî- 
tre, votre collègue, dans ses savantes recherches, se 
propose un double objet: éclairer les lois par l’histoire, 
et l’histoire par les lois. Le dernier travail qu’il vous a 
présenté a pour titre : Essai sur l histoire des institutions 
des principaux peuples. Nous regrettons de ne pouvoir 
vons en donner ici que le sommaire : le volume de vos 
Mémoires suppléera à nos omissions. Ce travail com- 
prend quatre grandes divisions : les temps anciens, l’é- 
poque romaine, le moyen-âge, les temps modernes. 

L’histoire des institutions des peuples anciens peutse 
diviser en quatre périodes : 

La première s’étendant depuis les temps primitifs jus- 
qu’au douzième siècle avant Jésus-Christ. Ce dernier 
siècle est celui de la décadence des institutions théocra- 
tiques et héroïques, de l’invasion des Doriens dans la 
Grèce et des émigrations nombreuses qui en ont été la 
suite. 

La deuxième période s’étendant du 12 e siècle à 1 ’avc- 
nement de Cyrus, en 560. 

La troisième, de l’avénement de Cyrus à celui d’Alexan* 
dre , en 336. 

La quatrième, de ravénementd'Alexandrcàla dictature 
de Jules-César, 47 ans avant Jésus-Christ. 


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( 40 ) 

M. Tailliar a réuni, dans la première partie de son 
ouvrage, qui n’est pas encore achevé, les deux premières 
périodes. 

Il peintd’abord à grands traits, et avec une rigoureuse 
précision de lieux, le développement des premières 
sociétés; puis il recherche les formes primitives des 
gouvernemens , et il trouve qu’elles ont consisté dans la 
théocratie et la royauté. Les gouvernements théocrati- 
ques l’occuperont d’abord. Toutefois, avant d'aborder 
l’histoire particulière de chacun d’eux, il signale sous 
le titre d’observations générales le caractère des théocra- 
ties anciennes, les principes qui leur étaient communs, 
la profonde distinction des castes et l'influence perma- 
nente de la religion sur le droit privé, enfin les éléments 
de force des gouvernemens théocratiques et les causes 
qui peuvent amener leur décadence. 

Les Chaldéens attirent les premiers l’attention de 
M. Tailliar, qui s’occupeensuitedelathéocratiedes mages. 
Il trace rapidement l’histoire des personnages qui ont 
porté le nom de Zoroastre, donne l’historique et l’ana- 
lyse du livre sacré le Zend-Avesta, vaste corps de doc- 
trine religieuse, politiqueet civile tout à lafois, et arrive 
à l’Inde où il s’arrête un peu sur le Brahmanisme et les 
lois de Manou , résumant ce que les anciens nous ont 
laissé de plus important à ce sujet et ce que les décou- 
vertes modernes sont venues y ajouter. La formation 
de la société indienne et la composition de la famille 
fournissent à M. Tailliar des pages pleines d’intérêt. Il 
parle successivement des castes indiennes, deleurori- 
gine et de leurs vicissitudes, s’attachant à chacune 
d’elles pour faire connaître les devoirs spéciaux imposés 
à leurs membres. 

Dans l’origine , les classes enfantées par Brahma 
étaient pures. Les mauvaises passions altérèrent cette 


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(*• ) 

pureté et donnèrent naissance à des races bâtardes ré- 
prouvées aux yeux de Manon. Parmi ces races flétries, 
la pins abjecte est celles des Schandalas, les derniers des 
mortels. 

Pour en finir avec la théocratie indienne. M. Tailliar 
doit s’occuper encore de la commune, de la distribution 
et de la transmission de la propriété, du gouvernement, 
et en particulier des prêtres et des rajahs, des lois de 
Manou et enfin de l’organisation judiciaire. 

ÉTAT DE LA SCrïHCK POLITIQUE AU MOTIN-AGF. 

M. Tailliar vous a donné communication d’un autre 
travail qui ne manque pas d’intérêt. En recherchant ce 
qu’est devenue la science politique au moyen-âge, il a 
dressé la liste des auteurs qui ont écrit sur cette matière 
depuis le sixième siècle jusqu’à la fin du seizième. Cette 
liste commence par le moine Agapet, auteur de la Scheda 
Regia, recueil de conseils adressés à l’empereur Justi- 
nien sur le gouvernement, et dont quelques-uns sont 
remarquables par leur hardiesse. Parmi les vingt-neuf 
auteurs dont les noms suivent , oû remarque St.-Thomas 
d’Aquin; Machiavel, Erasme, Thomas Morus, Bodin, 
Juste Lipse, le jésuite Mariana, François Bâcon, enfin, 
le fameux chancelier d’Angleterre, condamné en 162 L 
comme coupable de vénalité et de corruption, mais qui 
fut au plus haut degré jurisconsulte, philosophe et pu- 
bliciste, François Bâcon dont Bolingbroke, trop indul- 
gent peut-être, a dit: « C’est un si grand homme que 
j’ai oublié ses vices. » 

NOTICE GÉNÉALOGIQUE SUR LA FAMILLE DE FOREST. 

M. Brassart, conservateur du Jardin des Plantes, votre 
laborieux archiviste, vous a donné lecture d’une notice 
généalogique qu’il a faite sur la famille de feu M. de 


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( « ) 

Forest de Quartdeville, président à la cour royale, votre 
ancien collègue, dontjvous avez tous bien vivement res- 
senti la perte et qui a laissé dans le pays une mémoire 
si vénérée. 

INVENTAIRE DES ARCHIVES DE L* ÉGLISE SAINT-PIERRE. 

M. Brassart vous a communiqué, en outre, l’inventaire 
qu’il a dressé des archives de l’église collégiale de Saint- 
Pierre de Douai, avec ce zèle intelligent et consciencieux 
dont il vous a donné déjà plus d’une preuve. Vous vous 
rappelez qu’il a obtenu à votre dernier concours une 
grande médaille d’or pour son histoire des établissemens 
de charité de la ville de Douai. 

Cet inventaire estdivisé en quinze parties ou chapitres, 
de manière à rendre les recherches faciles. La première 
partie comprend les bulles, mandements et pièces qui 
peuvent servir à l’histoire de l’église St.-Pierre ; 

Dans la deuxième, M. Brassart a rangé toutes les piè- 
ces relatives aux constructions et travaux; 

Dans la troisième, les testamens et les actes de do- 
nation ; 

Dans la quatrième, les titres relatifs aux biens et ren- 
tes, comptes et inventaires; 

La cinquième énumère tous les actes qui concernent 
une confrérie établie dans l’église, sous l’invocation de 
St.-Joseph ; 

La sixième, tous ceux qui se rattachent à la fondation 
de l’enfant Jésus ; 

Les archives de .l’église St.-Pierre renfermaient des 
documens qui s’appliquaient à d’autres établissemens 
religieux. M. Brassart s’en occupe dans les parties sui- 
vantes. 


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(«) 

Ainsi la septième est consacrée au séminaire Delan- 
noy; 

La huitième, à la table du St.-Esprit, érigée en l’église 
St. -Jacques ; 

La neuvième, à la table du St.-Esprit de l’église Saint- 
Nicolas; 

La dixième inventorie une pièce qui se rattache à 
l’église Notre-Dame ;. 

La onzième mentionne diverses pièces et requêtes 
relatives à la congrégation de Notre-Dame; 

La douzième partie reprend un acte de vente qui in- 
téresse le couvent des Minimes ; 

La treizième s’applique à une fondation pieuse et 
charitable instituée en 1726, parla D elle Catherine Lesel- 
lier, dame de la Préelle; 

La quatorzième se borne à l’indication d’un chant 
royal présenté au concours de la confrérie des clercs 
parisiens, en 1772; 

Dans la quinzième , enfin , M. Brassa rt a classé les regis- 
tres, états, comptes et renseignemens relatifs à l’hôpital 
des Huit-Prêtres. 

nÉDACTION DU CATALOGUE DE LA BIBLIOTHÈQUE. 

Depuis long-temps vous désiriez, Messieurs, que l’on 
dressât le catalogue de votre bibliothèque; car faute 
d’un catalogue, la plus belle collection de livres ne peut 
être consultée; elle devient, si j’ose le dire, mystérieuse 
et impénétrable comme ces grandes forêts vierges dont 
les riches produits sont inutiles, parce qu’ils sont inac- 
cessibles et qu’il n’y a pas moyen de les exploiter. Mais 
grâces à M. Brassart qui s’en est occupé avec une per- 
sévérance bien louable, le catalogue a été mis à fin et 
livré à l’impression. 


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(«) 

GLOSSAIRE DE L* ANCIEN LANGAGE DOUA1SIEN. 

Un excellent travail a été entrepris par votre commis* 
sion des sciences morales et historiques. Elle a tracé le 
plan et posé les bases d’un glossaire de l’ancien langage 
douaisien, qui facilitera l’intelligence des anciens textes 
et de tous les documens relatifs à l’histoire locale. 

Je terminais, il y a deux ans, le compte-rendu de vos 
travaux, en déplorant avec vous, Messieurs, la perte def 
cinq collègues infiniment regrettables. ' Plus heureux 
cette fois, je n’ai pas à vous rappeler de tristes souvenirs. 
La mort vous a épargnés depuis votre dernière séance 
publique, comme si elle eût voulu compenser, par une 
faveur singulière, les rigueurs extrêmes qu’elle avait 
exercées, les années précédentes, sur votre Société. 



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RAPPORT 


SCA 

LS CONCOURS POUR L’AMÉLIORATM>N DBS RACES DB BESTIAUX 
ET SUR LES RÉCOMPENSES ACCORDÉES AUX VALETS 
EJ SERVANTES DE FERMES ; 

Par M. JOUGGLA , médecin-vétérinaire. 


Messieurs, 

Les Sociétés qui s’occupent des intérêts de notre agri- 
culture et des moyens qui peuvent la rendre prospère, 
ont bien senti toute l’importance qui se rattache au rôle 
desagents employés à la culture des terres; aussi voyons- 
nous figurer dans le programme des récompenses dé- 
cernées par la plupart des sociétés agricoles les valets 
et servantes de ferme; et c’est là en effet. Messieurs, un 
point qui mérite toute votre sollicitude. Car ceux ou 
celles qui se font remarquer par de bons et de longs 
services, par leur dévouement aux intérêts et à la per- 
sonne de leur maître, méritent, non seulement la fai- 
ble récompense que vous leur accordez , mais encore la 


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( ** ) 

reconnaissance universelle. Par leurs travaux ils coopè- 
rent puissamment à la fortune particulière, de laquelle 
naît la fortune publique, et comme toutes les richesses 
naissent du travail et que le travail est lui-même l’œuvre 
d’un mouvement que l’intelligence conduit, il convient 
donc, pour arriver à d’heureux résultats en agriculture, 
de récompenser l’un et de favoriser le développement 
de l’autre. Quoi de plus précieux en effet, Messieurs, pour 
un cultivateur, qu’un domestique intelligent et dévoué 
à ses intérêts? Ne tient-il pas entre ses mains une partie 
de la fortune de son maître? Les soins que réclame le 
bon entretien des animaux et des instruments aratoires, 
la bonne direction des travaux, les récoltes qui en sont 
la conséquence, et qui se trouvent presque toujours en 
rapport avec la culture du sol, constituent la base pre- 
mière sur laquelle repose la prospérité de notre écono- 
mie rurale. 

Vous avez donc voulu. Messieurs, en accordant des 
récompenses à ce genre de mérite, et par la nature même 
de ces récompenses, insinuer parmi les classes ouvrières 
de nos campagnes cet esprit de loyauté, de zèle, d’ordre 
et de dévouement, qui semble se perdre au milieu de 
cette génération nouvelle, et que vos généreux efforts 
et votre sollicitude s’efforcent de propager. C’est peut- 
être en vain, Messieurs, que vous avez entrepris une 
tâche aussi difficile; maisquel qu’en puisse être lerésul- 
tat, vous aurez accompli une œuvre digne du rang dis- 
tingué qu’occupe votre Société royale d’agriculture. 

Les certificats constatant de bons et longs services 
chez le même maître, n’ont pas été nombreux cette 
année. Trois seulement ont été envoyés à votre Société, 
et la commission chargée d’examiner ces titres a jugé 
les trois personnes auxquelles ils sont relatifs dignes 
d’obtenir les récompenses mentionnées dans votre pro- 


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( *7 ) 

gramme, en vous priant', Messieurs, d’en sanctionner la 
distribution ainsi qu’il suit. 

Un médaille de bronze, avec nn livret de vingt francs, 
sur la caisse d’épargne, au sieur Lobry, Pierre-Guillain , 
servant en qualité de valet de ferme depuis quarante 
ans sans interruption, chez le sieur Gouppé, cultivateur 
à Lécluse. 

Une médaille de bronze, avec un livret de quinze 
francs, au sieur Wiart, Joseph, valet de charrue depuis 
trente ans chez la veuve Catillon, à Lécluse. 

Une médaille de bronze, avec un livret de quinze 
francs, à la nommée Philippine Uerlaut, servante de 
ferme depuis vingt-quatre ans chez le sieur Domise, 
cultivateur à Auberchicourt. 

Je regrette, Messieurs, que votre commission d’agri- 
culture dont je suis l’organe ne puisse vous offrir un 
tableau dans lequel figurerait un grand nombre d’ani- 
maux présentés à votre concours ; vous auriez alors du 
moins la satisfaction de voir que le but que vous cher- 
chez à atteindre, par les récompenses mentionnées dan* 
votre programme, n’est pas ignoré de la plupart de nos 
éleveurs. Mais la tache dont votre commission m’a char- 
gé, Messieurs, devient difficile à cause du peu d’élémens 
que nous a offert ce dernier concours; je m’estimerai 
heureux, cependant, si l’intérêt qui s’attache à tout ce 
qui concerne l’agriculture excite et soutient votre atten- 
tion, ainsi que celle du public nombreux qui assiste à 
cette solennité agricole et scientifique. Gomment, en 
effet, cet intérêt pourrait-il s’affaiblir lorsqu’il est évi- 
dent pour tous ceux qui se préoccupent de l’avenir de 
notre pays, que l’agriculture et l’accroissement de ses 
produits sont la base sur laquelle repose la prospérité 
publique? 

Vous verrez donc comme nous avec regret, Messieurs, 

1 


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( *8 ) 

le peu d’empressement quenos propriétaires de bestiaux 
ont montré cette année de répondre à votre appel. 

Un seul taureau a été présenté par M. Jacquart, 
maire de la commune de Dechy, membre correspondant 
de votre Société; ce bel animal , âgé de quatre ans, pos- 
sède des qualités remarquables; une tète légère, courte 
et carrée, un front large , des yeux vifs et hardis, une 
encolure épaisse et fortement musclée, un fanon bien 
prononcé, s’étendant depuis le menton jusqu’à la par- 
tie inférieure de la poitrine; la taille proportionnée aux 
formes; cependant on pourrait lui reprocher le peu de 
développement de son train postérieur , sa coupe est un 
peu rétrécie, ses cuisses un peu plates. Hais cet état de 
choses doit être la conséquence inévitable de ce que cet 
animal a été livré trop jeune au service de la monte et 
à la fréquence des saillies auxquelles il est employé. 
Malgré ces légères imperfections, ce taureau a paru à 
votre commission susceptible d’être considéré comme 
un excellent reproducteur. Elle vous propose en con- 
séquence, Messieurs, d’accorder à M. Jacquart une 
prime de soixante-quinze francs. 

Le nombre des vaches présentées à votre concours 
s’est élevé à cinq; deux ont été amenées par M. Bazin , 
maire de Landas; une par M. Lefebvre, cultivateur à 
Planques; une par M. Trinquet, propriétaire à Douai , 
et une par M. Humez, Henri, cultivateur à Lambres. 
Celles de M. Bazin méritaient seules de fixer l'attention 
du jury; elles sont remarquables par l’élégance des for- 
mes et les qualités qui les distinguent; une d’elles a été 
mise hors de concours à cause de son âge avancé et les 
primes obtenues par elle en 1835, 37 et 39. Chez la se- 
conde* jeune vache de cinq ans, à la taille élevée, aux 
formes robustes et gracieuses, à l’encolure courte et 
charnue , à la finesse de la peau , au bassin large et aux 


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( W) 

mamelles développées, on pouvait facilement reconnaître 
le type que vous cherchez à répandre dans le but d’amé- 
liorer notre race bovine. Aussi , Messieurs , votre com- 
mission a été unanime pour vous proposer d’accorder 
à M. Bazin la prime de cinquante francs. 

M. Humez, Henri, qui déjà a obtenu en 1839 une men- 
tion honorable pour les soins qu’il donne à ses bestiaux, 
a présenté cette année, à votre concours, la vache ins- 
crite sous le n° 5. Cette béte ne réunit pas un ensemble 
de qualités propre à lui mériter de grands éloges ; mais 
elle a été cependant jugée digne d’obtenir la seconde 
prime de vingt-cinq francs, que votre commission, 
Messieurs, vous prie de décerner à son propriétaire. 

La commission a été également d’avis de vous de- 
mander, Messieurs, en faveur de M. Trinquet une men- 
tion honorable, pour avoir présenté à votre concours 
une belle vache hollandaise, mais peu propre à la répro- 
duction, à cause de son âge déjà fort avancé. 

Vous avez offert, Messieurs, une prime de cinq cents 
francs à répartir entre les trois cultivateurs qui, les pre- 
miers, introduiraient dans l’arrondissement de Douai un 
ou plusieurs béliers de la race perfectionnée de New- 
Kent ou de la race Kento-Mcrine. Cette partie de votre 
programme, Messieurs, a reçu un commencement d’exé- 
cution. MM. Fiévet, cultivateur à Masny, et Bernard, 
cultivateur à Roost-Warendin , tous deux membres 
correspondants de votre Société, ont fait venir d’Angle- 
terre un bélier de la race de New-Kent. Cette importation, 
Messieurs, peut avoir d’immenses résultats pour notre 
espèce ovine. Aussi a-t-elle paru à votre commission 
digne d’une récompense éclatante; elle vous propose, en 
conséquence, de donner à MM. Fiévet et Bernard une 
seule prime de deux cent cinquante francs. 

Votre Société, Messieurs, doit à la munificence de 

4 . 


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( « 0 ) 

M. Malingié, agriculteur à Pont-le-Voye, département 
de Loir-et-Cher, votre correspondant, un magnifique 
bélier de la race Kento-Ménne. Cebel animal, dont le nom 
de sa race indique suffisamment l’origine, réunit les 
précieuses qualités qui distinguent si éminemment celle 
d’où il provient; comme le New-Kent , création de Ri- 
chard Goord, en Angleterre, il s’entretient avec facilité; 
peu de nourriture lui suffit pour développer et entrete- 
nir en lui un étal d’embonpoint remarquable; sa toison, 
beaucoup plus forte en poids que celle du mérinos pur- 
sang, conserve la finesse, le moelleux et l’élasticité de 
cette dernière. Cette nouvelle création. Messieurs, obte- 
nue par l’union de la race espagnole avec la race an- 
glaise, est due à lord Western et a été importée en France 
par M. Malingié ; elle semble donner un démenti formel 
à des idées récemment développées avec talent dans le 
Journal d agriculture pratique et d économie rurale pour 
le midi de la France. L’auteur de ce mémoire prétend 
que tout croisement des races est un premier degré de 
génération, et que, pour parvenir à un perfectionnement 
réel et durable, il faut prendre les types régénérateurs 
dans l’espèce même. Ces idées, Messieurs, ne sont point 
dénuées de fondement si elles s’appliquent à certaines 
races de nos animaux domestiques; mais pour ce qui est 
relatif à la majeure partie de nos espèces d'animaux, il 
est. certain que des croisemens judicieux rapporteront 
dans ces mêmes espèces les modifications salutaires 
vers lesquelles tendent vos généreux efforts et votre 
sollicitude. 

C’est ainsi, Messieurs, qu’ont procédétous les hommes 
de génie qui, par leurs travaux, ont contribué à rendre 
leur patrie heureuse et prospère.L’Angleterre a possédé 
plusieurs de ces hommes remarquables qui ont doté ce 
pays d’un système d’agriculture rationnel qui a été suc- 


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( 51 ) 

cessivèment imité par toutes les nations du continent. 

Si la France n’est point encore parvenue à égaler sa 
rivale d’outre-mer. espérons que M. Malingié, digne 
successeur de Bakewell et d’Arthur Young, obtiendra 
par ses généreux efforts, son désintéressement et ses 
écrits, l’accomplissement de ses vœux exprimés avec 
tant de force et de vérité dans un opuscule adressé à la 
société d’agriculture du département de Loir-et-Cher. 
Espérons, dis-je, Messieurs, que M. Malingié fera naître, 
par son exemple, cette noble ambition qui le distingue , 
chez quelques hommes privilégiés qui sauront le suivre 
dans la voie progressive qu’il aura tracée et dont il est 
le premier jalon. Espérons encore que l’exemple de ces 
hommes généreux et intelligents ne sera point perdu 
pour la généralité de nos populations agricoles. En fai- 
sant connaître les moyens qu’ils ont employés et ceux 
qne l’on doit suivre pour arriver aux mêmes résultats, 
ils irayeront ainsi la carrière à un meilleur avenir. 

Votre Société, Messieurs, voulant témoigner à M. Ma- 
lingié sa reconnaissance, a été unanime pour qu’une 
médaille d’or de la valeur de cent francs lui soit 
décernée. 

Appelé pour la seconde fois. Messieurs, k vous rendre 
compte du concours que votre Société a ouvert, pour 
l’année 1841 , dans le but de continuer à encourager 
l’élève de nos principaux animauxdomestiqueset l’amé- 
lioration de leurs races , je viens de vous en faire 
connaître le résultat qui, d’après la nature des pri- 
mes offertes par vous et la publicité donnée à votre 
programme, devait, nous aimions à le croire, être plus 
nombreux. Ce double moyen doit pourtant être pour 
vos éleveurs un mobile assez puissant pour les engager 
à présenter divers produits qu’ils possèdent, dignes bien 
certainement de figurer dans un concours. Mais il est 


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(S2) 

difficile de déterminer les causes qui ont empêché nos 
cultivateurs de répondre à votre appel. Si c’est de l’indif- 
férence pour le bien que vous cherchez à répandre, ou 
pour les principes qué vous vous efforcez de propager, 
il est douteux, Messieurs, que vous parveniez jamais au 
but que vous cherchez à atteindre par les récompenses, 
les encouragemens et les bons conseils dont vous grati- 
fiez les uns et dotez les autres. 

J’aime mieux croire cependant qu’un' autre motif 
empêche nos cultivateurs de changer de système et les 
maintient dans ce cercle rétréci qui leur est tracé par 
l’habitude et la routine; c’est le peu de confiance qu’ils 
ont dans les innovations et l’incertitude de trouver dans 
les systèmes que vous leur offrez, les avantages qu’on 
leur fait entrevoir à des distances plus ou moins éloi- 
gnées. La défiance dans l’avenir. Messieurs, est un des 
principaux obstacles à toute espèce de progrès ; elle fixe 
l’homme d’une manière irrévocable au point où il se 
trouve à peu près bien, et il ne changera rien ni dans ses 
mœurs ni dans ses habitudes qu’autant que des exem- 
ples multipliés lui auront montré clairement qu’il est 
un point où il peut encore être mieux. Ainsi donc. Mes- 
sieurs, c’est par des exemples seulement que vous pou- 
.vez et que vous devez poursuivre cette noble tâche que 
vous avez entreprise, qui soutient vos efforts et votre 
sollicitude pour tout ce qui se lie au bonheur et au 
bien-être de notre population. 

L’amélioration de nos races d’animaux domestiques 
est une tâche que touthomme ne peut entreprendre avec 
certitude de succès; elle nécessite des connaissances 
spéciales, une intelligence particulière et surtout une 
persévérance à toute épreuve. Cette science. Messieurs, 
malgré les immenses travaux dont elle est l’objet et les 
incontestables succès qu’elle a obtenus dans quelques 


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( 53 ) 

départemens, ne peut suivre la rapidité des progrès que 
peut faire toute autre industrie. Lui faire un reproche de 
cette lenteur avec laquelle elle progresse, serait mécon- 
naître les obstacles qui prennent leur source dans la 
nature même des choses. 

Et en effet. Messieurs, celui qui tente uneexpérience 
sur des matières inertes, toujours et partout les mêmes, 
peut avoir la solution de son épreuve au bout d’un jour, 
d’une heure quelquefois, sans avoir à craindre des in- 
fluences contraires auxquelles il peut facilement se sous- 
traire, et la répéter ainsi jusqu’à ce qu’il soit parvenu 
au but qu’il s’est proposé d’atteindre; tandis que celui 
qui entreprend de créer une race d’animaux avec ses 
types, de changer la nature même et les formes des in- 
dividus, ne peut procéder à cette œuvre qu’en modifiant, 
par des croisemens judicieux, chaque génération qui se 
succède; il est ainsi obligé d’attendre que les produits 
du premier accouplement soient propres eux-mêmes à 
se procréer de nouveau, pour donner à cette nouvelle 
progéniture des qualités que n’ont pas encore le père et 
la mère au second degré. Ainsi le père et la fille, la mère 
et le fils, le frère et la sœur seront employés à améliorer 
leurs propres espèces. Bakewell, en Angleterre, a prouvé, 
Messieurs, qu’il n’y avait point à craindre unedégénéra- 
tion de la race en se servant pour l’accouplement d’ani- 
maux provenant d’une origine commune. Quoique celte 
opinion ait été combattue depuis, l’œuvre de Bakewell 
existe et parle plus haut que toutes les théories plus ou 
moins spécieuses qui ont été développées à ce sujet. 

Il est facile de comprendre maintenant , Messieurs, 
quelle doit être la persévérance d’un propriétaire ou 
d’un cultivateur qui entreprend une tâche aussi difficile, 
œuvre toute de patience et d’intelligence. Ils sont rares, 
Messieurs, les hommescapables d’opérer ces merveilles; 


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( 54 ) 

car c’en est une, en effet, que celle de corriger la nature, 
de sculpter la vie, de reformer pour ainsi dire l’oeuvre 
du créateur. 

) Sans prétendre créer des races nouvelles , nous 
devons du moins perfectionner celles que nous possé- 
dons, en important dans nos contrées desreproducteurs 
d’une noble origine qui seraient mis à la disposition de 
celui quesonzèle, son goût, son intelligenceet sa fortune 
mettraient à même de prouver , par des exemples, 
qu’il y a un avantage réel à changer de système, d’aban- 
donner les vieilles idées stationnaires pour les nouvelles 
doctrines qui promettent à chacun un surcroît de bien- 
être. Mais il est essentiel de bien se pénétrer de l’idée 
que l’origine et la race seules sont insuffisantes pour ar- 
river à une amélioration complète; il faut pour cela 
que les produits soient soumis à un régime qui facilite 
leur accroissement et développe leurs qualités , dont le 
germe est dans l’origine. 

C’est en procédant ainsi, Messieurs, que nous pouvons 
espérer de voir nos espèces d’animaux se régénérer et 
acquérir des qualités qui seront pour notre économie 
rurale nneaugmentation de richesse , et pour la popula- 
tion un surcroît de bonheur. 

Sous l’influence de ces idées, deux de vos membres 
correspondants , agronomes distingués , jaloux de la 
supériorité des animaux chez nos voisins et désirant 
placer les vôtres sur la même ligne, ont fait venir d’An- 
gleterre un de ces précieux béliers de la race perfection- 
née de New-Kent. Ce noble reproducteur, dont la taille, 
les proportions, et surtout la finesse de la laine ont été 
admirés par vous, Messieurs, étant associe à la race mé- 
rine et même à votre belle espèce flamande, ne peut man- 
quer de donner des produits qui exciteront peut-être 
le zèle et l’émulatiou de nos éleveurs, que vos savan- 


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( 55 ) 

tes théories, les sages conseils de la raison et de l’èxpét 
rience n’ont encore pu déterminer à tenter des inno- 
vations. 

Mais il ne faut pas se croire arrivé au but dès le pre- 
mier pas fait dans la voie progressive des améliorations. 
Il reste encore bien des obstacles à vaincre, des difficultés 
à surmonter. Le premier qui se présente et que nous 
nous contenterons de signaler , est la variété que chaqué 
génération apporte dans les produits; tous ne sont pas 
également susceptibles de régénérer l’espèce; aussi faut- 
il que le discernement et des connaissances spéciales 
viennent présider au choix de ceux que l’on destine à 
la reproduction ; c’est là la part d’influence que l’art ap- 
porte dans les croisemens qui tendent à améliorer les 
races. 

Concourir au perfectionnement de nos animaüx do- 
mestiques, assurer la permanencedesbellesformesetdes 
heureuses aptitudésaux travaux si variés que nécessite 
l’état social, c'est rendre un éminent service à l’espèce 
humaine. Que deviendrait, en effet, l'homme privé tout- 
à-coup d’un si puissant auxiliaire? L’existence de notre 
race ne serait-elle pas compromise? Car il est certain 
que les animaux subsisteraient sans l’homme et que 
l’homme ne pourrait vivre sans les animaux; c'est ce 
qui fait présumer que, dans l’ordre de la création, l'hom- 
me n’a paru qu’après eux et que tout était disposé sur 
ce globe pour le recevoir. C’est encore là une sublime 
prévoyance du créateur envers la créature faite à son 
image, qu’en la plaçant sur cette terre il a voulu mettre 
à sa disposition tous les élémens /nécessaires à sa sub- 
sistance et à son bien-être. Mais les premiers hommes, 
livrés à eux-mêmes et abandonnés à leur complète im- 
puissance, durent s’apercevoir bientôt de leur dépen- 
dance et de leur faiblesse; ils durent facilement corn- 


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( 56 ) 

prendre la nécessité absolue d’associer à leur existence 
certaines races d’animaux, qui furent pour ces premiers 
hommes le complément de leur vie et peut-être le 
commencement de leur étatsocial.Eteneffet, Messieurs, 
de l’enveloppe extérieure de certains animaux, de leur 
propre chair, aussi bien que de leur force, de leur in- 
telligence et de leur courage , l’homme ne trouve-t-il 
pas les moyens de se préserver des rigueurs de la tem- 
pérature, des fatigues excessives, des dangers auxquels 
il est exposé, et surtout du hideux spectacle du dénue- 
ment et de la faim ? 

Il faut donc reconnaître qu’un des principaux élé- 
jnens nécessaires à la vie des peuples et la principale 
richesse des nations consistent dans la possession des 
animaux utiles à l’agriculture, aux diverses industries 
et aux besoins incessans delà consommation deces mêmes 
animaux comme nourriture de l’homme. 

L’agriculture, base fondamentale de la prospérité pu- 
blique, ne peut s’élever et prendre son essor qu’au- 
tant que les animaux assujettis à la volonté de l’homme, 
renonçant pour ainsi dire à leur être moral , viennent 
augmenter sa puissance, fertiliser le sol et n’étre dans 
ses mains que les dociles instrumens dont il se sert pour 
se procurer des moyens propres à lui rendre la vie plus 
douce et plus facile. C’est ici. Messieurs, que l’on remar- 
que cette intime liaison qui existe entre la force motrice 
et l’intelligence qui la dirige. Le serviteur et le piaftre 
s'identifient à tel point que leur bien-être est mutuel; 
conserver l’un, c’est conserver l’autre, et de cette réci- 
procité surgit la nécessité de perfectionner les races de 
nos animaux domestiques, de les façonner selon les 
exigences du moment, afin que le rôle qui leur est dé- 
volu par la nature puisse satisfaire à tous nos besoins. 

Les avantages qui peuvent résulter de la régénération 


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( *7 ) 

de nos espèces d’animaux , ont été compris par vous , 
Messieurs. Ainsi, depuis long-temps vous avez cherché 
à réveiller et à exciter l’émulation chez les personnes 
qui peuvent avec fruit s’occuper de cette importante in- 
dustrie. Si jusqu’ici vos efforts n’ont point été complè- 
tement couronnés de succès, proclamez plus hautement 
encore la nécessité d’entrer dans la voie des améliora- 
tions; les profits qui doivent en être le résultat pour 
l’agriculture seront pour vous. Messieurs, le dédomma- 
gement le plus flatteur dont notre société toute entière 
puisse se féliciter et s’enorgueillir. 



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RAPPORT 


LES CONCOURS D’ÉCONOMIE PUBLIQUE , 
D'DISTOIBE ET DE POESIE, 


Par m. Ch. NI8MN, SM*-Pr«ht. 


Messieurs , 


L’amour des belles-lettres, le culte de la philosophie 
est la plus douce des consolations. C’est surtout quand 
Pâme est encore affligée, que les yeux sont encore bai- 
gnés de larmes, qu’il est doux de se livrer à l'étude, d’y 
puiser de nouvelles forces contre les mauvaises desti- 
nées, une résolution plus vive de faire le bien, de se 
rendre utile. Ainsi l’âme, en se retrempant, s’élève contre 
la douleur, renait à l’espoir et entend mieux cette voix 
de Dieu qui nous crie à tous , de nous aimer, de nous 
soutenir. 


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(60) 

Oui, nous devons nous aimer; car nous sommes de la 
même famille, nous avons tous un même intérêt : ren- 
dre plus douce à nos enfans , cette vie de labeur que 
nous empoisonnons si souvent et si tristement de nos 
puériles passions. Oui, nous devons nous soutenir; car 
nos luttes presque toujours retardent les progrès, au 
lieu de leshâter; car elles nous inspirent d’aveugles res- 
sentimens, de haineuses passions, dont les premiers 
nous avons à souffrir. 

Si cette affection mutuelle, celte disposition às’entr’ai- 
der, à se soutenir, doit animer tous les hommes, qu’elle 
soit plus intime entre ceux de la même nation, plus in- 
time encore entre ceux de la même contrée, toute vive , 
toute chaleureuse, toute intime entre ceux de la même 
ville. C’est lorsqu’une profonde douleur accable tous les 
cœurs, que surtout nous nous sentons le besoin de nous 
rapprocher, de nous prêter appui , de nous tendre la 
main, que nous sommes honteux d’agiter, de nos vains 
dissentimens , le peu de jours qui nous est compté; 
c’est bien alors que nous devons nous dire, nous répéter: 
enfants de la même ville , marchons ensemble; marchons 
unis , toujours unis , pour nous aider, pour nous aimer! 

Louanges, Messieurs, aux sociétésqui, comme la vôtre, 
s’efforcent d’inspirer tous ces bons sentimens, qui 
cherchent à étendre le champ des études, des bonnes 
études faites pour améliorer et consoler ; qui s’efforcent 
de répandre les bons conseils, les saines doctrines, ne 
recherchent que ce qui est bien, ne veulent que ce qui 
est utile. Chez elle, point de désunion, de vaines discus- 
sions sur des faits insolubles souvent. Les efforts de 
chacun trouvent naturellement leur emploi , et se fondent 
dans un même et seul labeur, pour une seule et même 
tâche : le bien de tous. 

La science, comme les lettres, ont leurs lois certaine^ 


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( 61 ) 

dont personne ne peut contester la vérité, et auxquelles 
nul ne peut refuser de se soumettre. C’est ce qui fait que 
nous marchons tous, si d’accord etsi unis, dans une douce 
confraternité , vers ce but si louable : le bien, l’utile. 

Il est fâcheux, Messieurs, que les passions humaines, 
à un vieux mot qui eut jadis de l’éclat, aient attaché le 
sens de désordre. C’était une expression aussi exacte que 
touchante, que d’appeler la république des lettres cette 
union des penseurs, des littérateurs, des hommes qui ai- 
ment la vie de l’imagination, des hommes qui cherchent 
les leçons de la froide raison ; république de paix et de 
lumières, république de bon vouloir et de bonnes inten- 
tions, de sentimens généreux et de désintéressement ; 
république peut-être fort peu à l’ordre du jour aujour- 
d’hui , mais que nous tous hommes d'étude et de cœur, 
nous devons tâcher, dans notre faible sphère, de main- 
tenir riante et prospère. 

Votre société avait proposé un prix au meilleur mé- 
moire sur l’histoire locale. Vous voudriez que l’on cul- 
tivât, que l’on aimât l’étude de l’histoire, parceque vous 
pensez ;que cette étude est riche d’enseignemens, que 
l’expérience s’y éclaire, que l’amour de l’humanité s’en 
anime. En effet, en présence des faits historiques, on ne 
sent plus qu 'indulgence , que pitié triste pour ces pas- 
sions populaires qui trop souvent ont bouleversé le 
monde, sans que jamais tant de sang répandu, tant de 
ruines, tant de souffrances, aient ajouté aux progrès, au 
bonheur des hommes. Chargés spécialement de répandre 
dans cette belle province que nous habitons, et les bons 
enseignemens, et les bonnes traditions, vous avez vou- 
lu que l’on étudiât surtout l’bistoirede ce pays, si riche 
en grands événemens, en beaux caractères. Laconnâis- 
sance de l’histoire d’un pays attache au pays, anime de 
souvenirs chaque ville, chaque fleuve, chaque plaine. 


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(62) 

conserve à certains noms un écho qui est pour le juste 
une récompense encore, pour le félon un châtiment. 
Elle fait, enfin, que l’on aime plus sa ville parce qu'on 
la connaît mieux. L’expérience le dit: on aime sa famille t 
mais on aime mieux sa mère ; on aime sa patrie, maison 
aime mieux sa province, sa ville; et c’est un juste et bon 
sentiment qu’i) faut louer et soutenir. L’amour ne peut 
souvent s’élever qu’à l’individualité. 

Deux mémoires vous ont été adressés. Le premier, qui 
traite du caractère, des mœurs des habitants de. quel- 
ques communes de l’arrondissement, n’est ni assez 
complet, ni assez étudié, pour que la société puisse s’y 
arrêter. 

Le second mémoire, qui est un petit in-4°de 35 pages, 
est intitulé : Recherches sur les forestiers de Bruges. Il a pour 
épigraphe ces mots : Rassemblons les hommes, et nous les 
rendrons meilleurs ; les hommes rassemblés chercheront à se 
plaire, et ils ne pourront se plaire qne par des choses qui les 
rendent estimables. 

La fête des forestiers à Bruges, qui consistait surtout 
en joutes et tournois, fut probablement instituée en 1228 
par la comtesse Jeanne de Constantinople, lorsqu’elle 
eut acquis la châtellenie de Brugesde Jean de Nesles, que 
celte princesse toute guerriere avait voulu provoquer à 
un combat à outrance. A partir du. 15* siècle seulement, 
on a sur les forestiers des renseignements assez exacts. 
Dès cette époque, on connaît les noms des vainqueurs» 
Les prix consistaient en bijoux d’argent: un épieu, un 
cor, un ours. Le roi de la fête était souvent entraîoé à 
de grandes dépenses. — Les fêtes dorent peu sur la place, 
et il faut souvent plus d’un jour pour combler le vide 
qu’elles ont fait dans l'intérieur des familles. 

Ce mémoire sur les forestiers de Bruges ne peut être 
considéré que comme un chapitre détaché d’un ouvrage 


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(65) 

qui, plus important, devrait traiter de l'histoire des asso- 
ciations en Flandre: association des corporations detat, 
association de plaisir pour les cérémonies publiques, 
Jes fêtes. C’est une particularité de mœurs, remarquable 
•en Flandre, qu’il importerait de bien établir, de bien 
constater , que ce goût prononcé de chaque ville pour 
tout ce qui peut relever son éclat, son individualité. U 
y a dans cette disposition un reste d’attachement assez 
remarquable pour l’ancienne institution des municipes, 
un noble esprit d’indépendance, de la dignité même. 
.L’histoire de toutes ces corporations ne pourrait être 
d’un intérêt bien réel, qu’autant que l’histoire retrace- 
rait soigneusement le rôle que chacune de ces sociétés 
aurait joué, l’influence qu’elle aurait eue dans les gran- 
des scènes politiques dont chaque ville du moyen-âge, 
particulièrement celles de Flandre, ont été le théâtre, 
le théâtre souvent ensanglanté. 

L’auteur du mémoire sur les forestiers de Bruges 
n’est point entré dans ces recherches philosophiques ; il 
n’a voulu donner qu’une nomenclature des forestiers de 
Bruges, depuis 1418 jusqu’en 1480. Dans le préambule, 
qui n’a que quelques pages, on trouve cette pensée que 
l’on aime à reproduire: « Nos contrées , dit-il , unies 
entre elles par les liens du plaisir, conservèrent jus- 
qu’aux fatales époques des guerres de religion, des fêtes 
annuelles qui, réunissant les habitants, entretenaient 
L’union, la concorde, facilitaient les transactions com- 
merciales, excitaient l’industrie, et rapprochaient les 
individus de toutes les classes. » L’auteur termine par 
cette autre pensée dans laquelle il y a vérité et profon- 
deur: « Les fêtes de la chevalerie ont perpétué la ma- 
gnanimité et le courage; aujourd’hui que l’on ne se sert 
plus desarmes pour la gloire des armes, il faut que nos 
sociétés de .bienfaisance établies dans nos villes perpé- 


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( 64 ) 

tuent parmi les habitants de la même cité, l’esprit 
d’union, de charité, d’affection; cesont laies vertus qui, 
de nos jours, font la gloire. » 

Quoique ce mémoire. Messieurs» et vous le regrettez, 
manque de développement, que son 'cadre soit trop res» 
serré, il vous a paru contenir des renseignements assez 
curieux, avoir exigé d’assez savantes recherches, pour 
servir à des études plus complètes sur les fêtes urbaines 
en Flandre. Vous l’avez jugé digne , en conséquence , 
d’une grande médaille d’encouragement. L’auteur de 
ce mémoire est M œ * Clement née Hémery, de Cambrai , 
membre correspondant. 

Nous devons ajouter que c’est avec un vif intérêt 
que vous avez retrouvé, cité dans ce mémoire, un nom 
cher à cette cité ; celui d’une de vos plus anciennes 
familles que je louerais davantage si parmi vous ne 
siégeait pas l’homme aussi modeste que distingué, 
le collègue que nous aimons et estimons tous , M. de 
Warenghien , qui porte encore avec honneur ce noble 
nom , souvent rappelé dans nos annales. Sont cités 
honorablement aussi les noms des Vandervale , des 
Rombault, etc. 

Les grandes questions d’intérêt public doivent être 
long-temps discutées, longtemps mûries avant d’ame- 
ner de solutions. Ainsi l’opinion publique les éclaire, 
ainsi les esprits peuvent se préparer aux changemens 
que ces nouvelles vues doivent nécessairement apporter 
dans les mœurs, les habitudes, les lois. C’est donc tout- 
à-fait dans le rôle des sociétés savantes, de mettre au 
concours ces grandes questions, qui peuvent avoir une 
si grande influence sur les progrès de l’humanité. Sans 
doute, la plupart du temps elles seront traitées faible- 
ment, parce que le jour de la lumière n’est point venu; 
elles ne projetteront pas de longs rameaux, ne porteront 


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( GS ) 

pas dè fruits féconds ; mais le bon grain doit toujours 
être répandu d’une main généreuse, tôt ou tard il germe, 
prospère, s’étend, et offre enfin une riche moisson. 

La question que vous avez proposée est une des plus 
belles, des plus utiles que l’on puisse traiter: « L in- 
dustrie est-elle, ou non, une condition de bien-être 
pour les villes qu’elle occupe? Quelles espèces de bien- 
être sont attachées à la ville industrielle, et a la ville 
qui ne l’est pas ? » 

On ne peut en douter, nous sommes à une époque où 
l’industrie règne en souveraine ; il faut subir ses lois. 
C’est elle qui préocupe tous les esprits actifs ; pour elle 
se meuvent toutes les forces, et celles de 1 intelligence, 
et celles de l’argent. Elle répond à tous les besoins, au 
moindre désir, au caprice même le plus éphémère. Elle 
anime tous les bras, met en contact toutes les nations; 
force à la paix, en rendant la guerre un fléau bien plus 
redoutable encore par les ruines qu elle amoncèle , que 
par le sang qu elle répand. Elle inspire des idées d’or- 
dre, d’économie; elle rattache au pays, puisqu’elle fait 
aimer le règne des lois , les bienfaits de la paix ; elle 
unit davantage les familles, puisque, pour prospérer, il 
faut que chacun apporte son tribut de soins, de travail; 
qu’elle ramène cette salutaire habitude pour tous , le 
fils reprenant le labeur du père ; qu il faudra , et ce sera 
de nos jours, que le chef d industrie devienne le protec- 
teur naturel de tous ses ouvriers , protecteur défait, 
protecteur par l’affection; comme aussi que les ouvriers 
deviennent les dociles du maître, dociles pour bien faire, 
dociles par la reconnaissance; parce qu’à l’état de lutte, 
que l’intérêt soulève fatalement entre le maître et l’ou- 
vrier, il faut que succède l’esprit de bons rapports, d’as- 
sociation, de confiance mutuelle, sans lesquels rien de 
bien ne peut être bien fait. L’industrie règne en sou- 

K . 


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( 66 ) 

veraine: elle domine, nous entraîne ; nous ne pouvons 
que céder à son impulsion, en facilitant parfois son 
cours ; que l’éclairer, en répandant tes lumières de la. 
science; que la purifier, en inspirant aux ouvriers et aux 
maîtres l’accord, la bonne intelligence, la communauté 
d’intérêts. L’industrie germera partout où elle trou- 
vera un sol propice, soit dans les villes, soit dans les 
campagnes. Dans la ville, les ouvriersserontplus exposés 
aux désordres qu’entraînent avec eux tous les grands 
centres de population, mais ils auront plus de facilités 
pour élever, placer leurs enfants, être soignés dans leurs 
vieux jours. Dans les campagnes , sans doute, ils pour- 
ront trouver, dans les travaux agricoles, des ressources 
précieuses aux jours du chômage du travail manufac- 
turier; ils auront, d’ordinaire, une vie plus douce, plus 
facile; mais ils seront dépendants, non seulement de3 
jeux de l’industrie, mais aussi plus particulièrement de 
la bonne ou de la mauvaise fortune de leur chef de fabri- 
que. Partout des chances de mécomptes, de malheurs 
pour les imprévoyants, les mauvais sujets; partout des 
chances de succès pour les ouvriers économes et pré- 
voyants; partout le besoin des lumières de l’Évangile, 
ce guide infaillible, cette voix divine, cette source du 
vrai bonheur, s’adressant à tous les cœurs, se faisant 
comprendre de toutes les intelligences ; qui, pour ceux 
qui ne la repoussent pas, efface toutes les peines de ce 
monde: douleurs du corps, angoisses de l’âme, en nous 
conviant tous aux joies célestes, en nous appelant tous, 
et tous comme les enfants d’un même père, tous à la vie 
éternelle, sous l’œil et sous la main de Dieu. 

L’auteur du mémoire sur la question miseau concours 
est évidemment jeune encore; animé des plus louables 
intentions, s’il ne sait pas encore écrire avec cette habi- 
leté, ce talent que l’âge ou un mérite tout-à-fait hors 


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(67 ) 

ligne peuvent seuls donner; si la question n'est point 
traitée par lui avec cette élévation de vues, de pensées, 
cette prévision de l’avenir , cette seconde vue qu’une 
grande habitude des affaires, des connaissances éten- 
dues, une pénétration tenant du génie peuvent seules 
inspirer, il faut néanmoins le reconnaître, l’ouvrage est 
digne d’éloges; le style en est toujours convenable, la 
pensée juste, et ce qui est mieux encore , toujours l’ex- 
pression de nobles sentiments. 

Après avoir bien reconnu la valeur des mots : indus- 
trie , commerce , avec sagacité, l’auteur prémunit contre 
cette exagération de plaintes, pour ainsi dire de mode 
aujourd’hui , contre ces récriminations des prétendus 
maux, des prétendues plaies de l’industrie. Il reconnaît 
qu’à certaines époques, dans les crises qui ne peuvent 
jamais avoir qu’une durée passagère, la soif de l’or en- 
traîne sans doute des chefs d’établissements industriels, 
même à l’égard des ouvriers, hors des limites de la pru- 
dence, parfois hors de celles de l’humanité ; triais , dans 
son opinion, c’est l’état exceptionnel. Il aime à croire 
que les industriels connaissent trop bien leur propre 
intérêt, pour ne point se faire les protecteurs bienveil- 
lants de leurs ouvriers. Si l’industrie traîne à sa remor- 
que tant de malheureux, selon lui, c’est que seule elle 
peut leur donner un peu d’ouvrage. «Que ne peut-elleaus- 
si, s’écrie-t-il avec cœur, changer leur triste nature , leur 
inspirer des idées d’ordre, d’économie, de prévoyance ! » 
Le contact des ouvriers.qui d’ailleurs excite leur émula- 
tion, les fait plus travailler, et mieux travailler, ne peut 
être dangereusement nuisible aux mœurs , si la sur- 
veillance du maître reste active, continue;il y aura de la 
dissolution, mais partout ne germe-t-elle pas fatalement, 
à la campagne comme à la ville? Si à la ville se réfu- 
gient tant de malheureux , c'est que surtout là ils trou- 


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( 08 ) 

vent quelqu’allégeraentà leurs misères. L’industrie am- 
ine le commerce, répand le travail, partant le bien-être, 
le bonheur. On semble craindre ses progrès de géant; 
mais, selon la belle expression de l’auteur: « Dieu nous 
permet-il de penser qu’il doive abimer dans le tra- 
vail, l’homme qu’il a créé pour le travail! » C’est une 
heureuse conquête, heureuse pour toutes les popula- 
tions, d’implanter l’industrieparlout où elle peut trouver 
terrain. 

Ce mémoire, Messieurs, mérite a plus d’un titre vos 
éloges. Vous l’avez lu avec intérêt, avec un intérêt qui 
s’est accru de beaucoup, quand vous avez su qu’en 
elTet il était d'un jeune homme, d'un jeune industriel. 
C’est de sa part mieux qu’un bon ouvrage, c’est aussi 
une bonne action. * 

Vous avez jugé ce mémoire, Messieurs, digne d’une 
grande médaille d’encouragement. L’auteur de ce mé- 
moire est M. Auguste Butruille fils, de Douai. 

Yous donnez , Messieurs, des prix aux auteurs des 
meilleures poésies qui vous sont adressées. Vous ne 
voulez pas que l’on renonce à la poésie, parce qu’en 
effet elle tend à élever l’âme, qu’elle porte au loin des 
échos ravissants; que si souvent les hommes d’affaires, 
les hommes positifs du siècle, en font dédain, ce n’est 
pas une honte pour la poésie, mais une honte pour ceux 
qui, dans le tumulte des affaires, dans la lutte des inté- 
rêts d’argent, dans cette arène de l’égoïsme, ont perdu 
le sens de la langue poétique, le goût de ses fraiches 
et riantes images, de ses vierges idées, de ses nobles 
inspirations. 

Six pièces de vers vous ont été adressées : plusieurs 
sont écrites sans ce goût épuré, parfait, qui seul fait la 
bonne poésie; mais toutes méritent des louanges, et des 
louanges bien méritées, par le sentiment qui les a dictées. 


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( 69) 

Toules cherchent à exprimer de généreuses pensées, à 
réveiller de pures et douces émotions. Elles sont tou- 
tes poésies par l’élan, par le but, si elles ne le sont pas 
toujours par levers, par le chant. Même dans celles que 
vous n’avez point couronnées, on trouve quelques heu- 
reuses strophes. 

La pièce de vers : Impression du présent , débute par ces 
beaux vers : 

La grande nef du siècle a sombré près du port. 

Tout est flétri, muet; tout est sourd, tout est mort. 

Les piliers sociaux, s’ébranlant sur leur base , 

Ne peuvent supporter le poids qui les écrase ! 

Les éléments humains, sans règle et sans pouvoir , 

N'ont pas su féconder les germes de L'espoir. 

De l’ancre de salut, nul n’est dépositaire ; 

L'orage est dans les cieux, et le deuil sur la terre. 

Quel ciel rallumera tant d'astres éclipsés? 

Les temples du vrai Dieu ne sont pas renversés; 

Non , mais ils sont déserts, et c’est plus triste encore. 

Car pour nous pèlerins, le soir n’est pas l’aurore. 

Nous avons consumé le radieux flambeau 
Qui rendait plus aisé le voyage au tombeau. 

Le poêle se plaint de ce chaos d’opinions, de doctrines 
contraires , souvent fausses et creuses , dans lequel se 
perd trop souvent la’ raison humaine. 11 continue ainsi : 

Rempliras-tu sans fin, comme une Dauaïde, 

Cet abîme sans fond, toujours plein, toujours vide, 

Sous ton manteau troué , peuple toujours si fier, 

Toujours vieux de leçons et toujours né d’hier ? 

Si tout n’est pas perdu, si la terre souillée 
Sort de son lit impur, honteuse et réveillée. 

Si nous ressaisissons l’ancre qui vient de Dieu, 


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( >0 ) 

Afin qu’à notre char elle serve d’essieu, 

Caravane indécise où replanter sa tente. 

Si la société, malade et haletante. 

Après les jours obscurs, retrouve l'arc-en-ciel, 

Nous oublirons l'absynthe en savourant le miel, 

Nous marcherons encor, mais en levant la tête, 

Fiers d'avoir amorti les coups de la tempête, 

Fiers d'avoir entendu les faux dieux s'engloutir. 

Chutes qu'un vaste esprit pouvait seul pressentir. 

Il termine par ces vers: 

Si la France au tombeau doit un instant descendre, 

La France, heureux phénix, renaîtra de sa cendre; 

Et nous dirons un jour, dans un ardent transport : 

La grande nef du siècle est arrivée au port! 

Rien ne justifie sans doute cette mélancolie, ce dé- 
couragement qui ont inspiré le poète, et dont on a 
trop abusé de nos jours ; mais la poésie de ces vers est 
souvent noble et élevée. 

Dans la pièce de vers : la Reine des songes , vous avez 
trouvé des vers pleins de grâces et de naturel ; le début 
en est charmant: 

11 est, ô mes enfants, des êtres invisibles, 

— Hôtes aériens, — esprits mystérieux 

Qui, lorsque le jour meurt, au sein des nuits paisibles. 

Aiment à se jouer dans l'espace des deux; 

— Aimés de l'homme, on dit qu'au doux bruit de leurs ailes, 

Ils viennent endormir nos souffrances mortelles ; 

— Qu'à l'heure où le Sommeil nous verse ses pavots. 

Ils répandent sur nous , les songes les plus beaux. — 


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{ 71 ) 

Le poète termine par ces vers non moins gracieux: 


Couché dans un jardin, sous un berceau de roses, 

Je révais qu'un bel ange, assis à mes côtés, 

Effeuillait sur mon front leurs pétales mi-closes.... 

Oh ! qne j'étais heureux dans ces lieux enchantés ! ' 

— Tout-à-coup, je sentis la bouche parfumée 
De l'ange qui semblait sourire à mon sommeil. 

Je m'éveillai.... C'était ma mère bien-aiméc, 

Ma mère qui venait sur ma couche embaumée 
M’apporter en riant.... le baiser du réveil.... 

Nous avons distingué aussi une ode sur le baptême 
du comte de Paris , avec cette épigraphe : Puer nobis 
natus est, — un enfant nous est né. 

Alors que ce chant de triomphe fut composé, l’enfant 
n’était pas orphelin. L'auteur avait à exprimer et la vive 
joie de sa mère, en contemplant son (ils bien-aimé, les 
yenx brillants des larmes du bonheur, lé sourire, son 
sourire d’ange, sur les lèvres; et la vive joie de l’ayeul, 
de ce roi, notre roi, qui a tenu [dans ses mains le repos 
du monde, et au monde a donné la paix; dont toute la 
vie a été un sacrifice perpétuel, et que Dieu seul pourra 
récompenser dignement. Il n’avait à exprimer qu’une 
douleur, celle de la perte de cette princesse Marie, si 
accomplie, morte si jeune et si regrettée, et le poète 
pour l’illustre enfant priait ainsi : 

Seigneur! veillez sur lui! — Protégez son enfance! 

— Gardez qu'un souille destructeur 
Ne vienne flétrir l’existence 
De cette faible et tendre fleur ! 

Et toi, du haut des deux, ta nouvelle patrie. 

Fille de Saint-Louis, notre étoile, ô Marie l 


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( 72 ) 

Entre cet enfant et le lien 
Partage ton amour.... couvre-les de les ailes ! 

Des célestes hauteurs des sphères éternelles, 

Descends, et désormais sois leur ange gardien. 

Mais depuis , comme ces chants d’allégresse du poète 
se seraient changés en cris de douleurs ! 11 peint le duc 
d’Orléans, fier de son jeunefils, sur lui étendant sa maiu 
protectrice, le regard assuré, déûant les ennemis de sou 
pays: il le peint brillant et fort, jeune et puissant. Quel- 
ques jours ont passé, la tombe du prince est encore 
ouverte. Que nous sommes donc faibles, Messieurs! et 
de quel désespoir ne serions-nous pas saisis, si toujours 
au ciel ne brillait l’éclat de Dieu ; si au cœur, il ne nous 
avait mis cette voix qui nous appelle à une meilleure 
vie, à de meilleurs jours ! 

Arrachons-nous, Messieurs, à ces tristes idées. Con- 
tinuons notre mission. 

Une pièce de vers , sous le titre des épreuves de t huma- 
nité , renferme également de fort beaux vers. Per- 
mettez-moi de vous en citer quelques strophes : 

La nef du genre humain, de siècle en siècle avance 
Vers cet état moral, où toujours la devance 
Une voix prophétique aux sons mystérieux. 

Cette voix créatrice, éloquente, inspirée, 

N’est jamais suspendue et jamais altérée 

Par les autans impérieux. 

Le jour est-il venu d'espérer ou de croire 
En des félicités, sans prestige illusoire? 

Le soc de la science a-t-il bien labouré ? 

La doctrine du Christ est-elle mieux apprise ? 

La langue universelle est-elle enfin comprise? 

L’avenir est- il assuré? 


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( 75 ) 

Toujours se disputant, pour des palmes flétries. 

Si la famille humaine a compté vingt patries, 

Qu’elle n’en ait plus qu’une , immense et sans remparts ! 

' Que les peuples, unis par la charité sainte, 

Forment, en renversant les autels de la crainte, 

Un faisceau de leurs étendards. 

Mais vous avez cru devoir accorder la palme à la 
pièce de vers adrèssée à deux jumeaux; elle est de 
M. Wains-Desfontaines, professeur au collège de Ville- 
neuve— Sur— Agen , membre correspondant. Permettez- 
moi de vous la lire; vous l’écouterez sans doute avec in- 
térêt. 


A DEUX ENFANTS JUMEAUX. 

Epltre lyrique. 

Nou» avons tous , sur lerrc , 
Nuire lâche à remplir ! 


I. 

O vous , que Top dirait deux roses , 

Sur une même tige écloses 
Par un beau ciel de printemps ; 

— Vous, que Ton prendrait pour deux anges 
Tombés des célestes phalanges, 

Parmi nous , pour quelques instants ; 

— Petit garçon, — petite Allé ! 

Aimables jumeaux dont l’œil brille 
D’un éclat si pur et si doux ; 

Tendres colombes dont les ailes, 

Pour voler encor f sont si frêles , 

Oh ! ditcs~moi ; d’où venez-vous? 


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( 74 ) 


II. 


— Vous descendez sans doute 
De cette bellé voûte, 

Palais d’azur et d’or. 

D’où, la nuit, quand tout dort v 
Les Chérubins, — vos frères, 
Sur leurs ailes légères 
S’en viennent, en ces lieux, 
Recueillir nos prières 
Pour les porter aux deux ? 


Vous venez , — à cette heure , 

De la sainte demeure 
Dont les jardins fleuris. 

Qu’on nomme Paradis, 

Ont des fleurs immortelles 
Qui bercent, dans leur sein, 

Les Anges , — fleurs comme elles. 
Parures éternelles 
De l’éternel Eden ? 


Vous venez d’où le maître 
Qui, tous deux , vous fit naître. 
Nous jette tour-à-tour 
Sur ce globe /d’un jour ; 

—Vous venez d'où vos pères 
Sont venus ; — d’où vos frères. 
Comme vous, viendront tous» 

— Voyageurs éphémères. 

Mais où donc allez-vous ? 


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( 75 ) 


III. 

Vous allez où tout va sans cesse , 

Où vont renfonce et la vieillesse. 

Où vont nos jours, nos lendemains 
— Vous allez , où vont nos années , 

Où, — fleurs tôt ou tard moissonnées, 

Nous allons tous , pauvres humains !! 

Enfans ! — Vous allez à la tombe. 

Ce gouffre où tout s'abîme et tombe. 
Esprit, — talents, — gloire et beauté ; 

— Cet asile où notre existence, 

Aux doux rayons de l f espérance. 

Mûrit pour l’immortalité !! 

A la tombe, cet autre monde 
Où l’homme , — poussière féconde , 

— Pour remonter soudain aux cieux, 
Renaît, comme l’oiseau mystique, 

Qui, de son bûcher symbolique (*) 
S’élance vainqueur radieux !! 

— Car la tombe, enfans : la vie (*) ! 
—C’est le seuil d’une autre patrie. 
L’aurore d’un jour sans déclin : 

— C’est la couche où l’homme sommeille. 
Jusqu’à l’heure où Dieu le réveille 

Pour jouir d’un bonheur sans fin ! 


(1) Le Phénix. 

(2) Mort peperit vitam . 


I 


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( 78 ) 


IV. 

— Mais, pour que celte aurore. 
Dans toute sa splendeur, 

À vos yeux puisse éclore, 

— Au séjour du bonheur, 

Pour que , — parmi les Anges, 
Vous puissiez, — tous les deux. 
Entendre les louanges 
Qui se chantent aux cieux ; 


Sur cct humain rivage , 

Où nous passerons tous , 
Beaux oiseaux de passage, 
Enfans ! — souvenez-vous 
Que la vie est amère, 

Et qu'avant d'en sortir , 
Nous avons tous, sur terre , 
Notre lâche à remplir... 


V, 


Jeune fille ! — sur ton visage, 
Lorsque des fleurs du bel âge 
Tu verras l'incarnat fleurir ; 

— Pleine d'une flamme inconnue , 
Quand tu sentiras, tout émue. 

Sur ton front ton âme rougir. ... 


Si tu rencontres, dans la vie. 

Un cœur qui demande une amie. 
Un frère qui cherche sa sœur ; 


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(77 ) 

— Une pauvre plante épuisée 
Qui demande un peu de rosée 
Pour ranimer sa pile fleur. ... 


Oh ! dans ce cœur qui te réclame 
Verse le baume de ton &me ! 

A ce frère en pleurs tends la main , 
Et sois r onde rafraîchissante 
Que , nuit et jour , la pauvre plante , 
Près de mourir , implore en vain ! 


Dans ce triste vallon d'alarmes 
Où de nos yeux mortels, les larmes 
Ne cesseront, hélas ! de couler ! 

— Ou fille, — ou sœur, — ou femme, ou mère , 
Sois toujours l'Ange tutélaire 
Que Dieu créa pour consoler !!.. 


VI. 


Et toi, jeune homme, elle est belle 
La mission qui t'appelle; 

Cours au plus tôt l'accomplir ; 

— À l’œuvre de l'avenir 
Chacun de nous doit sa pierre ; 

Ou monarque, ou prolétaire, 
Malheur à qui fait défaut. 

— Le maître, — au jour du salaire , 
S*en souvient toujours là-haut ! 


Sous les angoisses du doute. 
L’humanité,— dans sa route, 


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( 78 ) 

S’égare et chercbe un appui... 

— Nouveau Moïse, — aujourd’hui 
Guide la marche tremblante 
De cette Israël errante 
Qui sent défaillir son cœur ; 

Et conduis-la triomphante 
Au Chanaam du bonheur. 

Va!! — Mais un jour, si toi-même , 
Avant le terme suprême , 

Tu sentais faiblir ta foi , 

— Un astre au ciel luit pour toi ! 
L’œil fixé vers la lumière 
De cet astre tutélaire. 

Ton espoir et ton salut, 

Poursuis ta course éphémère 
En disant : voilà mon but ! ! 

VII. 

— C’est ainsi que, tous deux ensemble. 
Vous irez où Dieu nous rassemble; 

— Tous deux, vous tenant par la main, 
Beaux fugitifs, venus des célestes phalanges, 
C’est ainsi que parmi les anges. 

Vous irez prendre place à l’orchestre divin ! 


Riche du bien, fait à son frère , 

Quand l’heure vient pour nous d'abandonner la terre’, 
Heureux, enfans ! trois fois heureux 
Celui qui put, durant sa rapide existence, 

Semer, sur son chemin, l’amour, cette semence 
Que l’on récolte dans les deux !!.. 


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( 79 ) 

Je termine, Messieurs. J’aurais voulu plus dignement 
payer ma dette de reconnaissance. Mais vous savez à 
quelles tristes préoccupations nous sommes tous en proie. 
La France est en deuil, — et notre ville allait se parer 
des apprêts d’une fête, où nous voulions convier , où 
nous espérions voir ce prince que nous pleurons aujour- 
d’hui. Puissions-nous tous près du berceau de son fils, 
du royal enfant, en présence de cette jeune mère, si 
dévouée, si aimante, encore hier si brillante, aujour- 
d'hui baignée de larmes, puissions-nous resserrer nos 
rangs, étouffer toute discorde, et vouloir et faire que 
notre nation soit toujours la grande , la généreuse na- 
tion ! 



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PROCÈS-VERBAL 


DE LA 




DU DIMANCHE 24 JUILLET 1842. 


Présidence de M. LEROY (de Béthune). 

La séance est ouverte à onze heures du matin. 

Présents. 

Membres honoraires de droit , MM. Mastrik , procureur 
du roi ; Poisson , sous-préfet. 

Membres honoraires nommés par la Société : MM. de 
Warenghien, Lagarde, Daix et Tressignies. 

Membres résidans: MM. Bagnéris, Maugin, B i gant, 
Plazanet , Desfontaines-d’Azincourt , Minart , Pilate , 
Lagarde , Dussaussoy , Tailliar , Delattre , Leroy ( de 
Béthune), Hibon, Parmentier, Malet, Jouggla, Vasse, 
Evain , et Blavier. 

Membres correspondants: MM. Piéron, de Cantin; 
Broy, deCuincy; Parmentier, d’Arras ; Pilate, de Brebiè-j 

C. 


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( 82 ) 

res; Fiévet, de Masny; Dcnisse, de Raches ; Dovillers, 
de Montigny; Bourlet, abbé, à Douai; Luce, de Courche- 
lettes; Jacquart, de Dechy; Dumarquez, d'Equerchin; 
Lolliot, de Lécluse; Delaby, de Courcelles; Baucq, de 
Faux-Vivier ; Bernard, deRoost; Caudrelier, de Wa- 
ziers. 


ORDRE DU JOUR. 

M. Leroy (de Béthune), président de la Société, a ou- 
vert la séance par un discours sur une question d’une 
haute importance et relative au traité de commerce 
avec la Belgique. 

M. Parmentier» secrétaire-général, adonné lecture 
du compte-rendu des travaux de la Société depuis sa 
dernière séance publique. 

M. Jouggla a lu un rapport sur les concours pour 
l’amélioration des races de bestiaux, et les récompenses 
aux ouvriers de ferme. 

M. Parmentier a lu une pièce de vers de M. César 
Lambert, membre correspondant. 

M. Poisson, sous-préfet, a lu un rapport sur les con- 
cours d’économie publique, d’histoire et de poésie. 

M. Hibon a lu deux fables deM. Derbigny, membre 
Correspondant. 

Après ces lectures, la distribution des priâtes et mé- 
dailles obtenues dans les divers concours ouverts par 
la Société, s’est faite dans l’ordre suivant : 

C9MMN pour l'amélioration des racea de bestiaux. 

M. Jacquart, maire de la commune de Dechy et mem- 
bre correspondant delà Société, une prime de 75 francs* 
pour avoir présenté un beau taureau au concours du . 3 
octobre 1841. 

' M. Bazin, maire de la commune de Landas, une pri- 


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( ) 

me de 50 francs, pouravoir présenté la plus belle vache 
au même concours. 

M. Humez, cultivateur à Lambres, une prime de 25 
francs , pour avoir présenté une belle vache au même 
concours. 

M. Trinquet, propriétaire à Douai, une mention ho- 
norable, pour avoir présenté une belle vache au même 
concours. 

MM. Fiévet, de Masny, et Bernard fils, de Roost-Wa- 
rendin , membres correspondants de la Société , une 
prime de 250 francs, pour avoir, les premiers, importé 
dans l’arrondissement de Douai un bélier de la race 
perfectionnée de New-Kent, lequel a été présenté au 
concours du 3 octobre 1841. 

M. Malingié, agriculteur à Pont-le-Voy, une médaille 
en or , pour avoir fait don à la Société , dont il est 
membre correspondant, d’un bélier de la race Kento- 
Mérine. 


Concours entre le* valet» de ferme. 

M. Pierre-Guislain Lobry , valet de ferme chez M. 
Couppé , à Lécluse, une médaille et un livret de 20 
francs sur la caisse d’épargne, pour ses bons et loyaux 
services chez le même maître depuis 40 ans. 

M. Joseph Wiart, valet do ferme chez M™ V e Catillon 
de Lécluse, une médaille et un livret de 15 francs sur 
la caisse d’épargne , pour ses bons et loyaux services 
chez le même maître depuis 30 ans. 

M*" e Philippine Herlant, servante de ferme chez M. 
Domis, maire à Auberchicourt , une médaille et un 
livret de 15 francs sur la caisse d’épargne , pour ses 
bons et loyaux services chez le même maître depuis 24 
ans. 


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( M) 


Concours pour l'amélioration des fruit* et exposition 

de légumes. 

NOMS DES EXPOSANTS, 

MM. Billet, de Cantin. 

Crépin (Madame veuve), propriétaire à Douai. 

Cresson, jardinier au château de Gœulzin. 

Deblocq, brasseur à Douai. 

Delaby, Alexandre, maire de Courcelles. 

Delval-Cambrai, adjoint à la mairie de Douai. 

Deroarquette, propriétaire à Douai. 

Dronsart, propriétaire à Cantin. 

François, Louis, de Douai. 

Hennemand, de Rollepot, près de Frévent, 

Leboucq de Ternas, propriétaire à Douai. 

Lecq, Alfred, jardinier à Douai. 

Legros, jardinier à Douai. 

Lcquien, docteur en médecine à Douai. 

Loubry, cultivateur à Sin. 

Masure, jardinier à Douai. 

Mercier, jardinier à Douai. 

Fintiaux, jardinier à Douai. 

Potel, propriétaire à Douai. 

Vasseur, cultivateur à Flines. 

M. Masure, jardinier à Douai, une médaille d’argent, 
grand module, pour avoir présenté la plus belle collec- 
tion de fruits à l’exposition du mois d’octobre 1841. 

M. Masure avait exposé 35 espèces de poires, dont 4 
tout-à-fait nouvelles , plusieurs encore peu répandues 
dans nos jardins, et toutes bien cultivées et judicieuse- 
ment choisies. Il avait en même temps exposé 23 espè- 
ces de pommes, toutes de trèsbelle apparence et formant 
un fort bon choix parmi toutes celles généralement 
cultivées. 


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( ) 

M. Cresson, jardinier au château de Gœulziii, une 
médaille en argent, grand module, pour avoir présenté, 
à la même exposition, les fruits les plus remarquables 
par leur beauté et leur bonté et nouvellement gagnés 
ou introduits dans l’arrondissement de Douai. 

M. Cresson avait exposé 15 espèces de poires, toutes 
très remarquables parleur culture, leur développement 
considérable, le choix heureux des variétés, et parmi 
lesquelles deux nouvelles espèces ont fixé l'attention de 
la Société à cause de leur beauté, de leur chair fine et 
parfumée et enfin de leur eau abondante et sucrée. Ces 
poires ne sont certainement pas de nouveaux gains, mais 
seulement d’excellentes importations dans notre arron- 
dissement. Dans l’impossibilité de leur appliquer les 
dénominations qu’elles ont probablement reçues dans 
les localités d’où elles proviennent, la commission leur 
a provisoirement imposé les noms de poire Téton , de 
Vénus et de belle de Montrnédi. 

M. Pintiaux, jardinier à Douai, une mention honora- 
ble pour avoir présenté de beaux fruits à la même 
exposition. 

M. Charles Hennemand, de Roi lepot-lès-Fré vent, une 
mention honorable'pour avoir présenté de très beaux 
légumes. 

La Société, tout en regrettant l’arrivée tardive desr 
légumes de M. Hennemand, ne croit pas devoir taire 
l’admiration que lui a fait éprouver la beauté des 
produits de la culture de ce jardinier. En effet, des radis 
noir, gris et blanc, pesant de 2 kilog. 500 g. à 3 kilog. ; 
des betteraves de 9 kilog. 500 g., et des choux de plus 
de 13 kilog., ne sont pas des légumes de dimensions or- 
dinaires, même parmi les plus beaux de nos marchés. 

Concours d'économie publique. 

M. Auguste Butruillc fils , de Douai , une médaille eu 


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( 80 ) 

argent , à litre d'encouragement , pour un mémoire sur 
cette question: « Y a— t— il plus de bien-être e,n général 
dans les villes industrielles que dans celles qui ne le 
sont pas, et quels sont les avantages attachés à l’une et 
l’autre situation ? » 

Concours d'histoire. 

Madame Clément, née Hémery, de Cambrai, une mé- 
daille en argent, grand module, pour un mémoire his- 
torique sur les Forestiers de Bruges. 

Concours de poésie. 

M. Wains-Défontaine, professeur au collège de Ville- 
neuve-sur-Agen , une médaille en argent, pour Une 
pièce de vers intitulée ; les deux Jumeaux. 

Concours Industriel. 

M. A. Hacart, mécanicien à Douai, une médaille 
d’honneur, à titre d’encouragement, pour la composition 
de son cercle computateur. 


Exposition de Plantes en fleurs. 

LISTE DES EXPOSANTS , 

MM. Aldehert, Amand, jardinier à Wazemmes. 
Bertemont, jardinier à Douai. 

Delcroix , caissier au Mont-de-Piété de Douai. 
Demarquette, propriétaire à Douai. 
Iiendoux-Crépin, d’Auchy. 

Lecreux, Victor, négociant à Lille. 

Marlière, jardinier à Douai. 

Moreau, père, peintre à Douai. 

Seulin, jardinier à Wazemmes. 

.Vangeert, horticulteur à Gand (Belgique). 


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( 87 ) 

Concours entre les amateurs. 

M. Victor Lecreux, la médaille d’or promise pour la 
plus belle collection. 

Concours entre les jardiniers. 

M. Amand Aldebert, jardinier, la médaille d’or pro- 
mise pour la plus belle collection. 

Concours général. 

M. Victor Lecreux, la médaille en vermeille promise 
pour la collection des plantes les plus remarquables 
parmi les plus nouvelles. 

M. Amand Aldebert, la grande médaille en argent 
promise pour la collection la plus remarquable par sa 
bonne culture. 

MM. Victor Lecreux et Bertemont , le prix partagé 
pour la plante la mieux cultivée. 

M. Aldebert, la médaille en argent promise pour la 
collection la plus nombreuse. 

M. Vangeert, horticulteur à Gand, une médaille pour 
les plantes les plus nouvelles. 

La séance de la Société levée, il est immédiatement 
procédé au tirage, par la voie du sort, entre les souscrip- 
teurs, des plantes achetées, lesquelles formaient ensem- 
ble un nombre de 406 lots. 1164 actions à 50 centimes, 
représentant une somme de 582 francs, avaient été pri- 
ses. 



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é 


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MÉMOIRE 


SUR 

liES PODCRELLESS 


Par M. l'abbé BOURLET, 

WMWil CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE8 SCIENCES , DE L* AGRICULTURE ÉT DES 
ARTS UE LILLE , DE LA SOCIÉTÉ ROYALE ET CENTRALE D* AGRICULTURE , SCIENCES 
ET ARTS DU DÉPARTEMENT DU NORD , SÉANT A DOUAI , DE LA SOCIÉTÉ 
ENTOMOLOCIQUE DE FRANCE , DE LA SOCIÉTÉ LINÉENNE DU 
NOED DS LA FRANCE , etc. 


Malgré les progrès qu’a faits l’Entomologie depuis un 
siècle, toutes les parties de cette vaste science n’ont pas 
été également explorées ni également approfondies. Si 
la connaissance des insectes les plus remarquables laisse 


(1). J’ ai publié en 1839; dans les Mémoires de la Société Royale de 
Lille, un travail sur le genre Podura. Le présent mémoire, outre ce 
genre, comprend le genre smintborus, c’est-à-dire, la famille entière des 
Podurelles. Ayant continué mes études sur cette famille, j’ai été assea 
heureux pour faire un assez grand nombre d’observations et de décou- 


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(90 ) 

désormais peu à désirer, il en est d’autres en apparence 
moins intéressants dont l’étude ne paraît pas avoir été 
aussi suivie. Tellessont les Podurelles. Dès mes premiers 
pas dans l’étude de ces insectes, je m’aperçus que mes 
observations ne s’accordaient pas toujours avec les ca- 
ractères qui en ont été tracés. Cette remarque m’engagea 
à multiplier mes recherches; je fis quelques expériences 
qui ne furent pas sans succès, et je ne tardai pas à me 
convaincre que les Podurelles n’ont été jusqu’à jce jour 
qu'imparfaitement connues, et que leur histoire exigeait, 
pour être au niveau des autres parties de l’Entomologie, 
une étude spéciale plus approfondie. Cette tâche n’était 
pas sans difficulté, et eut sans doute réclamé, pour être 
bien remplie, un observateur habile et expérimenté: 
j’osai toutefois l’entreprendre, et, dans l’espoir que mes 
travaux neseraientpas inutiles aux progrès de la science, 
j’ai cru devoir en consigner les résultats dans un mé- 
moire. Ce mémoire est-il dénaturé à remplir une lacune 
dans la science des insectes ? C’est du moins le but que 
je me suis proposé- Pour l’atteindre, je me suis attaché à 
recueillir des faits; j’ai vérifié ces faits avec le plus grand 
soin; j’ai tâché d’en saisir les rapports, et, d’après ces 
rapports, je les ai coordonnés de manière que chaque 
objet occupe dans mon cadre la place qui lui a été mar- 
quée par la nature. Malgré mes efforts, je ne puis me 
flatter que l’histoire des Podurelles Soit achevée. Outre 
les défauts qui auront pu se glisser dans mon travail, il 


vertes intéressantes. Mon premier travail, je l’ai revu, modifié en plu- 
sieurs points et considérablement étendu ; mes précédentes observations 
ont été de nouveau térifiées avec une attention minutieuse ; presque 
toutes les espèces de Podurides déjà décrites ont été soumises à un 
nouvel examen; de sorte que je puis dire n'avoir épargné ni temps , ni 
travail^ ni recherches, pour que cette monographie fût aussi exacte et 
aussi complète qu’elle pouvait l’ètre. 


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( 92 ) 

reste encore bien des choses à connaître tant sur le 
nombre des espèces, leur organisation et leurs mœurs, 
qu’en ce qui concerne leur génération qui est restée 
jusqu’ici un mystère, quelques investigations qu’on ait 
pu faire et que j'aie faites moi-même pour la dévoiler. 
Aussi n’ai-je pas abandonné l’étude des Podurelles. Ces 
animaux, en apparence si cbétifs, mais qui ne laissent 
pas d’être intéressants aux yeux de l’observateur, ob- 
tiendront encore pendant quelque temps une large part 
dans l’emploi de mes loisirs. 


Les Podurelles sont des insectes aptères, au corps 
mou, à tête distincte, munis d’une queue fourchue, ap- 
pliquéesous le ventre, servant pour sauter; ne subissant 
pas de métamorphose, mais seulement une mue, ou 
changement de peau. Elles forment la seconde famille 
des thysanoures, premier ordre de la classe des insec- 
tes. 

Je divise les Podurelles en deux tribus, ainsi caracté- 
risées : 

Corps oblong, articulé, antennes droites, thorax dis- 
tinct. l re tribu PODURIDES. 

Corps globuleux, non articulé, antennes coudées, 
thorax indistinct. 2 e tribu , . . . . smintiiurides. 

PREMIERE TRIBU. 

PODURIDES. 

Côrpore oblongo, arliculato, antennis redis, thorace distincte. 

Les Podurides ont le corps allongé, subcylindrique, 
distinctement articulé, long d’un à six millimètres, et 
les antennes droites, dont la dimension et le nombre 
des articles sont variables. 


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(92) 

DE LA TÊTE. 


La tête des Podurides est ordinairement ovale, dépri- 
mée, un peu penchée, le plus souvent de la largeur du 
thorax, dont elle est séparée par un étranglement et par 
un cou peu visible et légèrement rétractile. La partie 
antérieure s'avance en forme de museau court et tron- 
qué. 

Antennes. — Les antennes sont dirigées en avant, di- 
vergentes, et toujours pubescentes. Elles sont ordinai- 
rement sétacées, et formées tantôt de trois articles, 
tantôt de quatre, tantôt de cinq, suivant les genres, et 
dans ce dernier cas, elle sont souvent inégales entre 
elles. Leur longueur varie depuis celle de la tête jus- 
qu’à celle du corps. 

Bouche. — Les parties de cet organe sont peu apparentes. 
On y remarque,l°un épistome paraissant arrondi. 2° Un 
labre linéaire, tranversal , entier. 3* Un menton- ovale. 

Une languette large, saillante, ciliée, àdeux divisions, 
chaque division quadrifide. Les mandibules et les mâ- 
choires ne sont que rudimentaires, et sont très difficiles 
à distinguer. 

Yeux.— Les yeux des Podurides sont au nombre de 
deux, situés derrière les antennes, et presque toujours 
placés sur un fond noir, d’une forme oblongue, le plus 
souvent rectangulaire. Ils sont formés de six ou huit 
ocelles. Le nombre et la position de ceux-ci offrent 
quelque variation. En général, le nombre des ocelles pa- 
rait être en raison inverse de la taille de l’insecte. Chez 
les plus grandes Podurides, il n’y en a le plus souvent 
que six: il y en a constamment huit chez les plus petites; 
et chez celles qui, pour la taille, tiennent le milieu entre 
ces deux groupes, on en trouve tantôt six et tantôt huit. 
On remarque en outre chez celles de ces dernières qui 


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( 93 ) 

n'ont que six ocelles, plusieurs petits grains vers la base» 
ayant peu d’éclat et de convexité , et paraissant être des 
ocelles avortés, ou oblitérés. 

DD THORAX. 

Je prends le mot thorax dans le sens que sont conve- 
nus aujourd’hui de lui donner la plupart des entomolo- 
gistes, pour la partie du corps comprise entre la tête et 
l’abdomen, et composée de trois segments portant chacun 
une paire de pattes. Dans les Podurides, le premier seg- 
ment thoracique , ou prothorax , n’est bien distinct que 
dans deux genres , ceux que j’ai nommés Hypogastrura 
et Adicranus ; dans les autres genres il n’est nullement 
apparent en dessus, et très-peu en dessous, envahi qu’il 
est par le suivant, dont le développement est considéra- 
ble. U résulte de là que le thorax ne semble composé 
que de deux segments distincts, et que les deux premiè- 
res paires de pattes paraissent avoir leur attache aux 
parties antérieure et postérieure du mésothorax. Le 
premier segment apparent est donc réellement le méso- 
thorax , bien qu’au premier aspect il paraisse jouer le 
rôle du prothorax , et c’est en effet le nom de celui-là 
que je lui ai donné. Le corps des Podurides se compose 
alors de huit segments , dont six pour l’abdomen. Au 
surplus, le thorax des Podurides n’étant pas aligère , sa 
structure est très-simple, et vainement on y chercherait 
les pièces qui entrent dans la composition de celui des 
insectes allés: la plupart de ces pièces ne s’y trouvent 
pas plus que dans le thorax des larves, avec lequel celui 
des Podurides a beaucoup d’analogie. 

Mésothorax. — Il est convexe , ovale ou arrondi par 
devant, entier ou légèrement échancré, quelquefois 
relevé en bosse , tronqué postérieurement et recouvrant 
d’ordinaire le segment suivant. Son bord antérieur est 
cilié, et son disque garni de poils ou d’écailles , et dans 


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(94 ) 

quelques espèces, marqué d’un grand nombre de taches; 

Métatiiorax. — Ce segment est généralement plus petit 
que le mésothorax, dont il n’est guère que la moitié, ou 
les deux tiers. Dans quelques espèces cependant il a à 
peu près la même grandeur. Il ne recouvre pas toujours 
le segment suivant. 

Pattes. — Les pattes sont courtes , peu saillantes , et 
touj ours vel ues . Les deux premières sont très rapprochées 
entre elles , et plus écartées de la paire moyenne que 
celle-ci ne l’est de la dernière. On y distingue , comme 
dans tous les insectes, cinq parties. La hanche est grosse, 
globuleuse. Le trochanter est plus mince , et quatre fois 
plus court que la cuisse. La cuisse et la jambe diffèrent 
peu en grosseur; mais celle-ci est moins longue, et son 
articulation avec le tarse est si peu apparente, qu’elle 
semble ne former avec lui qu’une seule pièce. Le tarse 
va un peu en diminuant ; il est court, d’un seul article , 
et est armé d’ordinaire de deux crochets souvent 
inégaux , peu mobiles et presque droits. Les pattes des 
Podurides , comme leurs autres membres , sont peu 
flexibles et très fragiles. Il suffit quelquefois d’en plier 
les articulations pour les rompre. Leurs tarses ne sont 
pas munis de ces peloites à l’aide desquelles on voit 
beaucoup d’insectes se tenir et courir sur des surfaces 
verticales très polies, et même sur des surfaces horizon- 
tales renversées; mais nous verrons ci-après que la 
nature les en a dédommagées jusqu’à un certain point 
par un autre organe qui remplit les mêmes fonctions. 

de l’abdomen. 

L’abdomen des Podurides est intimement uni au tho- 
rax ; le bord postérieur du métathorax et l’insertion de 
la dernière paire de pattes , sont les seules limites qui 
l’en séparent. Il est formé de six segments qui, en géné- 
rasse recouvrent mutuellement par leurbord postérieur. 


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( 95 ) 

Dans quelques espèces , comme chez les Podura ei les ' 
Jehcranus , la dimension relative des segments abdomi- 
naux diffère peu ; chez beaucoup d’autres , au contraire, 
ils sont très inégaux. Le plus souvent c’est le troisième, 
et quelquefois le quatrième , qui est le plus développé ; 
il égale parfois à lui seul les cinq autres. Le rétrécisse- 
ment de l’abdomen commence au quatrième , et , dans 
quelques cas , au cinquième segment. Celui-ci a souvent 
ses diamètres antérieur et postérieur très inégaux , d’où 
résulte un rétrécissement brusque. Le dernier est tubi- 
Porme, et renferme l’orifice anal. Il est tantôt caché sous 
le pénultième, et alors l’extrémité de l’abdomen est 
obtuse , ou tronquée ; tantôt découvert et allongé , et 
alors l’abdomen est terminé en pointe mousse. 

La forme de l’abdomen est le plus souvent linéaire ; 
quelquefois néanmoins il est plus ou moins fusiforme , 
ou bien il va un peu en grossissant jusque vers le qua- 
trième segment ; d’autres fois l’abdomen présente un 
léger rétrécissement à son premier segment. 

L’abdomen est revêtu de poils ou d’écailles , et quel- 
quefois des uns et des autres en même temps. Sa couleur 
varie beaucoup , non-seulement suivant le genre et 
l’espèce , mais encore suivant l’âge de l’individu. Les 
couleurs les plus ordinaires sont le jaune , le blanc , le 
vert , le gris , le violet et le noir , couleurs qui sont 
ensuite souvent nuancées par un grand nombre de tein- 
tes intermédiaires, et très fréquemment variées par des 
taches différemment colorées. Le ventre est toujours 
d’une couleur moins foncée que le reste du corps. En 
général les teintes sontd’autant plus foncées, et les poils 
d’autant plus longs et plus touffus, que l’insecte est plus 
âgé. 

DE L’ORGANE SALTATOIRE. 

Cet organe , propre aux Podurelles , d’une nature 


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( 96 ) 

musculo-cartilagineuse, est flexible et élastique, se meut 
sur sa base en décrivant un demi-cercle dans un plan 
vertical , et se loge ordinairement dans une cavité, ou 
rainure , pratiquée sous le ventre. Il a le plus souvent 
son attache immédiatement au-dessous de l’orifice anal, 
à la partie inférieure de l’avant-dernier arceau de l’ab- 
domen. Il se compose de deux parties bien distinctes. 
La première, qu’on peut appeler la tige , aplatie , plus 
épaisse et plus large à sa base qu’à son sommet, est for- 
mée de trois filets cartilagineux , dont deux sont paral- 
lèles , et tous trois sont enveloppés par une membrane 
et des muscles très-puissants. Les deux filets parallèles 
sont séparés entre eux à l’extérieur par un sillon, et 
s’attachent par leur base à l’extrémité des deux bords 
latéraux de la Rainure par des muscles qu’on peut appe- 
ler extenseurs, ou releveurs, étant destinés à redresser 
la queue en arrière ; ces mêmes filets s’articulent par 
leur sommet avec les deux dents de la fourche. A 
l’opposite du sillon moyen , on voit à l’intérieur une 
côte arrondie , saillante à sa base, allant en s’abaissant, 
et s’effaçant un peu au-dessous de la bifurcation. Cette 
côte est formée par un filet et par un muscle qui, partant 
du fond de la rainure , remplit les fonctions de muscle 
fléchisseur, et aa moyen duquel l’insecte fait rentrer la 
queue dans sa cavité. Ces trois filets représentent évi- 
demment ceux qui terminent l’abdomen des Lépismes (*). 
La seconde pièce est bifurquée. Deux filets sétacés, plus 
ou moins longs , plus ou moins divergents, constituent 
cette partie , qui est ordinairement plus longue que la 
première. L’organe saltatoire est toujours garni depoils, 
et quelquefois d’écailles. La forme de la rainure destinée 


(1)11 faut toutefois remarquer que les filets des Lépismes ont leur 
insertion à la partie supérieure du segment anal. 


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( 97 ) 

à le recevoir est telle qu’il coïncide exactement avec 
elle et en remplit toute la cavité , de manière cependant 
que pour l’ordinaire les dents de la fourche dépassent 
un peu la rainure; mais dans aucun cas il n’égale la 
longueur du corps > comme on l’a dit d’une espèce de 
Poduride ( Macrotoma plumbea , Bourl. ; Podura plumbea , 
Latr. ) Cet organe dépasse rarement la dernière paire de 
pattes. Il est à remarquer que chez les Hjpogastrura , 
l’organe saltatoire diffère beaucoup, pour la forme et 
la situation, de celui des autres Poduride». 

DU TUBE GASTRIQUE. 

A l’extrémité antérieure de la rainure ventrale, un 
peu en arrière de la dernière paire de pattes , sur un 
léger renflement, s’élève un petitcorps tubulaire, d’une 
nature musculo-membraneuse, à peu près de la gros- 
seur et de la longueur du premier article des antennes : 
c’est cet appendice que j’ai nommé tube gastrique. En 
l’examinant avec attention, on peut y distinguer trois 
parties: l’enveloppe, la tète et le corps. L’enveloppe 
est formée par un prolongement du tégument commun, 
ctsertde gaine au corps auquel elleadhère. Elles’épaissit 
un peu supérieurement, de manière à former un rebord 
tant soit peu dépassé par la tête. Celle-ci est susceptible 
d’un gonflement considérable que l’animal produit à 
volonté, à peu près comme les Malachies font de leurs 
caroncules. Sa surface est sillonnée dans son milieu par 
une fente qu’on voit se dilater en comprimant le tube. 
Pendant cette pression , on voit sortir par la fente un 
liquide incolore , non visqueux , dont la tète du tube 
est souvent humectée. Le corps du tube est cylindrique; 
il est doué d’une certaine élasticité, et présente le long 
de la face antérieure une ligne sensiblement saillanto 
qui parait être un muscle destiné à lui imprimer un 

7 . 


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( 98 ) 

mouvement de flexion de ce côté, vers lequel il incline 
toujours un peu lorsqu'il n’est pas en action. Telle est, 
autant que l’exiguité de l’objet peut permettre de l’ap- 
précier, la structure de ce singulier appendice dont 
toutes les Podurelles , à l’exception des Adicmnus , sont 
pourvues. On verra ci-après que chez les Hypogastrura 
le tube gastrique est différent de celui qui vient d’être 
décrit. 

On trouve sur les Poduridcs une autre pièce non 
moins singulière, quoique beaucoup plus petite, et en 
apparence plus simple que la précédente. Elle est située 
au fond de la rainure, à peu près à égale distance du 
tube gastrique et de la base de la queue. Cet appendice , 
plus ou moins visible, mais qui ne manque jamais, et 
qu’à raison de sa forme j’ai désigné sous le nom de 
fourchette, a, sous le rapport de la conformation, beau- 
coup d’analogie avec la queue. Comme celle-ci, il parait 
composé de deux pièces : la tige et la fourche. La four- 
chette, quand on l’examine, est touj ours perpendicu- 
laire à l’axe du corps ; mais on conçoit qu’elle ne peut 
rester ainsi quand la queue occupe la rainure; elle 
s'incline alors en arrière , puis redevenue libre par la 
sortie de la queue, son élasticité lui fait reprendre sa 
position primitive. 

DE LA DIVISION DES PODTJRIDES. 

Si l’on observe les Podurides avec quelque attention, 
on s’aperçoit bientôt que, bien que conformées sur un 
type identique, elles diffèrent cependant entre elles par 
des caractères importants , constants et bien tranchés. 
Les unes, en effet, ont le corps couvert d’écailles, comme 
les Lépismes; les autres en sont dépourvues. Parmi les 
premières, les unes ont les antennes longues, de trois 
articles ; les autres les ont beaucoup plus courtes , et 
composées de quatre articles. Parmi les secondes , il 


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( 99 ) 

en est dont les antennes , d'une longueur moyenne, à 
articles inégaux , varient depuis deux jusqua cinq arti- 
cles ; d’autres ont ces organes constamment de quatre 
articles à peu près égaux ; d’autres enfin , aux antennes 
de quatre articles , se distinguent principalement par 
la forme et la situation de l’organe saltatoire , et quel- 
ques-unes par l’absence de cet organe. Ces traits ne sont 
pas les seuls qui différencient ces six sortes de Podu- 
rides. U en est beaucoup d’autres tirés de leur forme, 
de leur taille, de leur couleur, de leurs habitudes , de 
leur station, etc., qui, sans être aussi importants, n’en 
sont pas moins caractéristiques. 

On doit se garder , je le sais , de multiplier sans néces- 
sité les divisions dans les sciences naturelles ; cet abus, 
dont on se plaint avec raison, tendrait à ramener dans 
ces sciences une confusion qu'on cherche à en bannir. 
Mais lorsque le domaine de nos connaissances s’étend 
par de nouvelles découvertes , lorsque surtout des êtres 
se présentent avec des différences constantes et telle- 
ment palpables qu’elles ne sauraient échapper anx re- 
gards les moins attentifs , on ne peut être blâmable alors 
qu’on suit la marche indiquée par la nature, en consa- 
crant par de nouvelles coupes des distinctions qu’elle- 
même a établies. D’après ces considérations , je me suis 
cru autorisé à partager la tribu des Podurides en six 
genres ainsi caractérisés. 


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( 100 ) 


PODURIDES 

1 Antennes longues, de trois 
articles, le dernier beaucoup 
plus long que les autres, . 

Antennes courtes , de qua- 
tre articles, . ♦ . . . 

f Antennes de 
longueur moyen- 
ne , variant de 
deux à cinq arti- 
cles inégaux, . 

Antennes cour- 
lies , constamment 
Un organe J de quatre articles 
saltatoire \à peu près égaux, 

Antennes très 
courtes, de quatre 
articles , organe 
saltatoire attaché 
sous le ventre , et 
non à son extré- 
mité, . , . • 

I Point d’organe 
\ saltatoire 


Sans 

écailles 



1 er Genre , Macrotoma. 
2 e Genre , Lepidocyrtus. 


3 e Genre , Ætueocerus. 


4 e Genre, Podüra. 


5 e Genre,HTPOGASTRURA. 
6 e Genre, Adicranus. 


PREMIER GENRE. 

MACROTOMA ( f ) ; 

Podurœ ,Sp . Lin. Fab. Latr. 

Corpore squamoso , antennis Ion gis , triarticulis , ulùmo 
articulo mulib longiore. 

Ces Podurides sont les plus grandes de toutes; elles 
n’ont pas moins de cinq millimètres, et en atteignent 


(1) Makros , long; tomé, division , article. 


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( <«» ) 

quelquefois six. Leurs aulenues ont trois articles; le 
premier gros, cylindrique, est à peu près égal aux deux 
tiers de la tète ; le suivant a la même forme, mais il est 
plus mince et un tiers plus long ; le troisième égale 
quelquefois la longueur du corps ; il est sétacé , à extré- 
mité un peu obtuse , et le plus souvent droit ; mais dans 
une espèce ( S/nricornis , Bourl.), il peut se rouler en spi- 
rale; c’est surtout lorsque cet insecte est inquiété qu’il 
lui fait prendre cette forme. Cet article, vu au micros- 
cope, se montre composé d’une multitude de petits 
anneaux très serrés , dont le nombre ne va pas à beau- 
coup moins d’un cent. Ils ont quelque ressemblance 
avec ceux des antennes des Lépismes. C’est vraisembla- 
blement à cette série d’anneaux qu’est due la mobilité 
de cet article et la faculté qu’a l’insecte de le contourner 
en divers sens. Ces antennes vont en s’amincissant de 
la base au sommet, et le troisième article est revêtu 
d’un duvet tomenteux d’une couleur grise ou fauve , 
présentant quelquefois à la loupé un rellet violet. Ce 
même article présente, dans quelques cas , vers son 
extrémité , une petite articulation qui le partage en 
deux parties inégales. La tête des Macivtorna est tant 
soit peu déprimée, concave en dessous, et le cou est 
un peu plus visible que dans les autres genres. Le 
thorax (ou plutôt le métalborax) , est convexe avec son 
bord antérieur ovale, entier, et garni d’une frange de 
poils qui forment à l’insecte comme une collerette. Le 
premier segment abdominal a la moitié de la longueur 
du mélalhorax et le double du deuxième. Le troisième 
est extraordinairement développé , et comprend à lui 
seul près de la moitié de l’abdomen. C’est une des diffé- 
rences que les Mncrotoma présentent avec les Æthco- 
terus , chez lesquels le plus grand segment abdominal 
est le quatrième. Elles s’en distinguent encore par* 
l’extrémité en pointe mousse de leur abdomen , par leur 


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( 102 ) 

épiderme plus consistant et plus lisse , par leurs poils 
plus rares et plus gros, et leur tube gastrique plus 
long; mais principalement par les écailles dont leur 
corps est couvert. Ces écailles, qui, dans ce genre et 
dans le suivant , remplacent le duvet des autres Podu- 
rides , sont d'une ténuité et d’une transparence extrême, 
et ressemblent assez bien à des feuilles. Leur limbe 
paraît entouré d’un bord opaque qui , en se prolongeant 
du côté de la base, forme la queue, ou pétiole, au 
moyen duquel l'écaille est attachée à l’épiderme» Ces 
écailles sont très caduques et se détachent au plus léger 
contact. Si l’on met une de ces Podurides dans un vase 
et qu’on la fasse sauter pendant quelques instants , ses 
écailles tombent, et l’on est étonné que le même insecte 
qui un instant auparavant était noir ou plombé, se 
montre avec une couleur jaune. C’est à tort que l’on a 
comparé les écailles des Podurides à celles des Lépidop- 
tères , avec lesquelles je leur ai trouvé, surtout pour la 
forme, bien peu de ressemblance ; mais elles m’ont paru 
être absolument de la même nature que celles des 
Lépismes. Elles ont, comme celles-ci , un éclat argenté, 
sont aussi striées , mais plus finement , et affectent 
trois formes principales , arbiculaire, ovale et elliptique. 

Les Macrotoma ont les yeux formés le plus souvent 
de six ocelles , placés sur une aire noire d’une forme 
oblongue, irrégulière. Ce genre comprend les deux 
espèces suivantes : 

1. MACROTOMA PLU M BEA , 

P oduraplumbea, Lin. Fabr. (non Degéerj; Rœmer, Latr. Podure grise 

commune, Geoff. 

Antennis c rassis , cor pore paulo brevionbus , semper redis , 
corpore squamis plumbcis fuscis. 

G millimètres de longueur. Corps couvert d’écaillesj 


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(103) 

d’un brun ardoisé, antennes grosses, à dernier article 
gris, un peu moins longues que le corps; celui-ci , dé- 
pouillé de ses éoaillcs, jaune, avec le bord postérieur 
des segments blanchâtre , et le ventre pâle ; bord anté- 
rieur du thorax noir , garni d'une frange de poils; quel- 
ques poils à la queue et à l’anus. — Sous les pierres et 
le bois pourri , en tout temps. 

Cette espèce a quelquefois les écailles noires, offrant 
un léger reflet cuivreux. 

2. M. SPIRICORNIS , Bourl. 

An tennis gracilibus, tertio articulo longitudine corporis , in 
gyrum flecti valente, cor pore sq nantis plumbeis minus fuscis » 

5-6 mill. Antennes brunes , plus menues que chez 
l’espèce précédente, troisième article de la longueur 
du corps , reflétant le violet , et pouvant se rouler en 
spirale; thorax souvent marqué de deux lignes blan- 
châtres formant un angle dont le sommet s’appuie au 
bord antérieur; celui-ci cilié de longs poils; quelques 
poils sur le corps, principalement vers son extrémité. 
— Dans les bois, sous la mousse, sous les vieilles fasci- 
nes , où onia trouve en quantité aux mois de septembre 
et d’octobre. 


DEUXIÈME GENRE. 

LF.PIDOCYRTUS O , 

Podurœ sp. , Degéer? 

Corpore squamoso, antennis brevioribus, quadriarticulatis , 

Les Lepidocyrtus ont les antennes de quatre articles, 
une fois plus longues que la tète. Les trois premiers 
articles , à peu près égaux , sont un peu obeoniques , et 


(1 ) LepU , écaille j kurtos , bossu. 


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( 101 ) 

Je dernier légèrement fusiforme, une fois plus long que 
le précédent. Leur caractère le plus distinctif, après les 
antennes , consiste dans la forme du thorax| (notam- 
ment dans l’espèce Curvicollis , qui a été prise pour type 
du genre) , lequel se relève en bosse , puis se recourbe et 
redescend sur le cou , de manière à former une enve- 
loppe en forme de capuchon. Le sommet, ou calotte, de 
la protubérance thoracique, est formé par une pièce 
distincte qui s'aperçoit fort bien -à la loupe, et qui reste 
toujours brune , même après que les écailles sont tom- 
bées. De la partie autérieure de la bosse sort assez sou- 
vent un petit faisceau de poils, quelquefois visible à 
l’œil nu , d’autres fois seulement à la loupe. La tête est 
allongée et beaucoup plus petite que le thorax. Elle est 
inclinée, et fait , avec l’axe du corps, un angle droit ; 
cet angle devient même obtus en dessus pendant le 
repos; dans cet état, si l’on regarde l’insecte en dessus, 
on ne lui aperçoit pas de tête. Cette inclinaison de la 
tête paraît être occasionnée par la courbure du thorax 
qui appuie sur le cou , et qui , étant très rigide, à cause 
des écailles dont il est toujours chargé, le force à se 
tenir baissé. De là vient que plus l’insecte est âgé, plus 
la tête est inclinée. Telle est la cause de cette position 
delà tète, position qui, jointe à la forme du thorax, 
donne à cette Poduride un aspect si singulier. L’organe 
saltatoire et les pattes sont blancs. Il existe assez sou- 
vent des poils blancs, peu fournis , à la tête, aux an- 
tennes, surtout aux articulations, et à l’extrémité de 
l’abdomen ; mais pas de duvet. Les Lepidocyrtus offrent 
à peu près la même couleur que les Macrotoma ; seule- 
ment les écailles ont une teinte plus cuivreuse. L’abdo- 
men va un peu en diminuant et a son extrémité tron- 
quée. Le quatrième segment est très-grand et surpasse 
la longueur totale de tous les autres , y compris le tho- 


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( <05 ) 

rax ; les deux derniers sont peu apparents. Les yeux 
sont formés de huit ocelles. Quoique petit , le Lepido- 
crrtus saute plus fort que les grandes Podurides, faculté 
qu’il doit à la dimension de son organe saltatoire , pro- 
portionnellement plus long que dans les autres genres. 
— Trois espèces. 

1. LEPIDOCYRTUS CURVICOLLIS , BOUrl. 

Podura plumbea , Degéer ? 

Thorace gibboso , capile deflexo , corpore toto squamis 
plumbeis. 

2 millim. î. Mêmes caractères que ci-dessus. — Sous 
les pierres et le bois pourri , en tout temps , excepté 
l’hiver. 

2. L. ARGENTATUS, BOUrl. 

Thorace minus elato , corpore squamis argenteis. 

Même taille que le précédent; thorax moins relevé et 
tête moins inclinée que chez le Curvicollis ; corps revêtu 
en entier <T écailles d’un blanc argenté, reflétant quel- 
quefois une légère teinte cuivreuse; pubescence blanche, 
assez longue, — Dans les lieux humides, sous les pierres 
calcaires et le vieux bois , tout l’été. 

3. LEPIDOCYRTUS RIVULARIS , Bourl. 

Thorace minus elato , corpore fuh’o-luteo , squamis nu/lis , 
vel paucis. 

1 î — 2 mill. Tête et thorax comme le précédent; corps 
d’un jaune-ferrugineux , plus ou moins clair ou teslacé 
en dessus, blanchâtre en dessous , ordinairement dé- 
pourvu d’écailles, ou tout au plus n’en ayant dans l’âge 
adulte que sur la tête et le thorax. — Sur les plantes 
aquatiques et l’herbe des prairies, l’été et l’automne. 


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( 106 ) 


TROISIÈME GENRE» 

ÆTHEOCERUS (*). 

Amenais haud ita longis , articulis incequalibus , numéro 
varias , a duo bus ad quinque. 

Ces Podurides offrent, parmi les insectes, une ano- 
malie remarquable. Bien que leurs antennes soient évi- 
demment conformées sur un même type, non seulement 
le nombre de leurs articles est souvent variable, mais 
ce nombre n’est pas toujours égal dans les deux anten- 
nesdu même individu. Ainsi il n’est pas rare de voir, 
dans ces Podurides, une antenne de cinq articles, tandis 
que l'autre n’en a que quatre , que trois , ou seulement 
deux ; d’autres fois elles ont toutes deux cinq , quatre, 
trois, ou deux articles; mais jamais moins de deux. Un 
habile Entomologiste, M. Macquart, à qui cette observa- 
tion a été communiquée, pense que cette conformation 
est le résultat d’une lracture, ou d’un avortement. Celte 
opinion n’est pas partagée par M.deWalkenaer, qui, aussi 
consulté par moi, m’a dit avoir remarqué parmi les My- 
riapodes cette même monstruosité qu’il croit naturelle. 
Quant à moi , je me bornerai à exposer historiquement 
mes observations sur ce fait. 

1° Dans le cas où les antennes sont inégales, le der- 
nier article de la plus courte, quel que soit son rang 
numérique, n’est jamais conforme à l’article correspon- 
dant de l'autre antenne; 2° il affecte constamment une 
forme analogue à celle de l’article terminal, ou le cin- 
quième ; 3° il én est de même pour les antennes égales, 
mais ayant moins de cinq articles; dans ce cas,le dernier 
est toujours plus gros et plus long que le terminal de 


(1) Aéthés, insolite, irrégulier; feras A corne, antenne* 


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( W7 ) 

l'antenne normale, quoique ayant une forme analogue 
et la même couleur ; 4° on n’aperçoit à l’extrémité de 
l’article aucune trace de fracture ; 5° plusieurs jeunes 
Podurides etun grand nombre d’adultes ont été trouvées 
ainsi conformées; le nombre de celles-ci était, à l’égard 
des Ætheocerus à antennes de cinq articles , comme 
cinq ést à huit; 6° cette conformation des antennes ne se 
rencontre que rarement dans les autres Podurides; 
7° toutes les fois que dans les autres genres on trouve 
des Podurides dont les antennes ont été brisées, la cica- 
trice est toujours visible et la forme des articles n’a pas 
varié; 8° j’ai renfermé dans des vases une certaine quan- 
tité d 'Ætheocerus dont les antennes offraient les diffé- 
rentes conformations observées par moi; j’y ajoutai plu- 
sieurs congénères qui avaient ces organes brisés au 
moment où elles furent trouvées , ou à qui je les avais 
moi-même mutilés ; au bout de trois mois elles furent 
retrouvées toutes exactement dans le même état. 

Les antennes des Ætheocerus dans leur état normal , 
ont cinq articles, et en outre un article basilaire , gros, 
court , qui ne se voit pas dans les autres genres , mais 
qui ne manque jamais dans celui-ci, quoique dans l’énu- 
mération de ces parties je n’aie pas cru devoir en tenir 
compte, cette pièce m’ayant paru n’étre que la partie supé- 
rieure de la rotule faisant saillie hors du torule. Le pre- 
mier article après celui-là est toujours gros, cylindrique, 
et à peu près de la longueur des deux tiers de la tète. Le 
deuxième est très-court , à peine le quart du premier, et 
obconique. Le troisième ressemble au premier pour la 
forme et la longueur, mais il est moins gros. Le qua- 
trième et le cinquième, légèrement fusiformes, sont plus 
longs et plus minces que le troisième. Ces deux derniers 
articles sont en outre toujours unicolores, gris ou fau- 
ves , tandis que les trois premiers sont constamment 


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( MB) 

annelés de deux ou trois couleurs différentes. Il est 
remarquable que , quels que soient le nombre et la 
forme des articles , la forme du premier et du basilaire 
ne varie jamais. 

Le thorax des Ætheocerus est convexe, arrondi anté- 
rieurement et légèrement échancré ; son bord antérieur 
est toujours garni de longs poils, ainsi que son disque , 
qui est en outre fort souvent marqué île taches. Dans 
quelques espèces, la coloration du deuxième segment 
abdominal diffère de celle des autres , et forme par son 
contraste comme une ceinture h l’insecte. Quant à la 
dimension des premiers segments, elle est, à peu de 
ehose près , la même que chez les Macrotoma ; mais ici 
c’est le quatrième segment, et non le troisième , qui est 
le plus développé ; il égale les deux précédents. Le der- 
nier segment étant caché sous le pénultième, l’extrémité 
de l’abdomen est obtuse ou tronquée. Le corps des 
Ætheocerus est toujours plus ou moins velu. Les poils 
sont ordinairement de deux sortes, les uns gros, longs, 
séliformes ; les autres beaucoup plus fins , plus courts et 
plus fournis. Ceux-ci deviennent l’hiver très denses, et 
forment une véritable fourrure destinée à garantir l’inr- 
secte des atteintes du froid. Ces derniers poils , ainsi 
qu’il a été dit , manquent chez les Macrotoma et les 
Lepidoc/itus , où ils sont remplacés par des écailles. La 
couleur la plus ordinaire des Ætheocerus est le jaunâtre, 
le gris, le verdâtre, le brun et le noir. Leurs yeux sont 
formés le plus souvent de six ocelles , placés sur une 
aire noire , rectangulaire , presque toujours échancrée 
au côté externe. Voici les espèces appartenant à ce 
genre : 

1. ÆTHEOCERUS RUFESCENS! 

Podura ruftscens , Lin. 

Corpore luteo-grisco , vdloso, maculis j uscis . 

5 mill. Sur la tête plusieurs taches dont quelques- 


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( «09 ) 

unes sur le vertex, formant un angle dont les côtes sont 
dirigés vers les yeux ; contour de la tête, vu. en dessus, 
paraissant bordé d’un cercle brun qui s’élargit et 
s’avance un peu entre les antennes ; thorax marqué de 
deux bandes maculaires brunes qui se prolongent sur 
les segments suivants , et le dos d’une ligne médiane 
fort fine, d'un jaune-clair , qui va jusqu’au quatrième 
segment ; deux taches et une lunule sur le deuxième 
segment abdominal , un croissant sur le troisième, et 
sur le quatrième un carré qui n’est pas toujours bien 
distinct ; le cinquième marqué de deux taches brunes 
vers le haut ; les deux premières paires de hanches 
offrant un ovale coupé en fer à cheval , dont la concavité 
regarde la cuisse ; extrémité des jambes anneléed’un 
brun-fauve ; premier article des antennes annelé supé- 
rieurement de brun ; les deux suivants bruns quatrième 
et cinquième , gris-fauves ; bouche entourée d’un cercle 
brun ; queue blanche et velue. — Commun sous les 
pierres, le vieux bois, en tout temps. 

2. JE. CRTSTALUNUS. 

Podura erytUdlina , Lia. 

Corpore albo-pallido , translucido , parum villoso , sine 
maculis. 

3 mill. %. D’un brun pâle , sans tache, corps transpa- 
rent ; tous les segments bordés d’un blanc-foncé ; la 
bordure, dans les derniers, surmontée d'une fascie d’un 
brun-fauve ; extrémité des cuisses et des jambes anne- 
lée de cette dernière couleur : queue et tarses blancs , 
pattes hyalines, quelques poils rares sur le corps. — Sous 
la mousse. 

3. je. griseus, Bourl. 

Corpore minore , griseo-fulvo , villoso. 

2 mill. I. Cette espèce se distingue principalement par 


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( 110 ) 

sa moindre taille et sa couleur d’un gris-fauve ; taches 
peu prononcées, dans quelques individus à peine appa- 
rentes; tête et thorax très velus. — Sons les pierres. 

4. je. pulchricornis , Bourl. 

Podura vaga , Lin. ? Fab. ? 

Corpore fusco-flavescente, nitido , abdornine cingulo luteo- 
albo , antennis annulo albo. 

4 mill. Elle varie pour la couleur; elle est le plus sou* 
vent d’un brun-jaunâtre, quelquefois d’un brun-noirâtre; 
dans ce dernier cas , elle pourrait bien être la Podura 
Vaga de Linnée et Fabricius ; tête noire ; premier article 
des antennes ayant sa moitié inférieure noire, et sa 
moitié supérieure d’un beau blanc formant un anneau 
très remarquable; deuxième article noir; troisième 
d’un brun-fauve; quatrième et cinquième fauves ; deux 
taches blanches, quelquefois pâles ou jaunâtres, oblon- 
gues, obliques, sur le mésothorax ; deux taches à peu 
près semblables sur le métathorax; deuxième segment 
abdominal antérieurement d’un jaune testacé , bordé 
de jaune-pâle , formant ceinture; une plaque noire, 
rectangulaire, transversale, sur le suivant; deux taches 
blanches , punctiformes , sur le bord du quatrième 
segment ; pattes , ventre et queue , d’un gris-brunâtre ; 
corps garni de poils noirs; épiderme luisant. — Sous les 
pierres , le vieux bois ; rare l’hiver. 

VAR. Sex-guttatus . 

Côrpore sex maculis albis. 

Elle se distingue de l’espèce par six taches blanches , 
dont deux linéaires sur le thorax, deux autres de la 
même forme sur le segment suivant, et deux plus petites 
punctiformes , sur le bord du grand segment abdomi- 
nal. 


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Mil) 

5. JE. CINCTUS. 

Poivra eineta , Lin. Fab. Latr. 

Corpore griseo-flavo, abdomine cingulo lutescente. 

2 mill. D’un gris-jaune, deuxième segment abdomi- 
nal d’un pâle-jaunâtre , formant ceinture ; partie anté- 
rieure du troisième , noire; une tache d’un blanc-jaunâ- 
tre sur chacun des deux segments thoraciques et sur le 
premier segment abdominal ; tète et thorax garnis de 
poils ; quelques poils sur l’abdomen. — Sur la terre, sous 
les pierres humides, en tout temps ; mais plus commun 
l’été. 

6. je . rubrofasciatus , Bourl. 

Corpore pallido , quatuor fasciis rubris longitudinalibus. 

4 mill. Corps pâle ; quatre bandes longitudinales , 
parallèles, rouges , sur le corps , dont deux dorsales et 
deux latérales ; troisième et quatrième segments abdo- 
minaux bordés de brun ; bouche brune ; deuxième et 
troisième articles des antennes égaux, rouges; les autres 
annelés de jaune et de rouge ; corps peu pubescent. — 
Sous la mousse , au pied des arbres ; rare. 

7. JE. QUINQUEFASCIATUS , BûUrl . 

Corpore luteo-albido, quinque fasciis fuscis longitudinalibus . 

4 mill. Corps pâle, allongé, subfusiforme, pubescent , 
ayant cinq bandes linéaires longitudinales brunes, dont 
deux latérales et trois dorsales; la médiane moins brune, 
grisâtre, irrégulière, se divisant en angle aigu, et allant 
former sur le quatrième segment une tache circulaire , 
et sur le cinquième segment une seconde tache aussi 
circulaire, mais plus petite ; ventre et pattes livides , 
poils bruns.— Sou^ la mousse. 


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( 112 ) 

8. Æ. D1MIDIATUS. BOUI'1. 

Corpore pallido , quatuor fasciis nigris chmidiatis. 

4 mill. Corps pâle, allongé, marqué de quatre bandes 
longitudinales, noires , bien distinctes , mais les deux 
latérales n’allant que jusqu’au premier segment abdo- 
minal, et les deux dorsales jusqu’au troisième ; plusieurs 
taches noires sur la partie postérieure de l’abdomen , 
ainsi qu’aux pattes ; tète oblongue ; vue en dessus , en- 
tourée d’un cercle noir ; antennes et pattes d’un fauve- 
pâle; dessous du corps et organe saltatoire blanchâtres ; 
pubescence brune. Très agile. — Sur les champignons 
en automne. 

9. JB. AQUATICUS. 

Podura aqualica secunda. Lin. 

Corpore griseo-albido, dorso latenbusque linea nigra. 

4-5 mill. Corps d’un gris blanchâtre , cylindrique , 
eouvert de poils blancs ; ayant sur le dos dans toute 
sa, longueur une bande linéaire noire , cette bande 
quelquefois double , et sur chaque côté une bande 
maculaire aussi noire ; les trois premiers articles des 
antennes, bruns ; ventre pâle ; tète, pattes, queue, d’un 
pâle-brunâtre. — Sur les plantes aquatiques , dans les 
lieux humides, pendant l’été et l’automme. 


QUATRIÈME GENRE, 

PODURA (U. 

Podurœ sp. Lin. Fab. Degéer. Latr. 

Antennis brevioribus , arlicuhs quatuor, subœqualihus . 

Les Podura sont en général plus petites que les 

(1) PoWy pied ; oura , queue. 


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( lis ) 

Ætheocerus. La taille des plus grandes dépasse rarement 
quatre millimètres, et il en est qui n’ont pas plus d’un 
millimètre , caractère qui les distingue déjà du genre 
précédent : mais ce qui les en sépare d’une manière bien 
tranchée, c’est la conformation de leurs antennes, ordi- 
nairement plus courtes , une fois longues que la tête 
atteignant dans quelques espèces la moitié du corps t 
sétacées, toujours composées de quatre articles dont la 
longueur relative diffère peu. Les trois premiers sont un 
peu obcéniques ; le quatrième est plus mince, et légère- 
ment fusiforme. La forme du thorax ne diffère pas sensi- 
blement de celui des Ætheocerus ; le métathorax est 
souvent plus grand que chez ceux-ci. Le bord antérieur 
du mésotborax est peu ou point écbancré ; le postérieur 
est quelquefois séparé du suivant par un étranglement 
considérable ; dans ce cas , il en est de môme du méta- 
thorax et des premiers segments abdominaux. Ces der- 
niers sont plus ou moins inégaux entre eux. Dans 
plusieurs espèces, le premier présente ra forme d’un 
anneau d’un diamètre plus petit que celui des autres ; il 
est des espèces où le quatrième segment est au moins 
proportionnellement aussi grand que le troisième des 
Macrotoma. La forme du corps peut être ou linéaire ou 
fusiforme, et quelquefois allant un peu en grossissant 
jusqu’au quatrième segment abdominal. Le corps peut 
être unicolore , ou varié de taches comme celui des 
Ætheocerus. U est le plus souvent terminé en pointe 
courte et mousse ; la tête est plus dégagée , un peu 
plus oblongue , et les pattes plus courtes que chez les 
Ætheocerus... Les Podura ont le plus souvent deux sor- 
tes de poils, et quelquefois seulement du duvet ; celui- 
ci ne manque jamais. Leurs yeux , dont l’aire est 
noire, rectangulaire, sans échancrure, ont six ou 
huit ocelles. Assez souvent , quand les ocelles sont au 

8 . 


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( m ) 

nombre de huit, il y en a deux d’entre eux vers la base 
plus petits que les autres et paraissant comme oblitérés. 
La couleur des Podura varie beaucoup : il y en a de 
grises, de vertes, de, brunes, de noires, de violettes , etc. 
Ce genre renferme les espèces suivantes : 

1. podura villosa , Lin. Fab. Latr. 

Podure commune velue, Geoff. 

Corpore fusco, villoso, maculis nigris. 

2 mill. %. Brune , variée de noir , velue ; bord anté- 
rieur du thorax légèrement échancré ; extrémité de la 
fourche caudale, blanchâtre ; segments abdominaux , à 
l’exception du premier , à peu près égaux. — Assez com- 
mune sur la terre, en tout temps. 

2. p. viridis ; Lin. Latr. 

* Corpore fusco-viridi, absque maculis. 

2 — 3 mill. D’un vert-brun, sans tache ; mésothorax et 
mélathorax à peu près égaux , séparés entre eux , ainsi 
que le segment suivant , par des étranglements bien 
marqués ; abdomen un peu rétréci au premier segment 
abdominal , et allant en grossissant jusqu’au quatrième 
exclusivement ; queue blanchâtre, ne dépassant pas le 
tube gastrique : peu de villosités. — Très commune sous 
les pierres , sur la terre , en tout temps. 

Var. 1. Corpore griseo; 2. fulvo;Z. rubescente ; 4. cœruleo. 

On trouve plusieurs variétés de cette espèce : 1. une 
grise ; 2. une fauve ; 3. une rougeâtre , avec un grand 
nombre de petites tâches jaunâtres , principalement sur 
les deux segments thoraciques et les derniers segments 
abdominaux ; 4. une d’un vert-glauque , d’un vert-pré , 
plus petite que l'espèce. Ces variétés , notamment la 
rougeâtre , sont plus rares que l’espèce. 


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(U5) 

3. P. B1FASCIATA, BOUrl. 

Corpore fusco , dorso fasciis dunbus longiludinalibus albo- 
flavescentibus . 

2 mill. Brune; deux bandes maculaires longitudinales 
d’un blanc-jaunâtre , sur le dos : des taches de la même 
couleur sur le dos , sur les côtés , et sous le ventre : les 
deux bandes commençant aux antennes et se continuant 
jusqu’à l’anus où elles se rejoignent ; l’espace intercepté 
par ces bandes , d’un brun plus foncé; thorax un peu 
tranversal: premier article des antennes, brun, les autres 
d’un brun-fauve, annelé supérieurement de brun : pattes 
et queue blanchâtres; corps pubescent. — Sur la terre, 
sous le gazon. 

4 P. TRIFASCIATA, BOUI’1. 

Corpore virescente , dorso fasciis tribus longiludinalibus 
nigris. 

2 mill- Verdâtre en dessus, d’un gris-jaunâtre en des- 
sousjtrois bandes maculaires dorsales noires commençant 
au bord antérieur du thorax et se continuant parallèle- 
ment jusqu’au troisième segment abdominal inclusive- 
ment; celledu milieu plus marquée que les autres; corps 
parsemé d’autres taches de la même couleur, et de taches 
ferrugineuses , principalement sur les côtés et sur la 
tête ; queue jaunâtre, tarses et antennes d’un gris-fauve ; 
corps pubescent. — Assez commune en tout temps. 

5. p. arborea; Lin. Fab. Degéer , Latr. 

Corpore nigro , vel fusco, pedibus hyahnis ,furca breviore. 

2 — 2 l mill. Corps un peu grossi postérieurement , 
noir , ou d’un brun foncé , quelquefois teinté de violet 
en dessus , brun, ou d’un cèndré-brunâtre en dessous , 
garni d’un duvet blanc ; pattes d’un blanc hyalin ; dents 
de la fourche blanches, très effilées, conniventes , n’em- 


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( tu? ) 

brassant pas , comme clans les autres espèces , le tube 
gastrique qu’elles atteignent à peine ; antennes grises 
ou blanchâtres , grosses ..filiformes , un tiers plus lon- 
gues que la tête , à troisième article court , fusiforme ; 
dernier article cylindrique , ou légèrement fusiforme , 
au moins une fois plus long que le précédent : quelques 
poils longs, blancs, à l’extrémité du corps. 

Il est remarquable que cette Podura est violette dans 
sa jeunesse , et ne prend la couleur noire que dans l’âge 
adulte , où souvent elle couserve encore , à travers le 
noir , une teinte violette plus ou moins intense , suivant 
qu’elle est plus ou moins âgée. 

On trouve cette espèce , principalement en automne , 
sous l’écorce des vieux arbres et du bois mort. Elle 
parait encore au commencement de l’hiver ; mais elle 
supporte difficilement un froid rigoureux et prolongé , 
auquel cependant , chose étonnante , elle résiste fort 
bien dans sa jeunesse. C’est ce que prouve l’observation 
suivante. Vers la fin de décembre 1840 , par un froid de 
4 à 5 degrés (R.) , j’en trouvai , sous l’écorce d’un arbre 
mort , une assez grande quantité , accompagnées d’un 
nombre à peu près égal de jeunes de la même espèce. 
Les ayant visitées six jours après , durant lesquels le 
froid s’était maintenu à peu près au même degré , je ne 
trouvai plus que les jeunes vivantes ; toutes les adultes 
avaient péri. 

On trouve quelquefois auprès de ces Podura de petits 
œufs sphériques, la plupart blancs, quelques-uns jaunes, 
qu’on est tenté d’abord de prendre pour des œufs de 
Podura. La première fois que je remarquai ces œufs , je 
nç doutai pas qu’ils n’appartinssent aux insectes que 
j ’avais sous les yeux : cependant , voulant en acquérir 
la preuve directe , je les recueillis et les fis éclore. A 
mon grand désappointement,!! en sortit d.es Arachnides. 


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( *17 ) 

Seraient-ce ces œufs que Degéer a pris pour des œufs de 
Podura ? 

6. p. nivalis ; Lin. Fab. Degéer, Latr. 

Corpore cinereo , vel griseo-fla vescen te , maculis plurimis 

fiiscis . 

2 mill. ' Grise-cendrée, quelquefois d’un gris-jaunâtre, 
marquée d’un grand nombre de taches brunes , irrégu- 
lières ; ventre pâle ; queue blanche. — Sur la terre, dans 
les sentiers, en tout temps. 

Var : Cauda rubcsccnte. 

Un peu plus petite que l’espèce ; queue rougeâtre. 

7. p. ann ul ata ; Lin. Fab. Gcoff. Latr. 

Corpore cyhndrico, griseo-Jlaccscenle , tribus annulis aigris, 

3 mill. Cylindrique , d’un gris-jaunâtre ; métathorax 
et les deux premiers segments abdominaux niarquésd’un 
anneau noir bien distinct , le tout formant trois bandes 
tranversales ; quatrième segment abdominal très déve- 
loppé, ayant une grande tache brune; extrémité de l’ab- 
domen, noirâtre , celle de la queue, blanchâtre: verlex, 
les deux premiers articles des antennes, bords du méso- 
thorax et extrémité des cuisses, noirs ; corps légèrement 
pubescenl.— -Sous la mousse: 

8. p. palustris; Lin. 

Corpore cylindrico , v irait -flavcscen te , dorso linca fusai , 
cnpite nota fusca. 

2 mill. Cylindrique , jaunâtre , teintée de verdâtre , 
légèrement pubescente ; une ligne brune dorsale , com- 
mençant au bord antérieur du mésothorax, et finissant à 
l’extrémité de l’abdomen ; une tache de la môme couleur 
sur la tête , faisant avec la base des yeux un triangle 
équilatéral; les trois premiers articles des antennes, 
bruns supérieurement. — Celte espèce se trouve princi- 
palement sur les Conferves cl les Lemna,ct ne se montre 


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( H« ) 

que lorsqu’on remue ces plantes; on la voit alors sauter 
sur l’eau pendant quelques instants , puis reprendre sa 
première station. — Pendant l’été et l’automne. 

9. p. cursitaiss , Bourl. 

Podura arborea gritea , Degéer ? 

Corpore fusiformi , Jlavo-pallido , quandoque griseo , lineis 
maculisque nigris. 

3 mill. Elle varie beaucoup et pour le fond de la cou- 
leur et pour le nombre , la forme et la disposition des 
taches. Elle est le plus souvent d’un fauve-pâle, quel- 
quefois d’un gris-violet, d’un gris-rougeâtre, ou jaunâtre: 
corps fusiforme; tête plus petite que le thorax; longueur 
des antennes de la moitié du corps, celles-ci filiformes, 
ou fort peu sétacées, concolores, à articles à peu près 
égaux ; une ligne noire, transversale, joignant les deux 
antennes; tous les segments bordés de noir; premier 
segment abdominal très petit; une tache noire, oblongue, 
de chaque côté des deuxième et troisième segments; 
quatrième très développé, marqué postérieurement de 
deuxpetites lignes longitudinales, parallèles, atteignant 
le milieudu segment, où elles forment chacune une tache 
allongée, plus prononcée, se dirigeant vers les côtés; 
deux petites taches sur l’avant-dernier segment; abdo- 
men se terminant en pointe; plusieurs taches sur les 
côtés du corps, formant une bordure maculaire; queue 
blanche et effilée; pubescence rare et blanche, plus lon- 
gue vers la tête. — Sous l’écorce des vieux arbres, sur 
le vieux bois, sur les murs, dans les lieux secs et décou- 
verts; assez commune pendant l’été et l’automme , plus 
rare en autre temps. 

10. P. ARGENTEO-CINCTA , Bourl. 

Corpore fusiformi , pallido-fulvo , annulis duobus argenteis 
squamosis. 

3-4 mill. Fusiforme, pâle-fauve ; une ligne courbe, 


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( HO ) 

noire , sur le vertex, joignant les yeux; tète plus petite 
que le thorax; antennes de la moitiédu corps, filiformes; 
premier segment thoracique bordé de brun, et ayant son 
disque sali de la même couleur; deuxième segment tho- 
racique, brun; premier segment abdominal d’un blanc 
argenté, comme écailleux, formant un anneau très ap- 
parent; deuxième et troisième, bruns; quatrième très 
grand, ayant sa partie antérieure d’un blanc argenté, sem- 
blableau premier segment, et formantunsecondanneau, 
son bord postérieur brun, et son , disque taché de brun; 
cinquième segment taché de brun postérieurement ; ex- 
trémité des cuisses postérieures annelée de brun ; dents 
delà fourche blanches; corps garni de poils blancs. — 
Sous l’écorce des vieux arbres; plus rare que la précé- 
dente. 

1 1 . p. violacea , GeolT. 

Corpore teneli, violaceo, antennis brevionbus . 

t mill. %. Violette, quelquefois d’un gris teinté de vio- 
let, d’un violet cuivreux; antennes pas beaucoup plus 
longues que la tète; corps allongé, allant un peu en di- 
minuant, à segments à peu près égaux, à extrémité obtuse, 
garni d’un duvet blanc ; queue et pattes blanches; celles- 
ci transparentes, avec une légère teinte violette. 

Cette Podura court fort vite, et se trouve sur les murs 
exposés au midi, dans les fentes des pierres, et sous la 
mousse et le lichen qui les recouvrent. Il faut prendre 
garde de confondre cette espèce avec d’autres petites. 
Podurides qui ne présentent cette couleur que dans leur 
jeunesse. 


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( 1*0 ) 

CINQUIÈME GENRE, 

IIYPOGASTRURA 0). 

Podurœ sp. Lin. Fab. LaU . 

Amenais brevibus , articûlis quatuor , subœquahbus , caudd 
sub ventre insertd. 

Ces Podurides, les plus petites de toutes, puisque leur 
taille n’excède guère un millimètre, sont surtout remar- 
quables parla forme et la situation de l’organe salta- 
toire, et par l’appendice qui remplace chez elles le tube 
gastrique. Le premier de ces organes n’est pas ici, com- 
me dans les autres genres, attaché à l’extrémité de l’ab- 
domen; mais il a son insertion sous le quatrième segment 
abdominal , en avant duquel se trouve un petit creux 
qui tient lieu de rainure , et dans lequel je n’ai aperçu 
qu’un faible rudiment de fourchette. Sa tige est épaisse, 
large, trapézoïdale; la fourche, tantôt très courte, n’at- 
teignant pas le tube gastrique, et ne dépassant guère le 
troisième segment; tantôt très longue, à dents flexibles, 
s’étendant jusqu’à la première paire de pattes. Il résulte 
de la situation de cet organe, que, lorsqu’il est redressé, 
il ne se montre pas, ou que fort peu, en arrière, et que 
parconséqUentladénomination de queue ne lui convient 
pas plus que celle de Podure à l’insecte. Le tube gastri- 
que, ou plutôtla partie relevée qui en tient lieu, consiste 
en un tubercule aplati, large, transversal, paraissant 
formé par un pli du ventre, et offrant postérieurement 
un rebord, et dans son milieu une fente longue et très 
apparente. L'abdomen des Hypogastrura est articulé en 
dessouscommeendessus.ee qui n’a pas lieu dans les 
autres Podurides, à cause de la rainure ventrale; il va 
un peu en grossissant jusqu’au troisième segment indu- 


(1) Uupo , sous, gaster , ventre , aura, queue. 


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{ 121 ) 

si veinent; à partir de ce point, il se rétrécit et se termine 
en pointe mousse. L’épiderme chez ces Podurides est 
ondulé et comme boursoufflé en différents endroits, et 
l’on dirait que les articulations du corps sont formées 
par des rides de la peau. Chaque segment offre à sa par- 
tie supérieure deux points enfoncés et quelques petites 
dépressions sur les côtés. Le corps est aussi revêtu de 
deux sortes de poils; mais les longs sont rares. En avant 
du mésothorax, qui est exactement de la même forme 
que le métathorax, paraît un petit segment en forme de 
collier; c’est le prothorax, qui, dans ces Podurides, est 
très apparent en dessus. Les antennes sont grosses, de 
quatre articles, de la longueur de la tête, et paraissent 
vésiculeusesau microscopejelles sont un peu rétractiles, 
chaque article pouvant rentrer en partie dans le précé- 
dent, notamment les deux premiers. Il en est de même 
des pattes, qui sont grosses, courtes, transparentes, 
ayant une hanche formée par un gros tubercule dans 
lequel elles peuvent s’enfoncer en grande partie. Le 
tarse ne paraît avoir qu’un crochet, le second n'étant 
que rudimentaire, et quelquefois remplacé par un poil. 
Les yeux sont formés de huit ocelles placés sur uneaire 
quelquefois un peu enfoncée, d’autrefois saillante. Les 
Hjrpogastrura à queue courte ont un tic particulier:lors- 
qu’on les inquiète,, elles sautent rarement ; mais elles 
contractent leurs membres et contrefont le mort. Une 
espèce de ce genre , X Hypogastrura Murorum , commence 
à paraître au mois de décembre, passe l’hiver, et sup- 
porte sans périr les froids les plus intenses. C’est cette 
Poduride qu’on rencontre, principalement au mois de 
février, rassemblée en quantité dans les chemins, sur les 
murs, sur les pierres calcaires, et ressemblant à de la 
poudre qu’on y aurait répandue. On la trouve aussi sur 
l’eau, où elle est jetée par le vent, et où elle se tient im- 


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( * 22 ) 

mobile. Sa multiplication est quelquefois aussi instanta- 
née que prodigieuse, comme le prouve l’observation que 
je vais rapporter. 

Dans les premiers jours de février, pendant une gelée 
assez forte, mais le temps inclinant au dégel, je m’aper- 
çus, en sortant le matin de chez moi, que la façade de ma 
maison, qui est en grande partie en pierres calcaires, 
avait contracté depuis la veille une teinte noirâtre. Sur- 
pris de ce changement de couleur, je m’approchai pour 
en reconnaître la cause. Je vis que cette couleur était 
occasionnée par des myriades de Podurides noires, qui 
couvraient presque en totalité la surface du mur. Elles 
étaient en si grand nombre que, sur un espace qui n’ex- 
cédait pas cinq centimètres carrés , j’en comptai plus de 
deux cents. Il y en avait partout, dans les portes, dans 
les embrasures des fenêtres ; mais principalement vers 
le bas du mur et dans les interstices des pierres , d’où 
elles semblaient sortir. L’eau de deux cuviers placés près 
du mur en avait sa ‘surface également couverte. J’en 
trouvai jusque dans l’eau du puits. Quelques jours après, 
la gelée ayant recommencé, je m’attendais que tous ces 
insectes allaient disparaîtreûls ne parurent pas même en 
souffrir. Seulement, pendant ce froid, leurs mouvements 
étaient plus lents, et ils s’aggloméraient en petits tas, 
comme pour opposer au froid, par leur réunion, une 
plus ^grande somme de résistance. Une circonstance 
surtout me frappa : l’eau des cuviers s’étant glacée, les 
Podurides qui s’y trouvaient firent prises dans la glace; 
le soleil ayant ensuite fait fondre cette glace, elles repa- 
rurent aussi vivantes qu’auparavant. On s’étonne que 
des insectes si tendres et si petits supportent, sans en 
paraître incommodés, des degrés de froid qui font sou- 
vent périr des animaux infiniment plus grands et plus 
robustes. Le nombre de ces ffjpogastrura diminua peu 


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(123 ) 

à peu, et a a printemps il n’en restait plus qu’une petite 
partie. Pendant deux moisqueje les observai assidûment, 
je ne m’aperçus pas qu’elles changeassent ni de forme, 
ni de taille, ni de couleur. Quatre espèces composent ce 
genre. 

1. HTPOGASTRURA MURORUM ; Bourl. 

Podura viatica , Lin.? Geoff.? Fab.? 

Corpore nigro , caudd brevi. 

1 mill. Dessus d’un noir mat , dessous d’un brun-gri- 
sâtre ; pattes et queue d’un brun-verdâtre , ou d’un gris 
sale ; organe saltatoire fort court, dépassant rarement le 
troisième segment abdominal , et ne paraissant jamais 
en arrière. — Très-commune sur les vieux murs en 
pierres calcaires pendant tout l’hiver. 

2. H. AQUATICA. 

Podura aquatica , Lin. Fab. Degéer , Latr. Podure noire aquatique, Geoff, 

Corpore supra nigro , subtils fusco-rubescente, caudœ dcnti- 
bus longioribus. 

Même forme , mais tant soit peu plus grande que la 
précédente ; d’un noir mat , quelquefois teinté de rou- 
geâtre en-dessus ; antennes , jambes , organe saltatoire, 
d’un brun-rougeâtre ; filets de ce dernier organe très- 
longs, flexibles, s’étendant jusqu’aux premières pattes, 
où ils se rejoignent et quelquefois se croisent un peu à 
leurs extrémités , en formant une ellipse dont, le tube 
gastrique occupe le centre ; ce tube gros et assez sail- 
lant ; abdomen terminé inférieurement par trois tuber- 
cules d’un brun-rougeâtre , disposés en triangle , au 
centre desquels se trouve l’orifice anal. 

Cette espèce est la seule Poduride chez laquelle j’aie 
découvert quelque trace d’un organe sexuel. Cet organe, 
consistant en un petit mamelon tubiforme, est situé en 
avant et tout près des trois tubercules dont j’ai parlé. 


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( 124 ) 

Celle parlic ne se trouvant pas sur tous les individus de 
cette espèce , et ceux qui en sont pourvus étant cons- 
tamment plus petits, je présume que c’est l’organe sexuel 
des mâles. Chez ceux qui en sont privés , on trouve à la 
même place une légère dépression dans laquelle est une 
ligne relevée transverse. 

V Hjrpogastrura aquatica est toute rouge dans sa jeu- 
nesse , quoique blanche en naissant, comme toutes les 
autres Podurides ; elle se présente donc successivement 
sous trois couleurs différentes, et il est à remarquer que 
beaucoup d’espèces de Podurides sont dans ce cas ; ce 
qui fait voir combien il importe de savoir distinguer , 
dans la détermination de ces insectes , l’âge adulte des 
différents états qui le précèdent , sans quoi l’on s’expo- 
serait souvent à faire plusieurs espèces d’une seule , 
comme cela n’est arrivé que trop souvent. L’ Uypogas- 
trura Aquatica ne vit pas sur l’eau , comme pourrait le 
faire croire son nom, du moins elle ne s’y trouve qu' ac- 
cidentellement. Elle se tient d’ordinaire sur la vase , au 
bord des fossés, et sur les végétaux et autres corps qui 
flottent à la surface de l’eau. C’est-là qu’on la trouve , 
quelquefois en quantité innombrable , depuis le mois de 
mars jusqu’au mois de novembre ; mais sa plus grande 
multiplication a lieu pendant l’été. J’en ai rencontre 
quelques individus dans l’hiver sur la glace. 

On trouve presque toujours sur l’eau, à côté de ces 
insectes, les dépouilles qu’ils ont déposées dans la mue, 
et ces dépouilles sont toujours blanches , quoique l’in- 
secte soit noir. Cette singularité étonne d’abord , et 
elle étonnait Degéer lui-même : mais elle s’explique 
qnand on sait que la matière colorante , chez la plupart 
des insectes à peau membraneuse , ne réside pas dans 
l’épiderme, mais sous ce tégument , et que dans [la mue 
ils ne dépouillent que l’épiderme. Ce fait prouve en 
outre que ce tégument conserve sa couleur native. 


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(1 25) 

3. h. agaricina ; Bourl. 

Cvrpore pallido, rnaculis multis cinereis fuscisque. 

1 mill. Corps couvert de taches cendrées , ou d’un 
gris-brunâtre; ventre et queue blanchâtres, ou d’un 
blanc-jaunâtre; antennes brunes, yeux saillants, tête 
oblongue : segments abdominaux séparés par des inci- 
sions bien marquées. Ces incisions étant pâles et les 
segments d’un gris-brunâtre , font paraître l’abdomen 
rayé transversalement : corps revêtu d’une pubescence 
courte et blanche. — Sur les champignons , principale- 
ment sur les Agarics, dans les feuillets du chapeau , 
pendant l’automne. 

4. h. fusco-viridîs ; Bourl. 

Cor pore majore , suprà fusco-vindi, guttis pluriniis fuscis , 
subtUs pallido-virescente . 

i 5-2 mill. Dessus du corps, d’un brun varié ou teinté 
de verdâtre, le brun plus ou moins intense ; quelquefois 
d’un verdâtre plus ou moins tâcheté , ou comme sali de 
brun; d’autres fois paraissant comme marqueté de brun, 
et laissant apercevoir deux lignes fines , pâles , le long 
du dos ; dessous du corps d’un verdâtre pâle uniforme ; 
antennes grosses , légèrement annelées de blanc aux 
articulations , leur dernier article une fois plus long 
que chacun des précédents , et un peu plus gros ; pattes 
d’un vert hyalin, quelquefois blanchâtres. — Sous les 
pierres , sous les pots à fleurs , pendant l'été et l’au- 
tomne. 

Au premier aspect , on prendrait cette Poduride pour 
une jeune Podura Viridis ; mais la forme de son organe 
saltatoire et de ses antennes la font bientôt reconnaître- 
pour une H ypogastrura\ Elle paraît quelquefois noire , 
ou presque noire, et alors il faut quelque attention pour 
ne pas la confondre avec Y Hypogastrura Murorum ; on 


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( 126) 

évitera celte méprise en remarquant : 1° qu’elle n’est ja- 
mais d’un noir mât, comme celle-ci ; 2 e qu’en l’exami- 
nant à la loupe , sa coloration offre toujours un fond 
Terdâtre ; 3° qu’elle est constamment plus grande dans 
l’âge adulte (1). 


SIXIÈME GENRE. 

ADICRAMJS (2). 

Poduræsp . Lin. Degéer , Latr. 

Caudd nulld , vel obsolète! , haud salienle. 

Les deux espèces qui constituent ce genre se distin- 
guent des autres Podurides par l’absence d’organe sal- 
tatoire et de tube gastrique. L’une d’elles , X Adicranus 
Fimetarius , a l’abdomen terminé par deux tubercules 
coniques qui semblentrem placer la queue des Podurides 
sauteuses , mais qui ne lui servent pas pour sauter ; 
chez l’autre , l’abdomen est dépourvu de toute espèce 
d’appendice. Il semble donc que ces deux insectes ne 
doivent pas appartenir aux Podurelles, puisqu’ils sont 
privés des caractères essentiels assignés à cette famille. 
Toutefois , comme ils ont avec elles beaucoup d’autres 
rapports, j’ai cru devoir les laisser parmi les Podurelles , 
ainsi que l’ont fait pour la première espèce tous ceux 
qui jusqu’ici se sont occupés de ces insectes , et je me 
suis contenté de les séparer des autres Podurides par 


(lï M. Guérîn-Méueville , de Paris , m’a fait voir , au mois de jan- 
vier 1842 , une Poduride recueillie par lui sur l’eau au bord de la 
mer. Cette Poduride n’étant pas en vie, je n’ai pu en faire la description. 
J’ai cru cependant reconnaître la Podura Maritima , Lin., et j’ai pu 
m’assurer , d’après la forme des antennes et de l'organe saltatoire , 
qu’elle appartenait à mon genre Hypogattrwra. 

(2) A, privatif , dicranon , fourche. 


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( *97 ) 

une nouvelle coupe générique. Peut-être, par la suite, 
jugera-t-on nécessaire de créer pour ce genre une nou- 
velle famille. 

Les Adicranus ont le corps linéaire , déprimé , et la 
tète oblongue, séparée du thorax par un cou visible. Les 
antennes sont de la longueur de la tête , grosses , ayant 
leurs trois premiers articles courts , à peu près égaux , 
et le quatrième renflé , fusiforme , et presque aussi long 
que les trois premiers réunis. L ’Adicranus fimetarius a 
en outre cela de remarquable qu’il paraît être privé 
d’yeux ;'du moins je n’ai encore pu les découvrir. On con- 
çoit, en effet, que cet insecte, vivant continuellement dans 
la terre.des yeux lui étaient aussi inutiles qu’un organe 
pour sauter. Le prothorax et les segments, tant thoraci- 
ques qu’abdominaux, ressemblent entièrement , pour 
le nombre et pour la dimension , à ceux des Hypogas- 
trura. 

1. AD1CRANUS FIMETARIUS ; 

Podttra fimetaria , Lin. Degéer, Fab. Latr. 

Corporc albo , lineari , depresso, ano aculeis duobus , ociilis 
nu/lis. 

2-3 mill. D’un blanc d’ivdire, corps linéaire, dépri- 
mé , glabre; troisième article des antennes renflé , aussi 
long que les trois premiers ensemble ; pattes courtes , 
abdomen à extrémité obtuse, terminé par deux tuber- 
cules coniques : pas d’yeux visibles. — Dans le terreau , 
le fumier , dans les pots à fleurs , et sous ces pots , en 
tout temps. 

2. a. corticinus, Bourl. 

Corpore nigro, vel fusco, nitido, ano mutico. 

i-2 % mill. Noir, ou brun luisant, teinté de verdâtre; 
pattes hyalines ; des yeux visibles; anus mutique; deux 


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( 128 ) 

lignes enfoncées, parallèles, à la place de la rainure ven- 
trale ; corps garni d’une pubescence rare et blanche ; 
quelques longs poils blancs à l’extrémité de l’abdomen ; 
quatrième article des antennes moins renflé et moins 
long. — Commune sous l’écorce des vieux arbres, sur- 
tout sous celle du bouleau et du platane, au printemps. 



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OBSERVATIONS 


SUR 

l'tJSAGE du tube gastrique et de la fourchette 

DB FODVHIDE§, 

SUR 

V 

leurs HMeur» , leur station , leur génération , etc* 


oee» 


Îube gastrique. — Après beaucoup de recherches et 
d’expériences, dans le but de découvrir Quelles fonc- 
tions la nature. Qui ne fait jamais rien en vain, pouvait 
avoir assignées au tube gastrique des Podurides, j’ai cru 
reconnaître à cet orgahe plusieurs usages. 11 m’a paru, 
1* qu’il servait à ces insectes pour se maintenir sur les 
surfaces perpendiculaires, non au moyen de filets, com- 
me les Sminthurides* mais en y faisant le vide; 2° que 
le liquide exerété par lui est nécessaire à la conserva- 
tion de l’Insecte; 3* que cet organe supplée à la faiblesse 
des pattes dans les chutes qui suivent les sauts; 4* enfin, 
qu’il pourrait bien être un organe respiratoire. Quel- 
ques expériences m ont paru révéler ces diverses des- 
tinations (0. 


(1) Suivant Geoffroy, le tubegastHque servirait uniquement à retenir 
iâ queue sous le ventre. Je ne pense pas que telle soit sa destination; 
du moins il est certain qu’il ne pent servit à cet usage pour plusieurs 

9, 


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( 130 ) 

Je mis dans un vase de verre , d’environ douze centi- 
mètres de hauteur, un certain nombre de Podurides 
prises dans les genres Macrotoma , Ætheocerus et Podura. 
Pour sortir de ce vase, ayant à grimper sur une surface 
très polie, elles devaient employer toutes les ressources 
dont la nature les a douées pour la locomotion ascen- 
sionnelle, et je pouvais facilemebt, avec une loupe, 
examiner à travers les parois du vase toutes leurs allu- 
res, et l'usage qu’elles feraient de leur tube gastrique. 
Or, voici ce que j’observai relativement à l’emploi de 
cet organe dans leurs ascensions. D’abord, je n’aperçus 
aucun de ces filets dont sont pourvues les Sminlhari- 
des, et je puis affirmer qu’ici ils n’existent pas; mais 
je remarquai , pendant leur marche sur une surface 
si glissante , que les pieds leur manquaient souvent. 
Dans ces moments critiques, je les voyais allonger et 
appliquer promptement leur tube gastrique contre le 
verre, puis, après s’être arrêtées quelques secondes, le 
retirer et continuer de marcher: chaque fois qu’elles 
venaient à glisser , elles se retenaient par le même 
moyen Pendant que le tube gastrique était en action, 
je le voyais se raidir , et sa tête gonflée se coller en 


espèces chez lesquelles la queue n atteint pas, ou atteint à peine le tube 
gastrique, comme chez la plupart des ffypogoitrura , la Podmtx i Arbore * , 
etc. 0’aiUeura je me suis assuré que ^application de la queue tous 1s 
rentre est bien sa position naturelle, et que son extension en arrière est 
au contraire une position forcée, qui, si elle # est prolongée, entraîne la 
mort de l'insecte ; aussi ne la tient-iljamais étendue, et la fait-il toujours 
rentrer sous lui aussitôt après chaque saat. 

(1) Je dois dire qu’il n’est cependant pas rare de voir en pareil cas 
des Podurides qui, après s’étre retenues plusieurs fois par leur tube gas- 
trique» finissent par se l aisse r tomber, soit que la fatigue épuiser l’éner- 
gie de cet organe, soit que l'instantanéité de leur chute ne leur laisse pas 
toujours le temps d’en faire usage. 


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( *31 ) 

s'aplatissant contre le verre, de manière à intercep- 
ter tout passage à l’air extérieur, absolument comme la 
tète d’une sangsue qui s’attache et se suspend à la paroi 
du bocal où elle est renfermée. En un mot, il m’a paru 
que cet organe faisait dans cette circonstance l’office de 
ventouse, et qu’il se comportait comme ferait un tube 
d’une matière molle 6t élastique avéo lequel on ferait le 
vide en appuyant une de ses extrémités contre une sur- 
face solide. D’ailleurs on ne peut pas diré que l'adhéren- 
ce du tube gastrique au verre, adhérence qui rétenait 
évidemment le corps de l’insecte, était l’effet du liquide 
émis par cet organe : 1° ce liquide ne possède aucune 
viscosité; 2° il ne paraît pas que l’émission ait lieu dans 
cette circonstance ; car on n’en aperçoit aucune trace à 
l’endroit où le tube s’est appliqué. 

La seconde destination de cét appendice résulte des 
observations suivantes. On a vu que le tube gastrique 
est situé à l’extrémité antérieure dè la rainure ventrale, 
ordinairement entre les deux dents de là fourche qu’il 
tient un peu écartées. Du tube sort de temps en temps 
un liquide (O, dont la queue et la rainure sont sans cesse 
humectées et qui paraît leur être indispensable. En effet, 
si l’on redresse la queue en arrière et qu’on la retienne 
quelque temps dans cette position, privée du liquide 
conservateur, elle ne tardé pas à se dessécher ; les ex- 
trémités de la fourche se crispent, la rainure également 
desséchée se rétrécit et se referme, et si cet état se pro- 
longe quelque temps, l’insecte lui-même périt. Le li- 
quide excrété par le tube est donc également nécessaire 
et à la conservation de l’organe saltdtoire et à celle dé 
l'insecte. 

(I) Ldr4qu*àprès avoir renferme une Poduridé dans un verre , oit 
Pela urine marcher sur la paroi, on l’aperçoit quelquefob tancer par sdrt 
Mm gaatriqtte une gouttelette qu’on voit tomber «ur le verre. 


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( «2 ) 

Le troisième usage du tube gastrique ne paratt pas 
moins essentiel. J’ai dit que les Podurides avaient les 
pattes peu flexibles et tellement fragiles qu'elles se cas* 
sent au moindre effort. On peut présumer qu’elles se 
casseraient en effet souvent dans les chutes qu’elles font 
en sautant, si le tube gastrique ne venait en aide à leur 
faiblesse. Cet organe s’allonge alors , se raidit, et sup- 
portant en grande partie le poids du corps au moment 
où l’insecte retombe, il lui sert, pour ainsi dire, de para- 
chute, en rompant par son élasticité la violence de la 
secousse. Une expérience fera comprendre que cet effet 
n’est pas imaginaire. Si l’on place une Poduride sur un 
plan qu’on aura couvert de poussière, tant qu’elle ne 
fera que marcher, aucune poussière ne s’attachera au 
tube gastrique, cjue, durant la progression, elle tient un 
peu incliné en avant ; mais si elle fait seulement un saut, 
qu’on examine la tète du tube, on la verra chargée de 
poussière, preuve qu’en retombant elle a appuyé sur le 
plan. 

Avec quelque attention que j’aie observé les Podurel- 
les, je n’ai jamais pu découvrir sur leur corps aucun 
stigmate, et quoi qu'on ait publié récemment à ce sujet, 
je doute qu’elles soient pourvues de ces ouvertures 
aériennes. Comment donc respirent-elles P Ne serait-ce 
pas par leur tube gastrique? Peut-être en effet existe-t- 
il un rapport plus ou moins nécessaire entre la fonction 
respiratoire et celle que j’ai attribuée à ce tube comme 
organe pneumatique. Quoi qu’il en soit, l’on ne peut 
émettre ici que des conjectures. 

Fourchette. — Ici encore les expériences manquent, 
et il est plus facile d’imaginer que de démontrer ration- 
nellement le rôle que joue ce petit corps dans l’organi- 
sation de la Poduride. Est-ce un organe générateur? on 
bien a-t-il pour, objet d’augmenter la force du ressort 


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( *33 ) 

de la queue dans l’exécution du saut? Ou bien est-il 
destiné à faciliter le dégagement de cet organe en le 
poussant hors de la rainure ? Ce que je puis dire, c'est 
qu’il m’ést plus d’une fois arrivé qu’en voulant retirer 
la queue de sa cavité, alors qu’évidemment l’insecte ne 
s’aidait pas de sa fourchette, je n’y parvenais que diffi- 
cilement, et bien souvent après l’avoir brisée. 

Mœdrs. — Les Podurides ne manquent pas d’instinct, 
particulièrement de celai qui a pour objet la conserva- 
tion individuelle. Leur corps mou et presque vésiculeux 
que le moindre choc pent détruire , et l’ardeur du soleil 
que beaucoup d’entre elles ne peuvent supporter sans 
se dessécher, les portent à se cacher autant qu’elles 
peuvent , et à chercher un refuge dans lès lieux frais et 
obscurs. Lorsqu'on cherche à les prendre, elles s’échap- 
pent avec beaucoup de vivacité ( notamment les lUacro- 
totna et les Ætheocerus ) , et on les voit exécuter succès^ 
sivement pendant quelques secondes un grand nombre 
de sauts dirigés dans tous les sens, comme pour trom- 
per l’œil de l’observateur. Elles ne cessent de sauter 
que lorsqu’elles ont trouvé un abri, tel qu’une crevasse, 
le dessous d’une motte de terre ou d’un brin d'herbe , 
où elles sc cachent et se tiennent immobiles. Si on les 
chasse de nouveau de cette retraite , elles réitèrent la 
même manœuvre jusqu’à ce que la lassitude les oblige à 
rester en repos et à se laisser prendre. Rarement on les 
voit sauter, à moins qu’elles’ne soient inquiétées. Quand 
on connait bien la structure de l’organe saltatoire des 
Podurelles , on conçoit facilement comment s’exécutè 
la fonction du saut. Cet organe est doué , ainsi qn’ila 
été dit, d’une grande force musculaire, et la Podurelle 
le tient toujours , à l’état de repos , appliqué sous le 
ventre. Lorsqu’elle veut sauter , elle le détend subite- 
ment comme un ressort, en frappe le plan où elle est 


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( 154 ) 

placée, et lancée en l’air par l’effet du choc , elle décrit 
tine parabole dont la hauteur est déterminée par la lon- 
gueur de l’organe en question. Cette hauteur , dans les 
Maerotoma, peut aller à une quinzaine de centimètres , 
ou environ vingt-cinq fais leur taille. Elle est doublé 
chez les Lepiàocyrtus , parce que ceux-ci , quoiqu’une 
fois plus petits , ont’ la queue proportionnellement plus 
longue, chez les Hjrpogastrura Murorum , Aganoina et 
Fusçch-viridis , où l’organe saltatoire est fort peu déve- 
loppé, le saut est rare et pop élevé, tandis que chez 
X Hjrpogastrura Aqmtica , qui, n’est pas beaucoup plus 
grande que ses congénères, mais dont la fourche cau- 
dale acquiert une longueur insolite, le saut égale celui 
des plus grandes Podurides; c’est chez cette dernière 
espèce que le saut acquiert son maximum de hauteur, 
Ce n est donc pas, ainsi que le disent plusieurs. entqmoi 
logistes , en étendant la queue en arrière, et en frappant 
plusieurs fois le sol , que les Podurides s’en servent pour 
sauter. Au contraire , si leur queue se trouve redressée 
par suite du saut qu’elles viennent défaire, elles lu font 
toujours rentrer avant d’exécuter un nouveau saut. Je 
n’ai remarqué qu’un cas où elles se servent de. leur 
queue d’une autre manière, c’est lorsqu’elles se trou-n 
vent sur le dos : il arrive parfois alors quelles ont de 
la peine à se retourner. Pour y parvenir plus facilement, 
elles frappent de leur queue le plan de position , et sou- 
levant leur corps à 1 aide de ce levier , elles lui font faire 
un demi-tour et se remettent ainsi sur leurs pieds, fl 
u est pas plus vrai de dire qu’en sautant, les Podurides 
retombent toujours sur le dos. Ces chutes sur le dos ne 
sont dues gu aux accidents de terrain qui empêchent 
le6 pattes, et principalement le tube gastrique,de trouver 
un point d'appui, et elles ont rarement lieu lorsque ces 
insectes sautent sur un plan horizontal et uni. La portée 


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{ «35 ) 

de U vue , chez les Podurides, n’e&l guère que de six 
centimètres; elle ne s’étend donc pas , à beaucoup près» 
aussi Jpin que leurs sauts; ainsi elles ne peuvent juger, 
lorsqu’elles sautent, du lieu où elles retomberont; d’où 
vifent bans doute, que lorsqu’elles se trouvent auprès de 
l’eau , on les voit souvent s’y précipiter. A cette cause 
se joint encore la difficulté- de diriger leurs regards eu 
avant, cette direction leur étant en partie cachée par les 
antennes derrière lesquelles les yeux sont situés. 

Les Podurides se nourrissent d’humus, de sucs ter- 
reux et de toutes sortes de végétaux en décomposition. 
On peut s’en assurer en les mettant dans un vase avee 
nn morceau de terreau : on voit, en l’examinant quel- 
ques jours après , qu’elles l’ont creusé en tous sens , et 
que partout où elles ont pu pénétrer, elles ont enlevé 
l’humus , en laissant à nu les parties dures. Elles peu- 
vent cependant vivre qnelque temps avec d’autres subs- 
tances. Des Podurides que l’on renferme sans aucune 
nourriture, ne vivent que quelques heures; si ou leur 
donne de l’herbe.des feuilles, de la viande, du pain, etc., 
1« plus petites ne vivront guère qu’un jour, les plus 
grandes un peu plus long-temps , mais faibles et lan- 
guissantes; tandis qu’en leur donnant un peu de terreau 
que j’avais soin de renouveler, otf seulement ^ humec- 
ter de temps en temps» j’en ai conservé plus de trois 
mois aussi vivantes que le premier jour. Les Podurides 
peuvent donc être considérées comme polyphages ; mais 
la «erre, et particulièrement l’humus végétal, est leur 
aliment ordinaire. 

Station.— Les Podurides se tiennent rarement sur les 
végétaux, si ce n’est sur lesvégétaux morts , sous les 
écorces, et quelquefois sur le gazon, sous lequel elles 
préforent se cacher. Elles n’habitent pas plus sur l’eau, 
quoi qu’on en dise, que sur les plantes; A la vérité, on en 


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( ‘ 56 ) 

voit assez souvent à la surfacede l'eau, les unes sautant» 
les autres sans mouvement; mais il ne faut que les 
observer pour juger à leur malaiseet aux efforts qu’elles 
font pour s’en tirer que l’eau n’est pas du tout leur sé- 
jour habituel. Si au bout de quelques instants elles he 
parviennent pas a en sortir, elles cessent de s’agiter, 
semblent se résigner à leur sort, et restent immobiles 
sur l’eau : dans cet état, elles peuvent encore vivre plu- 
sieurs jours. Au reste, ayant fait connaître, h la suite des 
descriptions spécifiques , les localités que cbaqueespèce 
affectionne particulièrement , ces indications doivent 
suffire, et me dispensent d’entrer ici dans dos détails qui 
ne seraient qu’une répétition de ce qui a été dit b cet 
égard. 

A l'exception des Lepidocjrtus que je n*ai pas encore 
rencontrés l’hiver, on trouve des Podurides, en plus ou 
moins grand nombre, à toutes les époques de l’année , 
même pendant les froids les plus rigoureux. Au cœur de 
l’hiver , par un froid de — 6* (R) , j’ai trouvé des Macro- 
toma et des Ætheocerus sons des feuilles sèches couver- 
tes d’un pied de neigé. L ’Hypogastrura murontm est la 
seule qui se montre alors; tontes les autres se cachent 
et se tiennent immobiles , mais non engourdies ; car si 
l’on remue les objets qui leur servent d’abri, on les voit 
sauter eomme à l’ordinaire. Celles qu'on trouve Sur la 
neige et sur la glace, sont des Podurides que le vent, 
ou quelque autre cause , a chassées de leur retraite. 
Elles n’y sont pas plus à leur aise que sur l'eau ; elles 
témoignent la même inquiétude , sautant et courant en 
quête d’une habitation moins incommode. Si alors on 
leur présente un morceau de terre» elles s’y portent et 
ne le quittent plus. Si on les met dans un vase dont le 
fond soit couvert de neige, elles quitteront la neige pour 
.{s’attacher à la paroi. Enfin si on les force de rester en 


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( 457 ) 

contact avec la neige, elles périssent en assez peu de 
temps, sans même en excepter celle appelée assez im- 
proprement Podunt mvalis , Lin. L’ Hypogastrura murorum 
seule oppose à la présence du fluide glacé une résistance 
prolongée. 

Quoiqu’on trouve des Podurides en tout temps, il 
importe de remarquer que le choix de l’époque n’est pas 
indifférent ponr se livrer avec succès à leur observation « 
Ces insectes, en effet, croissent journellement et changent 
de couleur dans leur jeunesse. Dès lors on conçoitqu’on 
s’exposerait à commettre de graves erreurs dans là 
description et la détermination des espèces , si l’on 
observait les Podurides avant qu’elles aient atteint 
tout leur accroissement. L’époque la plus .convenable 
pour cette étude est la fin de l’automne et le mois de 
mars. C’est à la premièrede ces époquesqu’ont été faites 
la plupart des observations qui servent de base à ce 
mémoire. Ces observations ont ensuite été -répétées et 
vérifiées avec soin pendant et après l’hiver sur un grand 
nombre d’individus dont l’état adulte ne pouvait alors 
être douteux. 

Génération. — Beaucoup d’entomologistes ont dit , 
sans doute d’après Degéer, que les Podurides étaient ovi- 
pares. Voulant vérifier ce fait, j’ai long-temps cherché, 
et toujours vainement , les œufs des Podurides. Ayant 
remarqué que les jeunes Podurides commençaient à 
paraître au printemps et en automne , j’en renfermai 
dans des vases une certaine quantité recueillies quelque 
temps avant ces époques ; puis, jusqu’au moment où se 
montraient les jeunes, jem’occupais de chercher les œufs. 
Les jeunes Podurides ne manquaient jamais de parattre 
en plus ou moins grand nombre ; mais, quelque assidui- 
té et quelque attention que j’apportasse dans mes re- 
cherches, moins heureux que Degéer, jamais je. n’ai pu 


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( 138 ) 

découvrir un seul œuf. L’oyiparisme des Podurides me 
paraît donc une chose pour le moins douteuse. 

Les Podurides conservent toute leur vie leur forme 
primitive, à la grosseur près. Toutes sont blanches en 
naissant. Ignorant cette particularité, j’avais d’abord 
pris pour des espèces particulières plusieurs Podurides 
blanches fort petites trouvées dans l’eau et sur la terre. 
J’eus bientôt occasion de m’assurer que c’était là, non 
leur couleur naturelle, mais leur couleur native. Ce fait, 
que j’ai constaté de manière à ne laisser aucun doute , 
me fait présumer que plusieurs espèces blanches si- 
gnalées par Linnée pourraient bien n’être que des jeunes 
Podurides non ençore colorées. Le corps des jeunes 
Podurides prend d’abord, suivant le genre et l’espèce, 
différentes couleurs qui ne sont elles-mêmes que passa- 
gères , et auxquelles doit succéder la couleur propre, à 
l’espèce, que l’insecte conserve, avec peu de variation* 
toute sa vie. 

Le changement de peau , chez les Podurides, ne peut 
être mis en doute, bien qu’il ne soit pas facile de dé- 
terminer combien de fois et à quelles époques de leur 
existence ce phénomène a lieu. Il semblerait que l’épo- 
que de la mue est quelquefois volontaire de la part de 
ces insectes. Deux Podurides étaient restées suspendues 
a la paroi du vase où je les déposais , par l’effet de la 
matière glutineuse qui s’était attachée à leur corps en 
les prenant ,(*). Les ayant laissées dans cette position, et 


(1) Les Pod arides sont la plupart si petites et leur corps est si 
tendre qu’il est difficile de les prendre , soit avec les doigts , soit arec 
la pince i insectes , sans les écraser. Le meilleur moyeu , quand ou 
veut les prendre pour les observer ou les fixer sur le porte-objet du 
microscope, est d’enduire un morceau de verre d’une matière grasse ou 
glutineuse , telle que la gomme ; en posant légèrement ce verre sur 
l’insecte, on l’enlève sans le blesser ni le déformer. 


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( 439 ) 

'voulant m'assurer le lendemain si elles vivaient encore, 
je vis qu’elles étaiènt parties en y laissant leur peau. 
Cette enveloppe au reste est toujours complète , et offre 
exactement tontes les parties extérieures de l’animal ; 
tête, antennes, queue, pattes, poils, tout s'y retrouve, 
au point qu’il arrive souvent de la prendre pour l’insec- 
te lui-même. Ce qui étonne, c’est qu’au moment où la 
peau se détache du corps , déjà de nouveaux poils 
sont repoussés, et ne sont pas moins longs que les pre- 
miers. Ils sont d’abord couchés sur le corps j mais peu 
d’instants après ils se redressent , et i)s offrent alors une 
ressemblance parfaite avec ceux qu’ils remplacent. 

Il ne paraît pas que les Podurides soient douées de la 
faculté de reproduire leurs membres. Plusieurs fois je 
leur ai enlevé tout ou partie d’une antenne , d’une patte, 
de la queue , ayant soin que l’ablation de ces parties eût 
lieu à leur origine, ou aux articulations. Cette opération 
était toujours suivie d’une hémorrhagie assez forte, qui, 
sans faire périr l’insecte, l'affaiblissait beaucoup ; mais, 
jamais ces membres ne repoussèrent, quoique la plupart 
de çes Podurides ainsi mutilées aient encore vécu pen- 
dant assez de temps et fait plusieurs mues. 

J'ai remarqué que beaucoup de Podurides, arrivées 
au terme de leur existence, se comportent à peu. près 
comme font les chenilles au moment de leur passage à 
l’état, de nymphe. Après s’étre fixées au moyen de quel- 
ques fils soyeux > elles s’engourdissent ; leur corps se 
gonfle , perd ses villosités, puis il se dessèohe, et l’in- 
secte meurt, sans espérer la brillante résurrection 
réservée à celles-là. 


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( **> ) 

DEUXIÈME TRIBU. 

SMINTHUKIDES. 

Corpore globuloso , ùiarticulato , thorace indistincte , an- 
tennis in medio fractis. 

' Ces Podnrelles, ainsi qu’il a déjà été dit, se distinguent 
des Podurides principalement par la forme de leur ab- 
domen, qui est court, bombé et avoïde, sans articula- 
tions apparentes; par celle de leurs antennes qui sont 
eoudées vers le milieu, et par l’absence ou l’inappa- 
rencedu thorax. Voici les autres caractères qui leur 
sont propres. 

DE LA TÊTE. 

Cette partie du corps est triangulaire, verticale, large, 
comprimée d’avant en arrière, et marquée de deux sillons 
qui, partant du front, vont en divergeant vers les côtés 
de la bouche, en laissant entre eux un espace un peu re- 
levé. Le vertex, ou espace interoculaire, est saillant et 
rugueux. De chaque côté de cette partie, sur un fond 
noir, sont situés les yeux, composés de huit ocelles dis- 
posés en forme de courbe parabolique, avec un ocelle au 
centre. La bouche, plus allongée, et dont les organes 
sont un peu plus visibles que chez les Podurides, quoi- 
qu’également rudimentaires, supporte deux antennes 
filiformes dont la dimension varie de la moitié à la lon- 
gueur du corps. Elles sont composées tantôt de quatre 
articles, et tantôt de huit. Dans l’un et l’autre cas, le 
dernier article est beaucoup plus long que le précédent, 
et se compose d’une vingtaine de petites pièces assez 
analogues à celles qui constituent le troisième article 
des antennes des Macrotoma , mais quatre ou cinq fois 
plus longues. 11 est en outre toujours velu , avec les 
poils disposés en verlicilles à chaque articulation , et 
presque constamment coloré différemment des autres 


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(Ui ) 

articles, étant ordinairement d’un rouge plus ou moins 
ferrugineux. L’articulation qui joint cette partie des an- 
tennes à la précédente, étant plus prononcée que les au- 
tres, il en résulte qu’elle jouit d’une plus grande mobi- 
lité, de manière que quand l'insecte agite ses antennes , 
celles-ci paraissent coudées en cet endroit. La tête est 
séparée de l’abdomen par un étranglement profond et 
par un cou assez visible. 

de l’abdomen. 

te thorax est indistinct chez les Sminthurides.se trou- 
vant confondu en partie avec le cou, et en partie envahi 
ptfflâ'inàsse de l’abdomen. Sous ce rapport, comme sons 
Celui de l’absence de segments abdominaux , les Smin- 
thurides se rapprochent beaucoup des Arachnides. La 
forme de l’abdomen est courte et renflée, avec sa partie 
dorsale antérieure marquée de quelques rides transver- 
sales. Ses côtés présentent . Vers le3 deux tiers de sa 
Iciiigueur, une dilatation angulaire qui donne & toute sa 
partie antérieure une forme triangulaire, tandis que sa 
partie postérieure se termine brusquement par un petit 
anneau tubuleux , duquel sort un mamelon tuberculé 
qttf renferme l’orifice anal et que fai nommé croupion. 
Le pins souvent le dessus de l’abdomen se courbe en 
6*hmràdissant jusque sur le croupion ; quelquefois , 
4bs s’être bombé supérieurement , il se termine en 
âft$e'àtigu au-dessus de cette partie. Au-dessous et en 
iflant du mamelon anal, tout près de la base de l’organe 
ftltatoire , est un tubercule qui pourrait bien être un 
sexuel. On aperçoit dans son milieu une petite 
fente transversale qui le fait ressembler à un stigmate : 
Qtte fente, qu’on pourrait nommer ouverture préanale, 
ffttrès apparente chez le Sminthums fuscus. A sa base, 
jyWRftfifé côté , nn voit un petit point noir qui parait 
être produit par un liquide interne ; car il parait quel- 


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( H* ) 

qüefois mobile. Les pattes ne diffèrent de celles des Pd* 
dérides que par leur insertion , étant très rapprochées 
entre elles, vu l'absence, oo du moins, l'extrême petitesse 
du thorax. Les tarses sont terminés par deux crochets 
presque droits. Les pattes des Sminthurides étant sitnées 
très en avânt du centre de gravité do corps, il existe sons 
le ventre, de chaque côté de la tige caudale , un tuber- 
cule plus ou moins saillant sur lequel s’appuie l'abdo-* 
men pendant le repos; ces tubercules font alors l'office 
de fausses pattes» L’organe saltatoire est très développé ; 
aussi les Sminthurides ont-elles le saut très puissant* Sa 
tige, assez courte , est portée sur une pièce basilaire 
trapézoïdale , mobile ; les filet3 , attachés à la tige par 
une articulation oblique, sont longs et menus,s' étendant 
ordinairement tout le long du ventre jusqu’à la bouche* 
contre laquelle leurs extrémités viennent s’appuyer. Ces 
filets sont formés de deux articles » le second court et 
d’une forme qui varie quelquefois salon l’espèce , étant 
tantôt subulée, tantôt filiforme, et tantôt ovalaire. Cet 
article, dont la mobilité est en raison de son articulation 
qui esc d’ordinaire assez grande, s’infléchit, lorsque, 
pendant le repos , l’insecte appuie ses filets contre son 
menton. La rainure destinée à recevoir cet organe est 
courte, peu profonde , et ne loge guère que la tige. Les 
fiminthufides sont pourvues d’un tube gastrique analo- 
gue à celui des Podurides , mais ordinairement plus 
développé. U est situé un peu en avant de la dernière 
paire de pattes, et il est, comme ce dernier, suscepti- 
ble de gonflement. En arrière de ce tube est une petite 
pièce subulée . mobile , qui paraît être l’analogue de la 
fourchette des Podurides ; on ne l’aperçoit bien qu’en 
regardant l'insecte de côté avec une bonne loupe. Le 
tube gastrique des Sminthurides renferme deux organes 
singuliers * propres à cette tribu : ce sont deux filets 


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( «« ) 

transparents , très flexibles , ordinairement jaunâtres j 
de la longuear du corps dans lenr plus grande exten- 
sion , que l’insecte fait sortir de temps en temps de ce 
tube, en les lançant avec beaucoup de rapidité dans tou- 
tes les directions et en les contournant de toutes les 
manières. On le voit souvent les porter à sa bouché 
comme pour les sucer. Degéer, qui a le premier observé 
ces filets , a pensé qu’ils servaient à ces insectes pour 
s’attacher aux corps et les empêcher de tomber. J’aûfait 
plusieurs expériences pour vérifier ce fait. Après avoir 
mis des Sminthurus dans un vase de cristal à parois per» 
pendiculaires, je les faisais marcher dans toutes les atti- 
tudes, en donnant au vase différentes positions. Le résuK 
tat de cette expérience fut que ce n’est pas toujours pen- 
dant la marche , mais plus souvent pendant la station , 
et principalement quand on les inquiète, qu’ils font sor- 
tir leurs filets, et, quoiqu’ils s’en servent quelquefois pour 
éviter une chute, on lus voit souvent , après avoir mar- 
ché pendant quelque temps , se laisser tomber , sans 
chercher à se retenir par ce moyen. Au reste , comme 
les Podurides , ils appliquent de temps en temps leur 
tube sur le verre- Ils ont encore une autre habitude 
lorsqu’ils marchent sur un plan vertical, c’est de porter 
successivement leurs tarses à Leur bouche pour les 
humecter au moyen d’une petite vésicale qu’ils fout 
sortir de cette cavité, action qui m’a paru avoir pour but 
de donner à leurs, tarses plus de ténacité lorsqu’ils lea 
appliquent sur. le plan. 

Leè Sminthurides sont phytophages, et se nourrissent 
dés feuilles do Légumineuses et de Graminées, principa- 
lement des feuilles de Trifolium, de Mèdicago, de Poa.etc. 
Quelques-unes se nourrissent dé champignons. Elles, 
commencent à paraître avec les végétaux qui doivept 
leur servir de nourriture t et toutes disparaissent anx 


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( 

premières gelées ; je n’en ai jamais trouvé l’hiver. Sont* 
elles ovipares? Même incertitude que pour les Poduri- 
des; mais elles sont, comme celles-ci, sujettes à la mue* 
Leur corps, d’une consistance plus ferme que celui des 
Podurides , est revêtu d’une pubescence plus ou moins 
longue, plus on moins dense , différemment colorée « 
suivant l’âge et l'espèce. 

J’ai partagé cette tribu en deux genres , d’après la 
composition des antennes. 

Antennes de quatre articles , pas de tubercules dor-* 
saux, 1 er genre. sminthuros. 

Antennes de huit articles , deux tubercules dorsaux , 
-2 e genre. . . ........ dicyrtoma. 


PREMIER GENRE. 
sminthurus ( f ), Latr. 

Podurœ sp. Lino. Geoff. Degéer. Fab. Oliv. Latrï. 

Anteiuüs quadriarticulatis , dorso tuberculis nullis. 

Des quatre articles qui forment les antennes des Smin* 
tkutus , trois se trouvent compris dans la partie qui pré- 
cède lé coude ; le premier est gros et court* le deuxième 
plus mince et une fois plus long ; le troisième, deux 
tiers plus long que le précédent ; le quatrième ,. qui se 
trouve au-dessus du coude, égale en longueur les trois 
premiers. Une seule espèce , le S. fusent , diffère un peu 
des autres sous le rapport de la dimension relative de 
ces parties. Ce genre renferme des espèces fort différen- 
tes, et pour la taille, qui varie depuis un demi-millimètre 
jusqu’à deux millimètres et demi , et pour la couleur , 

(1) Smintho *, rat i oura, queue. 


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t m ) 

qui tantôt est uniforme , et tantôt forme des tacfaeâ 
d’une teinte et d’une fdhtië très variées. Il së compose 
des espèces suivantes : 

1. sminthurus viridis , Latr. 

Podura viridis , Lin. Fab. Podure verte aux yetuc noirs, G«off. 

Corpore vïridi-flavescente . 

2 — 2 % mill. Il varie beaucoup pour la couleur ; il est 
le plus souvent verdâtre , varié et nuancé de jaunâtre, 
légèrement ferrugineux sur les côtés et sur la tête ; 
quelquefois variant du vert plus ou moins jaunâtre au 
jaune-ferrugineux, mais toujours accompagné de quel- 
que teinte, ou de quelque partie verte ou verdâtre ; chez 
quelques individus , le dessus de l’abdomen est jaune 
avec les côtés verdâtres ; chez d’autrés , c’est le con- 
traire; ces derniers sont jaunes et le dos verdâtre ; bou- 
che ferrugineuse ; antennes de la longueur des trois 
quarts du corps, leur dernier article d’un brun-rougeâ- 
tre ; corps pubescent. — Très commun sur l’herbe des 
prairies, depuis les premiers jours du printemps jusqu’à 
l’automnè. 

var. Totus luteus. 

En entier d’un jaune ochracé, antennes ferrugineuses. 

2. sminthurus fuscus ; Latr. 

Podura atra, tin. Fab. La Podure brune enfumée ,, Geoff. Podure bruné 

ronde, Degéer. 

Corpore fusco, subnitido, pedibus cinerets. 

2-2 £ mill. Même forme Que le précédent, variant du 
brnn-cendTé aü brtui sale, ou brun-noirâtre ; épiderme 
un peu luisant; dessous du coTps, pâttes et organe sal- 
tatoire, d'un gris-cendré, Quelquefois d’üb brun teinté 
de rougeâtre ; antennes de la moitié du corps , hlspides, 
d’un brun-rougeâtre, ayant leur deuxième article égal 

10 . 


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( ) 

au moins au troisième; dernier article un peu plus court 
que les deux précédents pris ensemble ; angles latéraux 
de l’abdomen très saillants; filets de l'organe saltatoire 
terminés par un article menu, filiforme, blanchâtre; 
corps garni de poils sétuleux, rares, jaunâtres ; ouver- 
ture préanale à bords relevés, blanchâtres. — Sur les plan- 
tes, sous les haies, dans les lieux frais et ombragés; 
moins commun que le précédent. 

3. s. BiLixEATUS, Bourl. 

Corpore pallido, dorso fnsciis duabus longitudinalibus 
ferruginets. 

1 î — 2 mill. Corps ovalaire, d’un blanc pâle; tète 
oblongue, peu dilatée latéralement; antennes delà lon- 
gueur du corps, en entier d’un rouge-ferrugineux, plus 
obscur vers l’extrémité , paraissant quelquefois coudées 
au-dessus du deuxième comme au-dessus du troisième 
article; deux bandes maculaires dorsales d’un ferrugi- 
neux-rougeâtre, s’étendant depuis les yeux jusqu’à l’ex- 
trémité de l’abdomen ;des taches de la même couleur sur 
les côtés de ce dernier , sur la tète et sur le croupion ; 
celui-ci long et menu ; organe saltatoire blanc, dernier 
article de ses filets grêle, filiforme ; abdomen coupé obli- 
quement de chaque côté de son extrémité et terminé en 
angle aigu au-dessus du croupion. — Sur l’herbe des 
prairies. 

4. s. aquaticus, Bourl. 

Corpore flavescente, f route nota nigra , dorso viridi . 

% — l mill. D’uq blanc plus ou moins teinté de jaunâ- 
tre; abdomen ovoïde; une tache noire, triangulaire, 
sur le front ; dos d’un vert-bleuâtre ; dernier article des 
filets caudaux , court , ovalaire ; tubercules sous-abdo- 
minaux très saillants. — Sur les plaptes aquatiques , 
principalement sur les Garex et les Lemna. 


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{ w ) 

5. S. LUPULIHÆ , Bourl. 

Corpore flavo-ferruginoso, absque macults, appendice anatt 
production. 

mill. Abdomen subglobuleux, d’un jaune unifor- 
me en dessus, quelquefois avec une légère teinte ferru- 
gineuse ; d’un jaune-blanchâtre en dessous; antennes, 
surtout le dernier article , d’un rouge-ferrugineux , 
pubescentes , de la longueur des trois quarts du corps ; 
abdomen brusquement terminé par un croupion plus 
long que dans les autres espèces , et paraissant formé 
de deux anneaux; pattes, organe salutaire et tube gas- 
trique, blancs; article terminal des filets caudaux, petit 
et grêle; dessus de l’abdomen formant un angle au-des-* 
sus du croupion. — Très commun dans les prairies sur 
leMedicago Lupulina. 

6. s. pallipes, Bourl. 

Corpore nigro; verlice duabus rnaculis pedibusque luteo - 
palÜdis. 

D’un noir mat, à l’exception de deux taches 
oblongues sur le yertex r delabasedeàaiUennes et des pat- 
tes, qui sont d’un jaune-pâle; hanches noires. (Les deux 
taches verticales sontles bords internes des yeux, qui sont 
relevés et colorés autrement que le reste de la tète; au 
premier aspect on prendrait ces taches pour deux cor- 
nes). Organe saltatoire d’un jaune-blanchâtre, plus court 
que dans les autres espèces, ne dépassant pas la deuxième 
paire depattes,à filets contigus, parallèles, n’embrassant 
pas le tube gastrique, mais s’appliquant dessus, ayant 
l’article terminal aoiculé; tube gastrique peu saillant; 
abdomen glabre, ou n’ayant que quelques poils rares 
vers son extrémité ; croupion assez court. C’est le plus 
petit des Sminthurus. — Assez rare, dans les prairies, sur 
le Trifolium, où il est fort difficile à distinguer, à cause 
de sa petitesse. 


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( <48 ) 

VAR. Verlicis macuhs, pedibus cauddque albis. 

Taches verticales, pattes et organe saltatoire , d'un 
blanc foncé; sous les pierres et les pots à fleurs. 


DEUXIÈME GENRE. 

DICYRTOMA (*), BOUrl. 

Jntcnnis octoarticulatis, dorso tuberculis duobus. 

Les Dicyrtoma ont les antennes longues, composéesde 
huit articles , dont cinq pour la partie qui précède le 
coude, et trois pour l'autre. La première partie a son 
premier article gros et court, et les quatre suivants à 
peu près égaux ; la partie au-dessus du coude se compo- 
se d’abord de deux et quelquefois de trois articles, puis 
d’une pièce forméed’un grand nombre dcpetits anneaux, 
comme dans le genre précédent; mais elle est un peu 
moins longue. Cette dernière pièce offre, en outre, un 
peu au-dessous de son sommet, une petite excroissance 
latérale. L’abdomen porte de chaque côté, vers le milieu 
de sa partie dorsale, un tubercule , au-devant duquel 
sont quelques lignes imprimées, irrégulières. Le crou- 
pion est gros, court et dirigé en bas. Ce genre ne com- 
prend que deux espèces. 

1. DICYRTOMA ATROPURPUREA , Bourl. 

Corpore atro-purpureo , anteruiis longioribus. 

2 mill. ;. D’un rouge-brun uniforme; tête longue, 
moins comprimée d’avant en arrière que dans les autres 
espèces, très rugueuse entre les yeux ; bouche blanchâ- 
tre; antennes concolores, très longues, dépassant un 
peu la longueur du corps, garnies de poils blancs ; sil- 


(1) Dit , deux fois , curtôma, bosse. 


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( ) 

Ions du front courts et profonds; abdomen ovalaire, peu 
dilaté latéralement ; des poils blancs et assez rares aux 
pattes et à l’extrémité de l'abdomen (les poils de cette 
dernière partie acquièrent quelquefois une longueur in- 
solite); dernier article de l’organe saltatoire, sétacé et 
blanchâtre, ainsi que les tarses ; tubercules sous-ab- 
dominaux très saillants. — Sur les champignons, prin- 
cipalement sur le Fistulina Buglossoides , où il est assez 
commun en automne. 

* 2. n. dorsimaculata , Bourl. 

Corpore luteo-pallido , dorso posteriore macula nigra oblonga. 

1 mill. |. Abdomen subglobuleux, d’un jaune pâle; 
une tache noire, oblongue, vers l'extrémité de l’abdo- 
men, occupant le tiers environ de sa partie dorsale; ab- 
domen, surtout la dilatation latérale, marqué d’un grand 
nombre de taches ferrugineuses ; une ligne de la même 
couleur entre les antennes; celles-ci de la longueur des 
deux tiers du corps ; pubescence rare et blanche. Celte 
espèce court avec beaucoup de vitesse. — Dans les prai-» 
ries aquatiques. 

Var. Corpore variù coloribus maculato. 

Tout le corps couvert de taches ferrugineuses, brunes 
et blanchâtres ; dos verdâtre ; une grande tache d’un 
ferrugineux rougeâtre de chaque côté de l’abdomen ; ta- 
che noire de l’extrémité de celui-ci, petite, presque or- 
biculaire ; croupion brun. Signatus? Latr. Fab. 



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t f S0) 


PRÉCIS CUIIOIOLOCSIOOe 

DES 

TRAVAUX LES PLUS REMARQUABLES QUI ONT ÉTÉ PUBLIÉS JUSQU’A CÉ JOUR 
SUR LES PODURELLES. 


Degéer. — Il n’y a guère plus d’un siècle que les Podu- 
rellcs sont connues. Elles furent découvertes en 1737 
par Degéer, qui, en 1740 , donna la description de quél- 
ques espèces dans les Mémoires de l’Académie royale 
des Sciences de Suède , et dans ceux de la Société d’Up- 
sal. Plus tard , en 1770, il en décrivit sept espèces, qu’il 
partagea en deux sections qu’il appela familles; les 
Podures allongées , et les Podures globuleuses. La pre- 
mière section comprend les six espèces suivantes : 

1. La Podure noire des arbres ; 2. La podure grise des 
arbres ; 3. La Podure aquatique noire ; 4. La Podure aqua- 
tique grise ; 5. La Podure plombée ; 6. IA Podure non 
jouteuse. 

La seconde section ne comprend qu’une seqle espèce, 
la Podure brune ronde. 

Degéer parait avoir remarqué mon Dicyrtoma Dorsima- 
culata ; mais il le considérait comme un jeune individu 
de l’espèce précédente. Il dit aussi avoir trouvé dans les 
chemins sablonneux de petites Podures noires réunies 
en petits tas comme de la poudre à canon. Ce ne peut 
être que mon Hypogastrura Murorum ; mais , soit qu’il ait 
négligé d’observer celte Poduride , soit qu’il la crût 
identique avec sa Podure noire aquatique , il ne l’a pas 


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( *51 ) 

décrite. Du reste , ses descriptions spécifiques et les 
détails qu’il donne sur l’organisation extérieure des 
Podurelles sont très étendus , en général assez exacts , 
et prouvent que ses observations ont été faites avec 
beaucoup de soin et de sagacité. Je ferai cependant 
remarquer plusieurs erreurs où il est tombé. Ainsi , il 
dit: l*que les Podures allongées ont constamment les 
antennes composées de quatre articles , et les yeux de 
huit ocelles ; 2° que le tube gastrique de sa Podure aqua- 
tique grise ( Podura Aquatica , Bourl.) a la même forme que 
celui de sa Podure aquatique notre ( Hypogaslrura Aquatica , 
Bottrl.) ; S # que les écailles de sa Podure plombée {Macro- 
toma Plumbea , Bourl . ) sont semblables à celles des 
papillons. Il a cru , en outre , que les Podurelles étaient 
ovipares. Quant au tube gastrique , il a conjecturé que 
celui de sa Podure aquatique noire et de sa Podure aquatique 
grise leur servait à pomper l’eau nécessaire à leur con- 
servation. 

{Mémoires pour servir ht histoire des */«ecter.Stockolm,1778.) 

Geoffroy. — Gomme Degéer , Geoffroy partage les 
Podurelles en globuleuses et en allongées , deux sections 
auxquelles il donne également le nom de familles. Il en 
décrit dix espèces, dont trois globuleuses qui sont : 

1 . La Podure noirâtre à taches fauves sous le ventre ; 
2. La Podure verte aux yeux noirs ; 3. La Podure enfumée . 

Les sept Podures allongées sont: 

I .La Podure commune velue ; 2. La Podure jaune à an- 
neaux noirs ; 3 . La Podure porte- anneau ; 4 . La Podure noire 
terrestre ; 5 . La Podure noire aquatique ; 6 . La Podure grise 
commune ; 7 . La Podure violette. 

II est fâcheux que ses observations manquent le plus 
souvent d'exactitude, que plusieurs même soient erro- 
nées, et que ses descriptions spécifiques soient tellement 
vagues, tellement incorrectes, qu’il serait difficile r 


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( 152 ) 

d’après elles, de déterminer avec certitude une seule de 
ses espèces. 11 dit, par exemple, que les. Podurelles ont 
le corps couvert d'écailles , et que c’est là un des carac- 
tères distinctifs de cette famille, erreur qu’un peu 
d’attention lui eût fait éviter. Il lui a paru aussi que ces 
écailles étaient semblables à celles des papillons, ce 
qu’il n’avance sans doute que d’après Degéer. Enfin il a 
pensé que le tube gastrique servait à retenir la queue 
sous le ventre, ce qui prouve qu’il n’a pas vu que dans 
plusieurs espèces l’organe saltatoire ne s’étend pas jus- 
qu’à ce tube. 

( Histoire abrégée des insectes des environs de Paris , 1762J. 

Linné. Dans son Systema naturœ , 13* édit. 1767, Linné 
place les Podurelles entête de ses Aptères, entre les 
Lépismes et les Termès (dont il ne connaissait que les 
Jarves). Du reste, il ne paraît pas avoir attaché une 
grande importance à la distinction des Globulevses et des 
allongées', seulement il plaçe celles-là à la tète du genre, 
et les désigne spécifiquement par les mots de globesa et 
subglobosa. Il définit ainsi les unes et les autres : Pedes 
s ex, cursorii, oculi duo, compositi ex octorus; cauda bi força, 
saltatrix, inflexa ; antennœ setaceœ , elongatœ. Dans cette 
même édition on ne trouve que quatorze espèces de 
Podurelles ; mais l’édition de Gmelin, 1789 , en donne 
trente-une. Quelques-unes de ces espèces ont été retrou- 
vées par moi; quelques autres ipe paraissent n’étre 
qu’une même espèce décrite plusieurs fois par suite du 
changement qu’éprouvent ces insectes dans leur taille 
çt leur couleur. Voici ces espèces avec la phrase descrip- 
tive. 

1 . P. Yiridit; subglobosa viridis. 

2. P. Polypus; subglobosa atra, anlennù longiludine corporis, aptes 

albis. 

ô. P. Atrq; globosa fusca nitida,anUnni* longis,articulii plurimis. 


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/ 


( <53 ) 

4-, P. Plumbea; ter es, fusco-ccerulea nitida. 

5. P. Minuta ; ovata, flava, dorso macula duabus ferrugmeis. 

6. P. Nivalis ; oblonga , cinerea ; signatures ni gris, 

7. P. Fajra ; oblonga, ntgra ; abdomme antennisque fascia alba, 

8. P. j4rior*a ; oblonga nigra ; pedibus furcâque albis, 

9. P* Villosa ; oblonga, villosa ; fusco nigroque varia . 

f 0. P. Cincta ; cylmdrtca, grise a, cingulo atro , anterius albo . 
il. P. Pusilla ; eylindrica, cænea, furca alba, 

42. P. ^tiaftca; nigra, aqualtca, 

43. P. Fimetaria; terrestris, alba, 

44. P. Ambitions ; alba , anufa 6t/Wa, extenso. 

45. P. Signata ; subglobosa, fusca, abdominis lateribus fuho ma - 

culatis. 

1 6. P. Annulata; livida, annulis nigris. 

47. P. Lignorum; plumbea, capite, thoraçe, pedibus furcâque palli- 

dis. 

48. P. Monura; albida , couda in divisa, conica. 

49. P. Bufescens ; luteo-rufescens, villosa î ocii/t* aJrti, furca albida. 

20. P. Yiridis; subcylindrica, flavo-viridis, oculis nigris. 

21 . P. Motitans; elongata, rubra, couda extenso, pedibus anten - 

nîryutf hyalinis. 

22. P. Sihatica; eylindrica, fitseo-cinerea, couda acummata mutica. 

23. P. Nemoralu ; oblonga, cinerea ; antennarum apice pedibusque 

albis. 

24. P. Aquatica; ( secundo ) eylindrica, flavicans, oculis, dorso laie- 

ribusque abdominis nigris. 

25. P. Crystallina ; hyalina. 

26. P. Longicomis; eylindrica , flamant, antennis corpore longio - 

rt&uf, pedibusque cinereis. 

27. P. Palustris ; lutescens, oculis dorsoque Ivnea media nigris, furca 

alba. 

2&. P. Lanuginosa ; argenteo-aurata, lanugine supra cœruleçt, an- 
tennis recurvis. 

29. P. Crassicomis ; obscuri cœrulea, eylindrica, retrorsùm incras - 

*a(a, antennis recurvis. 

30. P. Marittma; teretiuscula , wrià* anum crassior, cœruleo-nigri- 

cans , abdomine albida. 


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( 154 ) 

51 P. Humicola; futeo-caruUa, antmnit brmb ut, erattit, eorpore 
cyHndrico, vtrtiu aman erouùrre. 

( System* nalurœ , 13 édit, Gmblini). 

Fabricius. — L es Podurelles, quoique partagées en deux 
sections, ne forment encore chez ce naturaliste qu’un 
seul genre, auquel il donne pour caractères: quatre palpes 
un peu en massue, labre bifide, antennes filiformes. Il défi- 
nit ainsi ces insectes : corps petit, oblong, couvert d' écail- 
les, comprimé , immarginé, aptère, agile, sautant; tête glo- 
buleuse , penchée , insérée , yeux petits , globuleux , à peine 
saillants , antennes de longueur moyenne , rapprochées, insé- 
rées entre les yeux, thorax comprimé , relevé, sans ailes; ab- 
domen oblong, comprimé, queue à deux filets, repliée sous le 
ventre, saltaloire, pattes grêles, cursoires, couleur variable. 

On voit que Fabricius paraît avoir cru , comme Geof- 
froy, que toutes les Podurclles avaient le corps couvert 
d’écailles , puisqu’il donno cette particularité , qui ne 
convient qu’à un petit nombre d’entre elles , comme un 
des caractères du genre. Sa définition contient en outre 
plusieurs autres inexactitudes. Les Podurides n’ont 
pas lé corps comprimé , mais cylindrique ; leur tête n’est 
pas globuleuse, mais ovale-déprimée ; elle n’est pas insérée, 
c’est-à-dire , à demi engagée dans le thorax ; elle est 
entièrement libre ; enfin, les antennes ne sont pas insé- 
rées entre les yeux , mais devant les yeux. Le labre, qu’il 
dit bifide , m’a toujours paru entier. Quant aux palpes , 
ils sont si obscurs , si rudimentaires , qu’il est très dif- 
ficile d’ên déterminer le nombre et la forme; aussi 
Latreille regarde-t-il comme fictifs les caractères qu’çn 
a tirés Fabricius. Voici les espèces signalées par ce der- 
nier. Ses phrases spécifiques sont les mêmes que celles 
de Linné. 

PODURES GLOBULEUSES. 

1 . P. Signala ; 2. P. Viridis; 3. P. Polypoda ; 4» P. Atra. 


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( 1ÎM» ) 

PODURES ALLONGÉES. 

1 . P. Plumbea; 3 . P. Mtnüta; 3 . P. Nùalis; 4 . P. Vaga. 

5*. P. Arborea; 6 . P. VtUosa ; 7 . P. Cincta; 8 . P. Annulât a. 

9 . P. Lignorum ; 10 . P . Pusilla ; 11 . P. Aquatica ; 12 . P- 
Fimetana; 13 . P. Ambulant. 

(Species insec forum, 1781 .) 

Latreille. — D ans la plupart de ses ouvrages, Latreille 
n’a guère fait que reproduire ce qu’avaient dit , sur les 
Podurelles, Degéer, Geoffroy , Linné etFabricius; mais 
il assigna leur place dans le cadre entomologique , et il 
sentit la nécessité d’ériger en genres les divisions admises 
par ses devanciers. En conséquence, il forma son premier 
genre des Podurelles allongées , auxquelles il conserva 
le nom de Podura , et il comprit dans son second genre 
les Podurelles globuleuses , qu’il nomma Sminthurus. Il 
caractérisa ces genres avec sa sagacité accoutumée. 
Toutefois, en se contentant de copier les entomologistes 
ci-dessus, il ne put éviter de tomber dans quelques-unes 
de leurs méprises. 11 dit, d’après eux, que les Podurelles 
ont les antennes de quatre articles, et les tarses terminés 
par deux, crochets ; il ajoute que, pour sauter , la Podu- 
relie frappe le plan de position avec sa queue étendue 
en arrière ; enfin, selon lui, le corps des Sminthurus offre 
trois divisions, la tête, le corselet et 1 abdomen. 

En bornant à une quinzaine d’espèces le genre Podura 
et à trois le genre Sminthurus , Latreille paraît n admet- 
tre que les espèces signalées par Fabricius; il cite en 
effet toutés les espèces de ce naturaliste , b 1 exception 
seulement de trois , les P. Polypoda , Minuta et Vaga. 

(Histoire des crustacées et des insectes , tome 7, an XII.) 

En 1832 , Latreille a publié, dans les Annales du Mu- 
séum d’histoire naturelle, un mémoire sur lesThysaou- 
res , et en particulier sur les Podurides. Ce mémoire, 
qui contient des observations intéressantes sur 1 organi- 


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( isû) 

sation extérieure de ces derniers' animaux , m’était 
inconnu lorsque je publiai le mien , il y a trois ans , et 
en le lisant je ne fus pas moins flatté que surpris de voir 
que plusieurs particularités remarquées par moi s’y 
trouvaient consignées. Gomme tout ce.qu’a fait ce savant 
naturaliste, ce mémoire est précieux. Disons , toutefois, 
qu’il le serait encore davantage si l’auteur s’était moins 
hâté de généraliser ses observations , défaut d’ailleurs 
assez ordinaire à ceux qui , étudiant des êtres peu con- 
nus, d’une observation difficile, manquent de temps, ou 
de patience , pour donner à leurs recherches le degré 
d’étendue et de précision nécessaire pour en saisir 
l’ensemble. Nul doute que si Latreille eût observé un 
plus grand nombre de Podurides, il n’eût reconnu que 
plusieurs des faits qu’il croyait applicables à la totalité 
du' genre n’affectaient qu’un petit nombre d’espèces, et 
que ces faits étant constants dans ces espèces , offraient 
dès Içrs des caractères propres à établir de nouvelles 
coupes dont lui-même avait déjà entrevu la possibilité. 

Après avoir dit dans ses précédents ouvrages ( Bist. 
nat. des crust. et des ins. — Règne animal , etc. ) , que les 
Podures avaient les yeux composés de huit ocelles, et les 
tarses terminés par deux crochets , Latreille n’admet 
plus ici que six ocelles et un seul crochet. Il regarde le 
tube gastrique comme un organe sexuel ; opinion peu 
vraisemblable, car alors cet organe varierait dans les 
deux sexes, tandis qu’il est identique , et n’admet , dans 
toute la série des Podurelles, que deux modifications que 
j’ai fait connaître. Au reste , je crois avoir constaté 
l’existence d’un organe sexuel dans une espèce du genre 
Bypogastrara , Y H. Aquatica , et ce n’est pas à la base infé- 
rieure de l’abdomen , mais à son extrémité • que cet 
organe est situé. On regrette que ce mémoire, ne soit 
accompagné d’aucune figure,et qu’il ne contienne aucune 


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( 157 ) 

description d’espèce , ni aucune observation sur les 
Smintburides. 

(Nouvelles annales du Muséum d’hist. nat. Année 1832.) 

Lamarck. — Il est remarquable que ce naturaliste a 
placé les Podurelles, ainsi que les Lépismènes, parmi le 3 
Arachnides , à la tête des Arachnides Crustacéennes ; 
comme il donne pour caractères à ces dernières des 
mandibules propres à inciser et à diviser , il suppose en 
conséquence que les Podurelles sont munies de ces 
organes. En effet, il dit que les Sminthurus ont des man- 
dibules dentelées au sommet; il ajoute qu’ils marchent 
sur l’eau comme sur un corps solide , attribuant ainsi 
aux Sminthurus ce que d’autres avaient dit des Podurides. 

Lamarck a adopté les deux genres créés par Latreille. 
Il ne décrit que trois espèces de Podurides : la Podure 
Aquatique, la Podure Velue et la Podure Grise ou Plombée. 

Et autant de Sminthurus : la Sminlhure Brune W , la 
Sminthure Verte, et la Sminthure Marquée. 

( Animaux sans vertèbres, tome 6.) 

Thomas Sat. — On trouve dans le Journal de t Académie 
des Science» de Philadelphie , vol. 2. Année 1820, la des- 
cription de quatre Podurelles, par Th. Say. Ces espèces 
sont-elles nouvelles , comme le pense l’auteur ? On 
serait porté à le croire quand on considère combien la 
Faune entomologique d’Amérique diffère de celle 
d’Europe. Toutefois M. Say ne les ayant pas décrites 
vivantes, et n’en donnant aucune figure , les caractères 
qu’il en trace sont si peu précis , si incomplets , qu’il 
serait difficile de rien décider à cet égard. Les Podurelles 
veulent être étudiées et décrites en vie. Une fois mortes, 

(1) Lamarck (ait ce nom féminin. L’on ne conçoit pas en effet pour' 
quoi Latreille ne l’a pas fût féminin comme Podura. 


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( <88 ) 

elles se déforment totalement et deviennent méconnais* 
sables , quelques moyens qu’on emploie pour lescon- 
server. Quoi qu'il en soit,il serait à désirer que quelques 
entomologistes voulussent prendre la peine de recher- 
cher les Podurelles d'Amérique ; il est probable que ce 
continent, si riche en toutes sortes d’insectes , offrirait 
un grand nombre de ces aptères inconnus dans nos con- 
trées. Voici ces espèces telles que les décrit M. Say. 

GENRE PODURA. 

1. espèce, PodumFasciata. Corps d’un blanc-jaunâtre, 
avec quatre bandes noires écartées, queue noire, bandes 
plus pâles en dessous, filets blancs, antennes noirâtres, 
yeux uoirs. Longueur , 1 **/« raillim. Cabinet de l’Aca- 
démie.— Se trouve en grand nombre sous l’écorce sèche 
du chêne, etCi , dans la Géorgie et la Floride. 

2. P. Btcoler, Corps plombé , pattes garnies de quel- 
ques poils, plus pâles à la base ; crochets petits, aigus ; 
queue large ; yeux d’un noir foncé. Longueur, 1-22 mil. 
Cabinet de l’Académie. C’est notre espèce la plus com- 
mune. — Sous les pierres, etc. 

3. P. Irtcolor. Corps noirâtre, irisé ; thorax garni an- 
térieurement de longs poils ; abdomen velu à son extré- 
mité ; pattes velues , blanchâtres ; dessous de la tête et 
antennes ; velus. Longueur , 5 mil. environ. Cabinet 
de l’Académie. — Commune dans la Pensylvanie. 

GENRE SMÏNTHURTJS. 

Une seule espèce , Sminthurus Guttatas. Corps d’nn 
blanc-jaunâtre, avec des taches nombreuses, irréguliè- 
res, d'un brun-rougeâtre, disposées en bandes; Un grand 
nombre de poils épars, et deux tubercules, nn de chaque 
côté du milieu du dos , lesquels sont tronqués à leur 
sommet corps blanc en dessous i aqtennes d’un brun- 
rougeâtre, velues ; devant de la tète taché ; une ligne de 


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( «!® ) 

taches irrégulières derrière les yeux ; yeux noirs ; filets 
couleur de chair. Longueur , un peu plus d’un miil. %. 
Cabinet de l’Académie. — Trouvé sous l’écorce du Pin us 
palurtris (long leaved Pine) , dans la Géorgie. 

(Descriptions of the Thysanurœ of the United States , by 
Th. Say , read nov. 21 st 1820). 

Templeton. - En 1834 , un Entomologisteanglais, M. 
Templeton, a publié dans les Transactions de la Société 
Entomologique de Londres, un mémoire sur lesPodurelles, 
précédé d’une introduction par H. Weslvrood , dans 
laquelle ce dernier se livre à de hautes considérations 
sur l’Ordre des Thysanoures (1). 

M. Templeton décrit onze espèces de Podurides, qu’il 
divise en trois genres , d’après le nombre d’articles 
des antennes , et la présence ou l’absence d’organe 
saltatoire. 

Son premier genre, Orchçsella, comprend les Podurides 
aux antennes de six ou sept articles ; deux espèces. 

1 . Orchesella filicomis ; 2. O. Cincta . 

Ces deux espèces sont des Ætheocerus , Bourl. La pre- 
mière me paraît être une variété de \'Æ. Pulchricomis , 
ou une espèce qui en approche beaucoup ; l’autre est 
XÆ.Vagus, Bourl. Je ne sais pourquoi Templeton donne 
à ces Podurides des antennes de six ou sept articles, et en 
énumère en effet sept dans son U. Filicomis. On pourrait 
à la rigueur en compter six, ainsi que j’en ai fait l’obser- 
vation ; mais jamais dans aucune espèce de Poduride je 
n’ai compté sept articles aux antennes, et les Ætheocerus, 
quoique les pins variables sous ce rapport , ne m’ont 
jamais offert ce nombre. Je suis donc porté à croire 


(1) Les naturalistes anglais et allemands écrivent TJiysanura, et c’est 
ainsi que devrait s’écrire ce met. 


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( 160 ) 

qu’il y a ici erreur , ou que si l’espèce de Templeto’ri 
avait réellement sept articles , ce ne saurait être qu’une 
monstruosité assez rare. 

Son deuxième genre, Podura, comprend des Podurides 
ayant quatre ou cinq articles aux antennes; sept espèces. 

1. Podura Plumbea ; P. Nitida ; 3. P, Nigro-maculata ; 
4. P. Albo-cincta ; 5. P. Cingula ; 6. P. Fuliginosa ; 7. P. 
Stagnorum. 

Dans ce genre se trouve confondues pêle*mêle, 1° des 
Podurides à écailles , P. Plumbea ( Macrotoma Plumbea , 
Bourl.) ; 2° des Podurides aux antennes de cinq articles, 
c’est-à-dire des Ætheocerus , telles sont la Podura Nigro* 
maculata , qui est un Ætheocerus Flavescens , et les Podura 
Albo-cincta et Cingula , que je crois être des Ætheocerus 
Cinctus , ou des variétés de cette espèce ; 3° des Podurides 
aux antennes de quatre articles , ou des Podura , Bourl., 
telle est la Podura Fuliginosa , que l’auteur conjecture être 
la Podura Grisea, Degéer, et qui n’est autre que la Podura 
Viridis , Bourl. 

Son troisième genre, Achorutes , comprend des Poduri- 
des non sauteuses n’ayant que quatre articles aux an- 
tennes; deux espèces. 

1. Achorutes Dubius ; 2. A. Muscorum. 

La première de ces espèces ne saurait être , comme le 
présume Templeton , une jeune Podura Aquatica , Lin. 
( Rypogastrura Aquatica , Bourl.), cette espèce, quelque 
jeune qu’elle soit , étant toujours pourvue d’un organe 
saltatoire très long. 

M. Templeton décrit deux Sminthurus , le S. Viridis, et 
le S. Signatus , et il mentionne en outre le Sminthurus A ter. 
Son Sminthurus Signatus est probablement le Dicyrtoma 
Dorsimaculata , Bourl., et son Sminthurus Viridis est tout 
au plus une variété de cette espèce, et non le vrai Snttn - 
thurus Viridis , qui n’a jamais de tache noire. 


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( 161 ) 

On le voit, l’Entomologiste anglais n’a pas été heureux 
dans les coupes qu’il a voulu établir dans le genre 
Podura; mieux eût valu certainement laisser ce genre 
tel que l’avait fait Latreille. On conçoit difficilement 
qu’il ait pu associer des espèces aussi disparates que les 
Macrotoma, les Ætheocerus et les Podura , et qu’il n’ait pas 
vu que les Podurides écailleuses forment un groupe très 
distinct , très naturel , qui vient se ranger de lui-même 
sur le passage des Lépismènes aux Podu relies , et doit 
par conséquent être placé à la tête de cette dernière 
famille. Telles sont les aberrations auxquelles on est 
nécessairement entraîné , lorsque f par suite d’observa- 
tions superficielles et incomplètes , n'ayant pu saisir 
dans leur ensemble.les rapports des êtres que l’on veut 
classer* on se trouve dans l’impossibilité d’apprécier la 
valeur comparative de ces rapports , et de combiner les 
caractères qui en résultent. Dès lors le fil des analogies 
naturelles échappe , et l’on n’obtient plus que des divi- 
sions artificielles plus ou moins arbitraires. 

( Thysanurœ hjrbernicœ , or Descriptions of such species of 
spring-taited insec ts, as having been obscryed" in Ireland , by 
R. Temptelon , esq. Corr. Member of the Ndtural Society of 
Belfast; with introductory observations upon the Order, b y 
fVestwood; read june 2, and jut. 7, 1834.,) 

Burmeister. — Le travail le plus récent que nous ayons 
sur les Podurelles, est celui de M. Burmeister , publié à 
Berlin eu 1838. Cet Entomologiste a adopté toutes les 
espèces deTempleton , ainsi que ses trois genres , aux- 
quels il en a ajouté un nouveau qu’il a nommé Lipura , 
formé des Podurides privées de queue sallatoire, et com- 
prenant les Podura Ambulans et Fimetaria de Linné. 
M. Burmeister caractérise ainsi les Podurelles : 

Antennes plus courtes que le corps, filiformes ; pas d’yeue 
composés ; parties de la ' bouche cachées ; quatre palpes 'très 

II. 


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( <62 ) 

courts, inarticulés, dentés , sétigères;tarses unis, ou bi-articulés. 

Il les divise d’abord en deux sections , d’après la 
forme de leurs antennes , et l’existence ou la privation 
d’organe saltatoire, ainsi qu’il suit : 

Articles des antennes à peu près égaux, . . 1™ section. 

Derniers articles des antennes très petits, 2* S.SMiNTUURtJS. 

La première section comprend quatre genres ainsi 
caractérisés : 

Antennes de quatre articles, queue saltatoire 
nulle ou obsolète, LlPURA. 

Antennes de quatre articles, plus courtes que 
la tête , une queue sakatoire ...... AçhorüTSS. 

Antennes de quaVe articles , plus longues 
que la tête, PODURA. 

Antennes de six articles Orchesella. 

Le genre Sminthurus comprend les quatre espèces de 
Fabricius. 

M. Burraeister a corrigé quelques erreurs de Temple- 
ton ; ainsi, il n’admet pas, comme celui-ci, des antennes 
de sept articles , et il reconnaît que ses Achorutes sont 
munis d’une queue saltatoire, puisqu'il ne les range pas 
parmi les Podurides réellement privées de cet organe , 
pour lesquelles il a créé un genre particulier; mais, 
d’un autre côté , il est lui-même tombé dans plusieurs 
inexactitudes , non seulement en admettant , probable- 
ment sans exatnen , les trois genres et toutes les espèces 
deTempleton, mais encore en plaçant dans le genre 
Achorutes la Podura Aquatica , Lin., qu’il paraît regarder 
comme synonyme do X Achorutes Dubius de Templeton , 
ce qui ne saurait être ; la Podura Aquatica ( H/pogastrum 
Aquatica, Bourl.) bien loin d’être non sauteuse, est une 
de celles qui sautent le plus fort et dont l’organe sal- 
tatoire est le plus développé. Templeton , d’ailleurs , 


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( <63 ) 

n’indique qu’avec doute cette dernière espèce comme 
pouvant être dans sa jeunesse la même que son Achorutes 
Dttbius. M. Burmeister donne aux Podurelles des palpes 
dentés, sétigères, et des tarses unis, ou bi-articulés. On 
a déjà vu que ces insectes n’ont que d’obscurs rudiments 
d’organes buccaux. Quant aux tarses, non-seulement 
ils n’ont jamais deux articles, mais on pourrait dire 
qu’ils ne sont pas même uni-articulés, puisque le plus 
souvent aucune articulation ne les distinguede la jambe 
dont ils paraissent être une continuation. 

Nicollet. — M.Nicollet, deNeufchâtel, a inséré dans la 
Bibliothèque universelle de Genève, n # 64, année 1841, 
une note sur une espèce de Poduride trouvée sur les 
glaces des Alpes. Cette espèce, qui me paraît nouvelle , 
appartient, d’après les caractères qu’en donne l’auteur, 
à mon genre Podura , et doit être voisine de la Podura 
Arborea. M. Nicollet en fait le type d’un nouveau genre 
sous le nom de Desoria, et à cette occasion il annonce 
qu’il a partagé les Podurelles en neuf genres dont il ne 
donne que les noms, à l’exception de son genre Desoria , 
le seul qu’il caractérise. 

M. Nicollet ne s’est pas contenté, à ce qu’il paraît, d’ob- 
server les parties extérieures de ces insectes ; il a voulu 
pénétrer dans leur organisation intime , et il aurait dé- 
couvert, 1° que leur tube intestinal est composé de deux 
membranes, l’une intérieure, très mince, lisse et trans- 
parente, l’autre extérieure, un peuopaque, plus épaisse, 
et ridée transversalement ; 2° que leurs mandibules et 
leurs mâchoires sont armées de fortes dents; 3* que leur 
corps est pourvu de vingt stigmates; 4° qu’ils sont doués 
d’une véritable circulation, analogue à celle des Ver- 
tébrés ; et il trouve la preuve de cette dernière fonction 
dans le mouvement qu'il a observé dans le corps des 
Podu rides 


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( 164 ) 

J’ai aussi remarqué dans ces animaux un mouvement 
péristaltique, intermittent; mais je ne pense pas qu’il 
soit l’indice d’une véritable circulation , parce qu’il m’a 
paru qu’il avait lieu dans le tube digestif, organe qui, 
comme on le sait, est aussi doué d’un mouvement pro- 
pre. Cette circulation d’ailleurs ne pourrait s’opérer sans 
un organe spécial, lequel ne paraît pas exister ici, le 
vaisseau dorsal, qui en tient lieu chezlcs insectes, n’ayant 
pas encore été, que je sache, aperçu chez les Podurelles. 
D’un autre côté, ce mouvement étant sujet à de longues 
intermittences , est-il vraisemblable qu’une fonction 
aussi essentielle h la vie que la circulation du sang dans 
les animaux qui en sont doués, puisse rester suspendue 
pendant des heures entières sans causer la mort de l’ani- 
mal? Au reste, celte circulation, fut-elle bien constatée, 
ne saurait jamais être assimilée à celle des Verté- 
brés (*). 

M. Nicollet, dans cette même note, prétend corriger 
plusieurs erreurs commises par ceux qui l’ont précédé 
dans l’étude des Podurelles. Il fait connaître, par exem- 
ple, que les Podurelles se nourrissent de matières solides, 
tandis que, selon lui , on a cru jusqu’à ce jour qu’elles 
ne se nourrissaient que de sucs terreux et végétaux. Ce- 
pendant plusieurs entomologistes, Latreille entre autres, 


(1) Dans une lettre qu’il a adressée à la Revue Zoologique (mai 1842), 
en réponse aux observations lues par moi à la Société Entomologique de 
France (séance du $ janvier 1842) sur sa notice, M. Nicollet dit qu’il y 
a ici uue faute de copiste, et qu’il faut lire analogue à celle de» autre» In- 
vertébré!. La circulation étant loin d’étre la même chez tous les animaux 
de cet embranchement, cette assertion, ainsi rectifiée, ne me paraît pas 
encore bien exacte, pas plus que celle où il dit que la circulation des 
Podurides est tout-à-fait semblable à celle des Arachnides. De quelles 
Arachnides ? des Pulmonaires, ou des Trachéennes ? car le système cir- 
culatoire est bien différent dans ces deux ordres d’aptères. 


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( * 65 ) 

disent que les Podurelles se nourrissent de détritus vé- 
gétaux; et il y a trois ans que j'ai imprimé (Mémoires de 
la Société Royale de Lille j qu’elles se nourrissent d’hu- 
mus, et même de feuilles, de viande, etc. 

Enfin le même sfuteur pense queLatreille s’est trompé, 
en plaçant dans un même ordre les Podurelles àcôté des 
Lépismènes. 

Quoique l’erreur ne soit que trop souvent le partage 
de l’humanité, on doit y regarder à deux fois, ce me 
semble, avant de dire d’un savant aussi distingué que 
Latreiile, qu’il s’est trompé. M. Nicollet voudrait que les 
Podurelles fussent classées d’après leur organisation 
intérieure. Cela serait sans doute à désirer. Les organes 
intérieurs étant appelés à jouer un rôle beaucoup plus 
importantdans les phénomènes de la vie, doivent four- 
nir des caractères plus naturels que ceux qui sont tirés 
des organes extérieurs; maison sait que les premiers, 
plus oumoinsfacilesàsaisirdanslesanimauxsupérieurs, 
sont d’une observation difficile, souvent même impossi- 
ble, dans beaucoup d’insectes, surtout dans ceux qui 
sont exigus et mous, comme les Podurelles. Aussi les 
investigations les plus minutieuses n’obtiennent-elles 
souvent, sur leur état organique interne, que des don- 
nées vagues et incomplètes, éléments peu propres à ser- 
vir de base à une bonneclassiflcation. Force est alors de 
s’en rapporter aux formes extérieures. C’est ce que l’on 
a fait pour les Podurelles, comme pour presque tous les 
autres insectes. Sous ce rapport, ces aptères paraissent 
occuper la place qui leur convient dans l’échelle ento- 
mologique. Munis de six pieds, de deux antennes et 
d’une tète distincte, ilsontdroit par ces caractères à la 
classe des insectes. L’absenced’ailes et de métamorphose, 
leur appendiceabdominal.lesécaillesdontplusieurs sont 
revêtus, et la lorme de leurs yeux, les placent naturelle- 


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( 106 ) 

ment à côté des Lcpisinènes. On doit donc conserver à 
cette famille le rang qui lui a été assigné par noire 
grand Entomologiste, aussi long-temps du moins qu’une 
suite d’observations claires et précises ne viendra pas 
démontrer que la nature a marqué ailleurs sa place. 




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Explication des figures. 


1 . Macrotoma Plumbea , couverte de ses écailles, 

2. La même dépouillée de ses écailles. 

3. La même vue en dessous ; a , petite articulation qui se voit quel- 

quefois à l’extrémité du troisième article des antennes ; b, tube 
gastrique; c . fourchette ; d, organe saltatoire étendu en arrière. 

4. La même vue en dessous avec l’organe saltatoire appliqué sous 

le ventre. 

5. Lepidocyrtus Curvicollù vu en dessus. 

C. Le même vu de côté. 

7. Ætheocerus Ru fescens, avec une antenne de 5 articles et l’autre de 3* 

8. Ætheocerus Pulckrtcornis, avec une antenne de 5 articles et l'au- 

tre de 4. 

9. PoduraViridts. 

10. Hypcgastrura Murorum. 

1 1. La même vue en dessous ; a , organe saltatoire. 

12. Hypogastrura Aquatica vue en dessous. 

13. Adtcranus Fimetarius. 

14. Sminthurus Viridis. 

15. Dicyrtoma Dorsimaculata ; a , tubercules dorsaux. 

16. La même vue en dessous ; a, filets que les Sminthurides font sortir 

de leur tube gastrique. 

17. Position des ocelles chez les Macrotoma . 

18. Position des ocelles chez les Ætheocerus et les Podura . 

19. Position des ocelles chez les Hypogastrura. 

20. Position des ocelles chez les Sminthurides . 

21. Tête de Macrotoma Spiricornis , avec les antennes contournées 

en spirale. 


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NOTICE 


sua 


UNE MALADIE APTHEUSE ET EPIZOOTIQUE, 


Par M. JIOIGGLA, 
Médecin-vétérinaire et membre résidaot de la Société. 


Messieurs , 


L apparition d’une maladie épizootique est toujours 
nne calamité qui vient fondre sur la population de la 
contrée où elle se développe. Non-seulement elle inté- 
resse au plus haut degré la fortune agricole , mais la 
salubrité publique se trouve aussi engagée dans le dé- 
sordre qu’elle provoque. Si quelques-unes de ces mala- 
dies qui , à diverses époques , ont ravagé le continent , 
ont borné leur action sur nos diverses espèces d’animaux 
domestiques , il en est d’autres qui ont été communes 
aux hommes et aux animaux. Il est donc nécessaire que 
tous ceux qui s’occupent de médecine ne dédaignent 
point l’étude des épizooties, et que chacun apporte, dans 


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( * 70 ) 

ce dédale obscur, un rayon de lumière pour éclairer la 
véritable voie qui doit nous amener à la connaissance 
parfaite de ces maladies. Plusieurs médecins célèbres 
ont consacré de longues et pénibles méditations sur un 
pareil sujet, et c’est à leurs travaux que nous devons les 
ouvrages les plus importants sur cette matière. Si , en 
effet, les rapports d’organisation qui existent entre tous 
les mammifères établissent entre les grands animaux et 
l’homme des analogies évidentes dans les altérations 
physiologiques et pathologiques , la thérapeutique et la 
pathologie peuvent puiser dans ces mômes analogies des 
enseignements très utiles aux progrès de la médecine 
générale. C’est ainsi que des maladies des animaux, par- 
faitement connues, on peut arriver à ce résultat , que 
celles de l’homme pourront être mieux appréciées dans 
leur nature et dans leur siège ; et par cela même , on 
pourra perfectionner les méthodes curatives, afin de les 
guérir ou les prévenir avec plus de chances de succès. 

Permettez-moi, Messieurs, après ces réflexions géné- 
rales, de vous rendre compte d’une maladie épizootique 
qui , déjà , s’est fait remarquer on 1839 et 1840 sur les 
espèces bovine , ovine et porcine , et qui , de nouveau , 
vient de se montrer dans nos contrées chez presque tous 
les propriétaires de bestiaux. Cette affection a une très 
grande analogie avec les fièvres éruptives, si communes 
à l’espèce humaine ; mais elle a cela de particulier 
qu’elle s’étend fort loin , envahit des provinces entières 
et quelquefois même des royaumes , à tel point qu’en 
1763 et 1764, une épizootie aptheuse analogue à celle-ci, 
d’après la belle description qu’en a faite Michel Sagar , 
se déclara en Moravie et fit de notables ravages sur les 
principaux animaux domestiques de ce pays. A la même 
époque, Guersent était appelé à la combattre dans l’Au- 
vergne et le Périgord , où elle attaquait les chevaux et 


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( ) 

les bétes à cornés. Plus tard, en 1767, le médecin Barail- 
lon observait une épizootie semblable dans la ci-devant 
généralité de Moulins , où elle reparut en 1785. En 
1777 , Lafosse fils constatait la même affection sur les 
vaches aux environs de Paris. En 1800, cette maladie 
épizootique fut observée en Italie , dans la province 
d’Ivrée,par Toggia,qui lui donna le nom defonzettô dans 
une excellente notice qu’il nous a léguée. Enfin , pen- 
dant les années 1809-10-11-12, cette épizootie fut géné- 
rale , et toute la France en ressentit les funestes effets. 
Elle fixa d’une manière toute particulière l’attention du 
gouvernement. 11 y eut des commissaires spéciaux nom- 
més pour l’observer , et Huzard père', l’un des commis- 
saires, fut envoyé en Normandie dans le but de l’étudier 
et de faire connaître les mesures sanitaires convenables 
pour en arrêter le cours. Les professeurs des écoles 
vétérinaires de Lyon et d’Alfort eurent aussi la mission 
de l’étudier et de la combattre aux environs de la capitale 
et dans le département du Rhône. Dans les Afdennes , 
cette maladie fut décrite d’une manière remarquable par 
M. Dehan ; dans les Pyrénées-Orientales, par M. Barère ; 
en Suisse, par Saloz ; en Italie, par Leroy ; et en Hollande, 
par Kraf. En 1825, cette épizootie reparut dans le dépar- 
tement de l’Oise , où elle se déclara , d’après MM. Peu- 
chet et Potelle, avec des caractères qui annonçaient une 
intensité d’action peu commune. Lamberlichi nous dit 
également qu’à cette même époque toute la Romagne 
fut envahie par une épizootie aptheuse, qui se déclara 
particulièrement sur le gros bétail. 

Il est aisé de voir maintenant , Messieurs , que cette 
maladie n’est point aussi rare qu’on l’avait cru généra- 
lement , dès son apparition , en 1839. Cette incertitude 
momentanée dans laquelle on était relativement à la 
nature de cette affection, provenait sans doute de la syno- 


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(172 ) 

nymie de cette maladie , qui a eu un nombre infini de 
variations. Tous les divers auteurs qui se sont occupés 
de la description des maladies aptheuses ont souvent 
différé d'opinion sur leur nature, et par cela même 
un nom différent leur était donné ; c’est ainsi que cette 
dernière maladie a reçu tour à tour les noms vulgaires 
d’alcola , bouche chancrée , bouche ulcérée , muguet , 
surlangue , fonzetto, cocotte , etc. , etc. Quelques-uns , 
voulant faire coïncider l’appellation avec les lésions 
pathologiques, l’ont désignée sous les noms de stoma- 
tite aptbeuse , de fièvre éruptive phlycténoïde , de 
phlyctenès glossopode , d’exanthème stomalo-interdi- 
gité , etc., etc- 

Mais toutes ces dénominations nouvelles et emphati- 
ques ne peuvent être admises , attendu que les unes ne 
signalent qu’une ressemblance de symptômes qui n’a 
rien de commun avecle siège, la marcheet la nature delà 
maladiequi nous occupe, et queles autres nous fontbien 
comprendre l’existence d’un état inflammatoire de la 
membrane banale et de la région interdigitée, sans nous 
faire connaître un des symptômes les plus saillans et 
qui caractérise cette affection : la réaction fébrile , qui 
précède toujours les éruptions qui ont lieu sur divers 
points des systèmes muqueux et cutanés. 

Nous pensons donc que la dénomination d’épizootie 
aphtheuse est la seule qui puisse convenir à la maladie 
qui fait le sujet de ce mémoire ; car sa signification éty- 
mologique étant très vague , elle laisse du moins à 
l’esprit la faculté de rattacher à un genre d’affection 
une maladie qui présente un grand nombre d’analogies 
et dont la nature intime est encore inconnue. 

Les principaux symptômes qui la caractérisent sont 
un mouvement fébrile , dont l’intensité varie à l’infini ; 
suppression dans la sécrétion laiteuse d’un tiers ou de 


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( 173 ) 

la moitié du rendement ordinaire , voussure de la co* 
lonne vertébrale, chaleur et sécheresse de la bouche, 
quelquefois une salivation abondante, anorexie, tris- 
tesse, fréquence du pouls, respiration accélérée. Tous 
ces prodromes sont loin de se présenter d’une manière 
uniforme et constante: leur intensité est presque tou- 
jours en raison inverse de la vigueur et du bon état 
d’embonpoint de l’animal qui en est affecté , particula- 
rité peut-être spéciale à celte maladie; et ils sont suivis , 
après vingt-quatre ou trente-six heures, d'une éruption 
dans la bouche, à la base de la langue, aux gencives, 
aux lèvres , autour des narines , à la région interdigitée, 
et aux mamelles, d’élevures vésiculaires, blanchâtres, 
multiformes et d’un volume variable. Ces vésicules for- 
mées par une sérosité limpide qui soulève l’épithélium, 
se! crèvent promptement, répandent sur la partie où 
elles se trouvent un liquide roussâtre , .ichoroïde , 
qui détermine dans la bouche une chaleur plus grande; 
une salive épaisse et fétide la remplit et s’en écoule; 
bientôt le pourtour de cet exanthème se déchire et 
laisse ainsi à découvert une ulcération des téguments 
sous-jacents , dont la cicatrisation sera d’autant plus 
prompte que l’on aura évité avec soin la présence de 
corps étrangers sur ces parties ainsi dénudées. 

Cette première période de la maladie a ordinairement 
une durée de huit à dix jours, pendant laquelle les 
animaux malades restent presque toujours couchés, 
mangentpeu et maigrissent d’une manière sensible. Alors 
commence la convalescence qui est prompte et active , 
la cicatrisation a lieu , l'épiderme se régénère sous les 
croûtes qui sont le résultat d’une concrétion du liquide 
suinté par les plaies, et bientôt il ne reste plus de traces 
qui indiquent que l’animal a été malade. 

Mais ce n’est pas toujours ainsi que celte maladie se 


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( « 74 ) 

termine. Souvent des complications graves viennent en 
arrêter le cours habituel et provoquent ainsi sur diverses 
parties du corps des altérations locales dont on ne triom- 
phe que difficilement, et parfois même elles sont incura- 
bles. 

L’une d’elles consiste dans l’engorgement considéra- 
ble des mamelles. Cet engorgement de nature inflam- 
matoire, occasionné parla présence d’aphthes confluents 
sur cette partie , détermine sur les trayons l’oblitération 
des conduits lactifères, et ailleurs des abcès et souvent 
l’induration tarissent pour toujours dans cet organe la 
source précieuse de notre premier aliment. 

Dans la région interdigitée, on remarque quelquefois 
que l’inflammation dont cette partie est le siège, s’in- 
sinue et envahit tout le tissu réticulaire du pied et 
provoque ainsi le décollement total ou partiel de l’ongle; 
mais cetaccident, quoique grave, est facilement combattu 
par une bonne méthode de traitement. Nous avons de 
plus observé il y a peu de jours, sur quelques vaches, 
la formation d’escarrhes vers l’espace interdigité, du 
côté des talons principalement. Ces escarrhes, d’une 
grandeétendue et d’une profondeur variée, ont un aspect 
noirâtre, circonscrites du côté des tégumens par une 
ligne de démarcation d’un rouge vif; elles affectent les 
tissus ambiants à de telles profondeurs que le ligament 
interdigité et même les capsules synoviales peuvent être 
altérées ou détruites ; l’odeur qui s’exhale de cette partie 
ainsi malade, fait présumer que ces escarrhes sont dues 
à un commencement de gangrène, résultant d’une in- 
flammation sur-aiguë. Lorsque ces lésions sont parve- 
nues à un tel degré de gravité, elles deviennent, sinon 
incurables, dit moins excessivement dangereuses, et il 
est plus prudent alors desacrifier l’animal pour le livrer 
à la consommation. 


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M7S) 

Quelles sont les causes qui déterminent ces épizooties, 
et particulièrement celle qui fait le sujet decette notice? 
Cette question , Messieurs , quoiqu’elle ait ' été traitée 
longuement par quelques auteurs, reste encore toute 
entière , et ce problème ne recevra peut-être jamais une 
solution parfaite ; car toutes les suppositions qui ont été 
faites jusqu’à présent sur l’étiologie de ces maladies, se 
réduisent à quelques hypothèses plus ou moins vraisem- 
blables puisées dans les influences atmosphériques et 
les nourritures avariées. Il suffirait de faire remarquer, 
pour détruire toutes ces suppositions, que la plupart de 
ces maladies se sont développées sous toutes les indi- 
cations barométriques , thermométriques et hygromé- 
triques; qu’il y a eu des années où les nourritures 
ordinaires des bestiaux avaient, par des vissicitudes 
atmosphériques, subi des altérations telles, qu’elles 
avaient perdu en grande partie leur propriété alimen- 
taire, et cependant il n’y a point eu d’épizootie. 

Nous sommes donc forcés de reconnaître que cette 
partie de l’histoire des maladies en général, est encore 
cachée sous le voile que la science s’efforce de soulever ; 
mais y parviendra-t-elle? 

Relativement à la contagion de cette maladie, nous 
voyons qu’elle est proclamée par les uns et rejetée par 
les autres. Michel Sagar, en Moravie, Kraff, en Hollande, 
Lamberlichi, en Italie, considèrent les épizooties aph- 
theuses comme éminemment contagieuses; mais ces 
opinions ne sont point appuyées sur des faits authen- 
tiques. 

L’opinion de Saloz est plus péremptoire. Ce vétérinaire 
tenta par ordre du gouvernement suisse, en 1810, quel- 
ques expériences dont le résultat fut favorable à la con- 
tagion; sur six vaches inoculées il y en eut cinq qui con- 
tractèrent la maladie, sur trois moutons il y en eut 
deux. 


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( *76 ) 

Toggia ne parle nullement de la contagion du fonzetto. 
Le professeur- vétérinaire Verrier la regarde comme fort 
douteuse. Hazard père, qui s’était prononcé d’abord 
pour la contagion, s’est rétracté plus tard à la suite de 
quelques expériences qu’il fit en Normandie. Cette di-* 
vergence d’opinions parmi des hommes dont le talent 
et l’expérience mettent leurs noms à l’abri de toute cri- 
tique, nous place dans une position à nous faire douter 
de nos faibles moyens et nous force pour ainsi dire à 
nous retrancher derrière leur autorité. Mais comme 
cette question n’est point encore résolue définitivement; 
nous allons nous permettre de signaler un fait , en nous 
abstenant toutefois de formuler notre opinion d’une 
manière exclusive. 

Un cultivateur de cette ville possédait 9 à 10 vaches 
dans une excellente étable, destinées à la production du 
lait et toutes dans un état parfait de santé. Cette étable 
est peut-être la seule à Douai, où la maladie épizootique 
de 1839 et 1840 ne se soit point déclarée. Toujours, avant 
cette époque comme depuis , ces animaux ont été 
exempts de ces affections désastreuses qui sévissent 
communément sur cette espèce, et témoignent ainsi des 
soins assidus dont ils sont l’objet. Cependant, il y a un 
mois environ, ce cultivateur acheta, sür le marché de 
cette ville , une vache provenant du pays d’Artois, et la 
prit pour ainsi dire sans examen, s’en rapportant aux 
assurances qui lui étaient données par le marchand, que 
cette vache était saine. Elle fut donc conduite chez lui et 
placée au milieu des autres: elle ne paraissait point 
malade. Deux jours après , sa voisine de droite cessa 
tout-à-coup de manger, son lait était diminué de plus 
de moitié, sa bouche remplie de salive; elle témoignait 
de vives douleurs dans tous ses membres. Je fus appelé, 
et je reconnus bientôt la maladie aphtheuse avec tout 


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( 177 ) 

son cortège. Cet animal fut mis à part, et tous les soins 
nécessaires lui furent prodigués ; il était dans cette éta- 
ble depuis dix mois. Le jour suivant, ce fut la voisine de 
gauchequi futatleinte et présenta absolument les mêmes 
symptômes que la précédente. Bientôt toute l’étable fut 
envahie, et il n’y eut point une seule vache exempte de 
l’affection. Pour reconnaître la cause d'une invasion 
si subite, mon attention se porta sur la vache qui était 
nouvellement entrée et qui paraissait jouir d’une bonne 
santé au milieu même de l’infection , et je vis que si 
dans ce moment elle n’était pas aussi malade que les 
autres, elle l’avait été peut-être davantage; car les plaies 
qui existaient dans la bouche, celles qui se trouvaient à 
la région interdigitée et une phlegmasie mammaire in- 
diquaient suffisamment que cet animal était encore for- 
tement atteint de la maladie qui, dans ce moment, ré- 
gnait avec force dans les contrées d’où il provenait. 

Si un seul fait pouvait résoudre le problème de la 
contagion de cette maladie , celui-ci me paraîtrait con- 
cluant, et on pourrait même encore l’étayer de la nature 
même de la maladie, de sa marche, de ses analogies avec 
d’autres affections essentiellement contagieuses, telles 
que la morve aiguë, le glossauthrax, la gale, lepiétin. 
Mais comme jusqu'à présent l’expérience tend à démon- 
trer la non-contagion désaffections aphteuses, et que 
l’on possède un nombre considérable de faits en faveur 
de cette opinion, nous laisserons cette question telle 
qu’elle est, mais nous conseillerons toujours les me- 
sures sanitaires convenables pour en atténuer les effets. 

Il e st généralement reconnu que le lait des vaches 
malades ne possède aucune qualité nuisible à la santé 
de l’homme et des. animaux qui le prennent comme 
aliment. A cet effet , l’Académie des Sciences , l’Acadé- 
mie royale de médecine, le Conseil de salubrité de la 

12 . 


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( 178 ) 

Seine se sont livrés à des recherches chimiques et mi- 
croscôpiques, qui ont eu pour résultat de reconnaître 
que ce liquide ne subissait aucune altération durant la 
maladie , susceptible d’en rendre l’emploi malfaisant. 
Il est vrai que Michel Sagar et un vétérinaire des 
environs de Lyon prétendent que cette maladie a été 
communiquée à l’homme par l’emploi du lait comme 
nourriture; mais l’opinion de ces auteurs ne peut con- 
trebalancer l'autorité d’un nombre infini de faits qui 
viennent la détruire. D’ailleurs, en supposant les obser- 
vations de Sagar etd’Hertwigt véritables , pourrait-on 
admettre une identité parfaite entre la maladie d’alors 
et l’épizootie actuelle? Il est cependant reconnu que si 
ce lait n’acquiert aucune propriété délétère , il perd 
infiniment de ses qualités nutritives : il est plus aqueux, 
une couleur bleuâtre le distingue , et la partie buti- 
rcuse en est sensiblement diminuée. 

Sous le rapport alimentaire , la chair des animaux 
atteints de cette maladie épizootique n’est point malfai- 
sante ; elle est cependant plus molle, plus décolorée, 
et contient moins d’osmazome que celle qui provient 
d’un animal sain. 

Quant au traitement , il est presqu’exclusivement 
hygiénique. Il consiste dans un choix raisonné de 
nourritures dont la mastication soit facile, et peut varier 
selon les circonstances et les localités. Les aliments les 
plus convenables et qui sont à la portée de tout le 
monde, sont les carottes, les navets, les betteraves , 
les pommes de terre ; mais toutes ces racines doivent 
être préalablement cuites à l’eau ou à la vapeur , s’il 
est possible ; écrasées ensuite dans de l’eau , en y 
ajoutant une petite quantité de farine d’orge, de lin 
Ou de seigle. Cette nourriture a le double avantage de 
se trouver préparée pour que la digestion s’opère sans 


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( «79 ) 

efforts , sans nécessiter un travail de mastication et de 
dégluttission, toujours très difficile chez les animaux 
malades ; elle est, en outre, à la fois nutritive et rafraî- 
chissante. La drêche de bière ou de genièvre, la pulpe 
de betteraves peuvent aussi être employées avantageux 
sement. Mais ce qui exerce une influence directe sur 
Cette maladie est l’aérage, la propreté des étables, et 
c’est à ces deux conditions réunies qu’est due souvent 
sa bénignité. J’ai rarement vu cette maladie présenter 
des caractères de malignité dans les endroits où ré-- 
gnait une propreté excessive ; dans ces étables , la 
convalescence survient ordinairement très vite, et les 
animaux malades se ressentent peu de cette affection ; 
tandis que, dans le cas contraire, les complications 
graves que nous avons signalées surgissent , et ce n’est 
plus alors la maladie primitive que l’on a à combattre, 
mais bien les effets de cette affection combinés avec ceux 
qui résultent de la malpropreté. 

Il est donc de la plus haute importance de tenir les 
étables propres, bien aérées , de renouveler souvent la 
litière, de n’y jamais laisser séjourner ni les excréments 
ni les urines ; précautions qui suffisent quelquefois pour 
faire disparaître la maladie et rétablir chez ces animaux 
la santé la plus parfaite. 

Les gargarismes acidulés, légèrement édulcorés avec 
du miel, projetés dans la bouche avec une seringue, 
produisent sur les ulcères de la membrane buccale une 
action qui amène une cicatrisation plus prompte et plus 
active. 

L’engorgement inflammatoire des mamelles doit être 
traité de la même manière que les phlegmasies idiopa- 
fiques. Les saignées aux veines mammaires, les cata- 
plasmes émollients, l’emploi d’un suspensoirpour éviter 
les tiraillements que ces organes exercent par leur poids, 


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( 180 ) 

traire l’animal au fur et à mesure que le lait est sécrété, 
voilà quels sont les moyens que l’on oppose avec succès 
aux complications de ce genre. 

La présence des aphthes à la région digitée provo- 
que ordinairement une infinité d’altérations très va- 
riables , et nécessite par conséquent un traitement 
qui doit être modifié selon les indications. Dans l’état 
ordinaire, une excessive propreté, des lotions émollientes 
d’abord, ensuite détersives, faites avec une dissolution 
de sel de plomb ou de zing, amènent promptement une 
guérison radicale. 

Mais comme nous l’avons déjà dit, il arrive souvent 
que le défaut de propreté dans les étables vient en aide 
à la maladie, et cette double action donne aux plaies 
qui résultent de la déhiscence des vésicules aphtheuses 
un aspect blafard et de mauvaise nature, lesquelles,pour 
être ramenées à l’état de plaies simples,nécessitent l’em- 
ploi de quelques acides, ou bien de l’onguent égyptiac et 
même du sulfate de cuivre. Mais tous ces moyens doi- 
vent être employés avec une telle circonspection que 
-de leur usage sans discernement, il résulte souvent des 
altérations fort dangereuses. 

Je pense , Messieurs , avoir parcouru très rapidement 
et d’une manière incomplète, sans doute , tous les degrés 
de cette maladie épizootique. Elle est essentiellement 
bénigne par elle-même; mais comme elle est suscep- 
tible d’acquérir des caractères de gravité, et que son 
mode de propagation et de transmission n’est point 
parfaitement connu, il est prudent, selon nous, de 
prescrire l’isolement des bêtes malades, ne serait-ce 
que pour faciliter le traitement qui leur convient. 



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OBSERVATIONS 


SUR 

LE DÉFRICHEMENT DES BOIS ET FORÊTS „ 


Par H. LEROY RE BAILLEUL , 

MEMMI CORRK$FO*DA.TT. 



Le défrichement des bois et forêts est-il avantageux * 
indifférent, ou désavantageux? 

La solution de ce problème me paraît de la plus grande 
importance, parce qu’elle intéresse le public, en général, 
et particulièrement : 1*. la marine, qui ne saurait se pas- 
ser des arbres de quelques-unes de nos forêts ; V. plu- 
sieurs grandes usines, qui s’y approvisionnent du bois 
qui leur est nécessaire; et 3°. enfin l’agriculture, qui 
réclame le défrichement des forêts peu utiles, peu pro- 
ductives par la qualité de leur sol et des arbres qui y 
croissent , afin d’augmenter , à proportion des besoins 
croissans , la masse des subsistances de première néces- 
sité que ces vastes terrains pourraient produire» 


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( ) 

Il s’agit donc de savoir si le gouvernement ne com- 
mettrait pas une faute, soit en vendant encore, pour dé- 
fricher, les forêts qui sont réellement nécessaires, ou en 
permettant sans discernement le défrichement des bois 
particuliers, soit en conservaut les forêts peu utiles et 
d’un faible produit, tandis que leur sol est susceptible 
d’une culture beaucoup plus avantageuse. 

Ainsi , avant d’émettre une opinion à cet égard et de 
distinguer les forêts dont la conservation est nécessaire 
ou. très utile, de celles qui pourraient être défrichées 
sans inconvénient ou même avec un avantage réel , il est 
indispensable d’examiner en détail toutes les circons- 
tances qui présentent des motifs plausibles pour ou 
contre la vente et le défrichement. 

Les bois et forêts doivent être considérés sous deux 
points de vue différens: l’un, sous le rapport du bois de 
chauffage ; l’autre, sous le rapport des arbres de haute 
futaie pour bois de construction. 

J’observe d’abord que le bois de chauffage devient 
journellement moins nécessaire et que la consommation 
en diminue à proportion que l’usage du charbon fossile 
prend plus d’extension. — Mais il en est tout autrement 
du bois de construction, qui pourrait manquer plus tard, 
parceque depuis trente ans ona défriché plusieurs forêts 
et une immense quantité de bois particuliers conte- 
nant de la haute futaie ; que depuis lors il a été abattu 
une innombrable quantité d’arbres pour la construction 
de fabriques, manufactures, églises, et autres grands 
édifices, sans en replanter assez de nouveaux, et que 
d’ailleurs les jeunes arbres ne croissent pas assez vite 
pour remplacer suivant le besoin ceux abattus, puisqu’il 
faut 80 à 100 ans pour obtenir de gros chênes; que déjà 
les arbres de fortes dimensions, propres aux grandes 
Constructions, sont assez rares, et que la plupart des ar- 


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( 183 ) 

bres pour bois de construction ont été abattus en sève et 
mis en œuvre avant d!être secs, quoique ce soient deux 
causes qui produisent la pourriture sèche, le vermoulu 
et la prompte décomposition du bois , tellement qu’il 
sera nécessaire de remplacer plusieurs fois dans un 
siècle la plupart des nouvelles charpentes actuellement 
existantes. 

Ainsi l’intérêt général exige que l’on conserve beau- 
coup de forêts, afin de n’étre jamais obligé, sous ce rap- 
port, de devenir tributaire de l’étranger ou exposé à 
manquer du bois de construction pour la marine en cas 
de guerre. — Mais comme toutes ne réunissent pas les 
conditions nécessaires pour mériter d’être conservées, 
qu’il en est au contraire qu’il serait plus avantageux de 
vendre pour défricher, parce que le terrain qu’elles occu- 
pent pourrait être employé avec un grand avantage à 
des cultures plus utiles que celle d’arbres chétifs et de 
mauvaise qualité, telles que céréales, pommes de terre, 
betteraves, plantes oléagineuses, pâturages, etc., suivant 
la nature du sol, - il m’a paru utile d’indiquer les con- 
ditions que je crois nécessaires pour qu’une forêt doive 
être conservée et améliorée autant que possible. Ce 
sont : 

lo. Celles qui produisent les arbres les plus propres 
aux constructions navales et autres; qui sont peu éloi- 
gnées de la mer, bordées ou traversées par des rivières 
ou canaux propres à la flottaison, par des routes royales 
ou départementales, ou à proximité de villes populeuses 
ou d’usines considérables qui doivent en tirer le bois 
dont elles ne peuvent se passer. 

2°. Celles peu nécessaires, mais dont le produit actuel 
excède notablement celui qu’on pourrait tirer du terrain 
qu’elles occupent en l’employant à d’autres cultures. 

3°. Celles situées au sommet ou sur la pente des monts 


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( m ) 

et terrains élevés, quels que soient leur produit, l'essence 
et la qualité des arbres et taillis qui y croissent, — parce- 
que les racines des plantes ligneuses et autres végétaux 
raflermissent le sol sablonneux et l’empêchent d’être 
emporté dans les bas-fonds parles pluies d’orage et la. 
fonte des neiges; parce que les arbres attirent les brouil- 
lards et les nuages, qui s’y résolvent en pluies dont l’eau, 
en s’infiltrant jusque .sur les couches imperméables, 
produit les sources, les fontaines, les mares, les ruis- 
seaux, et entretient l’humidité du soldes terrains élevés 
et des plaines environnantes; sans quoi, ces terrains de- 
viendraient arides et stériles. 

D’après ce, il sera facile de distinguer les forêts né- 
cessaires et utiles de celles qui ne le sont pas. - Mais 
indépendamment du défrichement de celles qui sont 
dans ce dernier cas, il me semble que ce serait un grand 
avantage, aussi bien pour le gouvernement et l t e public, 
en général, que pour l’agriculture, si l’on vendait aussi 
pour défricher et mettre en culture, les lisières qui en- 
tourent les bois et forêts conservés, qui bordent les 
grandes routes ou qui entourent des villages. 

Comme il pourrait arriver que l’administration trou- 
vât encore convenable de vendre le terrain de quelques 
forêts ou parties de forêts, je crois utile de faire obser- 
ver que le mode de vente suivi jusqu’à ce jotir m’a paru 
très vicieux pour le trésor public.En vendant par grandes 
masses, on rend la concurrence impossible, sinon entre 
quelques réunions de capitalistes qui, quelquefois., 
deviennent propriétaires du sol avec le produit seul des 
arbres qui y croissent. De cette manière, l’état aliène des 
domaines pour des sommes beaucoup inférieures à leur 
vraie valeur, faute de concurrence suffisante. 

Ainsi,il serait plus avantageux, sous tous les rapports, 
de vendre par lots de 24 à 25 hectares, qui est l’étendue 


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( ) 

la plus convenable pour former un établissement d’agri- 
culture bien soigné; de pareils lots, n’exigeant pas une 
très grande fortune, seraient vendus avantageusement 
à cause du grand nombre de concurrens qui seraient à 
portée de pouvoir les acheter, et d’autant plus qu’il est 
connu que des milliers de fils et filles de cultivateurs 
aisés ne peuvent se marier, faute de trouver un établisse-» 
ment agricole. 

Mais comme la vente de trop de lots à la fois d’une 
même forêt pourrait nuire à la concurrence et par suite 
au prix de vente, il vaudrait mieux ne vendre qué 
4 à 500 hectares en même tems , à des intervalles de 5 à 
10 ans. 

Parce que ces nouveaux établissemens ruraux exige- 
raient des constructions , il serait nécessaire de les en- 
courager par tous les moyens possibles , tels que longs 
termes [de paiement du prix principal , exemption de 
contributions pendant quelques années , droit de port- 
d 'armes et de chasse, afin d’éloigner des habitations les 
animaux malfaisans et les voleurs , etc. 

Il est certain que généralement le sol s’épuise en pro- 
duisant par trop long-tems des végétaux de même espèce; 
de là résulte la dégénération des bois et forêts , qui pro- 
duisent de moins en moins et si peu qu’un grand nom- 
bre de propriétaires ont fait défricher leurs bois pour lès 
rendre à la culture, et, par ce moyen, doubler ou tripler 
leur revenu; car ce sol usé pour le bois et couvert d’une 
couche de débris végétaux est susceptible de produire 
des avêtis très-avantageux avec peu d’engrais , surtout 
les premières années. 

Le défaut capital de quelques forêts étant de ne pro- 
duire que des arbres dont le bois poreux , fragile , est 
impropre aux grandes constructions , parce que le sol 
èst glaireux et humide , celles-là seraient très-avanta- 


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(W) 

geusement transformées en pâturages gras ou en bonnes 
prairies au moyen de quelques digues et des irrigations. 
Les forêts de cette nature , vendues par parties comme 
dit est , et défrichées , contribueraient puissamment à la 
multiplication et à l’engrais des bestiaux de la race bo- 
vine , qui nous manquent actuellement pour fournir 
suffisamment à la consommation de la viande néces- 
saire, toujours trop chère pour la classe ouvrière. Si 
nos voisins l’emportent sur nous pour l’élève des bes- 
tiaux, ce n'est qu’à un plus grand nombre de bons pâtu- 
rages qu’ils doivent cet avantage. 

Sans rien préjuger, supposons, par exemple, qu’une 
forêt de la contenance de celle de Nieppe, dans l’arron- 
dissement d'Hazebrouck (2472 hectares) soit défrichée 
et convertie en pâturages. On pourrait y entretenir en T 
viron 5700 bœufs , vaches ou veaux, à raison d’au moins 
2 % par hectare , depuis le 1 er mai jusqu’au 1 er novem- 
bre; — et la même surface mise en culture suffirait pour 
environ cent établissemens ruraux ou fermes à deux 
chevaux , suivant l’usage du département où l’agricul- 
ture est le plus perfectionnée. Ce serait autant de famil- 
les qui augmenteraient nos richesses territoriales et les 
produits du trésor public , en même tems que cela pro- 
curerait du travail à un grand nombre d’habitans delà 
campagne qui vont actuellement en chercher dans les 
ateliers, où ils s’énervent et se corrompent. 

C’est en défrichant les grands hois et les forêts peu 
utiles et d’un faible produit , ainsi que Tes lisières des 
autres, que l’on parviendrait à faire balancer la pro- 
duction avec la consommation toujours croissante; que 
des lieux presque déserts et sauvages qui servent de re- 
paire aux bêtes féroces qui font annuellement tant de 
dégâts , et aux voleurs , deviendraient habités par des 
familles laborieuses ; qu’il s’y formerait de nouveaux 


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( 187 ) 

villages et des ! communications importantes et sûres 
pour le commerce et, les voyageurs ; et qùe la civilisa- 
tion ferait des progrès rapides dans des contrées où elle 
est encore peu avancée. 

Toutes les forêts actuelles produisent à la fois des 
arbres ( souvent trop rapprochés ) et des taillis à coupe 
tous les 30 ans ; les grands arbres offusquent le taillis, et 
les grandes perches du taillis interceptent les courans 
d’air nécessaires pour donner au bois des arbres la du* 
reté et l’élasticité indispensables aux bois de constritc- 
tion ; déplus, ces arbres n’étaut élagués qu’à chaque 
coupe, ont de grosses branches qui rendent le tronc 
tortueux et difforme,— et lorsqu’on les coupe , il reste 
de grandes plaies que l’écorce ne peut plus recouvrir ; 
alors le bois nu pourrit et gâte l’intérieur du tronc , 
tellement que de gros arbres qui, mieux cultivés, auraient 
eu une grande valeur,ne sont plus propres que pour bois 
de chauffage; conséquemment, les arbres et les taillis à 
coupe de 30 ans se nuisent réciproquement. — Si, à l’ave* 
nir , il était question de reboiser des terrains défrichés 
ou en culture, il serait peut-être plus avantageux d’affoc- 
ter une partie de ce terrain pour forêt d’arbres de haute- 
futaie seulement , bien espacés , et l’autre partie pour 
taillis seulement, planté d’essences des bois les plus con- 
venables à la nature du sol. Néanmoins,cesdeux choses 
pourraient exister en même teins sans se nuire beau- 
coup pendant les 30 premières années , pourvu que cela 
n’empêchât pas d'élaguer les arbres tous les 4 à 5 ans , 
suivant la meilleure méthode flamande , au printemps 
jusqu’à ce qu’ils aient un pied de diamètre, et alors une 
ou deux fois en automne pour que le tronc soit droit , 
uni, sans branches, plaie$ ni bosses. — Il ne s’agit ici 
que des arbres non-résineux , car tous ceux résineux ne 
doivent jamais être élagués ; on peut seulement couper 


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( 188 ) 

les branches sèches, ayant soin de ne faire aucune plaie 
à l’écorce du tronc. — En général , plus un arbre a de 
branches , plus sa croissance est rapide. 



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RAPPORT 


DE 


rtsttaaf. 


SDK LES OBSERVATIONS M K. LEROT K BAILLBUL , RELATIVES AO 
DÉFRICHEMENT DES BOIS ET FORÊTS. 


Messieurs , 

M. Leroy de Baillent , dans un mémoire intitulé : Le 
défrichement des forêts et bois esO-il avantageux , indifférent 
ou désavantageux ? que vous avez soumis à mon examen, 
pose en principe , après diverses réflexions qui tendent 
à établir que le bois de chauffage devient de jour en jour 
moins nécessaire, par suite de l’exploitation du charbon 
fossile , qu’il y a urgence de conserver les forêts qui 
donnent des bois de construction, parce que ces derniers 
sont nécessaires, que rien ne peut les remplacer, et qu’à 
leur défaut nous serions tributaires de l’étranger. Cela 
posé, M. Leroy classe en trois catégories les forêts qu’il 
croit nécessaire de conserver. 


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( 190 ) 

La première se composerait des forêts qui produisent 
des bois propres aux constructions navales et autres , 
situées près de la mer et bordées ou traversées par des 
roules royales , départementales , ou des canaux ; 

La seconde, de celles peu nécessaires, selon lui, mais 
dont les produits sont de beaucoup supérieurs à ceux 
que l’on pourrait obtenir dû terrain en l’employant à 
d’autres cultures ; 

La troisième , enfin , de celles situées au sommet ou 
sur la pente des montagnes , quel que Soit leur produit, 
qu'il faut conserver pour empêcher les éboulements et 
éviter la perte des sources , dont les réservoirs sont ali- 
mentés par l’infiltration des eaux. 

Partant de cet exposé, M. Leroy dit qu’il sera facile de 
distinguer les forêts nécessaires et utiles de celles qui 
ne le sont pas. Il propose ensuite la vente des lisières des 
forêts comme inutiles et avantageuses à l’agriculture. 

Les lisières. Messieurs , ne sont , en général , établies 
ou conservées que pour préserver les forêts de l’influence 
des vents de mer, qui leur causent, dans certaines loca- 
lités , les plus grands dommages ; aussi , dans toutes les 
forêts qui avoisinent la mer, est-il très essentiel de con- 
sèrvef et même d’agrandir les lisières qui s’y trouvent 
pour les garantir de ces vents, notamment dans ce pays, 
à l’ouest et au nord. 

Le mémoire de M. Leroy paraîtrait d’abord tendre à 
conserver toutes les masses qui donnent des bois de 
construction propres à la navigation et aux usines , et 
qui , par leur position , se trouvent peu éloignées de la 
mer et traversées par des routes et canaux. Eh bien! 
Messieurs , telles sont, dans ce département , les forêts 
de Nieppe,de St.-Aroand, de Phalempin, de Marchiennes 
et de Mortnal. Toutes ces forêts sont néanmoins dans des 
sols profonds et humides , et l’on a souvent prétendu 


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( ) 

que les chênes de Nieppe et de Mormal étaient trop tén- 
dres pour être employés aux constructions navales. 

Je ne sais si c’est par suite de cette circonstance que 
M. Leroy cite dans la suite de son mémoire la forêt de 
Nieppe comme l’une de celles qu’il serait avantageux de 
défricher , à causé de la bonne qualité de son sol , qui 
serait très propre à la culture des céréales ou à être 
converti en prairies. 

En admettant , Messieurs, que les chênes , ou , pour 
mieux dire , une partie des chênes de cette forêt fussent 
peu propres aux constructions navales ( car il y a dans 
cette forêt des arbres de bonne qualité ) , il n’en est pas 
moins vrai que toutes les forêts de ce département sont, 
à l’exception de celle dite Bois-l’Abbé , située sur le ter-' 
ritoire de Liessies, arrondissement d’Avesnes, et qui ne 
contient guère que 1200 hectares, situées en plaine dans 
des terrains humides, et , à peu de chose près , dans la 
même catégorie que celle deNieppe. Que deviendrait donc 
le pays, si, sous ce prétexte et parce que leur sol est de 
bonne qualité , propre à toutes les cultures, on obtenait 
la mise en vente et le défrichement de tous ces bois ? 
Vous n’auriez plus du tout de bois de construction ni 
pour la marine , ni pour les nombreux bateaux qui ser- 
vêtit à la navigation , ni pour les usines et édifices de ce 
département populeux ; et en cas de guerre , vous n’au- 
riez plus aucune ressource pour armer vos places fortes. 
C’est alors, Messieurs, que l’on reconnaîtrait combien ce 
déboisement serait à regretter et désavantageux. 

Déjà on a fait disparaître du sol forestier uné masse 
de bois beaucoup trop considérable, et il est bien essen- 
tiel de conserver précieusement ce qui reste , tant pour 
ne pas devenir plus dépendant de l’étranger , que pour 
conserver les sources et ne rien déranger dans l’ordre 
des choses atmosphériques. 


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( 492 ) 

11 est prouvé par les comptes rendus par l'admi- 
nistration des douanes que les importations en bois de 
constructions dépassent immensément les exporta- 
tions Wjd’où il résulte évidemment que les bois de cette 
nature manquent déjà en France et qu’il est conséquem- 
ment du plus haut intérêt de conserver le plus de forêts 
possible entre les mains de l'état, qui seul est en position 
d’élever des futaies. 

Ce n’est pas. Messieurs, dans les propriétés parti- 
culières que l’on peut espérer de trouver des bois de 
construction.Dans le siècle où nous vivons, il est bien peu 
de propriétaires conservateurs et dont les descendants 
attendent deux ou trois siècles, nécessaires à l’accroisse- 
ment d'un chêne de forte dimension. Ces arbres ne se 
rencontreront à l’avenir que dans les forêts de l’état. 

On vient objecter que le sol des forêts propre à la 
culture des céréales ou à élever des bestiaux, outre qu’il 
donnerait beaucoup plus de produits, est réclamé par 
l’augmentation de la population, qui exige une plus 
grande quantité de terres cultivables et aussi une plus 
grande abondance de viande pour sa nourriture. Je ne 
viens pas contester les avantages qui pourraient résulter 
d’une plus grande quantité de terres mises en culture. 
Mais c’est dans les terrains incultes ou mal cultivés ou 
dans des bois qui ne seraient point propres à la produc- 
tion des arbres, qu’il faut les chercher. Quant aux 
produits agricoles, je vais prendre pour exemple l’im- 


(1). 1840.— Les importation® en bois de mature et 


bois à construire s'élèvent à une valeur de .... 24 566*309 fr. 

Les exportations à 3*697*038 « 

L’importation du merrain* à ...... 4,777,945 « 

L’exportation* à ........... 56*987 « 

Les importations de bois de chauftage, à • . . . 3*020*793 « 

Les exportations, à .......... . 90*363 « 


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( ‘as ) 

porta Ote forêt de Mormal, qui contient plus de 9.OQ0 
hectares. Supposons-la défrichée : les propriétaires 
pourraient en retirer un revenu annuel de 100 fr. par 
hectare* ce qui ferait environ neuf cent mille francs., 
Cette forêt ne produit point encore un revenu aussi con- 
sidérable; mais dans quelques années, lorsque l’on 
pourra ajouter annuellement aux coupes par éclaircies 
que l’on y fait maintenant des coupes considérables de 
futaie-plaine, qui seront arrivées à l’âge d’exploitation , 
alors , Messieurs , je suis convaincu que ses produits 
annuels seront de plus d’uu million. C’est ici, en outre, le 
cas de faire observer qu’un nombre considérable d’ou- 
vriers est constamment employé aux exploitations des 
forêts , surtout de celles de grande étendue et qui 
contiennent de la futaie. 

De ce qui précède , Messieurs, je crois avoir suffisam- 
ment établi la nécessité de conserver le sol forestier le 
plus intact possible, d’autant plus qu’une loi prohibitive 
des défrichements dans notre état de législation sera 
très difficile pour atteindre son but, sans pouvoir être 
élodée. 

M; Leroy prétend qu'après un certain temps les ter- 
rains sont fatigués et ne contiennent plus les élémens 
nécessaires à la reproduction des mêmes espèces. 
Je ferai observer à cet égard que nos forêts se sont tou-r 
jours repeuplées depuis des temps immémoriaux d’une 
manière convenable , que les forêts vierges sont celles 
qui sont les pins garnies et les plus impénétrables, 
quoique l’on n’en connaisse pas l’origine, et que si des 
terrains de bonne qualiié restaient déboisés, il serait 
toujours facile de les rendre productifs an moyen de 
semis et plantations , lorsque les semis naturels 
n’auraient pu suffire. 

En ce qui concerne le mode de vente proposé par 

13. 


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(194) 

M. Leréy, bien qu’il soit à désirer que l’on n’ait plus à y 
recourir, je ferai observer que déjà le gouvernement a 
reconnu l’avantage de faire diviser les forêts en lots 
pour les mettre à la portée des amateurs ,et que ce mode 
serait sûrement continué et même amélioré, si cela 
était reconnu utile , dans le cas oà de nouvelles ventes 
devraient se faire. 

La proposition d’accorder le droit de port d'armes aux 
acquéreurs pendant quelques années, afin d’éloigner 
les animaux nuisibles et les voleurs des nouvelles habi- 
tations que nécessiterait le déboisement, me paraît 
inadmissible et inutile. 

Je terminerai , Messieurs , par quelques observations 
sur lès élagages proposés par M. Leroy. Dans les forêts 
de l’état où cette opération était prohibée, elle a été peu 
pratiquée; elle n’est pas du tout nécessaire dans les 
massifs de futaie, où toüs les bois sont élevés en famille, 
et dans lesquels les coupes par éclaircies suffisent pour 
diriger et obtenirde beaux arbrès.Dans les forêts et bois 
aménagés à 30 ans et au-dessus, elle ne peut être utile 
que sur les baliveaux de l’âge, pour faire au besoin dis- 
paraître une ou deux branches gourmandes Ou dé mau- 
vaise direction qui pourraient nuire à l’accroissement 
du jeune arbre réservé ; mais dans les bois aménagés 
de 12 à 20 ans et au-dêssous, ce travail fait avec discer- 
nement, par des ouvriers intelligents et d’après la 
méthode flamande, ainsi que l’indique M. Leroy, pour- 
rait produire uta très bon résultat. 



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RAPPORT 


U COMMISSION CHARGÉE D’EXAMINER LES PROPRIÉTÉS 
DU SAVON HYDROFUGE DE MENOTTI. 


BUSSAUMOY , rapporteur. 


Messieurs, 

commission que vous avez chargée de l’examen et 
de 1 application à divers tissus du savon hydrofuge du 
sieur Ménotti , a mis dans ses recherches et dans ses 
expériences autant de zèle et de soins que la Société pa- 
rait attacher d’importanceà l’emploi de cette composition 
préservatrice de l’humidité. Elle serait, en effet, bien 
igné de fixer son attention si elle jouissait de toutes les 
propriétés que l’inventeur lui attribue. 

Avant d’arrêter le programme de ses expériences, la 


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( ^96 ) 

commission a jugé convenable de chercher à connaître, 
par l’analyse, quelle était à peu près la composition de 
ce savon, afin de pouvoir, au moins conjecturalement, 
en apprécier les effets selon les diverses circonstances 
auxquelles les tissus qui en auraient été imprégnés 
seraient soumis; mais bientôt elle a vu qu’il attaquerait 
les couleurs faibles ou peu solides, parce qu’il est acide; 
qu’il donnerait de la raideur aux tissus et qu’il les ren- 
drait susceptibles de fermenter à la chaleur et à l’humi- 
dité, parce qu’il est gélatineux; qu’il doit les recouvrir 
d’une légère efflorescence à chàque alternatived'humidité 
et de sécheresse, parce qu’il contient un sel soluble et 
efllorescent; enfin, que par toutes ces causes, leur im- 
perméabilité se trouverait être d’autant plus altérée 
qu’ilsauraientété plus exposés à l’influence des variations 
météorologiques. On verra plus loin jusqu’à quel point 
ces craintes ont été justifiées par les expériences de la 
commission. 

La commission aurait pu borner ses essais à quelques 
tissus; mais ayant considéré qu’il était convenable 
d’opérer sur un assez grand nombre d’espèces différentes, 
pour voir ceux qui jouiraient au plus haut degré de la 
propriété d’empècher la transmission de l’humidité , elle 
a en conséquence arrêté que ses expériences porteraient 
sur les tissus suivants, qui comprennent ceux dont 
l’usage est le plus généralement adopté par les ouvriers 
des villes et des campagnes, savoir : 

Toile grise ordinaire. 

Toile blanche, id. 

Coton ordinaire écru. 

Coton blanc ordinaire. 

Indienne ordinaire mauvais teint. 

Indienne id. bon teint. 

Soie noire de bonne qualité. 


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( 197 ) 

Étoffe pour manteau de laboureur, dite limousine.' 

Drap bleu de bonne qualité. 

Drap vert ordinaire mauvais teint. 

Plusieurs moyens se présentaient à la commission 
pour s’assurer du degré d’imperméabilité que ces tissus 
préparés, comme l’indique l’instruction, pouvaient pré- 
senter dans le service; elle a pensé que le meilleur était 
d’employer pour ses expériences de petits sacs ( à cou- 
ture noyée ) de 10 centimètres de largeur sur 22 cen- 
timètres de hauteur ; d’en èter l’apprét par des lavages 
à grande eau, de les faire sécher et de les plonger ensuite 
dans une dissolution de savon hydroftige, d’un titre 
convenable à chaque espèce de tissus. ( 47 d’eau et 1 de 
savon pour les tissus végétaux; 63 d’eau et 1 de savon 
pour les autres). 

l r * expérience. — Dans l’étatcomplet de sicité, tous les 
sacs imprégnés de savon hydrofuge ont été, compara- 
tivement avec ceux qui ne l’étaient point, suspendus 
parallèlement et remplis de trois quarts de litre d’eau 
de pluie , qu’on a laisse filtrer naturellement. 

2* expérience. — Dans le but de connaître l’adhérence 
de ce savon sur les tissus, on a légèrement agité dans 
l’eau les sacs imperméabilisés de la première expérience, 
à l’exception de ceux. en drap vert ordinaire, soie, iiw 
dienne bon teint, et limousine, qui avaient donné de 
trop mauvais résultats; on lésa remplis de la même 
quantité d’eau (trois quarts de litre), qu’on a laissé écou- 
ler de la même manière. 

3 e expérience. — On a plongé les sacs provenant de 
la deuxième expérience dans de nouvelles dissolutions 
de savon, et répété la première expérience pour avoir 
desj données plus certaines sur ses propriétés bydro— 
/uges. 


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( «98 ) 

4* expérience. — Pour connaître le degré d’imperméa- 
bilité de ces tissus, lorsque, comme dans l’usage auquel 
ils sontdestinés, ilsrecouvrent d’autres tissus spongieux, 
on a lavé et passé de nouveau au savon hydxofuge tous 
les sacs de la troisième expérience; après les avoir rem- 
plis de trois quarts de litre d’eau, on les a liés’et couchés 
sur une couverture de laine pliée en quatre. 

5* expérience. — Pour opérer plus en grand et se rap- 
procher autant que possible de ce qui se passerait pour 
des vêtements imperméabilisés de cette manière , la 
commission a profité de l’obligeance d’un de nos ho- 
norables collègues pour faire quelques expérience» sur 
une roulière en toile, qu’il a bien voulu nous prêter et 
qu’on a préparée absolument comme les sacs de la 
première expérience; mise ensuite sur un mannequin 
fait en couvertures de laine, on l’a arrosée de 72 litres 
d’eau, tombant d’une hauteur de 80 à 90 centimètres. 

Immédiatement après, la même roulière a été étendue 
sur une table et recouverte d’un centimètre d’eau sur 
une surface, sans couture, de. 16 décimètres carrés; 
quand l’eau en a disparu (4 à 5 jours après), on a froissé 
légèrement avec les mains la partie mouillée, et on l’a 
recouverte de nouveau de la même quantité d’eau. 

6* expérience. — La commission, profitant de l’occa- 
sion que lui offrait un de ses membres, de pouvoir faire 
usage de guêtres imperméabilisées par le procédé du 
sieur Ménotti, lui en a remis une paire avec invitation 
d’en observer les avantages sur celles ordinaires, 

7 e expérience. — Vu les substances salines et animales 
qui entrent dans la composition du savon hydrofuge, 
on a pensé qu’il serait convenable de savoir jusqu’à 
quel point les vêtemens ainsi imperméabilisés se prête- 
raient à l’évaporation de la transpiration, à la circulation 
de l’air et au blanchissage; des expériences ont, en con* 


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( < 9 ») 

séquence, été faites à ce sujet ; le résultat, •connue celui 
des autres expériences qui précèdent , se trouve consi-» 
gné dans le tableau suivant : 


Nota. Le degré d’imperméabilité selon lequel les 
tissus sont classés au tableau suivant , se trouve égale- 
ment être celui de leur finesse relative ou plutôt du 
rapprochement des mailles. 


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COTON ORDINAIRE ECRU 168 » » 4 30 » 

très-serré et fourré. 




INDIENNE ( bon teint ) Presque Presque Idem. Idem. Idem, 

moins serrée que l'indienne mauvais teint instantanément. instantanément. 

ÉTOFFE dite LIMOUSINE Instantanément. Idem. Idem. Idem. Idem. 

très- grosse et peu serrée. I 





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Uïset forlement , la même quantité 
d’eau n'y a pas séjourné une Jjeure. 





( 202 ) 

Il résulte des présentes expériences que ce sont les 
tissus les plus’serrés qui présentent le plus d’imperméa- 
bilité, par l'effet du savon hydrofuge.du sieur Ménotti; 
ce sont également ceux de coton écru et de toile grise, 
qui fixent le mieux ce savon ( voyez 2 e exp.). 

Ce qui s’est passé pour les quatre derniers tissus 
prouve évidemment qu’on ne pourrait appliquer ce 
procédé avec succès à ceux qui présentent de grosses 
et larges mailles, c’est-à-dire aux étoffes très communes , 
et c’est ce que l’inventeur avait déjà reconnu. 

Il paraîtrait aussi que pour obtenir quelque durée 
dans lés effets de ce savon, il faudrait que les objets qui 
en sont imprégnés restassent en repos et exempts de 
frottement, comme sont, par exemple, les tentes, cou- 
vertures de chariots, abris, etc. Car on a vu , par les 2 e et 
5 e expériences, que pour peu qu’on les froisse quand ils 
sont en contact avec l’eau, ils perdent beaucoup de leur 
imperméabilité. 

La nature soluble et efiDorescente du sel qui entre 
dans la composition de ce savon, doit aussi en affaiblir 
les effets hydrofuges à chaque changement d’état de 
l’atmosphère; car par un temps pluvieux il se dissout, 
et par untemps sec il s’effleurit et se détache au moindre 
frottement. 

Comme étant peu soluble à froid, la substance géla- 
tineuse est, par eps changements météorologiques, 
presque entièrement mise à nu; c’est alors la seule qui 
puisse encore conserver quelque imperméabilité à ces 
tissus et aussi celle qui ne cesse de les rendre aussi raides 
que s’ils étaient empesés. 

Ôn pourrait craindre qu’en sortant de la dissolution 
savonneuse, ces tissus ne s’opposassent à )a circulation 
de l’air dans les vêtemens et au dégagement de lq 


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( 20S ) 

transpiration; mais la 7® expérience prouve que l’on 
n’a rien de sérieux à craindre sous ce rapport; c’est un 
grand avantage en faveur du procédé Ménotti. 

On peut aussi être étonné de voir que des tissus 
aussi perméables à l’air et à la vapeur que le sont ceux 
que nous examinons, le soient si peu à l’eau ; cela pro» 
vient, sans doute, de ce que l’eau agit d’abord contre 
leur surface, de la même manière qu’elle le fait contre 
des parois vitreuses, non mouillées; c’est-à-dire, qu’elle 
tend à se réunir en globules qui ont plus de cohésion 
entre eux que d’affinité avec le tissu , et qui en sont 
plutôt repoussés qu’attirés ; la dépression du mercure 
dans le baromètre est due à cette cause. 

La difficulté de bien blanchir les tissus qui ont été 
imprégnés de ce savon ne peut pas en faire rejeter 
l’emploi, parce qu’on ne tient pas à avoir les roulières , 
sarraux, vestes, etc., aussi propres que le linge fin. Mais 
cequi pourrait le restreindre, c’est l’imprévoyance qu’on 
a généralement de jeter les vêtemens de cette nature 
dans le premier endroit qui se présente, où il règne 
souvent assez d’humidité et de chaleur pour leur faire 
contracter un commencement de fermentation, vu l’éner- 
gie que lui donnerait la substance éminemment putres- 
cible contenue dans ce savon. On sent dans ce cas avec 
quelle promptitude ces effets se détérioreraient. Mais ce 
qui s’opposera peut-être le plus à ce qu’on fasse de cette 
composition un usage aussi fréquent que peuvent le 
comporter ses propriétés, ce sont les petits soins que sa 
dissolution exige et la difficulté d’empêcher cette der- 
nière de fermenter, surtout en été. La dépense, quoique 
faible pour le riche, pourra encore être un obstacle 
pour le pauvre, puisque chaque routière ou sarrau 
ainsi préparé revient à 40 centimes environ, sans y 
comprendre le blanchissage préalable. 


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( 204 ) 

Malgré les inconvéniens qu’on vient de signaler et qui 
peuvent, du moins nous le désirons» être moins graves 
qu’on l’a supposé» le savon hydrofuge du sieur Ménotti 
a paru pouvoir encore être assez utile dans un assez 
grand nombre de cas , pour engager la commission à 
prier la Société de donner de la publicité à ce procédé. 





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ESSAI 


SUR 

1/ HISTOIRE DES EKSTITIITIOMS 

DES PRINCIPAUX PEUPLES. 

Etude sur les uneleuues Oi é e eraM es. 


Par H. le Conseiller TA1LLIAR , 

MEMBRE RÉSIDANT. 


PROLÉGOMÈNES. 

i . Filles du temps et de la civilisation , produites par le mouvement 
des sociétés, les institutions sont le résultat d'éléments divers progrès* 
sûrement plus nombreux à mesure que le monde vieillit et que l'huma- 
nité marche. 

Toujours les institutions d’un peuple et d’une époque se rattachent 
par quelques points à celles des peuples et des âges antérieurs. 11 est 
impossible d’isoler complètement un siècle de ceux qui l’ont précédé , 
une nation des autres nations. L’histoire du genre humain se développe 
avec suite comme celle d’on individu ; tous les laits s’y lient. Les géné- 
rations se succèdent sans que la chaîne soit brisée ; les institntions se 
déduisent l’une de l’autre par une filiation non interrompue. 

Si, en effet, on étudie attentivement l’histoire des sociétés, cet 
examen conduit à découvrir l’enchaînement des transformations qu’elles 
subissent et des révolutions analogues qpi s’opèrent dans leurs insti- 
tutions. 


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( 20G ) 

En remontant jusqu’aux sociétés primitives, on est frappé tout d'abord 
des ressemblances qui régnent entre elles, des liens qui les unissent. 
Partout le temple , la bourgade ùous apparaissent comme les premiers 
rudiments de la société politique ; la théocratie , la royauté , comme les 
premières formes de gouvernement. Dès les temps les plus reculés, 
tout un cycle théocratique et monarchique s'ouvre à nos regards. 

Ce premier cycle comprend : 

D'une part , en Asie et en Afrique, les théocraties des Chaldéens, 
des Mages , des Brahmanes , de l’Ethiopie , de l'Egypte et des Hébreux; 
en Europe , les théocraties des Pélasges, des Druides et des Etrusques ; 

Et d’un autre côté, les royautés patriarcales , guerrières , héroïques, 
de l'Asie , de l’Aste-Mineure et de la Grèce. 

Plus tard, la théocratie s’absorbe dans la monarchie; les royautés 
sont dévorées par les empires militaires, ou supplantées par l'aristo- 
cratie. 

Passant aux sociétés de seconde formation : 

Nous voyons les cités se modifier dans leur double situation intérieure 
et extérieure, et se rattachant de gré ou de force les unes aux autres , 
former par leur réunion plus ou moins complète , soit de grands états, 
soit des ligues fédératives. Ainsi , nous distinguons : 

1° . Les empires militaires des Assyriens, des Chaldéens , des Mèdes 
et des Perses, dont l’érection successive est accompagnée d’une réno- 
vation dans les races et d’une réforme dans le culte ; 

2°. Les gouvernements mixtes (fédératifs et républicains] de la Phé- 
nicie, de l’Afrique et de l’Etrurie, ayant pour métropoles Tyr, Car- 
thage et Yolaterra. 

3°. Dans la Grèce , quand les royautés héroïques , qui se sont élevées 
après l'expulsion des Pélasges par les Hellènes , succombent à leur tour 
sous l’ambition des grands , nous voyons s’ouvrir un cycle aristocratiqee 
et républicain. Puis , par une transition de plusieurs siècles, les aris- 
tocraties militaires des Ioniens et des Doriens , se perdent successive- 
ment soit dans une démocratie anarchique et passagère comme à Athè- 
nes, soit dans des tyrannies de bas âge comme à Sparte , soit dans les 
empires militaires des Macédoniens et des Romains , malgré l'éner- 
gique résistance de la ligue des Achéens , dernier peuple de cette race 
hellénique qui avait défait les Pélasges ; 


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( 307 ) 

. 4°. En Italie , Rome , formée d’éléments al bains et étrusques, sub- 
jugue successivement toutes les parties de cette contrée , ainsi que les 
état9 d'alentour. Après avoir renversé la royauté, le fier patriciat ro- 
main est supplanté par la turbulente démocratie plébéienne , qui elle- 
même courbe la tète sous le joug des Césars. 

Excepté dans l’Asie centrale où le despotisme militaire a presque 
constamment régné , le mouvement des sociétés jusqu'à l’ère chrétienne 
a donc été assez uniforme. La théocratie , la royauté, puis l'aristocratie , 
la démocratie , la tyrannie ou l'absolutisme , ont été tour à tour les 
formes prédominantes (*). 

Les quatre premiers siècles de notre ère forment un cycle essen- 
tiellement monarchique. L'empire romain, celui des Parthes et ensuite 
des Perses se partagent le monde. Sur tous les points du globe les 
autres systèmes d'institutions politiques ont complètement disparu. 

Au V e siècle commence en Occident le cycle barbare , marqué par 
la double rénovation des races et de la religion. 

Puis au X 6 siècle s’ouvre Je cycle féodal * qui , au XVI e siècle , vient 
aboutir à la monarchie absolue. 

De nos jours, nous venons de voir éclore dans l'occident de l’Europe 
un nouveau cycle de gouvernements mixtes, d'états constitutionnels. 

Telles sont les principales transformations par lesquelles passent les 
sociétés et les gouvernements qui les régissent. 

IL Nos institutions françaises,. qui servent aujourd’hui de modèle à 
l’Europe civilisée, sont le brillant résumé des législations de tous les. 
pays, de la civilisation de tous les âges. Par un double embranchement, . 
leurs origines remontent d'une part du moyen-âge à l'empire romain , 
de Rome à la Grèce , de la Grèce à l'Orient ; et sous un autre point de 
vue, du christianisme au peuple hébreu , c'est-à-dire, du droit cano- 
nique aux pères de l’église, des pères de l'église à l'Évangile et aux 
apôtres , de rÉvaogile aux lois de Moïse. 


(I) Chez les anciens, Flavius Joseph (contre Appion , ch. VI) a seul indiqué la théo- 
cratie comme mode de gouvernement. Platon (de la répub!. , liv. VIII et IX), Aristote 
(Pohliq. , hv. V), Polybc (liv. Vt , fragm. 2 et 3) ont signalé les autres formes politiques 
et les révolutions auxquelles elles sont sujettes. 


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( ** J 

Une histoire complète dé nos institutions doit donc comprendre 
deux ouvrages distincts , savoir : 

Un premier travail consacré aux origines des institution^ de là 
France, s’étendant jusqu’au XVI* siècle et s’arrêtant là» parce que 
depuis cette époque la Fraiice ne reçoit plus l’ impulsion , mais la 
Communique (U ; 

Un second traité relatif aux institutions françaises, proprement 
dites ( 1 2 ). 

III. Essayons dans ces prolégomènes d’esquisser rapidement nn 
progr amm e d’études pour l’histoire des institutions chez les peuples 
anciens. 


ESSAI SUR L’HISTOIRE DÉS INSTITUTIONS 

DES PRINCIPAUX PEUPLES ANCIENS. 

1** période. — *ramp« antérieur* à Cjrra*. 

CHAP. I. — - Soniti* jXMuûûvet , t&ioeudi» , mowavoêu». 

Sect. I. — Cycle théocratique jusqu’au VI e siide. 

I . Vhéoeratie* d'Asie et d’AMq«. — § 1. Théocratie Ckal- 
déenne. Issues de la race basanée de Sem, les tribus pastorales des 
Ch aldéens , constamment errantes sous un ciel toujours pur , se portent 
naturellement à la contemplation des astres* De là des connaissances en 
astronomie et en calcul ; de là aussi l’adoration des astres et le culte du 
soleil, dont les Chaldéens sont les premiers prêtres. Ainsi prend nais^ 
sauce la première théocratie. 

§ 2. Théocratie des Mages. Entré le Tigre et Flndus , les Iraniens , 


(1) Beux fragments de ce premier travail ont été publié* ; l’un, intitulé Etudes sur vue 
ancienne démocratie 9 a été inséré dans la Rame du Pas-de-Calais , 4 841 ; rentre , 
ayant pour titre: Des lois historiques et dé leur application aux cinq premiers siècles 
de Vire chrétienne , se trouve dans les Mémoires de la Soc. d'agric. , sciences et arts de 
Douai, 1837-1838, partie. 

(2) Y. nos opuscules ou fragments intitulés : Notice sur les institutions Gallo-Franles 
(Üém. de la même Société, 1833-1834) ; — Coup-d’cnt sur les destinées du régime «ta- 
nicipal dans le nord de la Gaule (Mém. de la Soc. des anliq. de la Morinie , t. III ) ; — 
De V affranchissement des communes dans lé nord de la France ( Mém. de la Soc. 
d’émulation de Cambrai, 1837 ). 


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( ,203 ) 

de la race blanche de Japhet , fondent une des plus anciennes sociétés 
du monde primitif. Les Mages , qui forment une de leurs tribus , se 
distinguent par la connaissance qu'ils acquièrent du mouvement des 
astres et des principes moteurs de l'univers. Versés en outre dans les 
sciences occultes et inventeurs de la magie , ils organisent le culte du 
feu sous la direction du premier Zoroastfe , leur chef. Un antagonisme 
opiniâtre se déclare bientôt entre les deux religions des Chaldéens et 
des Mages. 

§ 5. Théocratie de l'Inde. Au-delà de l'indus et plus spécialement 
sur les bords du Gange , on aperçoit les Brahmanes , caste sacerdotale 
de l’Inde , fils atnés de Brahma , réputés par une belle fiction sortis 
de la tête de ce dieu , tandis que les Kchatriya ( guerriers) sont issus 
de son bras 9 les Vaisyas (laboureurs) de son ventre, et les Soudras 
(serviteurs) de ses pieds. Supérieurs aux autres races 9 d’un sang plus 
noble et d’un teint plus blanc , les Brahmanes sont dans l’Inde les 
chefs des êtres créés, les seigneurs de la terre, les interprètes sacrés 
de la loi. La théocratie dont ils sont les fondateurs est une des plus 
puissantes des temps anciens. 

§ 4. Théocratie Ethiopienne . Instruits par des migrations venues * 
de l’Inde , les prêtres éthiopiens de Méroé , de la race noire de Khus , 
fils de Kham, instituent au confluent de l'Astaboras et du Nil une 
théocratie renommée , pleine de vie et d’avenir , dont la gloire est ce- 
pendant écjipsée par celle du sacerdoce égyptien. 

§ 5. Théocratie d'Egypte . De Méroé se détachent successivement 
deux colonies sacerdotales qui vont l’une à Thèbes, l’autre en Lybie, 
fonder un temple , une religion , un état. Les fils de Mesraïm , au teint 
plombé, accueillent avec une bienveillance hospitalière cette colonie 
d é Ethiopiens, issus comme eux de Kham, leur aïeul commun. Thèbes est 
le premier séjour de la nouvelle caste sacerdotale et le centre du culte 
d’Ammon qu'elle propage en Egypte. Comme dans les autres théocra- 
ties , la religion et la science sont les bases de l'autorité des prêtres. 

§ 6. Théocratie Hébraïque. Elevé dans la science des prêtres égyp- 
tiens dont il a pénétré les mystères et scruté les instituts , Moïse , après 
la miraculeuse sortie d’Egypte /promulgue , sous l’inspiration de Dieu , 
les lois qui doivent régir Israël, et constitue le peuple hébreu, à la tête 
duquel il place la caste des Lévites. 

Dans toutes ces théocraties la société se divise par castes. Les prêtres 

14. 


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( 210 ) 

composent un ordre privilégié et organisent une caste de guerriers des- 
tinée à maintenir leur puissance et à défendre l'état contre t* ennemi 
extérieur 0). 

IL Théocraties d'Europe. — § 7. Théocratie des Pélasges. C’est 
d'abord à Dodone en Epire , qu’un oracle de Jupiter est institué par tes 
Pélasges, à l imitation de l’oracle de Thèbes en Egypte. Un autel de 
pierre est ensuite érigé auprès d’une forêt de chênes séculaires , pour 
lesquels le peuple professe une profonde vénération. L’oracle et la reli- 
gion ont pour interprètes et pour ministres des prophétesses et des prê- 
tres qui , en qualité d’organes exclusifs de la divinité, sont investis d’une 
autorité considérable. Premiers agriculteurs sur le sol européen , les 
Pélasges , pour mettre leurs récoltes en sûreté , se renferment dans des 
villes fortifiées dont les murailles grossières se composent de blocs de 
pierres non taillées ( 1 2 ). 

§ 8. Théocratie des Druides . Les institutions et les coutumes des 
vieux Gaulois présentent une frappante ressemblance avec celle des 
Pélasges, dont ils sont frères d’origine. Uniques dépositaires de la vo- 
lonté des Dieux , les Druides organisent la religion , dans laquelle le 
chêne a aussi son culte et la divinité ses autels de pierre. Ces prêtres, 
seuls éclairés au milieu des populations ignorantes et superstitieuses , 
constituent un ordre puissant devant lequel fléchissent les autres classes 
de la société. 

§ 9. Théocratie des Thusques ou Toscans . Issus des Pélasges , dont 
lescolonies venues de f Asie-Mineure et de la Grèce ont peuplé l’Italie , 
les vieux Toscans conservent le cülle et les institutions sacerdotales de 


(1) Pour compléter cotte étude sur les théocraties de l’Orient , il est nécessaire d’y 
joindre l’examen détaillé des ressemblances qui ont existé entre elles et des points sur 
lesquels il y a eu antagonisme. (V. à ce sujet Diogène Laerce f \ ie des philos, de l*antiq., 
Préface). — Quant aux rapports spéciaux : 1° Des Mages avec les Indiens, v. De Mariés , 
hist. de l’Inde , 1. 1 , p. 386 , t. il, p. 325 ; 2* Des Indiens arec les Egyptieos , ▼. de 
Mariée , t. II , p. 307 , ibid ; Heeren , politique et commerce de l’antiq. , t. HT , p. 443 
de la irad. ; 3® Des Indiens avec les Hébreux , v. de Mariée , t. II , p. 347 et t. m, ibid , 
p. 179. ; la Crequtnière, Conformité des coutumes des Indiens orientaux avec celles des 
Juifs , Bruxelles , 1704 , in-12.— -V. aussi sur les diverses théocraties, un petit traité aises 
rare intitulé : l'Examen dee esprits, ou les entretiens de Phüon et Foliote . Examen 
premier des origines . Paris, 1672, in-12. 

(2) V. Petit RadeL Recherches sur les monuments cyclopéens , p. 5 et suiv. (Paris, 
1841 , in-8®. 


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( 211 ) 

leur mère-patrie, lis entretiennent avec soin le feu sacré, jadis allumé au 
foyer de l’Hieron du temple métropolitain. De nombreux vestiges, des 
débris d’autels de pierre , des restes de grés non taillés ont pu encore de 
nos jours être reconnus comme ayant appartenu à ces anciennes colonies 
pélasgiques, dont le culte s’imprégna de rites égyptiens (*). Barbares 
à leur origine , ces Thusques ou Toscans primitifs sont civilisés plus 
tard (vers le XIII» siècle av. J.-C.) par des Pélasges Tyrrbeniens venus 
de la-Lydie. Ces autres Thusques ( Étéroi-Thusqués ) , ou Etrusques qui 
connaissaient l’art de construire , développent en Italie les premiers 
germes du progrès social. ( Y. ci-après , n° VI , § 3 ). 

Telles sont en Enrope les trois premières théocraties des Pélasges, 
des Druides et des Thusques ou Toscans. Filles de l’Orient et dé 
• E S?P te » elles portent sans donte dans leur physionomie des traits qui 
attestent leur origine. Mais altérés par une fonle de causes, ces traits 
sont déjà bien modifiés, bien effacés. Dans l’organisation politique 
comme dans les habitudes de la vie sociale , le culte est loin d'occuper 
une place aussi importante; le pouvoir royal, 1 élément aristocratique 
prennent une plus large part, et ces collèges de prêtres qui se recrutent 
parmi les laïques, ces familles sacerdotales qui s’allient aux familles des 
grands» soit loin de former ces castes héréditaires et profondément 
séparées qui sont la base des théocraties de l’Orient. 

Section II. — Royautés patriarcale t , guerrières , héroïques. 

IV. Tandis qu’une parti* du monde est ainsi subordonnée à des 
théocraties où les prêtres gouvernent au nom de la divinité , une autre 
partie non moins considérable est régie par la royauté , forme de gou- 
vernement simple établie à l’image de l'autorité du père de famille. 

Dons la terre de Chanaan et dans les contrées d’alentour , en Syrie, 
en Mésopotamie , tontes les populations divisées en petits états sont, 
dès les temps primitifs, gouvernées par des rois, dont l’autorité est à la 
fois patriarcale et guerrière (2). Quelques-uns de ces rois résident dans 
une cité fortifiée. Pour mieux résister aux agressions du dehors , ils 
forment aussi des ligues ou confédérations. La penlapole d’Asie , par 
exemple, ne compose des cinq petits état» de Sodome, de Gomore , 

(!). Petit Hadel , ibid , p. 141 et 217. 

(2) V. la Genèse , eliap. XIV ; le livre de Josué , clmp. X-XII.. 


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( 212 ) 

d’ A dama , de Seboïm et de Bala , dont leç rois coalisés font la guerre à 
d’autres rois ( Genèse , ch. XIV }. La pentapole de Palestine est formée 
des villes de Geth t Àccaron , Azot , Ascalon et Gaza ( liv. I des Rois . 
ch. VI). 

Dans l'Asie-Mincure et dans la Grèce , nous voyons apparaître ces 
royautés héroïques dont Homère nous a laissé une peinture si poétique 
et si vraie. Aristote a parfaitement caractérisé la puissance de ces rois 
du moyen-âge antique, en disant qu'ils commandaient à la guerre, 
présidaient aux sacrifices et rendaient la justice. ( Polît. . liv. III • 
ch. IX) — («). 

Quels que soient au surplus son caractère et ses attributs , la mo- 
narchie primitive n'est point illimitée. L'autorité du prince, les restric- 
tions qu'elle reçoit» reposent sur deux principes qui se contrebalancent: 

Pour les populations, la nécessité d’un chef , la conscience de ne 
pouvoir s’en passer ; 

Pour le monarque » l'idée qu'il ne peut agir seul sans le concours de 
ses sujets ( 1 2 ). 


Chapitre II. — SocUb** D» e&couèe ^ouuéJûow. 

. Sfxt. I. — Empire s militaires antérieurs à Cyrus. — Les Assyriens ; 
— les Ninivites, les Chaldéens > Us Mèdes . 

V. Avec le cours des siècles, la royauté subit des modifications; 
tantôt elle acquiert plus d'intensité et tourne au despotisme en devenant 
conquérante, tantôt elle perd de sa puissance et se mélange d’élemens 
républicains. 

Quand la mésintelligence éclate entre des rois rivaux , parmi eut en 


(1) Des études juridiques sur llliade et l’Odyssée peuvent conduire à une juste appré- 
ciation des prérogatives de ces rois. Nous publierons plus tard le résultat de nos recher* 
•ches à ce sujet. V. aussi en tête de la traduction de l’Iliade de Lebrun , le discours d’un 
•rhéteur sur les gouvernements ; et Barthélémy, Voy. d’Anacharsis en Grèce. 

(2) Sur la royauté comme forme primitive du gouvernement, v. Platon , des lob , 
liv. m ; Aristote , politiq. , liv. I , ch. 2 ; Justin , liv. I , ch. 1 ; Cicéron , de legibus , 
liv. m , ch . 2 ; Vico, science nouv., chap. 2, axiom. 73 et 76 ; Goguet , de l'origine des 
lois , etc. , 1. 1, p. 25 , in-8® ; Meiners, hist. des sciences dans la Grèce, 1. 111, p* 115 
de la trad. ; Chateaubriand , essai sur les révolutions , liv. I , chap. 2. 


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(213) . 

surgit un , plus habile chef de guerre ou plus audacieux dans scs pro- 
jets; fl défait ses voisins , subjugue leurs cités , étend au loin ses con- 
quêtes; dans son orgueil il prend le titre de rot des rois et fonde par 
la force des armes une domination militaire dont les bases sont la 
crainte et le despotisme. 

Le premier empire militaire dont l'histoire fasse mention est celui 
qu'ëlève Nina* en Assyrie. Né avec un caractère remuant et ambitieux, 
il s'entoure de vaillants guerriers, envahit la Babylonie devenue alors 
la proie des Arabes , conquiert l’Arménie et la Médie , soumet la Bac- 
trtane et fait retentir le monde du bruit de ses exploits (1968-1916 av. 
J.-C.). St veuve Sémiramis, non moins célèbre que lui par ses victoires 
et pâr l'éclat de son règne, ajoute encore à la puissance de l*As6yrie. 

Redevables de leur domination à la force du glaive. les monarques 
assyriens consolident et maintiennent dans la famille et dans l'étal tout 
ce que le despotisme paternel et monarchique produit en Orient de 
plus intense. 

Mais sous ce climat énervant les races et les dynasties s’usent vite; 
de fréquentes rénovations y sont indispensables. Après Ninias, (ils 
dégénéré de Sémiramis, l'Assyrie n'offre plus qu’une longue suite de 
rois insignifiants qui, pendant quatorze siècles, se succèdent sans gloire 
et vivent efféminés dans leur sérail de Babylone. Le dernier de cette 
liste est Sardanapale, qui surpasse ses prédécesseurs en luxe, en 
mollesse , en lâcheté. Arbakès , chef des Médes, Belesis, chef et grand 
prêtre de Babylone , trament une conjuration et organisent la ré- 
volté. Sardanapale, assiégé dansNinive, se brûle avec ses femmes et 
ses richesses (759). 

Ainsi s’éclipse cette puissante domination assyrienne , après avoir 
long-témps brillé d’un vif éclat. La diversité des nations soumises à 
ses lois, l’absence d’unité sociale, le relâchement de l’autorité , la dé- 
pravation et l’ineptie des rois sont les principales causes de sa ruine. 

Des débris de cet immense empire se forme le triple royaume des 
Assyriens de Ninive , des Babyloniens et des Mèdes. 

De ces trois royaumes renouvelés, celui qui brille d’abord avec le 
plus d'éclat est le royaume de Ninive. On y compte successivement sept 
souverains qui régnent de 759 à 625. Parmi ces sept princes , les plus 
remarquables sont : le cinquième , Assar-Adon , qui , dans le cours de 
son règne (de 707 à 667) , s’empare de Babylone (en 680) ; et le sixième* 


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f *‘4 ) 

Saosducheus ou Nabuchoduocsor 1, gui gouverne de 667 à 647. En 
655 « il bat et lue dans une bataille Phraortès » roi des Mèdes. Bientôt , 
néanmoins , sous le règne de Sarac ou Cbinaladan , successeur d'Assar- 
Adon, le royaume de Ninive est atteint d’un complet dépérissement. 
Ninive , prise en 625 par les Mèdes et les Babyloniens coalisés , reste au 
pouvoir de ces derniers. 

En 680 1 Babylooe , la vieille métropole de l f Assyrie , était tombée 
sous les coups des Ninivites. Mais vers 630 elle recouvre son indépen- 
dance, à la suite d'une rénovation importante opérée par l’avéoewent 
d’une nouvelle race guerrière de Cbaldéens. Alors surgit uq nouvel 
empire, auquel la prise de Nini ve , en 623, procure autant de paissance 
que de splendeur. Dans la dynastie neo-cbaldéeane , que cette révolu- 
tion fait monter au pouvoir , le prince le plus émioent est le fameux 
Nabuchodonosor II , qui , en 590 , conquiert la Phénicie, et en 587 
s’empare de Jérusalem. Mais la gloire de sa monarchie s’évanouit avec 
lui. Son petit-fils Neriglissor périt dans une bataille que lui livrent 
Cyrus et les Perses , en 555. 

Quant au royaume des Mèdes , quatre rçgnçs concourent à son illus- 
tration , ce sont : 1° de 733 à 660, le règne de Deiokès, à qui sou zèle 
pour l'administration de la justice fait décerner le titre de roi ; 2° de 
690 à 655, le long règne assez prospère de Phraortès, mais qui mal- 
heureusement se termine par une catastrophe, par la mort du roi dans 
une bataille contre les Ninivites ; 3° de 655 à 695 , le règne de Cyaxare 
ouKy-Asar, marqué par l'expulsion des Scythes , cantonnés en Asie 
depuis 28 ans, et par la prise de Ninive de concert avec les Babylo- 
niens; 4° enfin de 595 à 560 , le règne d’Asliage, aïeul et prédécesseur 
de Cyrus W. 

L’organisation politique de ces empires militaires est moulée sur 
le même type. 


(1) Par ud procédé analogue ^ celui qui a été employé pour expliquer te* noms des 
rois germaniques , il serait intéressant de connaître le sens qu’expriment les noms des 
souverains de l’Asie centrale. 

Voici , d'après Volney , la signification de quelqoee-un» de ces noms : 

Pkul signifie puissant; Teglalh-Phaiatsar , ou plutôt IHglü-Phul-Atar , veut dire 
rapide et puissant vainqueur; Salman-Atar signifie pacifique vainqueur; Sannac 
Harib , Sannac le destructeur; Asar-Adon, vainqueur et seigneur; Nabon-Asan, chai- 
déen vainqueur ; Phra-Ortè* , grand et juste ; Ky-Atar, maître vainqueur, (fteeherch. 
nouv. sur l’hist. anc. , p. 424 , 425 cl 454). 


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( 2(3 ) 

On y distingue trois classes de personnes. Une race conquérante, 
puissante par les armes, marche à la tèie de la soéiété quelle domine 
souvenUtvec insolence. En seconde ligne, dans une sorte de rang inter- 
médiaire , viennent les nations subjuguées , plus ou moins maltraitées 
par leqrs seigneurs et maîtres. Au dernieç degré , vivent les hommes du 
peuple , les artisans , les esclaves. 

Dans chaque grande capitale de Ninive.de Babylone et d*Ecbatane, 
régna orgueilleusement dans un riche palais , le despote tout-puissant , 
entouré d’une cour fastueuse, d’un nombreux sérail composé de femmes, 
de concubines et de troupes d’eunuques. Les chefs de la race conqué- 
rante, parmi lesquels il choisit ses ministres , ses généraux , ses favoris, 
prennent part aux honneurs et à b fortune. Une iribu sacerdotale , qui 
reçoit du pabis ses inspirations, est chargée du culte, et y joint l'astro- 
logie et b divination. À Ecbatane, ce sont les Mages; aNiuive et à 
Babylone, les CbaUéens. ' 

Elevés rapidement par la conquête , sans racines dans le sol , com- 
posés de popubtions bigarrées, dépourvus par conséquent d’unité 
sociale , ces empires ont besoin pour se soutenir : 

1°. D’un gouvernement central fortement constitué qui se résume 
et se personnifie dans le chef de l’empire , lequel expédie lui-même les 
affaires et rend justice à b porte de son pabis (U ; 

2*. D’une hiérarchie à b fois militaire et administrative, habilement 
combinée, qui maintienne dans l’obéissance les provinces subjuguées et 
supplée par l’unité monarchique à l’absence d'uniLé nationale. 


Section H. — Gouvernements mixtes , fédératifs et républicains . 

VI. Dans les empires militaires dont nous venons de parler , la 
monarchie, en se resserrant, s’était convertie en despotisme. Nous 
allons la voir ainsi se modifier en sens inverse et se tempérer par dea 
formes républicaines. 


(!) Xcnophon , Cyropedie VIII, 6. Sous le nom Porte , dit M. de Ilammcr, on 
entend le gouvernement lui-même , parce que dès la plus haute antiquité les affaires d<» 
nations d’ Orient se traitaient à la porte des palais des rois. (Hist. de l’emp. ollom. , trad. 
de Hellerl, t. II! , p. 29S). l>e là le nom de sublime-porte donné au gouvernement de 
’empire ottoman. 


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( 2f fi ) 

Les anciens gouvernements fédératifs de Phénicie et de Carthage 
nous offrent d’abord des exemples de ce genre d’institutions mixtes. 

§ I . Phénicie. La Phénicie . proprement dite , compte pour cités 
principales Sidon , Tyr , Arad , Berite et Biblos. Elles forment entr’elles 
une confédération et sont unies tant par le besoin d'une défense com- 
mune que par des rapports de mœurs , d’idiome et de commerce. Sidon , 
Ville très ancienne fondée par des Khananéens de race noire, parait 
d’abord à la tête de la confédération. Elle est ensuite remplacée par 
Tyr, la reine des mers et du commerce. Chaque cité, dans son intérieur, 
a son gouvernement à part. Dans le principe l’autorité du chef, soit 
qu’il porte ou non le titre de roi, est limitée par cele du sacerdoce. 
Une vérité, en effet , qui domine toute l’histoire de la haute antiquité, 
c'est que là même où la théocratie n’est pas souveraine , elle exerce 
néanmoins encore un grand ascendant (O. Au XI e siècle , époque do 
décadence générale pour le gouvernement théocratique , lorsquè des 
rois sont établis en Judée . nous en voyons aussi surgir en Phénioie. 
Leur autorité n’est point absolue; elle a pour contre-poids l’assemblée 
des anciens ( Zakenim ) , et de plus , cet esprit de liberté inhérent à tons 
les peuples maritimes et commerçants. 

Peu à peu le gouvernement incline vers l’aristocratie. En 572 , lors- 
que l’ancienne Tyr a été détruite par Nabucbodooosor , l'autorité des 
snffetes (sopbetim) est substituée à celle des rois dans la nouvelle Tyr. 
Les anciens ou Zakenim sont alors plus influents que jamais. 

§ 2. Carthage. Organisée au IX e siècle av. L-C. , par Didon , soeur 
de Pygmalion , roi de Tyr, Carthage étend progressivement son empire 
sur les populations indigènes d'alentour et fonde ou subjugue plusieurs 
cités qui forment une confédération dont elle est la métropole. L’agri- 
culture , le commerce concourent rapidement à sa prospérité. De même 
que ses habitants appartiennent à des races diverses, son gouvernement 
se compose d’élémens différons, qui se contrebalancent et maintiennent 
l’équilibre dans l'état. Dans cette constitution, trois puissances partici- 
pent à la direction des affaires publiques : ce sont les suffite» (sophetim), 
le sénat et le peuple. Les deux tuffètet, magistrats suprêmes, sont 


(1) Hérodote (Ht. II, chap. 44) atteste l'opulence et l'antiquité du temple de Melcart, 
Ii Tyr. On voit aussi dans l'histoire de Didon , fondatrice de Carthage , que son premier 
époux Sichce ou Sicharbas , prêtre de ce Dieu , possédait d'immenses richesses. 


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( 217 ) 

nommés chaque année et tiennent leurs pouvoirs de l’élection. Chefs et 
présidents du sénat. Us sont chargés de le convoquer , de lui soumettre 
des projets de délibération et de recueillir les suffrages. Us président 
aussi aux jugemens dans les prooès importants. Leur autorité n’est pas 
restreinte aux affaires civiles : le commandement des armées leor est 
quelquefois confié. Le sénat, dans lequel entrent les suffètes sortis de 
charge* se compose des personnages les plus respectables par l’expé- 
rience et la capacité, par la naissance ou la fortune. C’est dans son 
sein que se traitent toutes les grandes questions politiques. Les suffètes 
et le sénat peuvent porter certaines affaires à la décision du peuple; 
quand ils sont d’accord, ils ont la faculté de les soustraire à sa connais*, 
sauce; car celui-ci n’a droit de les décider qu’en cas de dissentiment. 
Hais une fois qu’il en est saisi, il peut les discuter eu toute liberté et 
a le droit de prononcer souverainement. La richesse est un puissant 
moyen d' influence dans celte république commerçante. Par suite de 
l’esprit de liberté qui y règne, le peuple, comme les grands, s’y 
partage eu factions rivales (0. 

$5. Gouvernement» fédératifs de l’ Âtit-Mmewe , de la Grèce et 
de V Italie. D’autres gouveruemens fédératifs, dont les cités sont 
régies par des institutions mixtes, sont signalés par des anciens his- 
toriens, 

Lan» t Aeù-Mémtre , oe sont d’abord les confédérations des Carions 
et des Lyciens. Leurs bourgades, unies entre elles par un lien politique 
et religieux, nomment des délégués ou représentants qui tiennent une 
assemblée périodique dans un lieu consacré, près d’uo temple ; telle 
est encore la ligue ou fédération ionienne qui, comme celle des Ioniens 
du Péloponèse avant sa dépossession par les Achéens, se compose de 
douze cités possédant chacune son administration intérieure , mais que 
réunissent des intérêts communs et des solennités religieuses (*). 

Lan» la Grèce , outre la fameuse ligue des Amphietyons dont nous 
allons foire mention , il suffit de rappeler les anciens états confédérés 


(1) Aristote , polit. , Ut. II, ch. 8; Potybe , Ut. VI, frag. 10; Rollin , hist. aoc. y 
Ut. II , Ire part . , $ 3 ; Chateaubriand , essai sur les réTol. , Ut. I , chap. 31 ; Aristote , 
de poUca Garlhaginieosium...Gommeiilar. historié, illustra vit F.* G. Kluge, accedit Theod 
bietochitœ descript. reipubUc. Carth. Vratislaviœ , 1883, in- 8°. 

(8) V. Hérodote y 1 , 141 et 5 ; Sainte~Croix , des anciens gouT. fédér. , art. VII. 


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( 218 ) 

de la Bcotie, et la fédération des Achéens qui , après avoir refoulé les 
Ioniens dans l'Asie-Mineure , adoptèrent la mène forme de gouver- 
nement. 

En Italie , l’ancienne confédération étrusque est célèbre. Des Péfao* 
ges Tyrrbéniens, originaires de l’Asie-Mineure, viennent à une époque 
très reculée (vers le XIH* siècle av. J.-C.) se joindre aux anciennes 
colonies des Pélasges-Thusciens ou Toscans. Les Tyrrbéniens, auxquels 
on donne le nom A’Éiéro-TKutguei oud’Etrusques, Se mêlant aux 
anciens habitants , cultivent avec succès les -sciences et les arts et fon- 
dent des institutions politiques et religieuses qui ont l’honneur d’être 
empruntées pins tard par les Romains. Leur confédération comprend 
les douze cités de Cortone , Peruse, Arethun, Volsinie, Tarquinie, 
Clusinm , Yolaterra (métropole) , Russelle , Yetulonie, Véîes , Cerè et 
Fàlère. Ces cités ont à leur tête des principaux qu’on nomme Lueu- 
mtons ; la théocratie s’y combine avec l’aristocratie. Comme en Asie- 
Mineure , l’assemblée fédérale , à la fois politique et religieuse , se réunit 
près d’un temple. Elle se tient à Fanum Voltumnœ (*). 

$ 4. Ligue de t Âmpkietyons. Après l’invasion de la Grèce par les 
Hellènes, Ampbictyon, un de leurs chefs, dans la vue d'y asseoir défi- 
nitivement la domination hellénique , crée une vaste association où il 
n'admet que des populations de sa race. Cette' ligue , qui a essen- 
tiellement pour bot le maintien de l’unité nationale et religieuse , com- 
prend douze peuples. Elle est représentée par une assemblée générale 
formée des dépotés de chacun d’eux. Une grande solennité en l’honneur 
d’Apollon Patroos , dieu de la race conquérante , concourt chaque 
année à cimenter l’union (*). 


(1) La plupart des anciens auteurs présentant les Tyrrbéniens- Etrusques comme ori- 
ginaires de la Lydie. (V. Hérodote , 1 , 94, Timée , fragra. 19 dans les fragmeol. historié, 
grœcor. de Didot , p. 197 ; Hellanieus , fragm. 1 , ibid , p. 45; Justin , XXII, 1 ; 
Ÿelleius patereulus , 1,1; Plutarq. , quest. rom.; Silius Italiens, IV. v. 740.) Frereiz 
combattu l'opinion de ces écrivains dans une dissertation pleine de science (V. Mém. de 
l'acad. des inscr. , t. XVU , p. 97). Quoi qu'il en soit, il parait certain que les Etrusques 
sont venus de fAsie-Mineurc. V. aussi Lherminier , compte-rendu de l'ouvrage de 
Muller , Die Etrusker , à la suite de la Philosophie du Droit. 

(4) V. Dcnys d'Ualicarnassc , liv. IV. 


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( *19 ) 

S ection III. — Aristocraties militaires des Doriens et des Ioniens. 

VU. Ah XVI* siècle av. J.-C. , les Hellènes avaient envahi la Grèce 
et chassé ou exterminé les Pélaaga. En s'établissant dans cette contrée, 
üs y avaient jeté la basa d'une aristocratie militaire , forme de gouver- 
nement commune à plusieurs peupla oonqnérants. Cettefaoe hellé- 
nique comprenait quatre nations : la Doriens, la Acbéens»la Ioniens, 
la ÆoUens. Pendant celte première période , antérieure au VI e siècle 
av. J.-C. « deux de ces quatre peupla se rendent surtout remarquables, 
sous le rapport de leurs iostilutions ; ce sent la Doriens et la taniep*. 
Nous allons suivre la Dorions en Crète et à Sparte, et les Ioniens & 
Athéna. 

§ 1 . Ile de Crète. — Législation de Miaos. Les premiers habitants 
de la Crète., encore barbares, avaient reçu quelques élément de 
civilisation de deux colonies successives de Pélasges et de Curètes qui 
avaient fai de la Grèce et de la Pbrygie, Les Cureta , eu propageant 
dans celte lie des découvertes utiles et de salutaires améliorations 
sociales, y avaient enmême temps introduit le culte phrygien de Jupiter 
et de Cybèle. Au XV® siècle ay. J.-C., Tectamos, fils de Dorus, petit- 
fils d'Helien, débarque dans la Crète à la tète d’une bande nombreuse 
de Doriens, l’envahit toute entière et s’en fait proclamer roi. Dès ce 
moment , la race dorienne devient prépondérante; une rénovation s’ac- 
complit à la fois dans le pouvoir et la population. 

Originaire de Phénicie, mais fils adoptif d' Aster , successeur de 
Tectamos, Miaos, devenu roi, dompte toutes les résistances .La insur- 
gés et les rebella vaincus sont réduits en servage et relégués hors des 
bourgades sous le nom de Periœciens (*). Dans la conviction que la 
force virile et l’union ( andreia km homonoia ) sont la meilleurs sou- 
tiens d’une domination fondée par la conquête, Mina, par sa légis- 
lation , s’attache è conserver à ses compatriote* des mœurs guerrièra 
et la soumet à une discipline rigoureuse , à une vie commune , 
laborieuse et frugale. De là , 1*. tant pour la enfants que pour la 
adulta, une éducation pnbliqoe assujettie à des règlemens sévères ; 
2°. une organisation , des babituda toutes militaires ; 3°. des repas 


(1) Le mot periœcicn (perioikoi) vient de péri t autour, et oikos , habitation. Le* 
Periœciens sont donc ceux qui demeurent dans la banlieue dos villes , autour des» 
bourgades ou enceintes habitées. 


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( 220 ) 

en commun. Cette organisation sociale est complétée par des institutions 
politiques. La monarchie, forme de gouvernement en vigueur avant 
Minos, est maintenue ; mais elle est tempérée par un sénat composé de 
gerontes eu vieillards. Plus tard, des chevaliers constituent une sorte de 
corps Intermédiaire, et des Cosmes , espèce» de tribuns,' représentent 
l’élément populaire. 

Occupé par la g u erre Oh par des expéditions lointaines , Mmos se 
décharge sur son frère Rhadamante dn soin de la justice. Celui-ci, dans 
l’exercice des fonctions qui lui sont déléguées , déploie nn aète remar- 
quable. Sa rigoureuse équité a même donné naissance à un mythe 
populaire qui le fait juge aux enfers , où il sépare les bons d’avec les 
méchants. (Diod. de Sic. , liv. V , ch. 79) (*). 

§ 2. Institution» de Sparte. — Législation de Lycurgue. Les com- 
meucemens de Sparte se cachent sons cet épais brouillard qnl, dans h 
hante antiquité , dérobe à nos regards l’horison historique. D’abord à 
l’état de simple bourgade , et peuplée de Pélasges, elle est gouvernée 
par des rois on chefs de cette nation. A l’époque de f invasion des 
Hellènes , an XVI* siècle avant J.-C. , les Achéens , nn des quatre peu- 
ples dont cette race se compose , s’emparent de h Laconie et de l’ Ar- 
golide. Des rois acbéens succèdent aux chefs pélasges. Puis la famille 
phrygienne de Pelops ayant progressivement élevé sa domination , 
Agamemnon , petit-fils d’Atrée , partage le royaume avec Ménélas , son 
frère, qui devient roi de Sparte. L’enlèvement d’Hélène, son épouse , 
la part qu’il prend à la guerre de Troie pour venger cet affront , don- 
nent à Ménélas une immense célébrité. Il a pour successeur son fils 
Or este. Les deux fils de ce dernier, Tisamène et Pentile, régnaient 
conjointement lorsque s’accomplit nn événement des pins graves, le 
retour des Héraclides coalisés avec les Doriens (en 1 190 av. J.-C., 90 
ans après la ruine de Troie). Les Héraclides , descendants d’Hercule , 
naguère expulsés de Sparte par les Pélopides , profitent de la faiblesse 
où ceux-ci sont tombés pour revendiquer l’héritage de leurs pères. 
Alliés aux Doriens , quatrième peuple hellénique qui n’avait point' pris 
part au grand mouvement du XVI e siècle, ils envahissent le Péloponèse, 


(1) On attribue aussi à Rliadamaote l’introduction dans l’ile de Crète de la peine du 
talion et la rédaction de certaines formules de sermons destinées à préTcnir les blas- 
phèmes. 


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( 221 ) 

qui bientôt devient leur 'proie. Les Héraclides avaient pour chef trois 
frères : Temène , Chresphonte et Aristodème. Celui-ci a en partage la 
Laconie. Il laisse deux fils , Eurystbèoe et Proclès , dont les descendants 
forment deux dynasties qui occupent simultanément le trône de Sparte. 
Ces deux royautés rivales et souvent ennemiés se modèrent l’une par 
l’autre. Elles ont aussi pour contrepoids l’influence des chefs militaires, 
toujours puissante dans les tempe voisins de la conquête. Le gouverne- 
ment est donc plutôt une aristocratie militaire qu’une monarchie (*). 
Le territoire est divisé en six parties , dont l’une est attribuée au traître 
qui avait livré la Laconie aux Doriens. (Strabon , liv. VIII et 18 e frag. 
d’Ephore dans les fragmenta historié, grac. de Didot, p. 237). 

Sous le règne d’Agisl* r , successeur d’Èuryslhèue , les Spartiates, à 
la suite d’une révolte , compriment la population indigène et imposent 
aux anciens habitants de la Laconie un tribut et des serviteurs onéreux. 
Tousse soumettent. La ville d’Hilos, qui seule ose résister, est détruite,- 
et ses habitants sont réduits à une sorte de servage sous le nom d’Hilotes 
(av. J.-C. 10!M). On compte dès lors , dans la république de Sparte , 
trois classes distinctes de personnes : les Spartiates, race dominante, 
les Lacédémoniens, sujets, les Hilotes, serfs ou esclaves. Deux siècles 
plus tard , pour mettre un terme aux désordres qu’avaient amenés la 
faiblesse du pouvoir, le relâchement des liens sociaux et la corruption 
des mœurs, de nouvelles institutions deviennent nécessaires. C’est à 
Lycurgue que Sparte en est redevable. 

Convaincu, comme Minos, que les deux premiers besoins d’une nation 
étaient l’union et la vertu courageuse, affermi dans cette pensée par 
l’oracle de Delphes, Lycurgue, dans son plan de législation vise au 
triple but : 1*. de créer une organisation sociale fondée sur l’esprit 
public; 2®. de fortifier les institutions militaires; 3°. de constituer un 
gouvernement durable qui satisfasse aux besoins de la société (*). 

1. Organisation sociale. Une double idée préside sous ce premier 
rapport au système de Lycurgue : c’est, d’une part, de donner aux forces 

(9) Les Pélopides, venus de la Phrygie, portaient Comme les rois grecs le titre oriental 
de bas-ilei* , ftis d’Eli ou du Soleil. Les nouveaux chefs de Sparte prennent un tifre 
plus modeste : pendant la paix, celui d'Archagètes, directeurs de l'autorité; et k la guerre, 
le titre de bagoi , commandants. 

{î} Pour faciliter l'intelligence de la constitation de Lycurgue , nous en donnons d- 


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( 222 ) 

Individuelles le développement le plus complet „ et de l’autre , d'appli- 
quer autant que possible ces forces indtvidtielles au profit commun* 

Ainsi , aux yeux de ce législateur, deux conditions paraissent à cet 
égard indispensables à réaliser : 

La première , c’est que tous les membres dont le corps social se 
compose soient individuellement pourvus de toute la force désirable et 
qu’ils réunissent au plus haut degré la vigueur physique et l’énergie 
morale • 

De là d'abord, en vue de procurer la vigueur physique, une éducation 
mâle et belliqueuse , une vie rude et fortifiante dès ta plus tendre en- 
fance, les exercices du gymnase même pour les jeunes filles , afin qu'elles 
donnent à h patrie des enfants robustes , la lutte et les combats simulés 
pour les jeunes gens , et pour les hommes mûrs la chasse. 


joint kv tableau synoptique. 

I Enfants, 
Jeunes gens , 
Hommes mûrs, 
Vieillards. 

personnes. 

J Lacédémoniens , sujets. 




| Organisation 
sociale. 


Forces 

militaires. 


\Hilotcs , 


Développement 
des forces 

individuelles. 


serfs. 


( Education morale. 

Vie rude et sans mollesse, 
physique. \ gymnase même pour les filles. 
I Luttes et combats simulés. 

\ Chasse. 

( Enseignement. 

Surveillance. 

Discipline. 

Repas publics. 


I ( Abnégation personnelle. 

| Application de cest Destruction de l’esprit de famille 
I forces au profit Relâchement de l’amour conjugal 


(Institutions de 
guerre. 


commun. 


Leur énergie. 


. conjug... 

i Autorité paternelle exercée en commun. 
[ Propriété collective. 

( Mœurs guerrières. 

Flétrissure imprimée aux lâches. 
Nécessité pour tous de porter les armes. 
Rigueur du service militaire. 


Intelligence qui i Distribution des corps d’armée, 
préside à leur ^ évolutions habilement combinées, 
direction. ) Précision des manœuvres dans les combats. 
\ Science de la castramétation. 


Gouvernement- ( Dca» rois dont l'autorité se conlrobalancc.-Elément monarchique— 
i Gonsliliilion ' Sénat compose de 50 membres. — Elément aristocratique — 4 

mute. ( Peuple Spartiate, représenté par le* I'.phores.— Elémeul démocratique. 


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( 223 ) 

De là ensuite, quanta l’énergie morale , les enseignemens donnés 
aux jeunes Spartiates, les soins, la surveillance dont ils sont l'objet, la 
discipline à laquelle ils sont soumis , et pour tous les âges ces banquets 
publics qui sont une éoole perpétuelle de vertu et de patriotisme. 

La seconde condition que Lycurgue veut réaliser , c’est que les forces 
individuelles, physiques et morales, une fois développées, soient entiè- 
rement consacrées à l'avantage commun, au risque même de détruire 
le bien-être individuel en faveur de l'intérêt public et de confisquer en 
quelque sorte au profit de l'état la liberté personnelle et la propriété , 
c’est-à-dire le moi humain avec toutes ses conséquences. 

De là les sacrifices imposés en vue de l’utilité générale, et d'abord la 
destruction de l'esprit de famîHe. Les plus douces affections sont impi- 
toyablement immolés à l'esprit public ; les mystères les plris intimes de 
la couche conjugale sont profanés; la femme n’est plus qu’un instru- 
ment de reproduction qui se prête ou s’emprunte ; la jeûné fille se 
dépouille de sa pudeur pour venir , presque nue , lutter publiquement 
dans un gymnase ; l’autorité paternelle est exercée en commun ; les 
enfants appartiennent moins à leurs parens qu’à la patrie. 

Le même système s’applique rigoureusement à la propriété qui , 
depuis l’invasion dorienne, est , à Sparte , plutôt collective qu’indivi- 
duelle. Toutes les terres réparties entre les citoyens sont censées rester 
la propriété commune de chaque tribu. Assignées plutôt que transmises 
aux possesseurs , ceux-ci n'en ont pour ainsi dire que l'usufruit et doi- 
vent les laisser à leurs successeurs par l’effet d’une sorte de substitution 
perpétuelle. Tous ces lots de terrain sont indivisibles et inaliénables. 

Enfin , renonçant pour ainsi dire à lui-même , le Spartiate, habitué à 
une vie rigide, doit s’abstenir de toutes les jouissances qui énervent. On 
connaît les précautions sévères de Lycurgue contre la sensualité , les 
richesses et le luxe. 

11. institutions militaires . Dans l’enfance des sociétés , à des épo- 
ques de violence et de désordre , quand la raison du plus fort est la 
meilleure et que la notion du droit est encore incertaine , la force phy- 
sique est sans contredit la première puissance. Le moyen te plus efficace 
d’acquérir et de conserver des richesses, de se proéurer le bien-être et 
de garder son indépendance , c'est la guerre , c' est le recours aux 
armes. La victoire procure aux brayes tous les biens ; les lâches perdent 
tout par la défaite. 


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( Ôâ4 ) 

Mais la force qui domine , qui se maintient , ce n’est pas la force 
brutale désordonnée , affaiblie par la désunion , paralysée par soediree- 
tion mal combinée. La force , pour rester triomphante , doit être une et 
intelligente . 

De là Tes perfectionncmens apportés par Lycurgue aux institutions 
militaires de Sparte ; de là les règlemens émanés de lui concernant la 
nécessité et les conditions du service de guerre , la distribution des 
corps d v armée , les manœuvres dans les combats et la castramétation; 
de là aussi la flétrissure imprimée aux lâches. 

III. Constitution . — Forme du gouvernement . Le gouvernement 
organisé par Lycurgue est moins une monarchie proprement dite qu'une 
aristocratie militaire tempérée. Les deux dynasties qui se partageaient 
la puissance continuent de régner. Or » ce partage de l’autorité exclut 
déjà la monarchie ; car qui dit monarque dit chef unique. Le pouvoir qui 
se divise entre deux princes rivaux n’est plus une royauté , précisément 
parce quelle manque de cette unité qui est l’essence de la monar- 
chie, surtout en ce qui touche le pouvoir exécutif. Aussi les chefs de 
Sparte ne portent-ils que le titre de A' Ârchagètes ou celui de Bagoi; 
ce ü’est qu' improprement que les écrivains de rionie et de TAttique 
leur donnent le nom de rois. La puissance de ces princes est très 
limitée pendant la paix ; ils ne sont presqu’alors que les chefs du sénat , 
dont ils ont la présidence. En temps de guerre, ils exercent des pré- 
rogatives plus étendues , sans avoir cependant encore toute la liberté 
d’action d'un général en chef. 

Des nouvelles institutions de Lycurgue, la plus importante est l'éta- 
blissement du sénat. Ce corps, placé comme un pouvoir intermédiaire 
entre les deux dynasties et le peuple , forme une sorte de contrepoids 
destiné à maintenir l’équilibre dans le gouvernement, qui est ainsi 
moins exposé à pencher vers la tyrannie ou la démocratie. Le sénat se 
compose de vingt-huit membres nommés à vie ; le nombre en est de 
trente , en y joignant les deux Archagètes. 

Dans la confection des lois, l’initiative appartient au sénat. Le peuple, 
dans ses réunions mensuelles, a le choix d’approuver ou de rejeter les 
propositions qui lui sont soumises. Mais comme souvent il les dénature 
par des retranchemens ou des additions , ce droit d’amendement lui 
est retiré plus tard. 


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( 225 ) 

Dans la suite, on arrive à reconnaître aussi que l’excessive autorité 
des sénateurs dégénère en oligarchie et devient menaçante pour la 
liberté publique. On lui donne, alors pour frein un collège de cinq 
éphores , dont l’institution fut créée ou reconstituée environ cent trente 
ans après Lycurgue. Elus annuellement par l’assemblée populaire , ces 
épbores représentent plus particulièrement l’élément démocratique. Le 
peuple, dépourvu de persévérance et d’esprit de suite , a besoin d’avoir 
des délégués permanents, des magistrats spéciaux , qui défendent ses 
intérêts (1). Mais, à Sparte , les Ephores, qui n’auraient dû être qu’un 
pouvoir protecteur et conservateur, deviennent à leur tour envahissants. 
Ms s’arrogent une domination abusive, au point de condamner à mort 
les Archagètes. 

§ 3. Aristocratie militaire des Ioniens à Athènes. Après l’invasion 
des Hellènes dans la Grèce , un des quatre peuples helléniques , les 
Ioniens , reçus d’abord à Athènes comme auxiliaires , ne tardent pas à 
en devenir les maîtres et à supplanter les Pélasges. Redoutés de tous , 
parce qu’ils ont en main la lance et l’épée , ils régnent sur l’Attique 
comme s’ils l’avaient conquise. Ils s’emparent de tout ce qui leur con- 
vient , maîtrisent la royaoté , s’attribuent les commandements, et for- 
ment un ordre privilégié sons le nom d’Eupatrides. Ils naturalisent en 
même temps dans l’Attique le enlte de leur dieu Apollon Patroos, 
leurs coutumes guerrières et leur idiome hellénique. 

L’installation des Ioniens dans cette contrée a donc sous tous les rap- 
ports les plus graves résultats. 

1°. Orgueilleuse de son triomphe, la race ionienne , augmentée dé 
quelques adjonctions empruntéés aux plas hautes familles du pays , se 
place dans un rang supérieur et constitue un ordre nobiliaire. Tous 
ceux qui font partie de cet ordre privilégié prennent le titre d'Eupa- 
tridei (2). ( Plutarque , vie de Thésée , chap. 23). 

2°. Aux Eupatrides appartiennent exclusivement tous les droits po- 


(1) De* magistrats de ce genre se retrouvent dans la plupart des constitutions miites ? 
tels sont les Cosmes dans fil* de Crète (AristoU Poliliq. ïï , 7) , les emtqwtin k Car- 
thage (tbid. , 8.) , les tribuns à Rome , etc. 

(*) Crus qualification raient à celle de patricimu chez les Romains, de ttigneurt 
dans le mojen-Age. 

13 . 


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( 226 ) 

laïques ; eux seuls peuvent être investis des sacerdoces , des comman- 
dements militaires , de l'administration , de la justice , du droit d'inter- 
préter les lois divines et religieuses. (Plut . , ibid .) 

. 3°. Formant une caste nobiliaire , les tribus eupatrides se partagent 
en Phratries ou Curies , espèces de divisions à la fois politiques et reli- 
gieuses. 11 y a dans chaque tribu trois phraties do.nt chacune se subdivise 
en trente gents ou familles ( Germai). (Harpocrate, Lcxicon , mots 
Phratoreset Germetai ). 

4°. JLes plus riches parties du territoire de l*Atlique, les domaines 
les plus fertiles passent aux mains des J Eupatrides . qui deviennent ainsi 
d’opulents propriétaires. Toutefois ces propriétés» plutôt collectives 
qu’individuelles» ne peuvent être aliénées» parce quelles appartiennent 
moins à leurs possesseurs personnellement quà la famille qui les a 
reçues. [Sam. Petit., lois attiq. » liv. VI» tit. 6). 

5°. Le système établi pour l’ordre des successioos porte l'empreinte 
de l’origine guerrière des Ioniens. Les mâles prédominent et sont pré- 
férés au? filles. (Sam. Petit. » ibid.) 

6°. Le culte d’ Apollon Patroos , introduit dans l’Attique par les 
Ioniens, prévaut sur tous les autres. L’ancien culte de leus Erkeos 
(Jupiter sauveur) ne tient plus que le second rang. (Sam. Pe t. v liv. III » 
tit. 2.) 

7°. La langue hellénique parlée par les Ioniens devient prédomi- 
nante , et finit par anéantir entièrement celle des Pélasges. ( Berodot . 
1,57). 

8°. Les guerriers ioniens , que la force des armes a rendus triom- 
phants» vivent séparés du reste des populations. Retranchés sur les lieux 
élevés , habitant 1* Acropolis ou haute ville d’Athènes » ils y mènent une 
vie à part» ne prenant souci que de leur lance et de leur épée. Comme 
le dieu de la force, Arès est leur divinité préférée, ils s’appellent A ristes 
ou enfants de Mars. De là, le nom d* Aristocratie donnée à leur puissance. 

9°. Tandis que les Aristes , en possession de l'autorité » dominent 
orgueilleusement sur le pays , les Démotes ou gens du peuple » dé- 
pouillés de toute influence politique , sont mis à l’écart dans les dèmes , 
où ils exercent des professions plus ou moins rodes , telles que celles 
de pasteurs ou d'agriculteurs , d’artisans ou de marins. D'abord hum- 
bles et méprisées, ces classes laborieuses, dont le nombre et l'importance 


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( 22? ) 

s'accroissent par degrés , relèvent la tète peu à peu , se montrent kos» 
tiles aux Eupatrides et les combattent avee plus d'énergie à mesure que 
ceux-ci s'affaiblissent , soit par l’abus des jouissances , soit par leurs 
pertes dans les combats. 


SectiokIV. — Origine et progrès de là démocratie à Athènes . 

§ 1 . Règne . de Thésée . — Ses successeurs jusqu à V abolition de ta 
royauté. Mis en possession de l'autorité royale vers l’an 1316 av. J.-C. , 
Thésée 1 6b et successeur du roi Egée , exécute une entreprise de la plus 
haute importance. Il réunit tous les habitants de l’Attique et les ras- 
semble en un seul.état , eux qui jusque-là vivaient dispersés , et qui , loin 
de s’entendre pour veiller à l’intérêt commun , se faisaient assei sou- 
vent la goerre. 11 supprime en conséquence dans tous les dèmes , les 
prytanées , les tribunaux et les magistratures, et n'instituant qu’un seul 
prytanée , qu’une seule maison de conseil , il donne tant h la ville forte 
qu'à la cité le nom d’Athènes. 11 crée, en outre , un sacriâce commun 
sous le nom de Panathénées. 

Pour accroître la population, il appelle tous les droits de citoyen , et 
cette proclamation : peuples , venez tous ici , est , dit-on , l'œuvre de 
Thésée. lorsqu’il institue une sorte de pandémie (Plut., vie de Thésée). 

Ce n'est pas toutefois qu’il établisse l’égalité proprement dite, puis- 
qu’il maintient le pouvoir prédominant des Eupatrides et leur conserve 
d’importants privilèges ; mais il jette sous un triple rapport les bases 
de la puissance du peuple : 

4°. 11 réunit dans Athènes une multitude de Démotes , jusque là dis- 
persés dans les petits démes d'alentour. Ces hommes du peuple, concen- 
trés sur un seul point et beaucoup plus nombreux que les Eupatrides , 
acquièrent nécessairement de l’ascendant , surtout à une époque où la 
force physique a tant d’empire. Menacée plus d’une fois par des mouve- 
ments populaires, l’arbtocratie doit mitiger ses exigences et se prêter 
à des concessions. 

2°, Faisant partie intégrante de l’état, tous les Athénieos jouissent 
au même titre , sinon des droits politiques v au moins des droits civils. 
Les barrières qui séparent les Démotes des Àristes s’abaissent par 
degrés. On ne voit même pas qu’il y ait jamais eu, comme à Rome, interr 


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( 22S ) 

diction légale aux membres des deux ordres de s'allier par le mariage. 

3*. La faculté donnée par Thésée à tous les étrangers de s’établir à 
Athènes, la protection , la sarclé qu’ils y trouvent, ont pour conséquence 
d’accroître énormément la population démotique, et, par suite, de donner 
à la puissance populaire plus de consistance et d’énergie. Tandis que 
l’aristocratie à peine recrutée de quelques familles nobles venues de 
l’étranger , s’énerve dans la licence ou s ! aflhiMit par les guerres , par 
la discorde et par l'action du temps , les classes inférieures, augmentées 
sans cesse par des unions fécondes, enrichies par l’industrie et le com- 
merce , acquièrent de jour en jour plus d’importance. 

Sons l'usurpateur Moeslhée, qui, après avoir reovereé Théséa, 
conduit ses démotesau siège de Troie; et ensuite sous les faibles 
princes de la famille de Thésée revenus au pouvoir , les classes infé- 
rieures coutinnent à se développer, tandis que les Aristçs penchent vers 
leur déclin. 

Mélanthe, issu d’une famille messénienne réfugiée à Athènes, sup- 
plante Thymaétès, dernier prinçe de la maison (je Thésée. Sous le 
règne de Mélanthe et sous celui de son fils Kodros , de nouvelles migra- 
tions d’ioniens, plus nombreuses peut-être que les précédentes, viennent 
compléter l’invasion ionienne dans V Attiqoe. 

Habitués à l'insubordination et au désordre les Ëupatrides suppor- 
tent impatiemment la basilie ou royauté , qui froisse leur orgueil et 
met un frein à lenr licence. A la mort deKodres, ils la font abolir, sons 
prétexte qu’ après lui nul n'est digne de l'exercer. (1132 av. I.-C.) 

§ 2. Archontes perpétuels , décennaux et annuels jusqu’ à Solon . Le 
monarque d'Athènes avait été jusqu'à Kodros , décoré par honneur du 
titre de fils du Soleil (basiles) (*). Après lui, ces fils du ciel, ces 
êtres divins sont remplacés par de simples mortels revêtus d'un com- 
mandement et obligés de. rendre compte. A commencer par Medon , 
fils de Kodros , les Archontes perpétuels de la famille de Medou 


* (t) BasUeus dérive évidemment du radical bas de l'inusité baô venir procéder , et de 
heti ou ilms , soleil. $asüeus veut doue dire # procédant du soleil , Ilia do soleil. ▲ 
Troie , Apollon était surnommé illeus , d'où la dénomination d’Ilian donnée ma 
temple et par suite b la citadelle où il se trouvait. De là aussi le titre de batileus attribué 
au monarque troyen. Il est à remarquer que Pinça du Mexique portail également le dos 
de fil* du soleil. 


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( 229 ) 

gouvernent successivement su nombre de treize pendant l'espace de 
579 ans (de 1132 à 755). Sous leur gqnvernemeot . l’ancienne 
aristocratie conserve sans doute sa prépondérance et ses privilèges 
politisées. Possesseurs des pins belles parties da territoire , les Eupa- 
trides, puissants par leurs richesses, sont toujours seuls admissibles 
aux fonctions publiques. Cependant la olasse moyenne f à la tête de 
laquelle se treuvent les principaux Démotes , prend par degrés une plus 
large place dans l’état. 

En 755, farcUontat, attaqué de nouveau par les factions, subit une 
grave restriction. De perpétuel qu’il était ; il est réduit à dix aos. Pen- 
dant près de 70 ans (de 755 h (PU), sept archontes décennaux sont Suc- 
cessivement investis de l'autorité. 

En 684, une nouvelle révolution provoquée par les Eupatrides 
s’opère à leur profit dans le pouvoir. Au lieu d'être pour dix ans conféré 
à un seul magistrat toujours pris dans la même famille (celle des Médon- 
tides), l'archonlat, restreint à une seule année, se partage entre neuf 
Eupatrides , dont les attributions divisées s’exercent séparément dans 
la limite assignée à chacun d'eux. Dans cette république aristocratique , 
les nobles restent en jouissance de tous les privilèges que leur avait 
attribués Thésée. Trop souvent aussi, sans égard pour les démoles, ils 
usent et abusent de leur puissance , qui dégénère en oppression. 

Par suite, les dissensions intestines que l'inégalité des conditions et 
l’opposition des intérêts fomentaient d'ancienne date, éclatent avec 
violence. On voit aux prises trois partis opiniâtres : ce sont les Pediens, 
riches propriétaires de la plaine ; les Diacrides , simples pâtres ou vi- 
gnerons qui demeurent dans les montagne $ du sud ; les Paraliens , ou 
habitants de la côte , sorte de classe moyenne qui a pour professions 
le commerce * l’exploitation des mines , la pêche et la navigation. 

La république travaillée par ces trois factions acharnées marchait 
rapidement à sa dissolution , lorsqu’on 624 , Dracon est nommé ar- 
chonte. Par des lois écrites dont la rigueur impitoyable est connue , il 
essaie de mettre an terme à l’arbitraire et à l’anarchie ; mais ses efforts 
sont impuissants. Appartenant à l’ordre privilégié des Eupatrides , ce 
législateur ne donne point aux nouveaux intérêts populaires une légitime 
satisfaction. L’excessive sévérité de ses lois, écrites en caractères de sang, 
les rend impraticables; elles tombent bientôt cTdles-mêmos. La dis- 


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( «50 ) 

corde, un moment compriméo, se réveille alors avec plus de fureur. En 
594, un mouvement populaire dirigé par Cyloo reste sans succès; le 
démagogue et ses adhérents paient de leur vie cette tentative ; mais la 
férocité itoplacahle avec laquelle se vengent les Eupatrides exaspérés 
met le comble à l'irritation : telle était l'orageuse situation d'Athènes 
lorsque parut en 593 le fameux législateur Solon. 

§ 3. Législation de Solon . Cette législation, que noos ne pouvons 
analyser ici dans ses détails , est un des monuments les pins remarqua? 
blés de l'antiquité. Elle porte surtout le caractère de transaction et 
tend à concilier les partis dont elle ménage les intérêts. A la di&tinctioa 
de naissance , elle substitue la distinction de fortune , et sans s'arrêter 
aux anciens privilèges dont jouissaient les nobles ou Eupatrides ,elle divise 
les citoyens en quatre classes d'après l’importance de leurs revenus (4). 
Les membres des trois premières classes sont seuls admissibles aux 
emplois publics; mais tous les Athéniens ont le droit d'assister aux 
assemblées du peuple et de siéger dans les tribunaux. Un sénat de 
quatre cents membres tempère à la fois l'autorité des archontes et la 
turbulence de la démocratie. L'aréopage , jadis conseil des rois et tri- 
bunal suprême de l’état , reçoit quelques nouvelles prérogatives qu* 
doivent en faire un pouvoir conservateur et l’appui de la constitution. 
Indépendamment de ces institutions générales, Solon s'immortalise 
par une foule 0 de lois particulières qui s'appliquent à divers objets. 


Ce simple fragment de prolégomènes que nous arrêtons a l'avènement 
de Cyrus (av. J[.-C. 560), permet déjà d'apprécier jusqu’à quel point 
l’histoire approfondie des institutions politiques et civiles des anciens 
peuples sérail intéressante , et sons combien d’aspects nouveaux elle 
pourrait être envisagée même dans ses époques les plus reculées. 

Postérieurement à Cyrus , cette histoire devrait présenter et faire 
ressortir : 

(1) A quelque temps de là, vers 570 , Senrius Tullius établit à Xbuqe des. institutions 
analogues et fonde également sur 1a propriété une nouvelle distribution du peuple 
romain. 


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( 231 ) 

Les changements que subissent les institutions politiques et reli- 
gieuses dans les grandes théocraties dont nous avons parlé ; 

Les causes d’altération , les éléments de décadence dont se trouvent 
atteints les gouvernements fédéralifs-réppblicains » notamment ceux de 
Tyr et de Carthage ; 

La vaste organisation de t’empire des Perses sous Darius» fils 
d’Hystapes» le tableau du gouvernement central et des satrapies de cet 
empire» qui dans l’ordre des temps offre le premier modèle d'une 
hiérarchie administrative et d’une division territoriale habilement com- 
binées ; 

Les révolutions politiques de la Grèce ; 

Les nombreuses vissiscitudes de la république d’Athènes comme état 
démocratique et comme puissance maritime» les mutations» les trans- 
formations successives qui s’accomplissent dans son gouvernement» 
dans son organisation politique et judiciaire» dans $on droit public et 
privé ; 

La splendeur de Sparte , sa domination aristocratique et continen- 
tale » son ascendant sur le Péloponèse» sa corruption et son déclin » 
les réformes qui y sont vainement tentées» les tyrannies sous lesquelles 
elle finit par tomber ; 

La monarchie militaire des Macédoniens » race neuve et vigoureuse 
qui surgit tout à coup» les conquêtes d’Alexandre» les deux partis qui 
se forment autour de lui» l’un national» européen» l’autre étranger et 
asiatique » les plans d’organisation conçus par ce grand homme avant 
sa mort; 

L’introduction » l’influence toujours croissante des institutions et des 
mœurs grecques dans les royaumes composés des débris de l’empire 
macédonien; 

Sur le sol de la Grèce » la décadence accélérée des anciens états » 
quelle que soit la forme aristocratique ou populaire de leurs gouverne- 
ments ; la formation de la double ligue des Achéens et des Etoliens » les 
institutions de ces deux derniers peuples de la grande race hellénique , 


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( 232 > 

leurs efforts héroïques, mais infructueux , pour défendre l’indépendance 
nationale menacée par les Romains; puis la soumission par ces derniers 
de tous les états de la Grèce. 

Enfin, pour cooronner cette esquisse, viendrait un tableau rapide 
des améliorations sociales , des institutions et des lois qui, de l’Orient 
et de la Grèce, ont. passé dans le monde romain et de lè ont pénétré 
dans nos sociétés modernes. 



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SUR 


^HISTOIRE M» INSTITUTIONS 

DES PRINCIPAUX PEUPLES. 



Chapitre préliminaire. 

Division du sujet. 

2. Intérêt d’une étude générale des législations sous le point de vue 

historique. 

3. Lois historiques et providentielles qui régissent les sociétés. 

4. Quelles sont ces.lois : sociabilité , rénovation , progrès. 

3. Lois correspondantes : unité, diversité, harmonie ou équilibre. 

6. Corrélation de ces lois entr’elles. 

7 . Leur action sous l’empire d’une double force, physique et morale. 

8. Réaction des transformations sociales sur les législations. 

1. Division du sujet. L’histoire des progrès du genre humain , 
sons le point de vue des institutions et des lois , pourrait offrir un tableau 
d’un haut intérêt. Ce serait un sujet vaste et fécond. Sans aborder cette 
œuvre immense qui excéderait nos faibles forces, essayons du moins 
d’en présenter l’esquisse. Etudions dans les transformations suocessives 


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(254) 

des peuples, les changements des législations qui sont toujours la 
peinture fidèle des sociétés , et tâchons de saisir l’enchaînement de ces 
grandes révolutions. 

Considéré comme servant d’introduction à un estai sur l’histoire des 
institutions françaises, le tableau dont nous parlons comprendrait 
naturellement trois grandes parties : les temps anciens, l'époque 
romaine et le moyen-ige. 

Nous nfos bornons , quant à présent , à . un rapide coup-d’oeil sur 
l'histoire des institutions des principaux peuples anciens. 

Cette histoire pourrait se diviser en quatre époqqes. 

l r * époque. Depuis les temps primitifs jusqu’au XII e siècle avant 
J.-C. (I). 

2 e époqne. Dn XII* siècle à l’avénement de Cyrus, en 560. 

3* époque. De l’avénement de Cyrus, en 560 , à celui d’Alexandre- 
le-Grand, en 336. 

4 e époque. Depuis Alexandre-le-Grand , en 336, jusqu’à la dicta- 
ture de Jules-César , 47 ans avant J.-C. 

Toutefois, pour éviter trop de sections et de morcellemens, nous 
résumerons ces quatre époques en deux périodes : l’une , antérieure à 
l'avénement de Cyrus , en 560; l'autre , postérieure à cette date. 

2. Intérêt d'une étude générale des législations sous le point de 
vue historique. Les législations, ces ancres indispensables de tout 
édifice social , peuvent être l'objet d’un triple examen sous les trois 
rapports de la théorie , de l’application , de I examen historique. 

Le professeur dans sa chaire, l’autettr qui publie de savants traités , 
s'occupent de la théorie ; l’avocat, le magistrat, l’administrateur, dans 
la pratique des affaires , s’instruisent par t application ; le jurisconsulte 
historien et philosophe qui' veut acquérir une connaissance plhs appro- 

(1) Le Xlte siècle avant J.-C. est l’époque de la décadence dés anciennes institutions 
théocratiqnes tt héroïques. 


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( 235 ) 

fondiè des institutions , remonte à 1» source et les examine dans leur 
développement historique. 

Cette dernière étude, qui semble d’une utilité moins immédiate , 
n’en est pas moins féconde en résultats avantageux. C’est* Hn travail 
plein de profit et d'intérêt que de suivre dans leur marche les institu- 
tions et les lois, d’en saisir l’esprit, tanrpar le rapprochement des 
circonstances qui les ont produites que par l* observation des sociétés' 
dont elles sont l’expression , de comparer entre eMës les Iégisfc|ii6ns de 
diverses époques, de constater les perfectionnemens obtenus.... Mais 
pour atteindre complètement le but , une double condition est à remplir : 

1°. Le tableau des progrès dè la législation doit être général, com- 
prendre toutes les époques, remonter jusqu’au berceau des société». 
Telle loi qui parait nouvelle à une époque donnée , n’est que la consé- 
quence d’anciennes coutumes qu’il importe de rechercher. Dânsl’bis- 
toire des institutions comme dans celle des peuples , tout se tient , tout 
s’enchaîne. De même que l’histoire de l’humanité n’est qu’une immense 
biographie , le développement du droit et des législations n'est pour 
ainsi dire qu’une œuvre unique dont les éléments se retrouvent à tons 
les âges chez tous les peuples. S’il fout étudier l’histoire universelle 
pour comprendre l’humanité , il faut aussi , pour apprécier les progrès 
de la législation , en scruter chez tous les peuples l’origine W les vicis- 
situdes. 

2e. Les lois doivent être étudiées non pas isolément, à leur surface , 
en s’arrêtant à teér forme extérieure, mais dans leurs rapports intimes 
avec les populations qu’elles régissent. Les institutions, les lois d’un 
pays n’étant réellement que la peinture exacte , la description formulée 
de l’état social , il est impossible si on veut les étudier avec fruit, de 
les séparer de la . société même dont elles sont la vivante expression. 
C’est avant tout , dans les révolutions dont chaque pays est le théâtre , 
dans tes besoins, dans les intérêts nouveaux qu’elles produisent, qu’il 
fout rechercher les causes efficientes des lois , l’esprit qui les a dictées. 


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( 256 ) 

et pour ainsi dire l’exposé de leurs motifs. La législation de chaque 
peuple surgit de l’état même de la société, comme une plante sort de 
aatige. 

: 3.- Loi* hûtoriqMM et providentielle* qvirégiueut le* sociétés. Mais 
les sociétés eUes-mêmfs marchent-elles à l'aventure sans lois historiques 
qui les dirigent? Les divers âges de leur existence., les faits , les événe- 
ments dont leur histoire se compose, sont-ils livrés au hasard , ou ne 
sOnt-dl pas au contraire les conséquences nécessaires de lois immuables 
établies per la providence? 

: A cet égard , le raisonnement , l’observation des faits se réunissent 
pour démontrer que l'humanité, que |es sociétés sont régies dans l’ordre 
historique per des lois analogues à celles qui régnent partout dans 
L’ordre physique et dans l’ordre moral. Des régies invariables instituées 
per Dieu même , président dans tous les temps aux révolutions sociales, 
»u cours des événements ,à lama robe des nations et du genre humain (I). 

- A. Quelle* .tort et* lois: sociabilité , rénovation , progrès ? Ces 
grsndes lois. historiques , quelles sont-elles? Question ardue que la fai- 
blesse humaine ose à peine aborder! .... Si l'on peut espérer d’en 
découvrir la chaîne, ce n’est que par l’examen attentif de certaines 
Madouees pu dispositions inhérentes à l’humanité, par l’étnde suivie 
des faits' et des révélations, par la comparaison des phénomènes d’une 
époque avec ceux d’une antre époque. 

(1) Sur la théorie des lois générales de l’histoire , Y. dans les Mémoire» de la Société 
royale et centrale d'agriculture , sciences et arts de Douai, ( 1 837-1838, 2« perde) ; 
notre opuscule intitulé : de» loi» historiques et de leur application , etc. Les anciens 
semblent avoir eu quelque notion de ces lois providentielles ; et quoique leur pensée ne 
se révéle que d’une manière iqcampléte ou confuse* il est néanmoins intéressant de les 
Consulter. V. Platon , rép. , liv. Ym (dans les pensées recueillies par M. Leclerc, 
p. 282 et 379) ; Aristote , politique , liv. Y (liv. YÜI , dans l’édition de M. Barthélémy* 
St.-ffiiaire ,1.0, p. 338) ; FcJyfe ; Ms t. , Ht. YI, fragm. 01 , éd; Dfdot , 1859 , p. 338; 
Cicéron, de répubL , lib. I, cap. 29 , 41 , in fine, Mb, U , cep. 25. Le fragment de 
Polybe est surtout remarquable. 


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( 237 ) 

Voici néanmoins * parmi ces lois , celles qu'on peut considérer comme 
fondamentales : 

La première est la sociabilité. L’homme est né pour l’état sociable; 
an penchant irrésistible l’enlralne vers ses semblables. En théorie, des 
preuves iitécosaMss le démontrent sous le» divers rapporta .de ses 
besoins physiques, de ses tendances religieuses, morales *t- «nbdleo- 
tuelles. En fait , l’homme a too jours et dans taua la» Kami vécu, en 
société. L'esprit de sociabilité a pour conséquences les relations: de 
famille , les relations sociales , les relations entre les peuples; de 14* % 
lois natprelles, les institutions religieuses, les lois positives écrites ou 
non écrites, les lois internationales; de (à, le droit privé, le droit 
publio , le droit des nations. 

La seconde loi historique est la loi du changement on de la rinor 
cation. Tout netU four te développer, déeroitrset mourir ; tout mf> rt 
pour rtnaüre. A l'intérieur des états , les rénovations politiques ou 
religieuses amènent des changement dans les gouvernements , dans les 
dynasties, dune les grandes lois d’organisation politique ; lorsqu'elles 
procèdent de l'estérienr , Jes rénovations s’accomplissent. -soit par la 
naturalisation, soit par la conquête. Avec l’inégalité sociale , la conquête 
amène une séparation profonde entre les race» nobles, les classasse 
bordonnées , les serfs ou esclaves. 

Une troisième loi non moins constante est la loi du progril on de |q 
civilisation. La perfectibilité humaine appliquée aux sociétés produit 
la cimlisation , c’est-à-dire une amélioration progressive dans l'état 
physique , moral, intellectuel et politique des individus etdespeoj 
pied. Par suite , le progrès se révèle dans ^ législation sons le quadruple 
rapport ; matériel, par des lois de bien-être général, d’économie. poli- 
tique, de commerce; moral, par des lois religieuses, -des prescriptions 
législatives , des lois de répression; intellectuel, par des lois sur l'ins- 
truction publique, ou qui tooriseot les arts, les sciences et les lettres t 
politique , par des institutions plus libérales ou mieox combinées. L« 


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( 238) 

progrès dans les lob se manifeste encore : quant aux individus , par des 
garanties qui protègent la sûreté , la propriété , la liberté ; quant aux 
classes , par l' abaissement des barrières qui le» séparent , et la tendance 
à l'égalité. 

5. Loi» correspondent» : unité, dkmemM, harmonie ou équilibre. 
-Trois aatmloisqnon aperçoit -dans l'ordre physique et dans le monde 
moral lèguent égal want dans. l’ordre historique; ce sont : 

L’unité , qui rassemble, ratacbe, oombhte entre eux des éléments 
divers ou opposés ; 

: La débet filé , (pii réagit eu sens contraire, et qui divise, sépare ou 
morcelle (1); 

L’harmonie ou l'équilibre , qui associe et pondère des forces, ou des 
pouvoirs différens , ét qni combine avec succès l’unité et la diversité. 

Fondée soit sur une nécessité d’ordre et un besoind’ uniformité , 
soit sur des analogies on des similitudes de position géographique , 
d’origine, 'de religion , de mœurs, l’tanité se manifeste dans les légis- 
lations : par des combinaisons politiques qui constituent .fortement 
le principe d'ordre et l’autorité dans la famille < la cité et l’état; — 
par des mesures 'organiques où des codifications qui établissent une 
législation uniforme ét font disparaître les dissidences locales; — par 
des institutions religieuses ou civiles , communes à de grandes fractions 
du globe. 

Procédant de son côté, tantôt de la liberté d'action et de mouve- 
ment, si précieuse aux bommés , — tantôt des luttes que provoque l’an- 
tipathie deS castes , tantôt des différences qui résultent du climat on 
du sol , 'des races ; dès cultes , des intérêts , ht diversité introduit dans 
la législation la consécration de droits on dé privilèges individuels, la 


(?) M. Cousin , dans !e4 beaux prolégomènes qui précèdent les lots Ae Platon , a fort 
bien retraeé qüaüe pont èWr dtp* un. étal ta doubla action de* l'unité et du la diversité. 
(V, Œuvres de Platon , t. VU ; p. uu-iatj). 


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(239 ) 

reconnaissance de coûtâmes distinctes , de lois spéciales j>our les classes 
de personnes, pour les différentes parties du territoire. Le démembre- 
ment des empires , le morcellement des provinces , le schisme dans les 
religions, en brisant T unité du pouvoir,' font également passer dans la 
législation la diversité qui fractionne les sociétés elles-mêmes. 

Quand les deux tendances contraires produites par l'unité et la diver- 
sité vont à l'extrême ou s’entrechoquent, il y a excès ou perturbation ; 
mais la combinaison habilement calculée de l’unité et de la diversité 
produit au contraire l’harmonie et l'équilibre. 

Convaincu des dangers d’un pouvoir sans limites et des abus d’une 
liberté désordonnée, quelques législateurs anciens se sont efforcés 
d’éviter les uns et les autres dans leurs institutions. Toutefois, ce n’est 
guère que dans ces derniers temps qu’on a pu voir régner l’harmonie ou 
l’équilibre : 

Dan* ta famille , par des dispositions qui accordent à l’autorité con- 
jugale et paternelle une légitime étendue , sans qu’ellè puisse devenir 
oppressive ; 

Dan* la cité, par des institutions qui garantissent les intérêts et les 
libertés locales, sans nuire à la centralisation nécessaire ; 

Dan* l’état . par des lois qui règlent avec sagesse les droits et les 
devoirs respectifs de l’autorité et des citoyens. 

Ainsi d’une part : Sociabilité, rénovation, progri* ; et d’autre part, 
unité, dwereité, harmonie ou équilibre , telles sont les principales lois 
historiques ou providentielles. 

6. Corrélation de eet loi* entr’ elle*. Dans la corrélation de ces lois , 
la sociabilité répond à l’unité. EHç comprend les idées d’organisation 
politique, de gouvernement, de cnlte commun, d’autorité et d'ordre , 
qui sont autant d’élémens de sociabilité et d’unité. L’assimilation par 
voie d’incorporation , de colonisation ou de conquête, est aussi uu 
moyeu actif d’unité; 


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( 240 ) 

La loi de changement ou de rénovation répond à celle de la diversité 
dans le temps et dans l'espace. Elle embrasse les idées de variété et de 
renouvellement dans les races et les individus, l'indépendance person- 
nelle , la liberté humaine sons le triple peint de vue intellectuel , poli- 
tique et religieux , et en général toutes les réactions en favenr de 
l'émancipation des peuples et des personnes ; 

Enfin , la. loi du progrès correspond à celle de l’harmonie on de 
l’équilibre. Par elle , la civilisation s’étend des individus aux nations , 
des nations à l’humanité. Les droits et les devoirs respectifs des gouver- 
nemens et des citoyens , les rapports des nations entre elles , l’influence 
des états prépondérants se règlent, se balancent, se concilient par les 
institutions constitutionnelles, parle droit international, par les rela- 
tions diplomatiques. Les barrières qui séparent les peuples sont abais- 
sées ; les langues , les sciences, les idées se rapprochent et s'entraident 
pour le plus grand développement du progrès social et humanitaire. 

7. Action de cet toit sous l’empire d’une double force : la force phy- 
sique , la force morale. L’action des lois historiques que nous venons 
de signaler , porte tour à tour sur les divers points du globe et sur les 
différentes nations. Dirigée par la providence elle-même, elle se déploie 
sous l'empire de deux forces qui se partagent le monde , la force phy tique 
et la force morale, A l’intérieur des états, l'intraitable tyran qui lait 
trembler ses sujets sous son sceptre de fer ; dans les discordes civiles , 
lé parti implacable qui , triomphant sans pitié , écrase ses antagonistes 
et se baigne dans leur sang ; à l’ extérieur , le redoutable chef dé hordes 
qui, la lance au poing, s’élance à la tète de ses bandes farouches et 
courbe sous la loi de timides populations; le peuple vaMaàt-qni . pour 
éviter le joug , se lève comme un seul homme et rejette au loin de formi- 
dables agresseurs, doivent surtout à la force physique letr puissance on 
leurs succès. Plus paisible en son cours, plus douce dans ses effets , la 
force morale doit l'ascendant qu’èHe exerce , tantôt à l’affection, au res- 
pect , à l'insinuante persuasion , tantôt à la sopériorité entraînante de 


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( 241 ) 

1* intelligence ou à l'irrésistible énergie de la volonté. Le patriarche en 
cheveux blancs, dont les discours sont écoutés comme des oracles dans 
sa famille et sa tribu ; le législateur , le juge , l’orateur éloquent , le fon- 
dateur de colonie dont tout un peuple admire et bénit la merveilleuse 
pénétration ; le prêtre inspiré , qui subjugue par la foi des contrées 
entières, dociles aux enseignements qu’il propage ; le hardi sectaire, 
qui, sans autre arme que la parole , brise 1* unité d'une partie du monde ; 
l’humble et obscur philosophe , qui , par ses doctrines ou ses écrits , 
ébranle le trône d’un puissant despote , sont autant d’exemples des pro- 
digieux résultats que peut obtenir la force morale. Souvent aussi , les 
deux forces physique et morale se combinent et agissent simultanément. 
Des conquérants organisateurs , tels que Cyrus, Charlemagne et Napo- 
léon, les emploient l’une et l’autre^ avec habileté; et Mahomet soumet- 
tant les populations de l’Asie et de l’Afrique , le koran dans une main , 
le sabre dans l’autre , ne doit pas moins ses victoires à la force morale 
qu’à la force physique. 

8. Réaction des transformations sociales sur les législations . Des 
sociétés , les lois historiques réagissent sur les institutions. A toutes les 
époques , celles-ci subissent des transformations analogues à celles des 
états qu elles régissent. Quand fa sociabilité et l’unité se déploient chez 
une nation, bientôt les institutions en portent l’empreinte salutaire; et , 
lorsqu’à son tour l’unité d’un empire vient à «e briser, la rénovation 
et la diversité doivent inévitablement réagir sur la législation , et pro. 
duire une foule de lois et de coutumes partielles en enfantant une multi- 
tude de petits états qui mènent ou recommencent une existence séparée. 
Ce morcellement politique et législatif ne cesse que lorsqu'une fusion 
progressive a rétabli l’unité. Les développements qui vont suivre don- 
neront une idée de l’influence des lois historiques sur les états , et de la 
réaction de celles-ci sur les institutions. 

« 

10 . 


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PREMIÈRE PÉRIODE 


TEMPS ANTÉRIEURS A CYRUS. 


9. Développement des premières sociétés. 

10. Gouvernements. — Deux formes primitives: théocratie , royauté. 

9, Développement des premières sociétés. Dans les diverses contrées 
du globe , la barbarie des premiers hommes se révèle tout à la fois : 
dons rélot matériel ou physique , par la grossièreté des aMtnenls , des 
vêtements ét des habitations; sous le point de me moral , par l’âpreté 
des mœurs , parla brutalité des sens et la férocité dans les combats; 
sous le rapport intellectuel , par l’ignorance, la crédulité , la supers- 
tition; sous le rapport politique -, par l’tmperfectiçn des institutions. 

Mais b* plus puissante des lois providentielles qui régissent le genre 
humain, la sociabilité, ne tarde pas à déployer son action. Bientôt les 
premières sociétés s’ébauohent et se façonnent ; les états s’organi- 
sent (<). 


(I) Dans s0q V* (ivre de naturâ rerum , le poète Lucrèce retrace éloquemment Pétât 
primitif dp genre humain et ses premier® progrès. Il peint la rudesse des premiers hom- 
mes , lçur ignorance des arts et de l'industrie , la brutalité, le désordre de leurs mœurs , 
leyrs unions fortuites et désordonnées. Puis apparaissent les premiers éléments de la 
civilisation : l'invention du langage , l'usage du feu , la construction des cités et des for- 


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( 244 ) 

Les efforts des hommes pour se tirer de la barbarie se font princi- 
palement remarquer : 

1<>. Non loin dugplfe persjque , dans la Cbaldée. Ur , patrie d’ Abra- 
ham , Harran , habitée par lui , sont les premiers sièges de la science .et 
des institutions cbaldéennes (Genèse , chap. XI , Flavius J os., liv. 1 ) ; 

2°. À Bactres, première métropole des vieux Bactriens , séjour des 
Mages et de Zoroastre.( Diodore de Sicile , liv. II , ch. 6) ; 

5°. Dans l'Inde , un des plus grands centres de la civilisation antique 
( Diod . , ibid. , ch. 1$ ); 

4°. A Méroé , en Ethiopie , où une tribu sacerdotale fonde un temple 
célèbre (Hérodote, liv. II , ch. 29 ; Diod., liv. III, ch. 1 et 6) ; 

5°. Dans la vallée du Nil, chez les premiers habitants de la haute 
Egypte, civilisés par une colonie sacerdotale détachée de Méroé 
{Hérod., 11,29; Diod. , III , 3). 

Tous ces états sont régis par des institutions théocratiques. La reli- 
gion n’est pas seulement le plus puissant des liens sociaux , elle est 
aussi par excellence un élément civilisateur. 

Le développement de la sociabilité peut encore être observé , mais à 
un moindre dégré : 

6°. Dans l'Àtourie (ou T Assyrie) , sur les bords du Tigre , où Assur , 
fils de Sem’, jette les fondemens de Ninive ( Genèse , ch. X ) ; 

7°. Dans la terre de Sennaar , entre le Tigre et l'Euphrate , où 
Nemrod, le chasseur , fils de Gham (race noire), établit le premier des- 
potisme ( Y. Genèse , ch. X. ; Flavius Jos. , liv. I , ch: 4 et 6 ) ; 

8°. En Syrie, à Damas, ville déjà policée du temps d v Abraham 
( Flav. Joseph , ibid. , ch. 7 ) ; 


teresses , la sanction de la propriété, l’institution des gouvernements et des lois, réta- 
blissement de la religion fondé sur la superstition et la crainte. Enfin , les arts prennent 
jeur essor ; le feu , le fer , l’airain sont appliqués à divers usages; les animaux sont sub- 
jugués pour l'utilité de l'bomme; ils procurent des vêtements et des tissus ^agriculture 
est enseignée. 


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( 245 ) 

9°. Sur les confins de .l’Assié et de l’Europe, chez les Phéniciens, 
qui de bonne heure donnèrent l'essor à l’ industrie et au commerce; 

40°. Dans l'antique Phrygie, que gouvernait le roi Nannach, même 
avant l’époque de Deucalion ( Suidas, aux mots ta apo Nannakou ). 

Dans ces états , ce fut la monarchie qui prévalut d’abord. 

40. Gouvernements. — Deux formes primitives : la théocratie , la 
royauté. Dès les temps primitifs , on voit donc les hommes guidés par 
la grande loi providentielle de la sociabilité , chercher dans l'état social 
un remède à la barbarie , et constituer lès premières cités. Celles-ci , 
fondées sous l’empire de circonstances diverses, sur un sol ou dans un 
climat différent varient sans doute dans leur développement. Toutefois, 
quels que soient le génie et le caractère des peuples , deux formes de 
gouvernement, la théocratie , la royauté sont généralement admises. 

La conscience que l’homme a de son néant , les terreurs qui l’assiè- 
gent , le spectacle prodigieux que le monde offre à ses regards, la notion 
confuse d’une puissance surhumaine qu'il sent et qu'il ne peut com- 
prendre, tout concourt a fait éclore le sentiment religieux. C'est parti- 
culièrement chez les antiques nations de l'Orient , que des tribus sacer- 
dotales plus habiles organisent le culte de la divinité , s'en déclarent 
les ministres inspirés et fondent le gouvernement de l’état sur l’autorité 
divine dont ils sont les représentants sur la terre. Les prêtres , dépo- 
sitaires des volontés célestes , seuls instruits an milieu des populations 
* ignorantes, acquièrent une immense influence et sont naturellement 
investis du pouvoir politique. De là, les gouvernements théocratiques. 

La royauté créée à l’image du père de famille , fondée' sur le besoin 
que les populations ont d’un chef, a pour origines , Ici l’autorité patriar- 
chale , là les fonctions de juge , ailleurs le commandement militaire 
ou la direction d’une colonie. Dans les états guerriers, la conquête, le 
pouvoir do sabre ajoutent à son intensité. 

Mais quelqu’ absolue qu’elle paraisse , l’autorité n’est jamais dégagée* 


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( 246 ) 

du contrepoids. Dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique, les 
choses de ce monde tendent naturellement à I'équiHbre. 

Une autre observation essentielle et qui domine tonte l’histoire , c’est 
que , dans la pratique , tes principes distinct* sur lesquels reposant h» 
diverses formes du gouvernement sont plutôt prédominants qu’exclu - 
st fs. Ainsi , la théocratie n’exclut pas la monarchie , pas plus que celle- 
ci n’exclut la théocratie. Seulement l'une ou l’autre prédomine, comme 
les faits nous le montreront. Occupons-nous d’abord des théocraties. 


CHAPITRE I. — THÉOCRATIES. 

Observations générales. 

11. Théocraties. — Leur caractère. 

12. Principes communs aux théocraties anciennes. 

13. Organisation sociale. — Castes. — Droit privé. 

14. Gouvernement théocratique. — Ses éléments de force. — Se 

décadence. 

11. Théocraties. — Leur caractère. Le principe du gouvernement 
théocratique , c’est que (a divinité dont émane la puissance règne par 
ses prêtres, considérés comme ses organes suprêmes et infaill ibles. 
Seuls éclairés au milieu des ténèbres de la barbarie, les prêtres, animés, 
de l’esprit divin, disciplinent les hommes , organisent le culte, consti- 
tuent les pouvoirs sociaux et dictent les lob. Quoiqu’ils régnent sur des 
peuples divers, leurs doctrines secrètes, leurs institutions politiques et 
sociales présentent le même caractère, et parfois même se communi- 
quent d'un pays à l'autre. Ainsi, les théocraties de l’Ethiopie et de 
l’Egypte ont beaucoup emprunté à celle de l’Inde (O. 


(1) Quelquefois aussi un antagonisme marqué se déclare entre des théocraties. Cette 
lutte est le résultat d'une double rivalité de religion et de nationalité. Àinri au dire d\dfr 


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( 2*7 ) 

De là , deux résultat* importants ; 

i*. Les société tant façonnées par les prêtres, les institutions reli- 
gnuses se combinent avec les iDsiiintioos civiles. La religion, en se 
■liant an gouvernement , réagit sur les lois. Toot dans l'état porte une 
empreinte religieuse. 

&>. 1a parité d’organisation sacerdotale et poütiqee , jointe à la 
«HMÜtBde du développement social , produit des analogies remarquables. 
Presque partout, les théocraties sont moulées sur le même type. 

Lorsqu’on soulève, en effet, le voile sombre qur couvre les anciens 
instituts religieux de l’Asie et de l’Afrique , on est frappé de ressem- 
blances étonnantes. A ce sujet, les grandes théocraties des Chaldéens, 
des Mages , des Brahmanes , de l'Ethiopie et de l’Egypte, pourraient 
offrir de curieux rapprochements. La théocratie juive , avec le rang 
supérieur qui lui est dû , couronnerait celte élude. Partant ainsi de la 
Chaldée , oh Abraham proclama l’ unité de Dieu , ce cycle d’institutions 
théocratiques viendrait aboutir à Moïse , qui consacra cette grande 
doctrine. Nous nous bornons à quelques indications. 

IL Principe» commun» aux théocratie» ancienne*. Entre toutes 
les théocraties connues , il existe des similitudes frappantes , tant sous 
le rapport des doctrines et du culte que de l’organisation sociale. 

Hans les enseignements religieux , on peut d’abord constater par- 
tout, soit une double doctrine, l'une mystérieuse, réservée pour les 
prêtres , l’autre vulgaire et accessible à tous , soit une doctrine unique , 
mais avec on double sens , dont l* un n'est connu que des initiés , et 
l'antre est livré an peuple. 

nob§ ( aêvmvu» gm üi let , lib. 1 ) , dan* la guerre de Ninus contre le roi de Bactriane , 
les prêtres chaldéens d’une part, les Mages de l’autre, secondèrent b l’envi les armes de 
chacun des deux peuples , en appliquant h l’attaque et à la défense toutes les ressources 
de leurs sciences occultes. Cette antipathie se perpétua. Le chaldéen Berose ne parle 
qu*en termes de mépris et de haine des Mages, qu’il accuse d’intolérance. On voit égale- 
ment dans les temps Teculés la théoeratie des Mages aux prises avec celle de l’tndoustan. 
(Y. Salverie , Essai sur les noms d’hommes , etc., t. II, p. 455 , 43(>, 437). 


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( 248 ) 

Une croyance commune aux diverses théocraties, et qui domine tous 
les systèmes religieux, c’est qu'il existe un Être suprême éternel, 
subsistant par lui-même, antérieur et supérieur à toute, la création. 
Sous les lois de cet Être infini , agissent deux principes opposés , I’iul 
bon et vivifiant , l'autre mauvais , destructeur (*). 

Les prêtres reconnaissent aussi dans chaque homme un esprit ou une 
âme distincte -du corps , une espèce de souffle divin. ou de rayon émané 
descieux , une substance immatérielle, impérissable ou sujette à des 
transmigration (s). 

~ Les autres doctrines on institutions religieuses communes aux théo- 
craties , sont : 

Des cérémonies, des mystères auxquels on est admis par < des sacre- 
mens ou par l'initiation; 

La souillure on l’impureté qui résulte pour les personnes, soit d'actes 
répréhensibles, soit de leur contact avec des objets déclarés impurs; 

L'expiation , dans ce cas , par la pénitence , la prière ou l'accomplis* 
sement de certains rites ; 

‘ Une distinction solennelle entre des animaux ou des objets réputés 
purs ou impurs; l'injonction expresse de s'abstenir de tout contact avec 
ces derniers (3) ; 


(1) V. Ecrase , antiq. Babylon. (Antiqoit. libri, v. Antuerp. , 1545 , în-8®) ; le Zeod- 
Avçsta , traduit par Anquetil-Duperron ; les Vedas et les lois de Manou ; Plutarque t 
de Iside et Osiride; Jamblichus , de Mysteriis Ægyptiorum, Chaldæorr, Assyrior. — Tou- 
tefois chez les payens la doctrine mystérieuse de l’existence d’un Être suprême est 
obscurcie ou voilée par une multitude de superstitions plus qu moins étranges. Un coite 
public est voué à des divinités secondaires qui varient selon les localités. De ces divinités, 
les unes ^présentent les principaux astres ou les éléments; les autre* ne sont quedei 
castes ou des personnages divinisés. 

(2) Jamblichus précité , de mysteriis Chaldæorum , etc. 

(3) V. le Zend-Avesta , les lois de Manou précitées ; Hérodote , liv. Il , avec les notes 
de Larcher ; Diodore de Sic . , liv. I et 111; Porphyre } de abstinenliâ ab esu animal. ; le 
bcvilique , cliap. XI et suiv. 


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( 249 ) 

Des animaux plus spécialement révérés", le culte du taureau particu- 
liérement en honneur (0 ; 

Enfin , des cérémonies funèbres, des devoirs suprêmes rendus aux 
morts (*). 

43. Organisation sociale. — Castes. — Droit privé. En Orient, 
les castes remontent au berceau même des sociétés , et prennent nais- 
sance dans une différence originelle de tribus. Dans la Cbaldée et dans. 
l’Inde, comme dans l’Ethiopie et en Egypte, la séparation héréditaire 
des classes ne permet guère de douter que ces immenses corporations 
n’aient dans le principe constitué des tribus distinctes par leur race , 
leur organisation et quelquefois même par leur langage. Dans ces di- 
verses contrées, les castes sacerdotales, en possession du rang suprême, 
fondent les théocraties. Instruites et civilisées les premières , elles ont 
à la supériorité le titre le plus légitime, l'intelligence. Elles repré- 
sentent la partie intellectuelle de la société , de même que les guerriers 
en représentent la force active , que les travailleurs en sont l’élément 
nourricier. De là cette belle fiction indienne que les prêtres sont sortis 
de la tête de Brahma , les guerriers de son bras , les laboureurs de 
son ventre. Quoique distinctes par leur origine , les trois castes dont 
se composent les théocraties de l’Orient sont unies entre elles par le 
culte, les lois et des intérêts qui se lient. Toutes trois ont dans l’état 
leurs prérogatives et leurs attributions. 

En dehors de la hiérarchie sociale et du cercle de la vie politique , se 
meuvent des races dégradées , vouées par leur condition au service des 


(1) J9ur la vénération pour le taureau ou la vache et l’idoUlrie qui en résulte , v. le 
Zeod-Avesta; Postant , Zoroastre, Confucius et Mahomet comparés comme sectaires, 
etc. (Paris , 1788) , p. 85; les livres sacrés de l'Orient , publiés par M. Pauthier , lois 
de Manou , liv. Xi, slokas ou versets 78 , 79 , 9J , 108 , 1,10-110 ; Hérodote , liv. H, 
ch. 41 ; Diodore , liv. 1 , ch. 21 et 85 ; Exode , ch. 32 ; les Rois , liv. 111 , ch. 12. 

(2) Y. le Zend-Avesta ; les lois de Manou , liv. DI, slok. 81 , 91 , 122 ; Diod . , liv. I > 
ch. 92. 


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( 280 ) 

castes. Déshéritées de toute participation aux droits des citoyens, soit 
par abus de la force , soit à cause de leur intelligence bornée , soit parce 
qu'elles sont le produit impur du mélange adultère des antres dasses, 
elles sont frappées par le législateur d’une sorte de réprobation, et 
semblent n'exister que pour l’ utilisé d’autrui. 

La distinction permanente des castes, cette figne profonde de dé- 
marcation qui les sépare, produisent des conséquences diverses. D’on 
côté , sans doute , elles présentent des avantages sous le rapport de h 
discipline, de l’ordre, de la stabilité; mais en retour, en astreignant 
d’avance les individus à une profession immuable, eBes détruisent 
1’émnlation , éteignent le génie et nuisent dT une manière déplorable an 
progrès soeial. 

Le caractère essentiel des théocraties, c’est que la religion s’immisce 
en toutes choses et pénètre dans tous les replis de ta vie sociale. Si 
rien de ce qui touche & l’organisation politique ne lai est étranger, 
elle ne néglige pas davantage l’homme privé , les actes de la viè do- 
mestique, l’intérieur de la famille. Toutes lés phases dé l’existence 
humaine lui sont soumises et sont marquées du sceau de sa puissance. 
A peine sorti du sein de sa mère, l’enfant lui est consacré, elle loi donne 
une seconde vie , le régénère par un sacrement, entoure son berceau 
de rites et de cérémonies. Quand il arrive à l'adolescence , elle règle 
son éducation , lui impose un noviciat et dirige ses premiers pas dans 
le monde. 

Mais c’est surtout Iorsqu’est venu le temps du mariage , qu’elle se 
présente à lui avec toute son autorité pour le lui ordonner comme un 
devoir, afin qu’un héritier mâle prenne place après tnt dans la famille 
et dans la caste. 

■ De là l’obligation pour tout individu pubère d’épouser une Jeune filfe 
de sa tribu ou de sa caste , en suivant les rites et les symboles prescrits; 

De là si l’union est stérile, la rnpture du premier bymen , ou encore 


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(»t) 

la polygamie , f alliance avec ans femme inférieure et leconcnbinat, 
moyens extrêmes, niais légaux pour obtenir un héritier ; 

De là l'adoption , l’adrogation, les héritiers fictifs pour tenir lien 
d’héritiers dcf sMg; 

De là enfin les avantages conférés au fils aîné , réputé l’enfant néces- 
saire. (V. les lois de Manon , IX , 186 et suiv.) 

14. Gouvernement théocralique. — Ses éléments de force. — Sa 
décadence. Plus éclairés que le reste des hommes auxquels ils s’adres- 
sent au nom d’une divinité toujours présente , qui règne , punit et 
récompense, les prêtres, investis d’une autorité souveraine, s’efforcent 
d’asseoir le gouvernement théocratique sur des bases solides et durables. 

Ce gouvernement a pour principaux éléments de force : a ) la croyance 
religieuse, que la caste sacerdotale s'attache à conserver intacte au sein 
de la population soumise à ses lois ; V la pleine confiance que celle-ci 
a dans ses prêtres, qu’elle considère comme ses appuis , ses guides , 
ses consolateurs; ») la protection inviolable, sous peine -de sacrilège , 
qu’assure le sanctuaire à ceux qui vivent sous son égide; *) la prospé- 
rité dont jouissent l'industrie et le commerce, à l’ombre de temples 
oh affluent sans cesse une malt! tude de pèlerins et de caravanes; •) enfin, 
la modération de la puissance sacerdotale , toujours moins rude , parce 



Mais comme Pieu seul est éternel , et que tout ce qui existe ici-bas 
est sujet à la loi du changement, les théocraties voient aussi leur fin : 
4°. lorsque les prêtres, s’abandonnant à la corruption ou à l’ignorance, 
sont moins vertueux et moins instruits que les classes qu’ils gouvernent ; 
2°. quand les peuples, travaillés par des idées nouvelles, n’ont plus foi 
dans l’ancienne croyance ou adoptent une autre religion ; S*, quand 
d’autres castes plus remuantes, plus nombreuses , deviennent assez 
passantes pour supplanter les prêtrés ; 4*. lorsqu’une race étrangère 
tient subjuguer le pays et absorber son gouvernement. 


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( 252 ) 

D’antres causes peuvent encore altérer les théocraties. Lorsque plu* 
sieurs castes sont en présence dans l’état ,■ il est difficile que l'harmonie 
et l’équilibre régnent constamment para*i elles. Les rivalités qui sur- 
gissent, donnent lieu à des conflits plus ou moins opiniâtres. La caste 
des guerriers, dépositaire de la force, a le plus de chances de rem- 
porter 9 surtout quand par l’affaiblissement de la foi religieuse , l’ascen- 
dant des prêtres diminue. La monarchie naît alors de la prépondérance 
militaire. La royauté dévolue à un rajah , à un Pharaon , à un chef de 
guerre belliqueux , devient puissante au dedans et au dehors. Si ce sont 
les prêtres qui triomphent dans la lutte , la décadence de l’état et même 
l’indépendance nationale, peuvent être la suite de l’imprudence qu’ils 
commettent en réduisant trop la caste des guerriers. L’Inde a péri , 
parce que les Kchatriyas et les rajahs ont été trop abaissés par les 
Brahmanes. 

Après ces notions générales sur les théocraties anciennes , envisa- 
geons successivement celles que l'histoire signale comme les plus im- 
portantes. 


THÉOCRATIES ANCIENNES 

DEPUIS LES PREMIERS TEMPS JUSQU’A CYRUS.g 

S 1. Théocratie chaldécnnc. 

15. Antiquité des Chaldéens. — Leur succès dans les sciences. 

16. Leurs vicissitudes. 

17. Institutions chaldéennes. 

15. Antiquité des Chaldéens . — Leurs succès dans les sciences . 
Formant l’une des branches les plus importantes dé la race de Sem , 
les Chaldéens, dont l'idiome est le fond de la langue sémitique , sont 
une des nations les plus anciennement civihsées de h terre. Peuple do 


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( 355 ) 

pasteurs sous un ciel sans nuage , ils s’adonnent de bonne heure à la 
contemplation des astres, à l’étude de leurs mouvements. De là les con- 
naissances qu’ils acquièrent en astronomie et en calcul. C'est parmi eux 
qu’ Abraham , avant de quitter la Chaldée , reçoit les premiers 
éléments de ces deux sciences où il devient fort habile. ( Flavius Jos . , 
liv. I , ch. 7 et 8 ). Leurs prédictions des éclipses leur concilient sur- 
tout les respects des peuples voisins qui les regardént avec une admi- 
ration mêlée de crainte , comme les interprètes et les confidents du 
ciel. Leur réputation s’étend même jusque dans les contrées lointaines , 
qui leur empruntent leurs découvertes (*). C’est ainsi que les Egyptiens 
tiennent des Chaldéens le pèle, le cadran solaire et la division du jour 
en douze parties. ( Hérod . , liv. II , ch. 109). En philosophie , quelques- 
uns de leurs enseignements sont pleins d’élévation. Selon eux , toutes 
choses ont reçu d’une providence divine l’ordre et l'arrangement qu’on 
y observe, et ce qui arrive dans les cieux n'est que l'accomplissement 
de desseins suprêmes fixés à l'avance par des lois invariables. ( Diod . de 
Stc. p liv. II, ch. 39 ). 

A ces connaissances , d’un mérite réel , les Chaldéens en joignent 
d’autres plus futiles mais qui dans ces temps d’ignorance ajoutent 
peut-être davantage à leur considération. S’appliquant à la divination, 
ils tirent des pronostics du vol des oiseaux ou des entrailles des victi- 
mes , interprètent les i songes et les prodiges , et à l’aide de paroles 
magiques , s'efforcent d’écarter le mal et d'attirer le bien. (Diod. , ibid). 

46. Vicissitudes des Chaldéens . C’est dans la Mésopotamie , à Ur 
etàHarran, que les .Chaldéens ont leur premier séjour, et dévelop- 


(1) Les Chaldéens , dit Albufarage, se distinguèrent entre les peuples par leurs obser- 
vations astronomiques , étudièrent la nature des astres , leurs influences secrètes. Ils 
portèrent ensuite cette science dans TOcçideut.... (■ Histor. dynast. , p. 184 ). — V. au 
surplus sur les connaissances astronomiques des Chaldéens , Pkilon , lib. de Abrah. ? 
p. 482 ; Maimonide s , More nevochim seu doctor perplexorum , pars 3 , cap. 26 ; JJyde 
Je Ycleri Pers. relig. , p. 60 et 86. 


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(**) 

peut les éléments de la sociabilité. C’est là qu'ils foraient séparément 
mm caste religieuse et savante. Leon doctrines se transmettent du 
père an fils par tradition. Puissants par l'étendue de leurs connais- 
sances, las Cbaldéens jouissent sans dente, dans te principe, d’un 
immense ascendant sur les peuplades d’alentour. Toutefois, sons le 
point de vue politique, iis ne tardent pas à être supplantés par le des- 
potisme militaire , de sorte que la théocratie n’a dans la Cbaidée 
qu’une importance secondaire. 

Eu eCet , après la destruction de la tyrannie du branche Nemrod , 
issu de la race noire de Chant, lorsque tes Assyriens, de la race basanée 
de Semse sont emparés de Babytaae, un souverain d’Assyrie , Brien 
peut-être Nions , traefère dans cette capitale les Chridéans , qui sont 
de la race de Sem, et les investit du sacerdoce comme les hommes 
les plus instruits de l’époque. Dans l’intérêt du prince et de l'empire , 
iis restent chargés de l’observation dos astres. 

Bri ou N inus ayant été divinisé après sa mort, aa veuve Sémiraatis 
fait élever au nouveau dieu , au centre de l’nn des deux grands quar- 
tiers de Babyloue , un temple gigantesque, qui, suivant l’usage de 
l'ancienne Asie, devient le lieu de réunion, le pèlerinage et la métro- 
pole de tontes les populations qui suivent le même et*Ue. Nous y retrou- 
verons plus tard tosChaMéens W. 

Les nombreuses révélations survenues à Babyloue ,1e démembrement 
de l’empire à la mort de Sardanaprie , l’ avènement d’tme nouvelle 
dynastie sons Nabon-Asser , qui régna en 747 av. J.-C. , la prise de 
Babylone, en 680 , par Assar-Haddon , roi de Nuire, fa restauration 
de l’empire , à l’aide d’une nouvelle race guerrière de Cbaldéens , les 
règnes militaires de Nabopolassar et de Nabuchodonosor (624-56$) , 


(1) Indépendamment de celte caste de prêtres et de savants , noos verrons apparaître 
au VH* siècle av. J.-C., une race barbare et conquérante de Cbaldéens , qui opéra d a ns 
l’empire d’Assyrie une importante rénovation. — Sur cm guerriers cbaldée n s , v. JWro d., 
liv. Y1I, ch. 65; Xenophon Cyrop. , liv. m, ch. S. 


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( m ) 

lacqaquête 4e Cyrus, ea 538 la révolte et la réduction des Babylo- 
nien* , en CW, par Darius , fils d’Hyttapes , l’invasion d'AIexaodre-le- 
Grand , tant de vicissitudes et de mutations divenes ont altéré si pro- 
fondément l’ancienne théocratie cbaldéenne , qu’il est fort difficile d’en 
pouvoir apprécier les institutions. Quelques traits cependant peuvent 
encore être distingués. 

17. Institutions chaldéennet. Les prêtres cbaldéens , adorateurs 
d’un dieu universel représenté par le soleil ou le feu , ont en matière 
religieuse des doctrines qu’ils tiennent secrètes et qui ne sont pas révé- 
lées au vulgaire. 

Pour le culte comme dans les usages de la vie ordinaire, ils distin- 
guent des animaqx purs ou impurs. Ainsi , il n’est permis de sacrifier 
suri’autel d’or de Bel que des animaux encore à la mamelle , parce 
qu’un jeune animal qui tetteest toujours pur. ( Hérod ., liv. I, ch. 183 W. 

Toutes les souillures contractées par quelqu’impureté doivent être 
lavées ou eflaçées par une purification , consistant en ablutions et en 
parfums. Toutes les fois qu’un babylonien a eu commerce avec sa 
femme , il brûle des parfums auprès’desquels il s’assied pour se puri- 
fier. Sa femme en fait autant de son côté, lis se lavent ensuite l*nn et 
l’autre à la pointe du jour. (Hérod. , 1 , 198) (*). 

L’ hospitalité est proclamée comme un devoir religieux dont nul ne 
peut s’exempter. Des hôtels publics sont même entretenus dans quel- 
ques tulles pour y recevoir gratuitement des pèlerins. ( Lucien, de la 
déesse Syr P)). 


(1) Y. les lois de Manou , liv. V , slok. 130. C’est sans doute aussi par un motif reli- 
gieux que trois tribus babyloniennes ne vivaient que de poisson. (Héroâ . , I, 200). 

( 2 ) La liqueur séminale et la sueur , sont deux des douze impuretés du corps humain. 
Le bain est ordonné comme moyen de purification pour celui qui a eu commerce avec 
une femme. (Lois de Manou (liv. Y , slok. 63 , 135 , 144). 

(3) Y. lois de Manou (liv. m , slok. 80 , 99 et suiv. ; IY , slok. 29). Qu’aucun hôte ne 
séjourne jamais dans la maison d’un brahmane sans qu’on lui ait offert avec les égards 
convenables un siège , des aliments, un lit, de l J eau, des racines ou des fruits. 


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{ 286 ) 

Dss règlements déterminent les cérémonies des funérailles. Le convoi 
funèbre, les obsèques, le deuil ressemblent beaucoup à ceux des 
Egyptiens. ( Hérod . , 1 , 198 ). 

Comme les autres théocraties, celle des Chaldéens comprend trois 
castes héréditaires : les prêtres , les guerriers , les travailleurs ou pro- 
ducteurs. Ceux qui exercent une profession , se distinguent par un 
emblème caractéristique. Le bâton travaillé qu’ils portent à la main 
est surmonté d’une pomme , d’une frose , d’un lys , d’un aigle ou de 
tout autre figure (*). 

Hors de la société civile , vivent les esclaves saisis à la guerre , achetés 
à prix d’argent ou nés dans la servitude. 

Dans la famille , le législateur, pour combler les vides que produit la 
mort et prévenir le morcellement des biens s’attache à resserrer les liens 
du sang par des unions. Le mariage est non seulement recommandé 
entre cousins, il est même autorisé entre frère et sœur. 

Parmi les modes de mariage, le plus solennel est le mariage religieux. 
Dans les cérémonies qui l'accompagnent , les époux coupent leur che- 
velure et l’offrent à la divinité. 

L’adoption supplée à l’absence d’un héritier du sang [Diod. 11,4). 

Là se bornent les trop rares documents que la haute antiquité nous 
a conservés sur la théocratie chaldéenae. 


(1} Dans l’Iode , chacune des trois castes de régénérés doit porter un bâton d’an bois 
à part et d’une hauteur differente. Le bâton d’un Brahmane doit être assez long pour 
atteindre ses cheveux; celui d'un Kchatriya (guerrier) doit s'élever jusqu'à son front; celai 
d’un Vaisya (agriculteur ou marchand) jusqu'à son nez ( lois de Manon, Il , 45-47). Ces 
rapprochements entre les lois indiennes et celles des anciens Chaldéens sont curieux 
à étudier. 


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(257) 

§. 9. Théneratie des Nagea. 

48 Peuples de l’iran entra le Tigre et l'Indus: 

19 Ancien ascendant des Mages (feras ces contrées. — Leur science.— 
Leur austérité. 

âOZeroaatreJ’aDcieo. 

91 Yinimiludwi des Mages. 

22 Organisation sociale. — La. famille. 

23 Castes., -7 Puissance des Mages. 

24 Gouvernement. 

19 Peuples de TIran entre le Tigre et'PJndus. Après les tihatdéens 
delà race basanée de Sein, voici venir maintenant deux divisions im- 
portantes de la race blanche de Japhet, les Iraniens et les Indiens, deux 
grandes familles du même sang, dont les idiomes le zendet le sanscrit 
sont primitivement issus du thème fonds, comme les nations elles-mêmes 
sont sorties d'une mètne souche (*). - c.-, 1 

Les peuples d’Iran forment une famille nombreuse, qui sé déVelbppe 
principalement entre le Tigre et l’Indus. Liés par une I origine com- 
mune, il» restqatde tout temps «4 «ontapt par les relatums dp vpjsinage, 
par i’idiQme > et plus encore par le, culte , qui , dans ,qa simplicité pri- 
mitive , se boroeA l'adoration des astre» et dll feu .sacré r; ... 

■ ■ Pariai les peuples de l’Iran se distinguent surtout les Uèdas , les 
Perses et.cetterao» antique des Sartriens, dont l’empire fut de bonne 
heure, sijrenommé on Orient. > -, : . • , r 

19. Ancien *eecr\d#ntde»Mogee. — Lever -*-,Leur t «utfàrité t . 

C'eut, pawÉtrfl.IaBseUfanequi eetle^ premier siége-de la>peis«M£» dos 
Hages , cette caste si fameuse par sascience , ses découverte» pt se» 

(i) C’e»t un fait singulier et bien digne d'attirer l’attention que de trouver rappro- 
chés deux idiomes (le zeod et le sanscrit), qui , sortis primitivement de la même source, 
ont été sépaié*rtm dfrl’autre fc des époques dont la date se perd dans l'antiquité la plus 
reculée. (Comment, d’une ,trad. nouv. du Veodidad Sadé, par M. Bwrnouf, p. 5). 

17. 


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( 238 ) 


merveilleux prestiges. Seuls intermédiaires «fttre le ciel et b terre , les 
Mages sont exclusivement chargés du culte .des prières , des sacrifices A. 
leurs cbotranes reUgieoseg iis joignent des abstractions métaphysiques . 
Ils dissertent sur la substance et b génération des Dnu , art nombre 
desquels ils pbcent le feu , b terre et l'eau. Ils désapprouvent les images 
et les simulacres, et combattent l’erreur do ceux qat McsunaimeUt Ans 
sexes parmi les divinités. Les sciences occultes leur sont ftW i Bil ret. 
Ils étudient fart de présager l’avenir, conjurent les Dieux e» les appari- 
tions, dont ils prétendent que les airs sont remplis. Leur bagfcette divi- 
natoire à b train , ils font tomber à leurs pieds les peuples frappés de 
lp^ y prédictions et stupéfaits de tours prodiges. Par l’observation des 
autres ( iU prévoient les éclipses,, et, par l’annonce de ces phénomènes 
TKtWmth i «b imposent puissamment à b multitude. Leur vie ansr 
tàre ajoute à leur considération. Ils condamnent les ornements et b 
objets d’or , ne se vêtent que de robes blanches , coachent-sot b terre , 

vivent d’herbes, de pain et de fromage [Diogène Laerce. Vie des 

anc. pbibe. , prébee, )(*). . 

S0> Toroattr* f ancien. &’» est nn nom révéré dan# r Orient esso- 
tonvé dans une longue saké de siècles de b reconnaissance et du res- 
pect des peuplés ,c’e*t celui de Kaneien ZeroastrC, prenéer fondateur de b 
religion des Mages, Introducteur de bfaswose décida* du double prin- 
cipe, bon ou «année, fécend et» destructeur , persomfiié daM’OruHu 
et Ahriman. L’existence de Zoroastre remonte «w berceau delà chi#- 
aétkfti «tfeiHSie. G'mètas bAactrhn» , cwiWn * que su vépaddknt 
d* abord ms enseignements, que b tbéoemde fondée psr lu» devèeut flurb' 
santé» Du temps de Sémtnund» et de N inus, déjà on trouve le cuite des 
Mages organisé, déjà on voit aux prises les deux religions des Chaldéens 

(f) ()ueî(pres-uns de ces enseignementset de ces usages dffrent de nouvelle# preuve# 
d*uih antagonisme entre les Mages et les Brahmane*. €enx-ei rewssÜNileilttei âèniè~ 
tés mâles et femelles etpertawft de» ornements en*or.-{¥. eô4eems t ns ii f note 1. 


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( 259 ) 

et des Mages. Honoré des peûples comme le symbole d’un mérite suf« 
humain, te nom de Zotoostre , auquel se rattachent de saintes et mysté- 
rieuses traditions , est successivement porté par des rois pontifes , par 
des chefs du sacerdoce , et devient la personnification de la vertu ei de 
la sciénce (*). Quoique soumises à bien des révolutions politiques, les 
antiques institutions du premier Zoroastre se conservent plus ôû moins 
IntactesjUsqu’à ce qu'ellès soient réformées par un autre Zoroastre, con-î 
temporain de Darius, fifed’Hystapès, vers l’an 520 avant J.-C. 

21 . Vicissitudes des Mages . Dans ce long intervalle qui s'écoule 
depuis les premiers temps historiqàesjasqu* au VI e siècle avant J.-C., la 
destinée des Mages est sujette à de nombreuses mutations. Vaincus avec 
les Bàciriens dans la lutte sanglante qu’ils soutiennent contre Ninus, ils 
voient passer au pouvoir des Assyriens Bactra leur métropole. Après 
cette grande défaite , qui atteint surtout les prêtres dominants dans le 
pays , les uns se soumettent au vainqueur , les autres se réfugient en 
Arménie, où régnait également la religion de Zoroastre. Sous les mo- 
narques assyriens , successeurs de Sémiramis et de Kinias , la fortune 
des Mages s’éclipse jusqu’à ce qu’elle reparaisse avec éclat lot s du 


(I) L* Abreviateur de Berose , publié par An ni us de Vilerbe , rapporte que Cliam, l’un 
de» mn de Noé , fat surnommé Zoroastre parte qu'il était sans cesse occupé de l’éludé de 
la magie; de là, selon Salverte , l’usage de donner ce nom de Zoroastre aux chefs du sa- 
cerdocé et aux hommes qoi excellaient dans la science occulte des Mages ; de là encore, 
suivant lui, h confusion qu’a fait naitre l'identité de nom. (Essai sar lus noms d’hommes, 
etc., 1. 1 , p. 388 , t. 2 , p. 378 , 430 , 479). Indépendamment du fils de Noé , Moïse da 
Chorèoe , Céphalion cité par Eusèbe , et Justin font mention d’un Zoroastre, roi de Bac- 
Iriane , qui prinme dMurartes magie os invemsse et mtmidi principes sideruriqua 
moins spoctasss ( Justin ; histor. lib. 1, cap. 1 ). D’autres personnages du même nom 
ont encore existé. ( Saltefte , Ibid. , p. 430). Cette répétition dé noms identiques a 
donné éasasaice à 'des dÜKcèllét historiques analogues à celles qu’a soulevées l’exislebce 
multiple d’Hermès , de Bacchus , d’Hercule , etc. — V. au surplus Diogène Laerce , Vie 
de» phiîoèoph., préface ; Pline, lit. X5tX, ch. 1 ; Ammien Marcellin, lit. XXIIt, et. 6 ; 
et lee netes-de Henri Valois, p. 47 ! ; Grégoire de ZVnrs, Hist. Eccl. des Fraécs , lit. t ; 
Suidas , au mol Zoroastre ; Bayle, Dictionn. , au mot Zoroastre ; Gibbon , Hist. de la 
ffédad. de ferâp. ront. ,*t. 2, p. 6-22 ; Pttdeaux , Hist, des Juifs' ‘lit. IV ; Rollin, Ifist/ 
anc., lit. IV; fèhmy , Hedb bout, fui Khist. anc. , p. 442. 


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( 260 ) 

démembrement de l'empire d’Assyrie, au VIII e siècle. (V . Diodore de 
Sicile, liv., II, ch. 6 et 21 ). Après b mort de Sardanapale , quand i im- 
mense rénovation quis* opère amène les Mèdes au pouvoir, nous retrou- 
vons toute puissante la caste sacerdotale des Muges, signalée par te 
historiens comme l’une des six tribus mèdes. (Hérodote , liv. 1 , ch. 
97-101 ). C'est alors Ecbataçe, fondée par Dejocès, qui devient le siège 
et le centre de leur théocratie. Sous .les rois mèdes , dent ils-sont les 
ministres et les conseillers , les Mages conservent leur autorité jus- 
qu’à lachùte d’Astyages , époque où Cyrus et les Perses dominent à 
leur tour. (Hérod . , ibid. , 107 ). Après la mort de Çambyse , fils de 
Cyrus ,’ les Mages ressaisissent un instant le pouvoir pendant le règne 
éphémère du fauxSmerdis, l’un d’entre eux. Mais quand celui-ci est 
renversé par la conjuration des sept seigneurs perses , les Mages sont 
enveloppés dans un massacre général, dont les Perses conservent le 
souvenir par une fête annuelle. Pendant sa durée, il n est permis à au- 
cun Mage de se montrer. (Hérodote, liv. III, ch. 67-76 ). Réformes par 
un nouveau Zoroastre sous Darius , fils d’Hystapès , les Mages existent 
encore sans doute , mais ils ne forment plus une caste sacerdotale héré- 
ditaire ; ils peuvent être choisis dans toutes les classes de la société, et 
leurs fonctions ne se transmettent plus par voie de succession. 

22. Organisation sociale. — La famille. Les documents qui se 
rattachent à l’ancienne théocratie des Mages sont peu nombreux ; c est 
à peine si le temps nous a laissé quelques données à cet égard. Qu&ss â 
la famille , chez les Mages comme dans les autres états de l’antiquité , 
le législateur s’applique à la perpétuer, parce qu’elle est à ses yeux la 
première pépinière de la société. La religion ordonne à toute personne 
pubère de se marier et de procréer un héritier. La fécondité est hi®#“ 
rée comm e une vertu ; l’impuissance et la stérilité comme un opprobre. 

Les unions entre proches parents sont spécialement recommandées. 
Si l’on remonte à la source de cet usage commun à plusieurs nations , il 
est permis de croire que trois raisons plus ou moins puiNUiten , selon 


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( 261 ) 

les temps et les lieux, ont à cet égard inspire les législateurs. Ils parais*» 
sent avoir eu pour but : 

i° D’empêcher toute alliance avec des étrangers ou des idolâtres ; 
motif de sécurité , scrupule religieux très-plausible dans les temps oit 
les peuples se regardaient comme ennemis ; 

2° De mettre obstacle au morcellement des possessions , de préve* 
nir les discussions et la discorde en confondant les intérêts ; 

3° D'accroître la sainteté du mariage en lui donnant pour bases Io 
spiritualisme , l’union des cœurs , une affection pure et durable, plutôt 
que le matérialisme des sens , qu’un amour physique et grossier, qu’une 
ardeur éphémère sujette à s’éteindre par la satisfaction. 

La polygamie, bien qu’elle soit tolérée, n'est pourtant qu’une excep- 
tion. Lorsqu’un hoihme a des enfants de sa légitime épouse , d’autres 
femmes tae sont pour lui que des instruments de sensualité , et par 
suite leur possession est toute profane. La religion ne bénit pas ces 
unions secondaires de pure fantaisie. Ce n’est que quand la première 
épouse est stérile que la loi admet la nécessité d’une autre union, légiti- 
mée en quelque sorte par le besoin d'un héritier. C’est alors seulement 
le cas de la polygamie. 

23. Castes. — Puissance des Mages . Ici, comme dans les autres 
théocraties, la population se divise en trois castes : lès prêtres, les guér^ 
t iers , les travailleurs , comprenant les laboureurs et les artisans. A la 
tête des prêtres marche un grand pontife, chef du culte ; il jouit d’une 
haute considération» et souvent le roi réclame ses conseils et son inter- 
cession. La seconde caste est celle des guerriers ; ils résident dans des 
enceintes fortifiées et veillent à la défense du pays. Des lois spéciales 
protègent et encouragent l’agriculture (t). 

Des diverses castes reconnues et consacrées par Zoroastre , la plus 


(1) Des traces plus ou moins altérées de celle ancienne organisation se retrouvent 
dans le Zend-Avestj, code religieux plus moderne /dont nous parlerons ultérieurement» 


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{ 26 2 ) 

inûucntc est sans contredit celles des Mages. Prêtres , savants , physi- 
ciens expérimentés, leur ascendant, auquel rien ne résiste, a pour triple 
base l’autorité que leur donne la religion , l'étendue de lpors epo nais- 
sances, leur habileté dans la magie et les sciences occultes. Comme les 
Chaldéens et les prêtres de l'Inde . ils s'appliquent à l'astrplogie et in- 
terrogent l’avenir par des évocation; cabalistiques. 

' 24. Gouvernement. Le gouvernement des Mages est uue théocratie 
mélangée de royauté. (V. ci-dessus,. n® 10). Même mm époques les 
plus reculées , op yoit dans la Bactfiane , dans la Médje , la Perse et 
l’Arménie, la monarchie se combiner avec le pouvoir des prêtre». Tou- 
tefois, c’est à ceux-ci qu’appartient la prépondérance. Ils siègent dans; 
les copseils du monarque, qui ne règne que par leurs inspirations. Dès 
son enfance, l’héritier de la couronne est confié à leurs soins. Lorsqu’il 
arrive à la jeunesse , quatre sages recommandables par leurs éminentes 
qualités complètent son éducation. ( Platon, I er Alcibiade,, t. V, p. 80, 
delà trad. de M. Cousin). , , 

Parmi leurs importantes prérogatives les Mages comptent encore le 
droit de rendre la justice. Dépositaires et interprètes sacrés de la loi de 
Zoroastre, ils l’appliquent aux contestations qui s’élèvent. Suivant l’es- 
prit même de la théocratie, la doctrine religieuse est la base de la juris- 
prudence. (V. n° 11 ). 


g S. Théocratie Indienne. 

25. Siège de la société indienne. — Le Gange. 

26. Histoire de l’Inde, — Développement social. — Formation des 

castes. 

27. Action des lois historiques sur l’Inde. 

28. Histoire des institutions. — Lois de Manou. — Trois époques.— 

Temps primitifs. 

29. Deuxième époque, XIU® siècle. — De lafamillc» . 


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(2G3) 


30. Constitution des castes; 

34. Les Brahmanes 

3Ôv he&^MeM wK cht$triy<i$> 

iRk Lfes VëifyK o» producteurs. 

34. Im Smdrai ontervtteurs» 

53. Les communes indiennes. 

36. Gouvernement central. 

37. Troisième époque, IX e siècle. — Etat de la famille. 

38. Etat social. — Mélange des castes. — Décadence. 

23. Siège de la société indienne. — Le Gange. La terre arrosée par 
le Gange et l’Indus est signalée des premiers temps commo une contrée 
bénie du ciel , riche en productions de tout genre. Remarquable par 
les végétaux et les animaux qu’elle fait éclore , elle ne l’est pas moins 
par les métaux précieux qu’elle recèle dans son sein ( ! ). 

Quelque respectable que soit l’ Indus dont elle tire son nom, le Gange 
est pour l’Inde le fleuve par excellence. Comme le Nil pour les Egyp- 
tiens , et le Jourdain pour les Hébreux , c’est le fleuve sacré. Son eau 
merveilleuse n’a pas jailli des entrailles de la terre ; elle est émanée du 
paradis où réside le dieu Vichnou. Au Gange se rattachent une foule de 
traditions historiques ou religieuses. Son onde a une vertu expiatoire. 
Ceux qui s’y baignent sont lavés de leurs souillures; ceux qui en boivent 
obtiennent la rémission de leurs fautes. Pour abréger les tourments 
qu’endorent les Ames des coupables , 8 faut arroser leur cendre avec de 
Few tk Gange (*). 

C’est a mai sur les rives de ce fleuve qu'est le berceau des anciens 
héros ; c’est là qu’apparaissent les premières bourgades composées do 
populations agricoles groupées autour d’un temple ou vedar • 


(1) Hérodote , Bt. IÜ , chap. 100 , KteHas indicorum liber in Pfiotii bibliothecA cod. 
74, Sirmbon, kv. VH, Diodore dê Sicile, lhr. H , eh. 16*10, 36-56', XVIII , ch. 6 ; Pline, 
ïv. XI ; Ptolemée , lhr. XIV ; Arrien , historiæ indicée liber. 

(2) Lob de Manou, Uy. VIII, dolu ou Yerscl 02 ; Maltcbruti, géograph. univ., liv. 145*. 


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( 264 ) 

26 . Histoire de V Inde, -r Développement social. — formation des 
castes . L'Inde présente certaines époques de grandeur et de décadence ; 
mais elle n’a point de chronologie, Toas les eSoits ^tentés jusqu'à ce 
jour pour reconstituer son histoire ont été sape résultats. C est que 
l'Inde , divisée en nombreux états , a manqué presque constamment de 
centre et d’unité. Aucun pays de la terre n'eSre pins de jnereeBements. 
Une multitude de royaumes fondés dans llndenstan même ou dans les 
deux presqu’îles en-deçà et au-delà du Gange , surgissent à toute? les 
époques , viveqt quelque temps et rentrent dans l’ombre. Avec en se 
succèdent et disparaissent les rajahs , les dynasties. Ce sont des fils 
coupés, brisés, confondus ou renoués différémment qu’il est impossible 
aujourd’hui de reconnaître et de saisir. 

D’après les traditions grecques, lés premiers mythes indiens con- 
cernent Bbcchus et ses hauts faits. ' 

Les montagnés agglomérées au centre de l’Asie portent le nom de 
Merou. C’est l’Olympe indien , la patrie des Dieux et des hommes ; 
c’est le berceau de Bacchus (*). 

Devenu puissant par sa vaillance , Bacchus fonde , en mémoire de sa 
nourrice , la ville de Nysa , près du mont Merou. 11 y est lui-méme 
après sa mort honoré comme uu dieu ; d’où son nom de Dionysios ou 
dieu de Nysa ( 1 2 ). 

Les conquêtes de ce héros ont eu un long retentissement. Ses décou- 
vertes, ses institutions ne soqt pas moins fameuses. « Il fonda des cités 
importantes, transféra les villages snr des sites mieux choisis ; iÿ orga- 
nisa le culte qu’on doit rendre à la divinité ; U rédigea des loin et fonda 
des tribunaux..... » , , 

(1) V. Maltebrun , lit. 145. De là ce mythe que Bacchus fut caché dans la cuisse de 
Jupiter, parce que mero* en grec signifie cuisse. Qn reconnaît Jà l’knaginaUoa ,dcs Grecs. 

(2) Sur la TiUc de NySa que Bacchus -Domina ainsi , dit-on , en mémoire de sa nour- 
rice, V. Arrien , expéditions d’Alexandre, Ht. V., ch. 1 ; QidnU-Curce? lie. VU chw 10; 
Diodor* , lnr. XVU , çh. 84 (sommaires). 


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( 265 ) 

Après un grand nombre de siècles , celte monarchie créée par Bac- 
cfans s’éteignit » et tes Tilles adoptèrent le gouvernement républicain. 
{Diod.,hv. II, di. 38.) 

Telles sont les traditions conservées par les Indiens habitant* des 
montagnes. Maintenant, si nous interrogeons d’autres documents sur 
d’autres parties de l’Inde , voici venir le 7 erkerai-Âitaiatm, manuscrit 
persan qu’un colonel français ( Gentjly rapporta de l’Inde en France au 
XVIII*. siècle. 

< Cet ouvrage , dit Anquelil-Duperron , renferme l’histoire des rois 
de l’Indoustan depuis le premier rajah connu jusqu’au temps .où l’anteur 
vivait, sur Iq fin du règoe d’Aurengzeb, mort en 1707. ,Dans sa préface, 
l’historien indique le nom des ouvrages samskretans et persans sur 
lesquels il a travaillé. Le morceau qui regarde les rajahs est le plus 
curieux et le plus considérable. 11 présente l’histoire abrégée de cent 
trente-six rajahs dont la.liste , fermant douze dynasties, donne environ 
3400 ans de règne..... > (Législation orientale, p. 191.) 

(Jn savant anglais , William Jones , d’après les travaux auxquels il 
s'est livré sur des documents originaux , divise de son côté l’histoire 
ancienne de l’Inde, ou plulÔtduMagada, en cinq dynasties. La première 
commence au roi Pradiota , vers l’an 2100 avant J.-C. , et finit au roi 
Manda, vers l’an 1502 ; elle comprend seize rois. La seconde n’en con- 
tient que dix et s’arrête à l’an 1365 av. J.-C. La troisième dynastie , 
celle des Sunga, composée de même de dix rois, finit en 1253 ; la qua- 
trième, celle des Canna , n’a que quatre rois et dure jnsqn’en 908. 
La cinquième, celle des Àndrah, présente une snitè de vingt-et-un rois 
jusqu’à l’ah.456. Ce serait sous cette dynastie qtf aurait éclaté, an VI e . 
siècle av. J.-C. , le grand schisme de Bouddha , qni , en brisant F unité 
religieuse , ouvrit pour FInde une ère nouvelle. . 

Mais dans ce cadre ainsi tracé se trouvent de nombreuses bennes. 
LJ histoire complète et suivie de l’Inde est impossible. 

Suivant les vraisemblances , b société indienne ae forma primitive- 


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( 366 ) 

ment sur les bords du Gange de l’agglomération de tribus appartenant 
à diverses rases. La religion et 1© besoin d'une défense commune opé- 
rèrent entre ces tribus d’utiles rapprochements. 

Peut-être aussi sont-elles restées long-tempe à l’état de confédération 
avant dé penser à se réunir en une seule association politique. 

Toutefois des vocations diverses pour l’élude , pour la guerre, pour 
l’agriculture et le commerce, ont pn restreindre peu à peu chaque tribu 
à une spécialité déterminée. A l’imitation du corps humain , dont tous 
les membres concourent à un bnt unique en conservant chacun leur des- 
tination , eHes bnt pu , en combinant leur action / arriver à ne former 
qn’nn seul corps composé de plusieurs castes dont les fonctions, quoique 
Séparées , coopéreraient h Tutifité commune. Ainsi les Brahmanes , 
comme partie intelligente issue du cerveau de Brahma , ont constitué 
ta tète du corps social / seule chargée de présider à sa direction ; les 
guerriers (Kchatriyas) , sortis des bras du même dieu , sont devenus les 
bras , c’est-à-dire les défenseurs de Tétât ; les Valsyias , nés dn ventre 
de Brahma , ont été", comme caste agricole et industrielle , la partie 
nourricière de la société. 

Ainsi se sont organisées les trois castes des prêtres , des guerriers , 
des producteurs. Placés hors du cercle religieux et politique , les servi- 
teurs ou ioudras ont été relégués dans un ordre inférieur. La loi de 
üanou ne les comprend pas parmi les dwidjàs ou régénérés, qui seuls 
composent la nation indienne. 

27. 4c(to» des fais Àisfof tgttf# «tr l’infa Si l’on recherche gpe#e 
a pu être sur les destinées de l’Inde l’açtiqa des Lots Hs^iqWb-ap pro- 
videntielles, on est frappé de Ig prodigieuse influence qn’exefçèeeat 
surtout les deux lois correspondait## d# lareppvatiou et de la diversité. 
( Y. ci-des&us, n° 3.) Dans las premiers siècle# « sans doute, la sociabi- 
lité , l’unité policèrcpt et réunirent sous une mémo loi religieuse diver- 
ses populations jusque-là barbare#- Mÿi les viUagoa ou jnraau* indiens» 


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(* 67 ) 

disséminé» m lins» les. points du territoire , n eurent jamais oes rap* 
porta iniMMff, cone foroa de eobéaioo qui lent bt stabilité des états* 
Ces oitée tod^endeniea» ayant chacune son argmisatinn séparée, son 
Mur w temple # souvent mémè son iqjab distinct , foent un obstacle 

perpétuel a une permanente et solide union. Jamais il ne s'éleva d une 
manière durable de gouvernement central, de métropole-prédominante. 
Faute de grandes villes fortifiées et liées entre elles par un pouvoir 
commun , les invasions et par suite les révolutions devinrent plus faci- 
les* Chaque rénovation fut considérée comme une création nouvelle (lois 
de Manou, liv. IX, sloka 100,227). Sous un autre point de vue, l’absenco 
d'harmonie et de bonne intelligence entre les castes ne fut pas moins 
funeste. Malgré cet intérêt mutuel qui aurait du les rattacher l’une ù 
f autre, l’ancien apologue sur la nécessité de l’union entre les membres 
et l’estomac aurait pu souvent recevoir son application dans l’Inde. Des 
discordes fréquentes et opiniâtres ont éclaté entre les Brahmanes et les 
Kchatriyas. Mais les premiers, armés de toute la puissance religieuse, 
soutenus probablement par les classes inférieures, fatiguées de la tyran- 
nie militaire, ont maîtrisé les guerriers et les rajahs leurs chefs. L’Inde 

* * 

a été, en conséquence, le théâtre de nombreuses mutations politiques et 
religieuses. Il y eut un moment toutefois où l’Inde , brillante de progrès 
social, forma un vaste empire soumis 5 une seule loi, gouverné par un 
seul souverain. C’est vers le XIII e * siècle, au temps où fut, dit-on , ré- 
digé pour la première fois le code de Manou , dont nous allons par- 
ler. (*). A cette époque , une puissante organisation, une administration 
forte semblent présider aux destinées du pays. Mais cet état florissant ne 
fut pas de longue durée. 

28. Histoire des institutions. — Lois de Manou. — Trois époques. 
t. Temps primitifs. Quelles qu’aient été , en Orient , l’immobilité des 

(1) Suivant William /on«i, le code de Manou aurait été rédige vers 1S80 av. J.-C. Celte 
date n’eat tout au plu» qu\ippreÛBMMivt. 


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( 268 ) 

castes et la distribution immuable des sociétés, les révolutions pobtujues 
et religieuses de l’Inde dur eut nécessairement réagir sur lesinsutntions. 
Si aujourd’hui nous ne pouvons d’aussi loin apprécier en détail les résolu 
tats de ces changements, U noos reste du moins un monument de légis- 
lation qui, debout encore après pins de trois mille ans* nous offre tous, 
les éléments de^la.vie civile et religieuse indienne ; c’est le code de 
Manou*' Composéde Xli livres divisés en nombreux versets ou skkas 
de deux vers chacun , ce livre extraordinaire , le piasaneie* et 'le plus 
remarquable. aprèale Pentateoqae de Moüe, mérite de fixer a* pta bæt 
degré l’attention W, Noos dévoua signaler surtout le livre 1E, qui ton- 
cerne le ipariage et les devoirs du chef de famille ; le liwe Vll.aone de 
traité politique sur les devoirs du roi ; les livres VIII et IX consacrés à 
l'office des juges, an lois civiles et criminelles W. 

Bien qu'il soit censé avoir été inspiré par Manou, le dieu suprême, à 
son fils spirituel Brighà, l’un des maharchix on grand chef delà sagesse, 1 

(1) Ce livre de la loi de Manon Mânava dharma sâstra, est connu depuis peu en 
Europe. En 1796, le savan^ William Jones en publia une traduction anglaise : Instituts 
ofhindu Lave , or theordinapeps pfAfenu , verbdlly transUsied of tk* origmul sans- 
crit ; i oith a préface by sir WiU . Jones ; Calcutta, 1796, in-8®. — En 1830, M. Loiseleur 
de Longchamps en lit paraitre le texte à Paris : Mânava dharbia sdstra , lois de Manou, 
publiées en sanscrit, avec des notes contenant un choix de variante* et de schoHes,! vol. 
in-8®. En 1833, le même auteur en donna une traduction que M. Pauthier a reproduite 
dans ses Livtts'sacrés de V Orient. Paris , Didot , 1841 , gr. in-8®. V. au surplus sur le 
çode de Manou, un article jle M. Chesy, journal des savants, 1851, p. 18 et suiv. 

(2) C^Ue matière des lois civiles et criminelles contenues dans les liv. VU! et IX se 
compose de 18 litres qui comprennent : 1® les dettes (liv. VIH, slok.‘ 47-178). Ce premier 
titre, qui traite en même temps des modes de preuves et du faux témoignage, est fort re- 
marquable ; 2® le dépôt (slok. 179-196); 3® l'aliénation sans droit de propriété (197-205); 
4® Les choses entreprises en commun (206-211) ; 5® l’action de reprendre une chose don- 
née (212-213) ; le non-paiement du gage et du salaire (21 4-217) ; 7® le refus de remplir 
les engagements (218-221) ; 8® l’annulalion d’un contrat (222-228) ; 9® les discussions 
entre un mailre et son pitre (22^244 ) ; 10® les contestations au sujet des limites ( 245- 
265 ) ; 11® les outrages par paroles (266-277 ) ; 12® les mauvais traitements ( 277-301 ) ; 
13® le vo( èt le dommage (301-343) ; 14® les violences et les brigandages ( 344-351 ) ; 15® 
l’adultère (352-386) ; 16® les devoirs de la femme et du mari (liv. IX, si. 1*102) ; 17®lo 
partage des successions (103-219) ; 18° le jeu et les combats d'animaux (226-228^. 


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( 969 ) 

il est évident que ce code , dont la date remonterait an XIII* siècle 
( 1980 avant I.-C. ), n’est pasl’œovre d’an seul homme et qn’il n’appar- 
tient pas à une seule époque. La première rédaction , qsi elle-même se 
réfère à d’ancienne» contâmes, à on droit préexistant, n’a dA compren- 
dre que les principales dispositions, dont quelques-unes sont même en- 
core signalées dans le texte comme émanées directement de Manou 0). 
A une époque ultérieure qu’il est difficile de préciser, certaines disposi- 
tions ont été étendues ou peut-être modifiée» par les chefs du sacerdoce, 
d’antres ont été expliquées et complétées par la doctrine et la jurispru- 
dence. C’est surtout dans les cinq derniers livres qne les additions se 
font remarquer. 

Quels que soient les auteurs de ces modifications et de ce complé- 
ment, il parait donc certain qne la législation de Manon, dans son état 
de codification actuelle, est au moins le produit de trois âges différents. 
Le contenu de ce recueil révèle.en effet, trois époques distinctes : 1° celle 
des criationt antérieure», ou temps primitif; 9* celle de la première 
rédaction inspirée par Manou ; 5° l’époque d’une refonte on . révision 
que l’on peutfixer au IX e siècle. . 

Première époque.— Temps primitifs. A plusieurs reprises, le législa- 
teur fait allusion à ces créations antérieures, à ces temps primitifs. 
Ainsi , en défendant au père lorsqu’il marie sa fille de recevoir de son 
gendre aucune gratification : « Même dans les créations précédentes , 
dit-il, nous n’avons jamais entendu.dire qu’il y ait eu vente tacite d’une 
fille. » ( liv. IX , Slok. 100. ) — « Autrefois , dans une création précé- 
dente , dit-il ailleurs, le jeu fut recotma comme un grand mobile de 
haine.... > (Ibid. IX, Slok. 997.) Ces temps anciens sont ceux , sans 
doute, où les petits états théocratiques de l’Inde, ayant , chacun à part , 
leur gouvernement religieux et politique, étaient régis par des coutumes 


(I) V. notamment liv. V, slok. 41 ; liv. Vm, slok. 139, «79 ; liv. IX, slok 182,185, «39. 


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( 270 ) 

locales dont l’origine remontait à rétablissement même des Sociétés (0. 
Le code de Marridü cottèacéeet reproduit en partie ces combines immé- 
moriales qtt’il déclare là basé du droit ibdieh fl, 40rf»14O; 11,6-40,42, 
48)< Alors même (pièces pétas élats réünià constituent pins tard tm vaste 
empire, Mànoû permet encoreao roi de sanctionner IëakÉspa*üenBète* 
des elasses et des provinces, les réglements des compagnies dé marchands 
et les coutumes dès familles , pourvu «joli' ne s’y trouvé rien de con- 
traire aux préceptes dès livres rérélés ( Hv. YM , Ski. 3,4 4 , 4® j. 
L’époque ancienne à Uqnéfle se reportent ces traditions , ces coutumes 
Immémoriales, dort avoir été celle dè la domination des grands chefs reli- 
gieux de la théocratie pure. Dans cette organisation, les Brahmanes Ont 
dû être toot--â-faii prépondérants , et la royauté péri paissante, si même 
elle existait. Pkslerirs disposions dd code dè Manon rééUem nnè an- 
cienne antipathie contée les rois. { V . notamment Hv. 111 , SUA. 64). 

39. Daunènu époque. rbtcle. —Dt la ftmMe. La seconde 

époque est ceHs oh t’lnde fôrt m nn grand empiré genVemé par an son- 
veran unique. L’existence de là royauté politique et militaire qui est à 
sa tête est attestée par le contenu même «ht recueil de Manon (*). C’est 
sans doute à cette époque ( vers 4280 av. J.-£.) que correspond la pre- 
mière rédaction du code inspiré par Manon et promulgué par Brigbou. 
(V. liv. I, Slok. 39, XII , 426. ) C’est sur cette législation que nous al- 
lons étudier la constitution civile et politique de l’Inde. 

A commencer par la famiUe , première base de toute société , nous 
voyons que le législateur en fait l’objet particulier de sa sollicitnde ; il 
s’occupe avant tout du mariage. 

(1 ) C’est probablement à cet temps primitifs que remontent les premiers hymnes du 
Btg- Ÿêda. V. Etudes sur feS hymnes du Rig^Yèdâ , avec un choix d'hymnes , traduits 
pour U première Ws en fmoçàity pèt ST. T. Mit , 181* ( PdrU et LetfVâih ) , , dé 

YIl-120 p. 

(2) V. Uy. VII. Au liv. K, slok. 294 , on lit : t Le roi , son conseil , sa capitale , son 
territoire , son trésor , son armée et ses albés'sont les sept partiel dont se compose*!® 
royaume qui , pour cela , est dit formé de sept membres ( saptànga. ) 


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(f7l ) 

Tout Dvoidja ou indien régénéré Taisant partie de l'une dés irais cas* 
tes .doit , lorsque ses études sont terminées, épouser une femme de la 
méaae classe que lui et pourras des signes contenues t 1 ). Le mariage, 

sorte de devoir religieux et légal, est formellement ordonné. 11 est indis- 
pensable qu'un Dwidja laisse à sa mort un héritier qui le remplace dans 
la maison et dans la caste et qui lui rendechaque mois , suivant des rites 
solennels, le Srâddha , ou devoir funèbre, sans lequel l’âme d'un mort 
ne parvient pas au séjour céleste et demeure ici-bas errante parmi les 
mauvais esprits ( liv. II , Slok. 122 et suiv. ) ( 2 * * * (&) ). 

Les lois de Manou indiquent huit modes de mariage, dont quatre sont 
réprouvés. 

Les quatre modes autorisés sont: 1°. U mariage de Brahma, con- 
tracté entre un jeune brahmane instruit et vertueux et une jeune fille à 
qui son père donne une robe et des parures; 2°. le mariage par Us 
Mounis, par lequel un père,après avoir paré sa fille, l'accorde au prêtre 
qui officie dans un sacrifice ; 5°. U mariage des Saints, lorsqu’un père, 
sans vendre sa fille, reçoit uniquement du prétendu une vache et un tau- 
reau et lui accorde selon la règle la main de sa fille ; 4°. k mariage 
des créatures , quand un père marie sa fille avec les honneurs convenu- 


(1) H faut, d’après 1a loi, que le Dwidja prenne «ne femme bien faite dont le nom soit 

agréable , qui ait la démarche gracieuse d’un cygne ou d’un jeune éléphant, dont le corps 

•dit réVIta «Pua léger duvet , dont les cheveux soient fins , les dents petites et les mem- 

bres d’une douceur charmante (liv. IU , slok* tO). Les époux ne doivent pas être parents 

en-deçà du YI«. degré. Manou n’ordonne pas comme Zoroastre le mariage entre cousins 
germains; seulement il veut que lea conjoint» soient de la même caste (tbid«, stok» S et If )i 

(&) La fwoéréa&soti «Ton fil» est la grande dette réSpnanr et socâiei contractée pat 
tout homme venant en ce monde. Ce n’est qu’en l’accomplissant qu’il peut être sauvé. 
 défini d’héritier dû sang , il doit eh adopter un qui participe à son culte et lui rende 
après sa mers le devoir funèbre* « Dans Mode* dit très-justement M. Ampère* s'est 
moins la famille charnelle qui joue un rôle dans la législation, , qu’une sorte de famille 
religieuse fondée sur ‘fa pmrtkfpàtiôn héréditaire aux mênàés cérémonies, nobhnmétflà de* 
cérémonies funèbres. On retrpuvc quelque chose d’analogue chez les peuples de l’Occi- 
dent, dans la Phratrie ionienne et surtout daos la Gens romaine. > ( Revue universelle , 
3» année 7 T. il 7 p. 100,) 


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< 2%2 .) 

blés en disant : pratiquez ensemble les devoirs prescrits ( liv. III , 
slok. 27-50). 

Lesquatte. antres modes qui sotventsont condamnés comme impies 
et ne produisent que dts fils cruels , menteurs et irréligieux: 

Si te prétendu reçoit la main d'une jeune fille eu achetant celle-ci per 
des présents ou par une gratification donnée ma parents , c'est le ma» 
rings des mauvais génies (liv. lit. slok. 3i , 5141). 

’ L’union de deux amants résultant d’un vœu mutuel est dite le ma- 
riage des musiciens célestes ( gandharbas ) ; née du désir , elle a 'pour 
but lès plaisirs de Tamour ; 

Quand on enlève par force de la maison paternelle une jeune fille qui 
crie au secours et qui pleure , c’est le mode des géants( rakckâtat ) ; 

Lorsqu’on amant s’introduit secrètement auprès d’une femme endor- 
mie ou enivrée par surprise, c’est le mode des vampires ( pisdtekas ) , 
vil et exécrable mariage (ibid., slok. 31-34). 

Ces quatre modes sont flétris par Manou, parce qu’au lieu d’avoir 
pour base un spiritualisme élevé et l’affection des cœurs , ils n’ont pour 
Objet qu’un matérialisme grossier , la satisfaction dessens. 

Les cérémonies symboliques de la célébration du mariage sont déter- 
minées par le législateur : 

Lorsque deux époux Sont de la même caste , l'union des mains est 
une partie essentielle delà cérémonie appelée pour cette raison puni- 
gtaha ( union des mains). S’ils appartiennent à des castes différentes , 
des formes spéciales doivent être, observées : une fille delà classe mili- 
taire qui se marie avec an Brahmane doit tenir une flèche, à laquelle son 
mari doit en même temps porter la main ; line fille de la classe commer- 
çante, si elle épouse un Brahmane ou an Kehatriya, doit tenir an aiguii- 
lop; une fiile toûdra le bord d’un manteau (ibid., slok. 43 , 44). ' 

Dans tous les cas, les prières nuptiales et la bénédiction devant le feu 
sacré sont la sanction nécessaire du mariage. Le pacte ainsi béni par la 


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( 275 ) 

religion est complet et irrévocable au septième pas fait par la mariée, 
lorsqu’elle marche donnant la main à son époux ( VIII , 227 ). 

La femme doit être honorée par son mari et respectée par sa famille ; 
mais elle abesoin d’étresurveülée et tenue de près ; car Manou a donné 
en partage aux femmes l’amour de leur lit , de leur siège et de leur pa- 
rure , la concupiscence , la colère , les mauvais penchants , le désir de 
faire du mal et la perversité ( ibid.,liv. III, slok. 55, 56 et suiv., liv. IX, 
slok. 5 et suiv. 47). Réputée incapable de se gouverner elle-même , la 
femme est toujours sous la puissance d’autrui , de son père d’abord , de 
son mari plus tard , de son fils aîné lorsqu’elle est veuve (V. 147 et suiv). 

Les époux sont astreints à se garder une fidélité mutuelle jusqu’à la 
mort. La femme adultère est condamnée à être dévorée par des chiens 
dans une place pubfiqne , son complice à être brûlé vif sur un lit de fer 
chauffé à rouge (VIII , 374 , 372). Toute espèce de désordre lui est 
sévèrement interdite. < Celle qui tient une conduite coupable , dit Ma- 
nou , est dans ce monde en butte à l’ignominie ; après sa mort , elle 

renaîtra dans le ventre d’un chacal et sera affligée de maladies 

(V. 465, 466; IX, 29,30.) 

En principe, l’union des époux est perpétuelle ; la répudiation, le 
divorce sont des accidents qui doivent être évités. 

La puissance conjugale et paternelle s’étend sur tout ce que possèdent 
la femme et les enfants : « Tout ce qu’acquiert une épouse , un fils , un 
esclave est la propriété de celui dont ils dépendent. » (Ibid. VIII, 416). 

Quelle que soit la femme qu'il a épousée , le point capital pour tout 
Dwidja est de laisser après lui un héritier qui accomplisse en son hon- 
neur le devoir funèbre. Aussi la loi lui recommande-t-elle impérieuse- 
ment de se procurer un fils. L’enfant né du mariage est l'héritier de 
prédilection. 

Lorsqu’un chef de famille laisse en mourant plusieurs enfants mâles , 
le fils aîné, par la naissance duquel son père a acquitté sa dette envers 

48. 


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( 27-1 ) 

Brahma , est privilégié. Aux yeux de la loi, c’est l’enfant nécessaire; les 
autres ne sont que les fruits de l’amour. ( V. ci-dessus, n° 13. ) 

30. Constitution des castes. La prospérité des familles réagit sur 
celle des castes, qu’il est essentiel d'accroître ou du moins de tenir com- 
plètes par des unions fécondes. Ainsi que nous l'avons dit (n° 26), l'exis- 
tence des castes dans l'Inde remonte à la première organisation politi- 
que. A toutes les époques on en distingue trois : les Brahmanes ou 
les prêtres, Kchatriyas ou guerriers , les Vaisyûs , classe agricole et 
commerçante. Hors de ce cercle vivent les Soudras ou serviteurs. 

Tous les Dwidjas ou régénérés appartiennent à l’une ou à l'autre des 
trois castes (0. La régénération s’opère par des sacrements ou sanska- 
ras qui effacent toute souillure; oq en compte cinq, qui sont : 1°: des 
offrandes au feu pour la purification du fœtus ; 2°. une cérémonie à la 
naissance de l’enfant mâle, qui consiste à lui faire goûter du miel et du 
beurre clarifié dans une cuillère d'or ; 3°. la tonsure de la tète par la- 
quelle tous les cheveux sont rasés, à l’exception d’une mèche laissée sur 
le sommet du crâne ; 4°. l'initiation par l’investiture du cordon sacré et 
de la ceinture ; 5 >. le mariage solennel devant le feu sacré. Pour les 
femmes, le sacrement du mariage remplace l’initiation (liv. II, si. 26-67). 

La vie de tout indien régénéré ( Dwidja) se divise en quatre âges ou 
périodes ; il est successivement : 

1°. Brahmatchari , ou novice; 2°. Grihasta , ou maître de maison ; 
5°. Vdnaprastha , anachorète; 4°. Sannysdsi , dévot ascétique. 

Se garder de faire le mal , dire toujours la vérité , s’abstenir de tout 
vol, être pur et réprimer ses organes , sont des devoirs communs à tou- 
tes les classes (X , 63). Cette nécessité de combattre ses sens , sur la- 
quelle Manou revient‘ftéquemment,estf un trait caractéristique du spiri- 
tualisme élevé qui préside à sa législation (II, 88-100, III 175 et suiv.) 


(i) Les castes sacerdotale , militaire et commerçante sont régénérées toutes trois; la 
classe servile n’a qu’une naissance. ( lois de Manou , liv. X , slok 4 ). 


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( 273 ) 

31. Les Brahmanes. Pour la conservation de la création , l’Élrc 
souverainement glorieux assigna des occupations différentes à ceux 
qu'il avait produits de sa tête.de ses bras, de son ventre, de ses pieds (O. 

11 donna en partage aux Brahmanes l'étude et l'enseignement des 
vedas , l'accomplissement du sacrifice, la direction des sacrifices offerts 
par d’autres , le droit de donner et celui de recevoir ( Il , 88. ) 

Tant par sa céleste origine que par la sainteté de ses augustes fonc- 
tions , le Brahmane est au premier rang sur la terre. Incarnation éter- 
nelle de la justice , souverain seigneur de tous les êtres , il a droit à 
tout ce qui existe, et le monde est en quelque sorte sa propriété. Sem- 
blable au feu sacré qui épure et dévore tout , heureux qui le respecte , 
malheur à qui l'outrage (têtd. Il , 92-101 ; IX, 313 et s. ; XI, 31 et s.). 

Comme le Kcbatriya et le Vaisya, le Brahmane est tour à tour novice, 
maître de maison, anachorète et dévot ascétique; sa vie est, en général, 
beaucoup plus austère. Après avoir demeuré le premier quart de sa vie 
auprès de son directeur (gourou) , il habite pendant la seconde pé- 
riode de son existence avec la femme de sa caste qu’il a épousée. La 
malédiction tomberait sur lui s’il introduisait une soudM dans son lit ; il 
descendrait au séjour infernal (ibid. liv. II ). 

En vue de ce spiritualisme éminent qui domine toute sa doctrine , 
il est deux points sur lesquels Manou insiste particulièrement : c'est la 
science, c’est la vertu austère ; ce sont là , en effet, les deux éléments 
de force de toute théocratie. 

Aux yeux de Manou , la supériorité intellectuelle , principale source 
de l’autorité du sacerdoce , remporte sur toutes les autres qualités ; 

c'est donc par le savoir qu’il règle la prééminence entre les prêtres. 

** 

c Un Brahmane, dit-il , qui n’a pas étudié les livres sacrés est compara- 


it) C'est-à-dire aux Brahmanes , aux Kchalriyas ,.aux Vaisyas et aux Soudras ( ibid. 
lit. I, slok. 51, 87 et s. Y. ci-dessus n° 26). 


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( 276 ) 

ble à un éléphant de bois et à un cerf en peau ; tous trois ne portent 
qu’un vain nom (Il , 157 , III , 168). 

Mais la science sans l’austère vertu serait insuffisante. < Que le Brah- 
mane soit modeste en ses désirs s’il cherche le bonheur, ajoute Manou ; 
que toujours la décence règne dans son extérieur et ses discours ; qu’il 
ait sescheveux , ses ongles et sa barbe coupés ; qu’il soit ferme dans 
ses austérités ; qu’il porte des vêtements blancs et sans taché, qu’il soit 
pur , appliqué à l’étude du Veda et à ce qui peut être salutaire ; qu’il 
porte un bâton de bambou et une aiguière pleine d’eau , le cordon du 
sacrifice , une poignée de Kouea ( herbe sacrée) et des boucles d’oreil- 
les en or très brillantes. » (IV , 12 , 18, 55, 56) (O. Que les Brahma- 
nes joignent donc toujours la vertu à la science ; car lorsqu'ils négligent 
l'étude des vedas , abandonnent les coutumes approuvées , remplissent 
avec indolence leurs devoirs pieux ou enfreignent les règles d’absti- 
nence 9 ils sont menacés d’une mort prochaine (V, 4). 

Comme première caste de l’état, les Brahmanes jouissent de préroga- 
tives et d’immunités importantes. < Après s’être levé à l’aube du jour , 
le roi doit témoigner son respect aux Brahmanes versés dans les sciences 
et se gouverner par leurs conseils. » Il doit les vénérer constamment et 
prendre exemple sur eux pour l’humilité (VII , 57-59). C’est à eux 
aussi qu’est déléguée l’administration de la justice. Composée de quatre 
Brahmanes, présidée par le plus savant d’entre eux, la cour de Brahma 
à quatre fmcee examine les procès soumis à la décision du roi.(VIII 9 1, 
8 et suiv. ) Leur ascendant politique , lenr autorité judiciaire s'accrois- 
sent encore de ce prestige religieux qui les entoure. < Que le Dwi^ja 
ne méprise jamais ni un Kchatriya , ni un serpent 9 ni un Brahmane sa- 
vant ; car tous trois peuvent causer la mort. » (IV, 155, 137). Qui- 

(1) Zoroa&tre,au contraire, condamne le» ornements et l'usage de porter des objets d’or. 
(Diogène Laerce, lies des philosophes, préf. ) L’antagonisme signalé plus haut entre les 
Mages et les B|rahmanes réparait ici. (V. nos il et 19, j 


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( 277 ) 

conque se précipitesur un Brahmane dans l’intention de le blesser, mais 
qui ne le frappe pas , est condamné à tourner cent ans dans l’enfer. 
Pour l’avoir par colère frappé rien qu’avec un brin d’herbe , il doit 
renaître pendant vingt et one transmigrations dans le ventre d’un ani* 
mal ignoble. Autant le sang d’un Brahmane, en tombant à terre, absorbe 
de grains de poussière , autant d’années celui qui a fait couler ce sang 
même par mégarde sera dévoré par des animaux carnassiers dans F autre 
monde. (IV, 165, 169). Quant au meurtre, l'expiation est proportionnée 
au rang du personnage homicidét 1 ). Pour avoir tué un Brahmane, la pé- 
nitence est quadruple de celle qui est imposée pour avoir tué un Kcha- 
triya; elle est huit fois plus forte que pour le meurtre d’un Vaisya , et 
seize fois plus forte qne pour un Soudra. ( XI, 126.) Protégés de la sorte 
par une répression plus énergique, les Brahmanes, lorsqu’ils commettent 
des délits, ne subissent que des peines plus douces. Ainsi, en cas d’adul- 
tère , une tonsure ignominieuse remplace pour le Brahmane la peine de 
mort prononcée contre les autres classes ; et quelqu’ énorme que soit le 
crime par lui commis , le bannissement est le seul châtiment qui puisse 
l’atteindre. (VIII, 379, 380; IX, 241). Les Brahmanes, privilégiés quant 
à leur personne, le sont aussi pour leurs biens. L’impôt qui retombe de 
tout son poids sur le Vaisya ne peut jamais s’étendre jusqu’à eux. « Un 
roi, même lorsqu’il meurt de besoin , ne doit pas , dit Manou , recevoir 
de tribut des Brahmanes versés dans la sainte Ecriture (VII, 133 ) ; et 
quelle que soit sa détresse , il doit bien se garder de les irriter en pre- 
nant leurs biens ; car ils le détruiraient avec son armée et ses équipages 
par leurs imprécations et leurs sacrifices magiques.» (IX, 313) ( 2 ). Une 


(1) Cette répression proportionnée 4 b qualité plus ou moins élevée de la victime, se 
retrouve dans les lois barbares du moyen-Age. 

(2) Lorsqu’un particulier a volé de l’or à un Brahmane , il doit courir en toute hâte 
vert le roi, les cheveux défaits, et déclarer son vol en disant : t J’ai commis telle action; 
punis-moi. > U doit porter sur ses épaules une masse d'armes ou une massue de boisda 


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( 278 ) 

foule (T autres avantages sont assurés aux prêtres de l'Inde ; nous n’en 
citons plus qu’un seul : « Lorsqu’un Brahmane instruit vient à décou* 
vrir un trésor jadis enfoui, il peut le prendre en entier ; car if est le ««- 
gneur de tout ce qui existe. Si c’est le roi qui trouve le trésor, qu’il en 
donne la moitié aux Brahmanes* » (VIII , 37 , 38). 

32. Les guerriers ou kchatriyas. Dans l’ordre hiérarchique des 
cartes , après les Brahmanes , sortis de la tête de Brahma , viennent les 
Kchatriyas , nés de ses bras. Les Kchatriyas sont les subordonnés des 
Brahmanes , dont ils sont censés tirer leur origine. « Car , dit Manou , 
des eaux procède le feu , de la pierre le fer , de la classe sacerdotale la 
classe militaire. » Entre ces deux castes , liées par des intérêts com- 
muns, doit sans cesse régner l’harmonie : « Les Kchatriyas ne peuvent 
pas prospérer sans les Brahmanes; les Brahmanes ne peuvent pas s’élever 
sans les Kchatriyas; en s’unissant, les deux classes s’élèvent en ce monde 
et dans l’autre. » (IX, 320 , 322). 

Dans la paix comme dans la guerre , les devoirs du Kchatriya sont 
tracés par la loi. 

Dans la paix , sa mission est toute de protection et de bienfaisance. 
11 doit être utile comme le bras du Dieu dont il est sorti. Brahma lui 
impose spécialement pour devoirs de protéger le peuple , d’exercer la 
charité, de sacrifier, de lire les livres sacrés et de ne pas s’abandonner 
aux plaisirs des sens. ( 1, 89 ; X, 80. ) Le nom même que reçoit le guer- 
rier au berceau doit indiquer à la fois la puissance et la protection. 

Réprimer ses organes est un précepte que Manou enseigne aux Kcba- 
trias. Toutefois, par condescendance pour la vivacité de leurs passions, 
il tolère en leur faveur les deux modes de mariage dits des Gandharbas , 
ou musiciens célestes , et des Râkchasas , ou géants. (Y. n° 29.) Ces 


khadira ou une javeline pointue des deux bouts , ou une barre de fer. Le voleur , soit 
qu il meure sous les coups du roi , ou qu’il soit laissé pour mort et survive , est purgé do 
son crime. (VIII, 317). 


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( 279 ) 

deux modes sont même réunis lorsqu'un guerrier, d'intelligence avec 
uoe jeune fille qu'il aime , l'enlève à main armée pour l'épouser. (III , 
26) (*). Hais cette tolérance du législateur pour les formes de la célé- 
bration du mariage ne va pas jusqu’à permettre de troubler impunément 
les unions contractées par d'autres. En cas d'adultère avec une Brahmaniç 
surveillée par son époux , le Kchatriya coupable est condamné à avoir 
la tête rasée et arrosée d'urine d'âne, et même à être brûlé avec un feu 
d’herbes ou de roseaux , si la personne séduite était douée de qualités, 
estimables. (VIII, 375-384). 

Dans la guerre , c'est par la valeur que les Kchatriyas doivent 
exceller ; c’est la valeur qui règle entre eux la prééminence. (II , 155). 
Au courage ils doivent joindre la loyauté et un esprit magnanime* * Un 
guerrier, dit Manou, ne doit jamais dans une action employer contra 
ses ennemis des armes perfides, comme des bâtons renfermant des 
stylets aigus , ni des flèches barbelées, ni des flèches empoisonnées, ni 
des traits enflammés. Qu'il ne frappe ni un ennemi qui est à pied , si 
lui-même est sur un char , ni un homme efféminé , ni celui qui fuit , est 
désarmé ou ne résiste pas. » ( VII , 90 , 95). 

Le butin est le prix de la victoire. Les chars, les chevaux , les élé- 
phants, les ombrelles, les vêtements, les grains, les bestiaux, les femmes, 
les ingrédients de toute espèce, les métaux, à l'exception de l’or et de. 
l’argent, appartiennent de droit à celui qui s’en est emparé. Ou doit 
prélever sur ces prises la partie la plus précieuse pour 1 offrir au roi,* 
Ce qui n’a pas été pris séparément doit être distribué entre tous les, 
soldats. (Vil , 96-97). t 

Quoique Manou ne parle ici que des objets mobiliers enlevés à l’en*, 
nemi , la victoire doit sans doute procurer aussi des terres et des do* 


(1) On trouve un exemple de la réunion de ces deux modes dans un épisode du Bhfc 
gavata-pourdna, intitulé Mariage de Itoukmini,et dont M. Langlois a publié une traduc- . 
don dans ses Mélanges de littérature sanscrite , 


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( 280 ) 

maines, puisqu’ ailleurs la loi signale la conquête comine un moyen légal 
d acquérir. (X, 115). Dans ces cas, la propriété conquise est-elle dévo- 
lue en masse à la caste militaire qui en jouit collectivement en la faisant 
exploiter par des Vaisyas , ou bien est-elle distribuée entre les guerriers 
pour leur appartenir individuellement avec la libre faculté d’en disposer? 
c'est ce qu’il est difficile de décider. Toutefois on peut croire que l’alié- 
natiou de la propriété devenue individuelle est possible, puisque Manon 
prévoit le cas où un Kchatriya , manquant de subsistance , est forcé de 
renoncer à sa profession pour gagner de quoi vivre. ( X , 83 , 85 ). 

33. Les vaisyas ou producteurs. Soigner les bestiaux , cultiver la 
terre , se livrer au commerce , telles sont les fonctions de la troisième 
caste indienne , des Vaisyas , réputés sortis du ventre de Brahma et 
formant la partie nourricière du corps social. 

Dans leurs efforts pour se tirer de la barbarie , les hommes ont com- 
mencé par élever des bestiaux : c’est le premier pas vers la civilisation. 
Aussi ce genre d’industrie est-il spécialement recommandé par Manou. 

« Le Vaisya , dit-il , après avoir reçu l’investiture du cordon sacré et 
s être uni à une épouse de sa classe , doit s’occuper avec assiduité de 
l’entretien des bestiaux. En effet, le seigneur des créatures, après avoir 
produit les animaux utiles, en confia le soin au Vaisya et plaça toute la 
race humaine sous la tutelle du Brahmane et du Kchatriya. Qu’il ne 
prenne jamais envie au Vaisya de dire : « Je ne veux plus avoir soin des 
bestiaux; » lorsqu’il est disposé à s’en occuper, aucun autre homme ne 
doit jamaiè en prendre soin. (IX, 323-328). C’est aussi aux Vaisyas-que 
Manou confie la culture de la terre ; il leur enjoint spécialement d’être 
bien instruits de la manière dont il faut semer les graines, et des bonnes 
ou mauvaises qualités des terrains. ( Ibid. , 330). 

Pour cette troisième caste, le commerce n’est pas une branche moins 
importante. Le législateur retrace les devoirs de cette profession : « Que 
le Vaisp , dit-il , soit bien informé du prix des pierres précieuses , des 


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( 281 ) 

perlés, du corail, du fer, des tissus, du parfum et des assaisonnements; 
qu’il connaisse parfaitement le système complet des mesures et poids , 
la bonté et les défauts des marchandises , les avantages et les désavan- 
tages des différentes contrées , le bénéfice ou la perte probable sur la 
vente des objets...; qu’il sache les différents langages des hommes, 
les meilleures précautions à prendre pour conserver les marchandises et 
tout ce qui concerne l’dchat et la vente ; enfin , ajoute la loi , qu'il fasse 
les plus grands efforts pour augmenter sa fortune d’une manière légale. » 
(tbid. , 329-533). 

Comme c’est sur les Yaisyas que portent tous les impôts, il est effec- 
tivement de l’intérêt du souverain que leur état de prospérité leur per- 
mette de les acquitter facilement. ( Liv. YII , slok. 128 et s. ) 

34. Les soudras ou serviteurs . Frappé d'une sorte d’excommuni- 
cation religieuse et civile , relégué hors du cercle de la vie sociale , le * 
Soudra , sorti des pieds de Brahma , n’existe que pour servir. Brahma , 
déployant sur lui ses rigueurs, le place tout à la fois hors le culte et hors 
la loi. « Qu’un Brahmane, dit Manou, ne donne à un Soudra ni un 
conseil, ni les restes de son repas, à moins qu’il ne soit son domestique, 
ni le beurre dont une portion a été offerte aux Dieux ; qu’il ne lui ensei- 
gne ni la loi, ni aucune pratique expiatoire, sous peine d'être précipité 
avec lui dans le séjour ténébreux. ( Liv. IV, slok. 80-81 ). Le Soudra 
acheté ou non acheté est condamné par sa condition à remplir des fonc- 
tions serviles. Une obéissance aveugle aux ordres des Brahmanes est son 
principal devoir ; car il a été créé pour leur service par l'être existant 
par lui-même. (Liv. VIH, Slok. 420, X, 334). Exhérédé de tous droits 
civils, n’étant point par lui-même une personne, mais une chose, il est 
incapable de rien posséder; tout ce qu’il acquiert est la propriété de 
son maître (VIII, 416, 417). 

On distingue sept espèces de soudras : 1°. le captif ramené de la 
guerre ; 2°. le domestique qui se met au service d’une personne pour 


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( 282 ) 

quon l’entretienne ; 5°. le serf né d’une esclave dans la demeure du 
maître; 4°. celui qui a été acheté ; 5°. ou donné; 6°. celui qui a passé 
de père en fils; 7°. celui qui est esclave par punition, ne pouvant acquit- 
ter une amende (VIII, 415). 

Les soudras forment une classe nombreuse sur le sol indien. Le roi 
doit les obliger à remplir leurs devoirs; car ils s'en écartaient , ils se- 
raient capables , dit Manou , de bouleverser le monde (ibid, 418). 

35. Les communes indiennes . Dans les temps primitifs, les bourga- 
des ou communes ( grâmas ) nous apparaissent comme les premiers élé- 
ments de la société indienne. Chacune d'elles a son organisation à part, 
son territoire, son individualité. S’étalant heureuse sous un ciel pur , 
sur un sol fécond, dans le site le plus commode, elle est Gère de son in- 
dépendance, veille à la conservation de ses limites et prévient tout en- 
vahissement. S’il s’élève une contestation au sujet de la démarcation de 
deux communes , c’est le roi qui est chargé par Manou de juger le dit- . 
férend. Il choisit un mois d’été, parce que les bornes sont alors plus 
faciles à distinguer, l'ardeur du soleil ayant entièrementdesséchél’herbe^ 
Quand les limites sont reconnues et fixées, on doit y planter de grands 
arbres ou des arbrisseaux touffus ; on forme des monticules de terre 
pour empêcher la limite de disparaître. Des lacs , des puits, des pièces 
d’eau, des ruisseaux doivent aussi être établis sur les limites communes, 
ainsi que des chapelles consacrées aux Dieux. Des marques secrètes, 
des substances incorruptibles, sont en outre cachées sous terre ( ibid., 
VIII, 245 et s.). 

Lorsque des petits états ihéocraliques se formèrent , les communes 
disséminées sur les divers points du territoire durent , tout en conser- 
vant leur existence distincte , perdre leur souveraineté ; elles furent 
assujetties davantage encore lorsqu’il s’éleva une domination unique 
planant sur un vaste empire ; de gré ou de force , elles durent se plier 
au gouvernement central ets’encadrer dans la hiérarchie administrative. 
Le code de Manou présente à cet egard des dispositions remarquables ; 


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( 285 ) 

« Que le roi institue un chef pour chaque commune (grima ) t un chef 
de dix communes, un chef de vingt, un chef de cent , un chef de mille. 
— Le chef d’une commune doit lui-même faire connaître au chef de dix 
communes les désordres, tels que vols et brigandages à mesure qu’ils ont 
lieu dans sa juridiction, lorsqu'il ne peut pas les réprimer ; le chef de 
dix communes doit en faire part au chef préposé pour vingt ; — Le chef 
de vingt communes doit notifier le tout au chef institué pour cent , et 
ce dernier doit transmettre l’information lui-même au chef de mille 
communes. — Les choses que les habitants d’une commune sont tenus 
de donner tous les jours au roi, telles que rix, boisson, bois de chauffage, 
doivent être perçues par le chef d’une commune pour ses émoluments. 

Le chef de dix communes doit jouir du produit d’un koula (*) ; le 
chef de vingt communes du produit de cent koulas ; le chef de cent com- 
munes du produit d’une commune (grâma) ; le chef de mille communes 
du produit d’une ville (poura). — Les affaires de ces communes , soit 
générales , soit particulières , doivent être inspectées par un autre mi- 
nistre du roi, actif et bien intentionné. > (Liv. VII, si. 113-120.) 

36. Gouvernement central. Aux petits états théocratiques gouver- 
nés par leurs constitutions séparées succéda dans l’Inde un empire 
étendu , fondé sans doute par la conquête, et par suite un pouvoir uni- 
que , que l’ancienne caste des Brahmanes tint néanmoins encore en 
équilibre. Emanée du double principe militaire et sacerdotal, la royauté 
eut à la fois l’autorité qui naît delà force et le caractère sacré que donne 
la religion. Réputée d’origine céleste , déclarée de droit divin, elle joi- 
gnit à cette grandeur auguste qui imprime le respect , des attributs et 
des prérogatives qui attestent sa puissance réelle. Les paroles de Manou 
au sujet de la royauté sont remarquables : « Le monde privé de rois 
étant de tous côtés bouleversé par la crainte , le Seigneur, pour fe con- 

(t) Le koula est l'étendue de terrain (pii peut être labource par deux charrues pour- 
vues chacune de six taureaux. 


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.( 284 ) 

servation de tous les êtres , créa un roi en prenant des particules éter- 
nelles de la substance des Dieux et c’est parce qu’un roi a été 

ainsi formé qu’il surpasse en éclat tous les autres mortels. De même 
que le soleil, il bràie les yeux et les cœurs , et personne sur la terre ne 

peut le regarder en face Le feu ne brûle que l’homme qui s’en 

approche ; mais le feu du courroux d’un roi consume toute une famille 
avec ce quelle possède. » (Liv. VII, slok. 1-9). 

Pour aider le roi dans ses fonctions, le Seigneur, dès le principe, pro- 
duisit le génie du châtiment, à l’œil rouge , à la couleur noire , protec- 
teur de tous les êtres, exécuteur de la justice. (Ibid., 14-25. ) 

Après avoir retracé les services que rend le châtiment, Manou expose 
ce que le roi doit faire pour protéger les peuples. (56 et suiv. ) Il doit 
choisir sept ou huit ministres nobles , habiles et dévoués , discuter avec 
eux de la paix et de la guerre, de ses revenus, de ses forces (cest-à-dire 
de Farinée* du trésor , des villes et du territoire) , de sa sûreté person- 
nelle et des moyens d’assurer les avantages acquis (ibid., art. 56). — 
a Qu’il fasse choix d’un ambassadeur parfaitement versé daos la con- 
naissance de tous les sastras , sachant interpréter les signes , la conte- 
nance et les gestes, pur dans ses mœurs et incorruptible, habile et d’une 
illustre naissance. (Ibid., 63.) 

» Que le roi , dit encore Manou , fixe son séjour dans une contrée 
champêtre, fertile en grains, habitée par des gens de bien, saine, agréa- 
ble, entourée de voisins paisibles En temps de guerre, qu’il s’éta- 

blisse dans une forteresse imprenable, pourvue de tous les moyens de 
défense . ( 69 et suiv. ) 

» Dans chaque grande ville (nagara ), qu’il nomme un surintendant- 
général, d’un rang élevé , entouré d’un appareil imposant , semblable à 
une planète au milieu des étoiles, (f 21 .) 

» Ce surintendant doit surveiller toujours lui-même les autres fonc- 
tionnaires ; et le roi doit se faire rendre un compte exact par ses émi&* 


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( 285 ) 

saires de la conduite de tous ses délégués dans les différentes pro- 
vinces. » (122.) 

Telles sont les principales idées que nous donne Manou de la puis- 
sance suprême et du gouvernement de l'Inde. 

57. Troisième époque . — IX e . siècle. — Etat de la famille. La troi- 
sième époque de l'histoire des institutions de l'Inde est marquée par une 
révision et peut-être par une refonte du code de Manou, complétée par 
de nouvelles dispositions ajoutées aux anciennes. Ces traditions, rédi- 
gées à une époque évidemment postérieure , qu'on peut fixer au IX e . 
siècle, annoncent un état de société différent du premier. Elles étendent 
ou modifient le droit antérieur. Une lecture attentive permet de recon- 
naître ces dispositions additionnelles, surtout dans les quatre derniers 
livres. 

D'abord , quant à l'état de la famille, le commencement du livre IX 
reproduit et développe les slokas ou versets 147 et suivants du livre V, 
qui spécifient les devoirs des femmes dans le mariage. Le législateur 
insiste de nouveau sur l'inviolable attachement que l'épouse doit à son 
mari. II recommande à celui-ci de garder sa femme avec attention s'il 
veut assurer la pureté de sa lignée, (liv. IX, si. 1-30. ) 

Puis commence (si. 34 et s.) une dissertation assez curieuse sur le 
point de savoir si l'enfant né de la femme appartient de droit au mari, 
quand celui-ci n'en serait pas réellement le père. L'auteur résout cette 
question affirmativement : quoique n'étant pas l'œuvre du mari, l'enfant 
lui appartient parce qu'il est né dans son champ. La femme est consi- 
dérée comme un terrain qui est la propriété de l'époux. Or , qu'importe 
qui a semé dans un champ, la récolte ou le produit est toujours au pos- 
sesseur de la terre (*). 


(1) Le rédacteur se sert à ce sujet de comparaisons fort crues. (V. slok. 55 et suiv. ; 

<48 et suiv. ) Telle est , ajoute-t-il , la loi concernant les petits des juments , des femmes 
«adaves, des femelles de chameau, de buffle , etc. ; leur produit est attribué au proprié- 
taire de la mère et noo au possesseur du mâle qui a engendré. é 


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( 286 ) 

Lorsqu’un indien marié n'a pas d'enfant , la progéniture qu’il désire 
peut être obtenue par la cohabitation, duemeot autorisée de son épouse, 
avec un frère ou autre parent du mari (saptnda), lequel, arrosé de beurre 
liquide, et, gardant le silence , doit pendant une nuit engendrer un fils 
à l'époux impuissant ou malade. (IX, 59-63.) 

Mais sauf ce cas exceptionnel , jamais une veuve ou une femme sans 
enfants ne doit être autorisée à concevoir du fait d'un autre. L’auteur 
réfute l’opinion de ceux qui, en soutenant un avis contraire,lui paraissent 
violer ici la loi primitive. ( IX, 64-68. ) 

Dans le principe, le mariage d'un Dwidja avec une personne de sa 
caste et l'indissolubilité de l’union une fois contractée étaient des règles 
presqu* absolues. (V. n° 29.) Au livre IX du code de Manou, les excep- 
tions , les dérogations à ces règles apparaissent à chaque instant. { 67, 
72 et suiv. ; 85, 148 et suiv. ) 

Dans le même livre, les slokas 166 et suivants, qui, à défaut d'enfants 
du sang , reconnaissent au moyen de fictions légales onse espèces de 
fils supplémentaires, appelés à remplir les devoirs funèbres et par suite 
à hériter, annoncent une société plus raffinée, une subtilité plus grande 
dans les abstractions de la jurisprudence. 

Le droit antérieur dépouillait la femme de toute personnalité civile 
en la déclarant incapable de posséder des biens. (Y. liv. VIII, si. 416 , 
et ci-dessus n° 29.) Au liv. IX , si. 194 , la loi lui reconnaît plusieurs 
espèces de propriété : < Le bien séparé d’une femme est de six espèces, 
savoir: ce qui lui a été donné vis-à-vis le feu nuptial, ce qu’on lui a 
donné au moment de son départ pour la maison de son mari, ce qui lui 

a été donné en signe d’affection , ce qu'elle a reçu de son frère, de sa 
mère ou de son père. » 

38. Etat social. — Mélange des castes. — Décadence . D'autres dis- 
positions, ajoutées à la rédaction du code de Manou, révèlent dans l’état 
social une altération plus profonde , une nécessité plus flagrante de ré- 
primer les abus ou les méfaits qui se multiplient. Ainsi au livre IX, les 


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( 287 ) 

slokas 229-298 comblent les lacunes que l'expérience avait signalées 
dans les dispositions pénales du livre VIH , et les slokas 294 et suivants 
complètent le livre VII et la partie du livre VUI , qui concernent les 
devoirs du roi. 

À mesure aussi qu'on avance dans les siècles, la distinction des castes 
devient moins tranchée. 

L'ancienne loi astreignait le soudra à un ilotisme perpétuel, sans pos- 
sibilité pour lui d’étre émancipé : < Un soudra, bien qu’affranchi par son 
maître» disait Manou , n'est pas délivré de l'état de servitude ; car cet 
état lui étant naturel, qui pourrait l’en exempter ? > (VIII , 414. ) Mais 
une disposition ultérieure a modéré cette rigueur , et le soudra < pur 
d'esprit et de corps , soumis aux volontés des classes supérieures , doux 
en son langage , exempt d'arrogance et s'attachait principalement aux 
Brahmanes , fut déclaré pouvoir obtenir une naissance plus relevée. » 
(IX, 335.) 

Dans l'origine, il n'existait que les classes pures enfantées par 
Brahma : les Brahmanes, les Kchatriyas, les Vaisyas, les Soudras. Mais 
la corruption d|i siècle et les mauvaises passions donnèrent plus tard 
naissance à des races bâtardes , produit impur du mélange adultère des 
classes primitives. (Liv. X. ) 

Ces races mêlées, qui altèrent la pureté des castes , sont frappées de 
réprobation. Toutefois, l'enfant qui naît du commerce d'une femme de 
haut parage avec un homme d’un rang inférieur est beaucoup plus mé- 
prisé que celui qui doit le jour à un homme d'un rang supérieur et à une 
femme d'un rang plus bas. La noble dame qui,dans sa folle passion, s’a- 
bandonne à un inférieur, se dégrade et s’avilit ; l'homme plus éminent 
qui féconde le sein d'une femme de condition moindre la rapproche au 
contraire de lui. (X. 57-67. ) 

Tous les individus de race mêlée peuvent néanmoins, parle pouvoir 
de leurs austérités et le méritç de leur père , parvenir dans chaque âge 


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{ 288 ) 

à une naissance plus élevée ; de même qu’ils peuvent, par l'indignité de 
leur conduite, être ravalés à une condition inférieure. ( X, 42. ) 

Parmi les races misérables, flétries par le législateur, la plus abjecte 
est celle des Tchandalas , Ut dernier» des mortels , nés d’un sondra et 
d’une femme d'un rang plus élevé (X, 12). Leur demeoré doit être hors 
des villages ; ils ont pour vêtements les habits des morts , pour plats 
des pots brisés , pour parure du fer. Ils n’ont de relations qu’entre 
eux, et ne se marient qu'avec leurs semblables. Relégués loin des villes, 
ils n’y viennent que dans le jour pour leur besogne ; ils transportent 
le corps de ceux qui meurent sans parents ; ils exécutent d’après l’ordre 
du roi les criminels condamnés à mort..... (X, 51-56.) 

Quelqu’impitoyable que paraisse cette sévérité à l’égard des Tchan- 
dalas , elle s’explique néanmoins par de hautes considérations morales. 
Par l’horreur qu'inspire le législateur contre ces malheureux , par le ta- 
bleau hideux qu’il retrace de leur existence, il épouvante les jeunes filles 
d'honnête condition, qui s’oublieraient au point de souiller le toit pater- 
nel en se livrant avec des soudras à de criminelles voluptés et en met- 
tant au jour des enfants qui auraient devant eux un si effroyable avenir. 

Telles sont les principales dispositions du livre X du code de Menou 
sur les classes mêlées; dans le slok. 72 du liv. VIII, le législateur re- 
commandait au roi de prévenir le mélange des classes-; ici , en réglant 
minutieusement les droits et la condition des nombreux individus qui en 
sont le produit, il accepte des faits qui paraissent depuis long-temps ac- 
complis. Les Slokas 175.et suivants, dérogeant aux lois générales pour 
les temps de détresse, semblent annoncer une grande perturbation 
récente. 

Le livre XU est peut-être celui des derniers livres qni atteste le plus 
une rénovatiou religieuse et sociale. Le système de la transmigration 
des âmes, énoncé en passant dans les premiers livres, y est présenté et 
développé. Le législateur condamne les systèmes hétérodoxes et les li- 


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( 289 ) 

vrcs qui ne reposent pas sur la sainte écriture (slok 94 et suiv.). Il sup- 
pose l’existence simultanée de plusieurs doctrines religieuses et crée 
pour les examiner des assemblées composées de dix juges (si. 1 1 1 , 122, 
123). Le sloka 121 mentionne comme un dieu secondaire Viclmou,que 
des pouranas d’une date ultérieure mettent au-dessus de Brahma, divi- 
nité suprême des premiers temps. Déjà tout semble faire pressentir le 
schisme de Bouddha, cette grande rénovation ^religieuse du Vie siècle f 
dont nous parlerons ci-après (*}. 


$ 4. Théocratie Ethiopienne. 

39 Histoire de l’Ethiopie, antique.puissance de ce royaume» 

40 Vicissitudes depuis k X 11° siècle. 

41 Action des lois providentielles sur l’Ethiopie. 

42 Organisation sociale. — familles, castes. 

43 Gouvernement.— Administration de la justice, 

39 Histoire de Ethiopie , antique puissance de ce royaume. Nous 
avons suivi jusqu'ici la filiation des théocraties ; nous avons vu la doc- 
trine des Çhaldéens, de la race basanée de £em,se communiquer aux 
Mages de la race blanche de Japhet ; ceux-ci,à leur tour, ont instruit les 
Indiens# comme eux d'origine japénqne. Maintenant au foyer scientifi- 
que et religieux de l'Inde va s’éclairer une tribu sacerdotale noire de la 
race de Chain , tribu d’où vont sortir les théocraties de l'Ethiopie et 
de l'Egypte. Parlons d'abord de l’Ethiopie. 

A une époque dont l'antiquité se perd dans la nuit des temps, une 
peuplade d’Ethiopiens, issue de Chus, fits de Chain , et venue d’abord 
du gaKepersique,remonte vers l'Afrique méridionale en suivant lq chaîne 
de montagnes qui s'étend le long de la vallée du Nil ; elle s'avancq jus- 
qu'au point où r Atapus et 1* Astraboras viennent se décharger dans le Nil. 

(1) Sur l'architecture du l'Inde dans ces temps anciens , antérieurs h Bouddha , y. U 
Manuel de l9rist. générale de l'architecture, par M. Daniel Marnée, t. 1 p. 69. 

19 


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( 290 ) 

Là, dans une presqu'île formée par ces fleuves , cette peiiplade trouve 
une contrée fertile où elle se fixe. Là. des prêtres instruits par des 
Brahmanes de l’Inde -fondent un temple qu’ils consacrent à Ammou, 
divinité de la peuplade. 

- Saba ou Meroé devient la capitale de cet état naissant et s’accroît peu 
à peu par la réunion de populations indigènes qui viennent s’abriter dans 
son enceinte. Organisé par les prêtre» qui s’adjoignent une caste de 
guerriers parmi lesquels un roi est élu, le nouvel état se développe ra- 
pidement. Agrandi par la conquête, enrichi par les offrandes adressées 
de toutes parts au temple d’Ammon, il forme de bonne heure un puis- 
sant royaume. Hérodote (liv. ll.cfiap. 100) rapporte que parmi les 330 
rois qui régnèrent sur les diverses parties de l'Egypte, dix-huit furent 
Ethiopiens. Cette énonciation, qui, d’après les listes connues des Pha- 
raons, se rapporte nécessairement aux plus anciennes dynasties, prouve 
l’antique domination de l’Ethiopie. Du temps de Moïse, Flavius-Joseph 
bous tes représente louant vaillamment contre l’Egypte et signale Saba 
ou Meroé , leur capitale , comme unë place forte imprenable à caose 
de ses immenses fortifications et des trois fleuves (le Nil, l’Atape et 
l’ Astaboras ) qui l’entourent (II , S ). Brillante à cette époque , la glo- 
rieuse prospérité de ce pays né fléchit un instant que devant la fortune 
et les armes du grand Sésostris. Ce célèbre Pharaon , sous lequel se 
courbe presque tout l’ancièn monde , attaque aussi les Ethiopiens voisins 
méridionaux de l’Egypte. II les défait et les force à lui payer un tribut 
anhuel eù bois d’ébène, en or et en dents d’éléphants (Diodore 1 , 55). 
Momentanément humiliés, les Ethiopiens relèvent la tête sous les suc- 
cesseurs de Sésostris. La gloire éthiopienne rentre ensuite dans l’ombre 
pendant plusieurs siècles. ' 

40. Vicissitudes de l’Ethiopie depuis le XII * jusqu'au VI* siècle. 

Un grave inconvénient de l'histoire des anciennes théocraties est de 
n’avoir point de chronologie suivie. Du XII e au Y I e siècle, à peine trou- 


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(£91 ) 

vons-nous pour l'Ethiopie quelques faits disséminés dans les annale 9 dés 
autres peuples. 

La dixiéme année du règne de Salomon (la 991 e av. J.-C.)est signalée 
par la visite fastueuse de Nicaulis, reine d'Egypte et d'Ethiopie» à et 
grand roi de Judée. La richesse et la magnificence de cette souveraine 
de race noire» ses chameaux chargés d'or» de pierreries» de précieux 

parfums, les splendides présents dont elle comble son hôte, donnent une 
haute idée de la prospérité de sa nation (III e liv* des rois, ch. 10. Flav.- 
Joscph, VIII, 2). 

La fortune de l’Ethiopie semble rester long-temps liée à celle de 
l'Egypte. En 957, la V e année du règne de Roboam , Sesac , Pharaon 
d’Egypte, entre en Judée avec une armée immense composée en ma- 
jeure partie de Lybienset d’Ethiopiens. Il prend plusieurs villes, assiège 
Jérusalem, s'en empare et pille le temple ( Flav.-Joseph . VIII, 4). 

t)ieu a ensuite pitié des Hébreux. En 919,Aza,roi de Juda, remporte 
une victoire éclatante sur Zaba, roi d'Ethiopie, dont l’armée comptait 
cent mille chevaux et neuf cent mille fantassins. Le camp des Ethio- 
phiensest saccagé. Les vainqueurs y gagnent une énorme quantité d’or, 
de chameaux, de chevaux, de bétail, et retournent à Jérusalem chargés 
de richesses. ( Flav.-Joseph . ibid. VIII, ch. 6). 

Après ces revers, l’Ethiopie refleurit plus resplendissante que jamais. 
L'apogée de sa gloire doit être fixée du VIII e au VII e siècle. Sabakho, 
roi puissant de cette contrée, fond sur l'Egypte avec une formidable ar- 
tnée. Les fils de Mesfa'im sdnt vaincus ; le Pharaon Anysis se réfugie 
dans les marais, et pendant cinquante ans le conquérant reste maître dé 
l'Egypte. Pieux envers la divinité , bienveillant pour les hommes. Sâ- 
bakho abolit le plus rigoureux des châtiments, la peine de mort. Au 
lieu d'être privé de la vie, le coupable n'est plus condamné qu’à travailler 
aux ouvrages publics, aux levées de terre, à l'exhaussement du sol dés 
cités. Un supplice inütilë, dit Diodore, est ainsi remplacé par des ser- 
vices rendus au pays. ( Diod . 1, 65; Hérod . 11, 157). 


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.( 292 ) 

Après Sabakho régnent successivement Suech ou Sica, qui gouverne 
douze ans (de 744 à 732), et Tarakho, que l’histoire signale comme un 
grand conquérant. Celui-ci tient le sceptre pendant vingt ans (732-712), 
ët a pour successeur Merrès.qui règne douze ans et commence la XXVI* 
dynastie. On ne sait rien des autres rois d’Ethiopie. (IV® liv. des rois , 
cli. 17 el 19). 

* Les monuments de l'architecture éthiopienne remontent à la plus 
fiaute antiquité.Des sujets sculptés en bas-relief dans l'intérieur des tem- 
ples représentent soit des adorations, sortes d’actes solemnels accom- 
plis par des individus ou des familles avec l’assentiment des prêtres 
Moyennant de riches offrandes, soit dès processions religieuses en 
l’honneur de la divinité , soit des traits de l'histoire politique des rois, 
surtout leurs guerres, leurs victoires, leurs triomphes (*). 

40. Action des lois providentielles sur V Ethiopie. Les trois grandes 
lois providentielles, b sociabilité, la rénovation, le progrès, auxquelles 
correspondent l’unité, b diversité et l'harmonie, exercent tour à tour 
leur influence sur les destinées de l' Ethiopie* 

Une tribu sacerdotale en relation avec les prêtres de l’Inde développe 
de bonne heure les germes de la sociabilité parmi les fils de Chus. Me- 
roé, gouvernée dès sa fondation par un collège <je prêtées, est l'one des 
plus anciennes théocraties et deyient le foyer de cette brifiatue civilisa- 
tion égyptienne qui plus tard éclaire l'Europe. 

A diverses époques, le voisinage de l'Egypte* les expéditions du 
grand Sésoslris, des migrations d'Arabes^ des conquêtes sur une par- 
tie de l' Afrique introduisent en Ethiopie des éléments importants de 

(i) Y. les rayages de Burkhardt , dfe Caillaud , l’ouvrage de M. fffiren, intitulé : 
De la politique et du commerce; des peuples de l'antiquité, trad. de l’aUemaiid per 
M. Suckau , t. V , et le Manuel de Hiistoire générale de l’architecture , par M. Daniel 
Ramée, 1. 1, p* 1Ï8. 


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( 293 ) 

rénovation* Les populations qui l’habitent doivent aussi se recomposer 
souvent d’une foule de petits peuples d’alentour nomades ou séden? 
taires* 

Enfin la religion, le commerce, les produits du sol deviennent une 
source abondante de lumière, de prospérité,, de progrès social. Par jèurs 
études et leur science, les prêtres répandent les premiers éléments des 
connaissances humaines. Le savoir, la doctrine se propagent avec la 
religion. Des temples sont fondés en divers lieux. Ces établissements et 
lçs bourgades qui les entourent prospèrent rapidement, soit a l’aide des 
dons qui accompagnent les actes solennels .connus sous le nom d’ado- 
rations, soit par de pieux pèlerinages joints aux caravanes commerciales. 

42. Organisation social* ; — familles , castes. Peu de documents nous 
sont parvenus sur la constitution de la famille en Ethiopie* À en juger 
par la colonie sortie de Meroé qui desservait en Lybie le temple d’Ain- 
mon , la famille éthiopienne parait organisée selon le mode oriental. La 
polygamie, dont le bat est d’abord de suppléer à la stérilité d'un pre- 
mier hymen , sert plu? tard d’aliment au sensualisme* surtout çliex les 
principaux de l’état que leur fortune met en position d’entretenir plu- 
sieurs femmes. Ceux-ci possèdent plusieurçépouses. Elles tiennent avec 
leurs enfants le premier rang dans la maison. Puis» dans un ordre iufér 
rieur, viennent des concubines. 

La nation entière se partage en trois castes héréditaires : les prêtres, 
les guerriers, le commun peuple. 

Les prêtres sont les dominateurs suprêmes. Dépositaires de la reü* 

gion et 4e la science, ils, maîtrisent facilement des esprits pon moins 

¥ 

superstitieux qu'ignorants. Aussi jouissent-ils d'un crédit et d’ün as? 
Cendant sans limites. Les rois élus par eux doivent se soumettre aux 
lois qu’ils ont établies. Arbitres absolus de la destinée do monarque, 
ils peuvent même, par un étrange abus d'autorité, lui intimer l'ordre du 
quitter la vie. 


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( 294 ) 

La caste des guerriers occupe le second rang dans Tétât. Pour défen- 
dre le royaume contre les ennemis extérieurs, les prêtres avaient orga- 
nisé une tribu militaire composée probablement de quelque tribu bar- 
bare du voisinage (U. * 

Au troisième rang sont relégués les gens du peuple , race subalterne 
exploitant le sol ou exerçant soit des métiers, soit d'autres professions 
Utiles. 

Les Ethiopiens se distinguent en général par leur piété. Ils sont si- 
gnalés comme le premier peuple qni ait rendu un culte public anx Dieux. 
Homère, dansTUiade,nous représente Jupiter et les autres Dieux se ren- 
dant en Ethiopie pour y assister au sacrifice solennel et au grand festin 
que les vertueux Ethiopiens leur offraient tous les ans W. 

Les Dieux, ajoute Diodorede Sicile, se sont montrés reconnaissante 
de la piété des Ethiopien* en les préservant de tomber sous le joug des 
étrangers (V. liv. IH, ch. i et 5). 

43. Gouvernement ; administrationr de la justice. Le gouvernement 
éthiopien est une-monarchie théocratique élective. Le trône devient-H 
vacant, les prêtres choisissent d'abord pour candidats les membres les 
plus distingués de leur ordre. Un festin est ensuite célébré suivant un 
rite déterminé. À la fin du repas, celui des prétendants que le Dieu, dont 
on promène l'image, vient désigner et saisir , est proclamé roi par le 
peuple. Aussitôt chacun se prosterne devant lui, et, le considérant com- 
me un être surhumain investi par la providence du pouvoir suprême, lui 
rend les mêmes honneurs qu anx immortels. 

Le roi élu est obligé de se conformer pour sa manière de vivre aux 
règles prescrites par les lois et de suivre dans tontes ses actions la ligne 

(I) Au dire de Sttabon , les femmes éthiopiennes étaient armées. C'étaient probable- 
ment des femmes appartenant à la caste des guerriers. 

(9) Jupiter a traversé hier l’Océan pour sc rendre cher les vertueux Ethiopiens, où l’at- 
tend un grand festin ; tous les Dieux l’ont suivi. [ Iliade, liv, I , vers. 494. ] 


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( 295 ) 

de conduite tracée par ses devanciers. U ne peut distribuer ni bienfaits 
ni châtiments que selon les institutions anciennement établies. Son 
pouvoir .restreint par l'autorité prépondérante des prêtres, leur est cons- 
tamment subordonné. Ceux-ci ont même la prérogative exorbitante 
d’envoyer, lorsqu’ils le jogenl convenable, nn message au roi pour lui 
ordonner de mourir.. Ils déclarent alors que telle est la volonté divine 
manifestée par ses orades,et qu’il n’est pas permis à de faibles humains 
de mépriser des ordres émanés du ciel. 

Le roi préside à l’administration de la justice. La peine de mort, 
momentanément abolie par Sabakbo,ne tarde pas à être rétablie. Lors- 
qu'on de ses sujets a commis un crime qui mérite ce abêfifnent, le ro 
se borne à envoyer un des, ministres subalternes du tribunal avec une 
certaine marque convenue pour annoncer au criminel, sa sentence de 
mort; le condamné, se renfermant dans sa maison, met lui-même fin à ses 
jours. Fuir sa patrie pour habiter un pays étranger,et comme chez d’an- 
tres nations, expier, un crime par l'exil n’est permis à personne. (V. Dio- 
dorede Sicile , liv. III, ch. 5 et 6, traduction de Miot, 1834). 


8 5» Théseratle «l'Egypte. 

44 L’Egypte et ses habitants. — Configuration du sol. I 

45 Événements, vicissitudes. — Application des lois historiques. 

46 Tendance à l’unité. — Efforts de Menés et de ses successeurs. 

47 Invasion des Hyksos — Rénovation. 

48 Expulsion des Hyksos. — Nationalité égyptienne. ‘ 

49 Période des Sésostrides ; — grandeur et décadence de l’Egypte. 

50 Les rois éthiopiens. — Réaction contre l’étranger. — Les detix 
- dernières dynasties nationales. 

5f Organisation sociale. — Famille. 

52 Castes. — Prêtres. 

53 Guerriers. — Peuple. 


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( 296 ) 

i i»4 Distribution de la propriété. 

55 Gouvernement, institutions. 

56 Union étroite des institutions politiques et religieuses. 

57 Les mystères. 

58 Des symboles hiéroglyphiques et de leur application au droit. 

59 Des lois dans leurs rapports avec la -religion. 

00 Autres lois, — • matières criminelles et civiles. 

61 Administration de la justice. 

02 Jugement des morts. . 

44. ISEgyptè et ses ha6üantr,~eonfiguralten du toi. Au-dessous des 
sables de l’Ethiopie fertilisés par lesfilsde Chus à la pean noire et plom- 
bée, 6e présentent à nos regards les industrieux -fils de MesraSm no 
teint couleur de suie ( aeboloi , ) possesseurs antiques de la terre 
d'Egypte. A ce nom, que de souvenirs se réveillent ! Dans cette contrée 
fam euse, empreinte de tant de grandeurs et. de merveilles, tout 
semble prodigieux ; pays et habitants, agriculture, progrès social, mo- 
numents des arts, tout porte ur cachet original. 11 est impossible de 
penser à l’Egypte sans se rappeler le HH, ses débordements féconds, le 
sol nouveau du Delta formé de se vase amoncelée ; les immenses métro- 
poles de Thèbes et de Memphis, les temples d' Amman et d’isis, les py- 
ramides, les obélisques, les hiéroglyphes; puis le? Égyptiens eux-mêmes, 
peuple patient, ingénieux, mélancolique, pensant toujours à la mort et 
travaillant pour les siècles ; religieux par excellence, jugeant le6 morts, 
grands et petits, avant de leur accorder la sépulture, inventeur inépui- 
sable de cérémonies et de fêtes sacrées ; mêlant pu pfaisir des images de 
deuil , célébrant des festins au milieu des oocps desséchés , et par 
son pieux respect pour ses momies, immortalisant en quelque sorte les 
générations passées. ... 

Dans ces villes sorties du limon, au soin de ces vastes temples des- 
servis par une caste sacerdotale, a fleuri une théocratie pui ssante qui a 


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(» 7 ) 

eu aussi sa physionomie à paru Conquis progressivement sur lès eaux 
de i« mer et du Nil, te aol, don du travail, s’est divisé dès les premiers 
temps en district* religieux. C'est par le temple que la cité prit nais- 
sance. - 

On sait quelle est an surplus la configuration de l’Egypte. Assef 
étroite dans a partie supérieure, elle est bornée d’ua c été vers l’orient 
pur une chaîne de montagnes qni se prolonge le long de l’Arabie, Là 
sont les c arri ères où ont été taiüéea lea pierres des pyramides de Mem- 
phis. A l’occident, vers la Lybie .s'étend une chaîne de rochers qui arrê- 
tent les tourbillons de sable do désert. 

JLa vallée du Nil s’élargit à mesure quelle descend vers la mer et forme 
la plaine limoneuse et fertile du Delta. Toute cette portion du sol, jadis 
couverte d'eau, s’est exhaussée peu à peu par les attérissemeots que les 
flots y ont charriés. Hérodote l’appelle une terre de nouvelle acquisition 
et un présent du fleuve. ( Uv. U, ch. S. ) 

C’est avee raison que l’Egypte a été appelée la fiUe du Nil. Ses inon- 
dations ont influé sur l’agriculture, les mœurs, la religion, les sciences 
et sur lé développement social tout entier. Egypte vénérable, s’écrie un 
poète , 

C’est ton people qui sut , à ces barques légères 
Dont rien ne dirigeait le cours audacieux , 

Chercher des guides sûrs dans la voûte deseieux. 

Qpand le fleuve sacré qui féconde tes rives -, 

T’apportait en tribut ses ondes fugitives , 

Et sur l’émail des prés égarant les poissons , 

Dit limon de ses flots nourrissait tes moissons, ' 1 >J 1 1 

Les hameaux dispersée sur tes hauteurs fertiles 

D’un nouvel océan semblaient fermer le* Uns 

Et des mur* de Peluse aux lieux où fut Memphis 
Mille canaux flottaient sur la terre d’isis (*). 

(1) Esmcnard. — ta navigation. 


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-( 298 ) 

45. Événements, vicissitudes; application des lois historiques. Dans 
le principe, l'Egypte, loin de présenter un aspect régulier et uniforme, 
se divise entre diverses peuplades encore -barbares qui vivent dispersées 
çà et là sur toute cette partie du sol africain traversée de haut en bas 
par le Nil. 

Ces populations reconnaissant dés Dieux à part, obéissant à des gou- 
vernements distincts, se groupent séparément, et forment les premières 
cités autour des grands temples consacrés aux principales divinités. 

La reOgion donnant la première impulsion à la sociabilité, devient 
l’élément primitif de l'organisation politique. Les premières divisions 
territoriales sont en même temps des circonscriptions religieuses. Les 
prêtres, organes des volontés célestes et influents par leur science, y 
déploient surtout leur autorité. Leurcastepersonnifiée devient une sorte 
de divinité sous le nom d' Hermès ( v. ci-après n° 52). Toutefois incapa- 
bles de porter les armes, ils forment ou se concilient des tribus guer- 
rières ordinairement commandées par un chef. 

Peu à peu,par l’effet de réunions volontaires ou forcées de plusieurs 
peuplades, on voit surgir de petits royaumes. Des états distincts se 
constituent d’abord à Thèbes et à Memphis , puis à Bubaste, à Tanis, à 
Sais. 

Chacnnede ces principautés, oùrègne une dynastie séparée, possède 
sa divinité protectrice, son grand temple, son collège de prêtres, sa 
caste de guerriers. 

En Egypte comme dans plusieurs autres pays, l’ assimilation des di- 
vers éléments sociaux, l’unité territoriale et nationale, religieuse et 
monarchique, est une œuvre lente et laborieuse qui ne s’accomplit qu’a- 
vec le temps , à la suite de révolutions et de vicissitudes de tout genre. 

46. Tendance à l’unité; efforts de Menés et de ses successeurs. Une 
Similitude de caractère , de mœurs, d'idiome, de religion, devait créer 


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( 299 ) 

entre tous les 'Egyptiens de&rapports , des liaisons étroites de nature à 
les rapprocher, à les unir. Plusieurs princes concoururent avec succès à 
resserrer davantage ces liens d’association. Menés, qui, après les Dieux, 
c’est-à-dire après les prêtres, fut le premier roi de l'Egypte, ne négligea 
rien , paralt-il , pour arriver à cet important résultat. Outre les travaux 
immenses qu’il entreprit sur le Nil , dont il redressa le cours , il se dis- 
tingua par des institutions religieuses qui perfectionnèrent le culte et 
durent s’appliquer à toute l’Egypte. Ce fut lui aussi qui , le premier , 
persuada aQ peuple de vivrè sous l'influence de lois écrites. ( Diod. \ , 
49. ) 11 bâtit en outre la grande cité de Memphis. ( Hérodote , liv. Il , 
ch. 99. ) (*) — - La fondation de cette ville célèbre , sise au centre de 
l’Egypte, et dominant toute la navigation du Nil, doit être regardée 
comme un progrès considérable vers l’établissement de l’unité égyp- 
tienne. Les successeurs de Menés , à Memphis, marchèrent dignement 
sur ses traces. 

47. Invasion des Hyksos ; rénovation. L’Egypte s’avançait ainsi 
paisiblement dans la carrière du progrès social et de l’unité , lorsqu’une 
terrible invasion , interrompant le cours de ses prospérités , vint ouvrir 
pour elle une ère sanglante de calamités et de désolation. 

Ecoutons à cet égard Manetbon , cité par Flavius-Joseph : 

c Nous eûmes jadis un roi nommé Timaos , au temps duquel Dieu 
étant irrité coptre nous je ne sais pour quelle cause, il vint du côté de 
l’Orient une race d’hommes de condition ignoble, mais remplie d’audace, 
laquelle fit une irruption soudaine en ce pays Egypte), qu’elle soumit 
sans combat avec la plus grande facilité. D’abord ayant saisi les chefs ou 
princes , ces étrangers traitèrent de la manière la plus cruelle les villes 
et les habitants , et renversèrent les temples des Dieux. Leur conduite 


(1) Diodorede Sicile ( Ut. 1 a . ch. 50), en attribue la construction à Uchorus , un dfl 
Ses successeurs. 


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( 300 ) 

envers les Egyptiens lut des plus barbares , tuant les uns et réduisant à 
une dure servitude les femmes et les enfants des antres, Ils se donnèrent 
ensuite un roi nommé Sabatit , qui résida dans Memphis , et qui , pla- 
çant des garnisons dans les lieux les plus convenables , soumit au tribut 
la province supérieure et la province inférieure. • (Flaviut-Jotepk contre 
Appion , chap. 3. } 

C’est ainsi que l’Egypte , rudement travaillée par tant de malheurs , 
subit une désastreuse révolution par l'arrivée de ces Hyksos , ou rois 
pasteurs, dont les six premiers firent successivement aux Egyptiens une 
guerre d’extermipalion .(*). 

48* Expultion des Hyksot; nationalité égyptienne. Lus Egyptiens, 
surpris et vaincus sans être domptés , ne perdirent pas courage et orga- 
nisèrent une résistance énergique. Tous les Egyptiens qui avaient 
échappé à la mort ou à la servitude , se réfugièrent à Thèbes , restée 
indépendante. Les rois de la Tbébaide , réunissant toutes leurs forces , 
entreprirent contre les Hyksos une guerre longue et acharnée. Us la 
continuèrent avec persévérance jusqu’à ce que , sous l’un des rois thé- 
bains nommé Alisphragmuios , les pasteurs , vaincus et repoussés du 
pays , se retranchèrent dans un lieu nommé Avar , dont le circuit était 
de dix mille arpens. Après Alisphragmutos , son fils , nommé Thutmo- 
sis, vint avec quatre cent-quatre-vingt mille hommes assiéger cette place; 
mais n'ayant pu réussir à la prendre de force, il fit avec les pasteurs un 
traité dont la condition fut qu'ils pourraient quitter l’Egypte sains et 


(1) De quelle race étaient ces Hyksos 1 On avait cru jurqu’ici que c’étaient de» Arabes; 
mais d’après un antique poème historique en prose , découvert il y a quelques années eu 
Egypte, par un voyagea* français , H. Saüier, <PAix , et que Champoilien le jeun* entre- 
prit de déchiffrer, on a pensé que ces envahisseurs étaient dea Scythes. On voit dans ce 
poème le roi Rhamsès ou Sésoslris luttant contre ta mauvaise race des Sehela et rempor- 
tant une victoire signalée. Cette découverte cependant ne résout pas toutes les difficul- 
tés. — V. Campagne de Rhamsès-le-Grand ( Sésostris ) contre les Seketa et leurs alliés ; 
manuscrit hiératique égyptien. — V Notice sur ce manuse. par Fr. Savolini. Paris, 1853, 
iu-8». 


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(301 ) 

saufs. Bar ce moyen , ib emmenèrent leur» familles et tout leur butin. 
(V. Fl a vius Joseph contre Appion , ibid., chap. 3, et Volney, Recher- 
ches nouv. sur llust. inc. — Chroool. des Egypt. , cbap. 3 , $ 1 ) 

C'est de la sorte que les Egyptiens forint délivrés de leurs barbares 
oppresseurs. La Jatte opiniâtre et prolongée qu’ils eurent à soutenir 
leur lot néanmoins utile sons un rapport. En les contraignant à devenir 
guerriers et à combiner leurs forces pour reconquérir l’indépendance 
nationale, die contribua puissamment à resserrer tons les liens sociaux 
et à consolider l’anité égyptienne. EHe prépara ainsi cette brillante 
période des Pharaons Sésosnrides, pendant laquelle l’Egypte fut si 
prospère. 

49. Période des Sésotlridet ; — ■ grandeur et décadente de l‘Egypte. 
Quelques règnes après l’expulsioû des Hyksos, commence pour l’Egypte 
la période la plus glorieuse de sou histoire. Les trois parties de celte 
vaste contrée, la haute, la moyenne, ht basse Egypte sont réunies en an 
seul empire: la formation de l’unité territoriale et monarchique eut 
accomplie. La civilisation ne tarde pas à prendre son essor i bientôt 
s’ouvre le règne éclatant du grand Sésbstris , un de ces conquérants- 
civilisateurs envoyés par laProvideace quand les temps sont venus pour 
propager au loin les idées nouvelles et le progrès social. Cet homme 
prodigieux , dont lés siècles n’ont pu effikcer l'imposant souvenir . se 
montre vaillant dès «a jeunesse.- Associé au trOne du vivant de eôo pèse, 
il dompte 'les Arabes et subjugue presque toute la Lybie. Puis , devenu 
roi , il se met à travailler à sa propre gloire ( 1491 }. 11 défait lés fiers 
Ethiopiens, soumettes peuples de la mer Erythrée, et, passant de là en 
Asie, il porte ses armes jusque datas l'Inde, dicte des lois à tons les peu- 
ples jusqu’ au Gange > et les assujettit à-des tributs annuels. Puis , reve- 
nant d'Asie en Europe , il s’attaque aux peuples les plus barbares jus- 
qu’au Danube , et bat tour-à-tour les Scythes et les Thraces. Cette 
gigantesque expédition dure neuf ans. Sur les bords du Phase, il laissé 


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( 302 ) 

une .colonie qui donne naissance aux Colcfaidiens. Dans tous les pays 
qu’il parcourt ainsi en vainqueur» Sésestris , roi des rois, fait ériger des 
colonnes qui indiquent son nom, sa patrie , la nation qu'il a vaincue par 
la force de son bras. A cette inscription qu’il fait graver, le conquérant 
ajoute un hiéroglyphe assez étrange : si tel peuple qu’il a attaqué s’est 
défendu avec bravoure, la colonne retrace le signe de la virilité humaine, 
emblème du courage; mais si la contrée envahie a cédé sans résistance, 
on joint à l’inscription Limage des parties naturelles de la femme, sym- 
bole de lâcheté. ( Rérod . , Uv. II» cbap. 102. ) 

Rassasié de gloire militaire , Sésostris , de retour dans ses états , 
entreprend de nombreux et utiles travaux. II pourvoit à la défense de 
la frontière orientale de l’Egypte et la met en sûreté contre les incursions 
des Syriens et des Arabes par une muraille qui traverse le désert. 

. Jusqu’à lui, la théocratie toute puissante avaitprédomjné en Egypte. 
Ce monarque conquérant rçlève I importance de la caste des guerriers et 
ramène entre les divers ordres de l’état un plus jatte équilibre. A mie 
sage distribution des pouvoirs , il joint une division plus rationnelle dn 
territoire en nomes ou départements. Dans toutes les parties de l’état , 
comme dans toutes les branches de l’autorité , il fait ainsi régner l'har- 
monie sociale, (i). 

Après la mort de Sésostris , cette splendeur dont son règne avait 
brillé s’éclipse ; le vaste empire qu’il avait élevé se disloque. La diver- 
sité éclate dans ses provinces, qu’il avait soumises à la loi de Imité. 
Son fils Phéron abandonne les conquêtes de son père et restremU’Egypte 
à ses limites naturelles. A Phéron , succèdent des princes sans gloire 
dont le règne est resté dans l’omhre. L’histpire est muette sur l’Egypte 
jnsqn’à Protée, contemporain de la guerre de Troie. Ce prince, dit-on, 
accorda momentanément un asile à Hélène et à Péris, réfugiés en Egypte, 


(i)SurSésosiris et ses successeurs, V. an surplus Hérodote , Ut. n, cbap. 103 et soir. 
Diodore de Sicile , liv. I, cbap. 53 et suit. 


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< 505 ) 

quoique leur conduite lui parût odieuse. Mais il se crat obligé de res- 
pecter à leur égard les droits sacrés de l’hospitalité. 

Rhampsiaite fat l’un des successeurs de Protée.11 construisit des pro- 
pylées au temple de Vuleain ( Phta). Aucun des pharaons qui régnèrent 
après lui ne put égaler ses richesses. 

L’histoire signale ensuite deux frères qui se succédèrent sur le trône, 
Kheops et Rhepbren. Pour construire deux de ces fameuses pyr amides , 
encore debout après tant de siècles , ils accablèrent les Egyptien» de 
travaux , de corvées et d’impositions. Sans cesse eu lutte avec les prê- 
tres , ils restreignirent leur puissance et leurs privilèges. Anyi ces der- 
niers, dans leurs annales, n ont-ils pas manqué de les dépeindre comme 
des tyrans odieux , remplis d’orgueil et d’impiété C 1 2 ). 

Après Kbephren , régna Mykermus , fils de Kheops. La conduite de 
son père loi fit horreur : il rouvrit les temples, laissa respirer le peuple, 
fatigué de ces immenses travaux publics , permit à chacun de s’occuper 
de ses propres affaires et d’offrir en paix des sacrifices. Il rendit la jus- 
tice avec une admirable équité. On dit’ même qu’il indemnisait aux 
dépens du trésor royal la partie perdante qui se plaignait de son juge- 
ment. Il éleva aussi une pyramide , mais moins élevée que celle de son 
père (*). 

Asydkis on Bocchoris se distingua par sa législation. Dans un moment 
de disette d’argent , il fit une loi qui autorisait les Égyptiens à emprun- 
ter sur le corps de leurs pères. Tout prêteur dut considérer ce gage 
comme le plus sûr et comme la meilleure garantie d’un prompt paie- 


(1) Les Pharaons qui favorisent la religion, montrent une piété généreose et enrichis- 
sent les prêtres ou les'lemples de leurs bienfaits, sont honorés comme des Dieux (Y. l'ins- 
cription de Rosette, à la suite des EragmenU histoticar. grm c. de Didot . ; les impies, les 
ennemis du sacerdoce sont au contraire maudits et exécrés. 

(2) Sur les Pyramides et les autres monuments de l’Egypte , V. les ouvrages précités 
d’ Jfreren et de U. Daniel Damée* 


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(304) 

ment, puisque le débiteur devait s’attacher à retirer lè plus tôt possible 
des mains du créancier des restes si précieux. 

90. Les rois éthiopiens; réaction contre V étranger ; les deux der- 
nières dynasties nationales. Au VHÏ* siècle , la conquête éthiopienne 
vient soumettre l’Egypte à un joug étranger, les trois rois , Sabakho , 
Soec et Sàrhako y régnent successivement avec éclat. Mais eette' domi- 
nation des rois conquérante a son terme. Un mouvement national, opéré 
Sk Memphis et qni s’étend jôsqn’à Tbèbes , amène nu pouvoir un prêtre 
de Vokain, nommé Sethos. Ce prince ravale la caste des guerriers et va 
même jusqu'à les priver des douze araires de terre attribuées à 
chacun d’eux par les pharaons , ses prédécesseurs. A là veille d’une 
guerre contre le puissant Safcnacharib , roi <T Assyrie , cette conduite 
imprudents qui dépouillait les défenseurs de l'état aurait pu être foneste 
à l’Egypte , si une circonstance fortuite n’eut fait rétrograder l'ennemi. 

* « a la mon da Sethos , dit Hérodote , les Egyptiens se trouvaient 
libres. Mais ne pouvant se passer de] rois , ils en étattisseat douze, qui 
se partagent le territoire. > ( Liv. 11 , ch. 147. ) Dans la réalité , ce 
gouvernement est plutôt une aristocratie militaire partagée entre doute 
seigneurs. D’abord unis par une étroite alliance , que cimentent des 
mariages , ces chefs construisent l’édifice le plus gigantesque et le pins 
curieux peut-être de l'antiquité , le labyrinthe composé de dette palais 
et de doute cours. Bientôt, néanmoins, l’ambition et l’intérêt , ceédenx 
leviers de désunion , soulèvent la discorde, Psammelichu» , à l'aide de 
Cariens et d'ioniens qu’il a soudoyés > supplante ses enta rivaux et 
demeure seul maître du pouvoir. La monarchie est ainsi rétablie. 

Cette nouvelle dynastie comprend quatre rois : Psammetique lui- 
même, mort en 6lO;Nechao,en 594;Psammis,én 588;Apriès ou Ophra, 
détrôné en 363. Le premier de ces princes règne en Egypte 54 ans. Il 
en emploie vingt-neuf an siège d’Azotus , grande ville dé Syrie , qu’il 
finit par prendre. Son fils Néchao entreprend de faire communiquer le 


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( 303 ) 

Nil à la mer Rouge, par un canal ; mais obligé de renoncer à ce projet 
colossal , il se tourne du côté des expéditions militaires , équipe une 
marine et bat lés Syriens ; il est ensuite vaincu par Nabucbodonosor . 

Le règne de Psainmis est marquée par une guerre contre l’Ethiopie , 
qui subit à son tour l’invasion. Enfin , Apriès se distingue contre lés 
Tyriens par une grande victoire navale, à la suite de laquelle il va mettre 
le siége devanl Sidon. 

Cependant celte dynastie , quoique n’étant pas sans gloire, touchait à 
sa fin. Les Egyptiens se fatiguaient de Ces expéditions lointaines , dont 
l’ayantage ne revenait qu’aux mercenaires étrangers enrôlés dans l’ar- 
mée. A la suite d’une malheureuse tentative contre Cyrène , colonie 
grecque fondée en Afrique , une révolte éclate ; Apriès est dépouillé de 
la puissance et remplacé par Amasis, issu d'une famille sans illustration, 
mais prince remarquable par sa prudence et son habileté. 

Cette dernière dynastie nationale ne se compose que de deux pha- 
raons , Amasis et Psamménit. Vigilant et actif , ami de la religion et de 
la justice , qu'il administrait lui-méme , plein de grandeur et de magni- 
ficence , Amasis fut un des souverains les plus distingués de l’Egypte. 
Jamais cette contrée ne fut ptus-florissanteque sous son règne. Plusieurs 
cités lui durent d’admirables monuments, et le commerce une brillante 
prospérité. Le premier , il ouyrit entièrement l’Egypte aux marchands 
étrangers , principalement aux Grecs , qui s’y créèrent de nombreuses 
relations. II. épousa lui-même une grecque. On lui attribue une loi qui 
obligeait tout citoyen à faire connaître au magistrat ses moyens d’exis- 
tence. Il mourut en Ô 26 . 

Psamménit, attaqué par Cambyse, roi des Perses , après six mois de ' 
règne , est détrôné à la suite d’une grande bataille perdue. L’Egypte 
conquise perd sa nationalité et devient une province du vaste empire dés 
Perses. 

Ainsi fut brisé le sceptre antique de Menés et de Sésostris. Les gran- 

30 


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( 300 ) 

«les lots providentielles établies par Dieu pour gouverner les nations, la 
sociabilité, la rénovation, le progrès , l’unité , la diversité , f équilibre, 
agirent et réagirent tour-à-tour sur les destinées de ce beau royaume. 
La rénovation , toutefois , sembla exercer une pins puissante influence ; 
de nombreuses révolutions s’accomplirent. Les anciens pontifes, les pre- 
miers rois nationaux, les Hyksos, ou rois pasteurs , les Sésostrides , les 
diverses dynasties qui les suivirent , la dodécarchie , les deux dernières 
familles de Psamméiique et d’Amasis passèrent successivement au pou- 
voir. Les races et les gouvernements s’usaient vite sous ce climat brû- 
lant de l’Afrique ; de fréquents renouvellements étaient nécessaires. 

' Nous avons maintenant à apprécier les institutions de l’Egypte. 

51 . Organisation Sociale ; famille. La famille égyptienne , bien que 
modelée dans son organisation sur le type oriental , se rapproché néan- 
moins de la manière d’étre et des habitudes de la famille européenne. 
Ainsi , sans doute , la polygamie , moyen exceptionnel introduit pour 
obtenir un héritier qu’une première épouse n’a pu donne» , est tolérée 
par les institutions ; mais en pratique elle est peu usitée. Les prêtres ne 
contractent qu’un seul hymen, et les autres castes se conforment volon- 
tiers à leur exemple. De là , l'usage assez rare delà pluralité des fem- 
mes et la préférence ordinairement donnée à la monogamie f 1 ). 

Un point essentiel, cependant, sur leqael les Egyptiens s’écartent des 
mœurs de l’Europe , c’est la permission qu'ils donnent an frère d’épou- 
ser la sœur. Un motif tiré de la religion: l’union si édifiante d’Osiris et 
d’isis , dirigée par l’affection du cœur plutôt que par un sensualisme 
grossier ; une considération puisée dans la politique : l’utilitédu mariage 
entre le fils et la fille du roi, pour réunir et confondre leurs droits; une 
raison analogue chez les particuliers , afin d’assurer la paix domestique 
et de prévenir le morcellement des possessions : telles sont les causes 


(t) Htrod., liv. If, cb, 92 ; Diod. de Sic., liv. t, cb. 80. 


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( 307 ) 

qui ont amené et maintenu cette faeuké exorbitante , si antipathique k 
■os idées de décence et de bon ordre. (V. Diod, de Sic . , liv. 1, ch. 27, 
et ci-dessus n° 22.) 

La condition des femmes chez les Egyptiens est très remarquable. On 
ne les voit pas , là , esclaves soumises et résignées , passer leur vie au 
fond d'un sérail. Dans toutes les classes de la société , elles sont en 
possession d’une haute influence et jouissent d’une liberté étendue. S’il 
en est ainsi t paraît- il > c'est par l'effet d’un sentiment de reconnaissance 
pour la déesse Isis , dont les vertus furent la gloire et le bonheur du 
pays. Le respect , la gratitude qu’inspirèrent ses éminentes qualités ont 
rejailli sur toutes les personnes de son sexe, ses protégées/ses imitatrices 
naturelles et qu'on suppose , par une fiction respectable , être douées 
du même mérite. Aussi, dit Diodore , les reines chez les Egyptiens ont- 
elles toujours eu plus de puissance ou reçu plus d'honneur que les rois ; 
et dans les contrats passés entre les particuliers , il est toujours stipulé 
que la suprématie sur l’homme appartiendra à la femme , le mari s'en- 
gageant à obéir à celle qu’il épouse. ( JJ. , liv. 1 , ch. 27. ) Partout , 
même dans les classes les moins élevées , les femmes sont à la tête de 
leurs maisons. Elles circulent dans les rues , sont chargées du commerce 
et des affaires , tandis que les hommes , renfermés dans leurs maisons , 
travaillent à des tissus (t). En Egypte , dit Sophocle , les hommes , assis 
dans leurs maisons, s'occupent à faire de la toile, tandis que leurs com- 
pagnes vont chercher au-dehors ce qui est nécessaire à la nourriture. 
( OEdip. Col. , vers. 552. ) Un scoliaste de Sophocle , Nymphodore , 
donne une raison politique de cet ascendant des femmes : « Sésostris , 
< dit-il, voulant énerver les hommes du peuple dont il pouvait craindre 
» les résistances , et dans la vue de les empêcher de se concerter pour 
» reconquérir l'égalité des droits , assigna aux femmes les occupations 


(t) V. Uerod liv. U, ch. 


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( 508 ) 

> des hommes et imposa à ceux- ci les travaux des femmes , tels que k 
i soin de filer et de tisser. » ( Romæ , 1518 , sign. s. , il. Y. aussi 
Pomponius Mêla , lib* 1 , cap. 9.) 

Les formes légales, l'indissolubilité du mariage avaient été dès long- 
temps consacrées par Menés. L'adultère était puni rigoureusement 
( Diod . liv. 1, ch. 78). Toutefois les Égyptiens ne regardaient comme 
bâtard aucun de leurs enfants, fut-il né d'une femme achetée à prix 
d’argent , parce qu'ils pensaient que le père était le seul auteur de la 
naissance. ( Diod . ibid. ch. 8 ). L'adoption était permise pour .tenir 
au complet les castes et les tribus et prévenir les vides que la mort 
aurait pu former. Elle venait aussi consoler des époux qu'un mariage 
stérile eût laissés sans soutien dans' leur vieillesse. ( Flavius-Joseph , 
liv. IL ch. 9). 

52. Castes ; prêtres . La population de l'Égypte, comme celle des 
théocraties de l’Asie , se divise en trois castes héréditaires, rivales et 
exclusives l’une de l'autre : les prêtres, les guerriers, les travailleurs ou 
hommes du peuple. Les prêtres ont le soin et la garde des choses divines, 
les guerriers veillent à la défense de l’état, les travailleurs exercent les 
professions pacifiques, s'occupent de l’agriculture et des arts.(5fraAon, 
géogr., liv. XVII, ch. I ). 

A la tète de la société marche la caste des prêtres. Leur puissance a 
pour double base la religion et la science. 

Fils préférés des Dieux, organes des volontés célestes, ils s’identi- 
fient pour ainsi dire avec la divinité, dont ils sont les représentants sur 
la terre et qui ne s'exprime que par leur bouche. De là les respects et la 
vénération qui les entourent. Dans sa pieuse et craintive soumission, 
le peuple , s'inclinant devant l'autorité sacrée dont ils sont revêtus, ho- 
nore et redoute en eux les ministres et les confidents intimes du ciel , 
les dépositaires de sa toute-puissance rémunératrice et vengeresse. Les 
cérémonies augustes qu'ils accomplissent rend leur caractère plus im- 
posant encore, Dans les temples, ils captivent lamullitude par la sainteté 


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( 309 ) 

de leurs fonctions , par l’éclat qui environne le cullc. A l'extérieur* 
l’histoire nous les représente, dans leurs longues processions, s’avançant 
avec solennité vêtus de robes de lin blanc , ayant tous la tête rasée et 
couronnée de fleurs. Ils marchent précédés de jeunes enfants habillés de 
lin qui dansent et chantent devant eux (*). 

Leurs habitudes austères, leurs mœurs édifiantes, accroissent l'as* 
Cendant qu'ils exercent. Astreints à des règles sévères dans leurs vête- 
ments, leur nourriture et leur genre d'existence, ils donnent au peuple 
les salutaires exemples d’une vie sainte , d'une conduite irrépro- 
chable, et celui-ci , admirant leur vertu rigide , respecte davantage leur 
Autorité. A la pureté morale ils joignent la propreté du corps. Tous les 
trois jours ils se rasent le corps entier, afin qu'aucun insecte et que rien 
d’impur ne s’engendre sur des hommes qui servent les Dieux. ( Hérod . 
II, 37; Plutarque, sur Isis et Osiris). 

Puissants par la religion, les prêtres le sont aussi par la science, au 
milieu d’une société peu éclairée. Leur instruction est étendue et soi- 
gnée. Ils sont particulièrement versés dans les doctrines religieuses et 
philosophiques, dans la connaissance de récriture sacrée, de la géo- 
métrie, de l'astrologie et de l'arithmétique. Eux-mêmes veillent à 
l'éducation de leurs enfants et leur transmettent la science qu’ils possè- 
dent. (Diod. 1, 81.) 

La caste sacerdotale est, en Egypte, l'élément civilisateur par excel- 
lence. Elle se résume et se personnifie, pour ainsi dire , dans Hermès , 
qui en est la représentation figurée , de même qu Osiris est le symbole 
du pharaon. Personnage fictif, conseiller intime d* Osiris, comme le prê- 
tre est le conseiller obligé du roi, Hermès passe pour avoir répandu > 


(1) Pour le culte et renseignement , les prêtres se divisent en plusieurs ordres dô 
fonctions. Ainsi on distingue des archiprèlres ou chefs d« collèges, de9 prophètes (inter- 
prèies des livres sacrés) , ceux qui ont entrée dans le sanctuaire pour mettre les orne- 
ments des Dieux , les hierogramraates , etc. ( V. l'inscription de Rosette , déjà citée ^ 
lig. 6 et 7. ) 


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( ->10 ) 

de concert avec son royal maitre , les premières notions des arts , des 
sciences et de la législation , notions dont il aurait rédigé le recueil en 
XLI1 livres. On lui attribue en outre une foule d'inventions et d'éta- 
blissements , et la composition de nombreux ouvrages que l'Egypte dui 
en réalité à la caste sacerdotale. (Diod. 1, <6 ,90, Clément Altüandr • 
stromat. Yl, 4. 

Formant un ordre prédominant dans l'état, les prêtres sont, en toute* 
choses, considérés comme les premiers. Au dire de Plutarque, lorsqu’on 
choisit un guerrier pour roi, on l'admet sur-le-champ dans l'ordre sacer- 
dotal, et les prêtres lui révèlent leur doctrine secrète , inaccessible au 
vulgaire. Seuls , ils ont le droit exorbitant de censurer le prince , de lui 
donner des avis, de diriger toute sa conduite. Des réglements émanés 
d'eux , soumettant toute son existence à une sorte de cérémonial reli- 
gieux , fixent l'emploi de son temps , précisent les heures de ses bains , 
de sa promenade et jusqu’aux moments où il peut voir sa femme. {Diod. 
de 5tc., liv. 1, ch. 70.) Seuls instruits dans les lois , les prêtres parta- 
gent avec le roi le droit suprême de rendre la justice. Ils jugent aussi 
après leur mort les rois et les particuliers. (Ælien, hist. var. lib. XIV , 
ch. 4.) 

À ces pouvoirs immenses dont ils sont investis , les prêtres joignent 
de grands avantages. « Ainsi, dit Hérodote, ils n’ont aucun soin dotoes- 
» tique à remplir et ne dépensent rien de leurs biens propres; des mets 

• consacrés leur sont fournis tout préparés, et chaque jour on leur sert 
> en abondance de la chair de bœuf et des mes. On leur donne aussi du 

* » vin ; mais il ne leur est pas permis de manger du poisson. » ( Liv. II, 

• ch. 37 ) 0) »• 

55. Guerriers ; — peuple. La seconde caste est celle des guerriers , 


(1) Quel était dans la langue égyptienne le nom des prêtres ? portaient-ils comme les 
Brahmanes de l’Inde un nom particulier ? ou les désignait-on comme chez les Hébreux par 
le terme générique de cohènc ( ministre ) ? Ce sont là de ces problèmes historiques qu'il 
est difficile de résoudre avec certitude. 


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( 311 ) 

qui 0006 apparaissent armés de javelots et de poignards, la tôte couverte 
d'un casque, le buste protégé par une cuirasse en lin fortement tressée. 
On les divise en deux grands corps : les calasiries et les hermotybies . 
Lescaksiries du temps d’Hérodote occupent douze nomes ou circons- 
criptions <kt territoire. Ils fournissent deux cent-cinquante mille hom- 
mes. Les hermotybies sont répartis dans sept nomes. Leur contingent 
est au plus de cent-soixante mille hommes. Dans ces deux corps d’ar- 
mée, le fils succède à son père sans pouvoir exercer d’autre profession, 
(üfàr. Il, 164-166.) ( ! ) 

Les gens de guerre, quoique marchant au second rang , jouissent 
comme les prêtres de prérogatives importantes. Douze aroures (ou por- 
tions de terre de cent coudées) , exemptes de toutes charges ou rede- 
vance , sont assignées à chacun d'eux durant toute sa vie. Quelques 
autres avantages leur sont encore assurés. Chaque année , mille calasi- 
rtes et mille hermotybies sont appelés à la garde du roi. lis reçoivent 
alors tous les jours, outre le produit des douze aroures affectes à chacun 
d'eux, une portion de pain, de bœuf et de vin. ( Hérod . II, IG8.) 

La caste des guerriers, ayant la force dans les mains, acquiert à 
certaines époques des richesses et du crédit, surtout quand les pharaons 
sont eux-mèmes guerriers et conquérants. Toutefois les prêtres savent 
habilement la contenir à l'aide de cette supériorité naturelle que donne 
l'intelligence sur la force physique et de ce respect inaltérable que 
professe le peuple pour les ministres des Dieux. 

A une large distance des deux premières castes se tient la masse du 
peuple. Elle se divise elle-même en plusieurs classes ou corporations 
dont le nombre varie suivant les époques et les circonstances. Dans les 
premiers temps on y distingue plus particulièrement les pâtres, les agri- 


(1) Ces tribus de guerriers avaient été sans doute dans leur origine composées par 
la caste 6acerdolale, de hordes indigènes ou circonvoisincs, pour raffermissement de sa 

propre puissance, ou pour la défense extérieure de l’empire. 


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( 312 ) 

cultcurs, les artisans, les marchands et ‘de plus les bateliers du Nil. Tous 
vivent dans une ignorance assez complète, sauf peut-être ceux qui tra- 
vaillent aux objets d’art. Plus tard, à la suite des nombreuses relations 
entretenues avec les Grecs, se forme une classe d'interprètes descendus 
des jeunes Égyptiens que Psammitique avait confiés pour apprendre le 
grec à ses anciens auxiliaires les Ioniens et les Cariens. ( Herod. II , 
154). 

Quelle que soit au surplus leur profession, les hommes du peuple sont 
peu considérés et vivent séparés des autres castes par une ligne pro- 
fonde. Presque tous les autres peuples, parmi lesquels Hérodote signale 
les Thraces , les Scythes, les Perses et les Lydiens, ont admis cette dis^ 
tinclion comme les Egyptiens. < Ces peuples, dit-il, n’accordent aucun 

> honneur ni à ceux de leurs concitoyens qui exercent des métiers, ni à 

> leurs descendants, tandis qu'ils regardent comme nobles ceux qui ont 
» dédaigné les arts mécaniques et surtout ceux qui se vouent à la 
» guerre. » (U , 167). 

Les esclaves paraissent peu nombreux en Egypte, surtout dans les 
premiers temps. Tout ce que nous en savons, c'est qu'un asile inviolable 
leur est accordé de toute antiquité dans le temple de Canope, consacré 
à Hercule. En vertu d’un privilège spécial à ce temple, si un esclave, 
quel que soit son maître, s’y réfugie et consent à se donner au Dieu en 
se laissant imprimer sur le corps une marque sacrée, il n’est plus per- 
mis à personne de porter la main sur lui. ( Hérod . II, 113 ). 

54. Distribution de la propriété. L’histoire de la terre se lie intime- 
ment à celle de l’homme, quelle porte et qu'elle nourrit. Dans les an- 
ciennes sociétés, où l’association commune ( coinônia ) absorbe les indivi- 
dualités, la propriété est plutôt collective qu’individuelle. Le fond du 
domaine reste à l'Etat représenté par le souverain. Les castes, les cor- 
porations, les familles n'ont que la simple possession, qui leur est assignée 
à titre d’usufruit ou d'usage. Cette réserve perpétuelle au profit du 
souverain qui a primitivement distribué le territoire, explique seule com- 


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(513) 

ment en Égypte les Pharaons ont pu, à certaines époques, modifier si 
facilement l’état ou les conditions de la propriété entre les mains de 
leurs sujets. Ainsi l'on voit le grand Sésostris remaniant pour ainsi 
dire tout le système de la distribution foncière, assigner par le sort à 
chaque habitant un espace carré d’égale grandeur, et se créer, un revenu 
d’après ce partage en fixant l’impôt annuel que chaque lot aurait à lui 
payer. ( Hérod. il , 109). Ainsi encore, en remontant dans l’histoire , 
on voit le Pharaon contemporain de Joseph rentrer en possession des 
terres de ses sujets forcés par la famine à les lui céder. A l’exception 
des prêtres, tous, moyennant une faible indemnité, renoncent en sa fa* 
veur aux jouissances qui leur ont été concédées. Joseph les leur rend 
ensuite moyennant une redevance annuelle du cinquième du revenu. 
Hais cet impôt lui-méme rappelle la concession faite par l’Etat. ( Ge- 
nèse, ch. XLYII.v. 18*26). 

En Egypte, la propriété reste donc collective ; le domaine éminent 
continue d’appartenir à l’Etat. Dans la caste sacerdotale, la jouissance 
elle-même demeure indivise. 

Suivant Diodore,tout le territoire est distribué entrois parties : 

L’ordre sacerdotal possède la plus considérable. Avec les immenses 
revenus que les prêtres en tirent, ils pourvoient à la dépense du culte, 
nourrissent leurs agents subalternes et fournissent à leur propre en* 
tretien. (V. Hérod. H, 37). Car les Egyptiens, ajoute Diodore, pensent 
que les cérémonies du culte doivent toujours être accomplies par les 
mêmes ministres composant un ordre permanent, et que ceux qui sont 
à la tête de tous les conseils de l’Etat ne doivent point être exposés à 
sentir le besoin. Au surplus, un grand nombre de personnes sont 
employées au culte des Dieux ; lorsqu’elles meurent , elles transmettent 
à leurs descendants le même genre de vie et de fonctions. 

La seconde partie des terres appartient à la couronne. Sur les pro* 
doits que les rois en retirent, ils font la dépense des guerres, entretien* 


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( 314 ) 

neotla magnificence de leur cour, ot sans être obligés d'engloutir par 
d'énormes tributs la fortune des particuliers, peuvent.^ l’aide des grands 
retenus dont ils jouissent, récompenser suivant leur mérite ceux qui se 
distinguent par quelqu’action d’éclat. 

Les guerriers sont en possession de la troisième et dernière partie : 
ils obéissent aux appels qui leur sont faits pour le service militaire; et 
comme ils ont, en raison des héritages qu'ils possèdent dans le pays, une 
très vive affection pour leur patrie, ils sont d’autant plus disposés à 
braver courageusement les périls de la guerre..*. Déplus, au sein de 
l'aisance où ils vivent.ib donnent le jour à beaucoup d’eaiants, de sorte 
que l’Etat n'a jamais besoin de recourir à des troupes étrangères pour 
assurer sa défense. ( Diodt de Sic., trad. de M. Miot, liv. 1, ch. 22 
et 73). 

Quant à la caste du peuple, les diverses classes dont elle se compose 
ne paraissent posséder en commun aucune propriété territoriale. Quel- 
ques-unes d’entre elles se bornent à exploiter les domaines du roi, ou 
ceux des deux premières castes. 

Toutefois, dans les derniers temps, on voit de simples particuliers 
acquérir des propriétés individuelles et les transmettre par des con- 
trats; mais rien n'indique que les testaments aient été admis dans le 
droit égyptien. 

55. Gouvernement. — Institutions. Le principe du gouvernement a 
sa source dans la théocratie. Bien que dominé ou effacé quelquefois par 
la puissance du Pharaon, l'élément théocratique n'en reste pas moins 
dans tous les temps la principale base de l’organisation égyptienne. 
Son influence se fait également sentir soit à l’époque très ancienne où 
l’Égypte est divisée en plusieurs petits étals religieux, soit aux temps 
où elle ne forme plus qu’un empire unique. 

Toutefois, la théocratie, quoique prépondérante, n’est pas exclusive. 
La monarchie s’allie et se combine avec elle. Le gouvernement est con- 


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(315) 

fié à un roi dont l’autorité est tempérée par celle des prêtres. Ceux- ci, 
conseiUers-nés de la royauté, partagent ses travaux, l'éclairent de leurs 
lumières, la dirigent par leurs avis. 

Quand la couronne était donnée par élection, le grand-prêtre exer- 
çait une puissante influence sur le choix du souverain. 

Lorsqu'elle est devenue héréditaire, les prêtres conservent presque 
tout leur ascendant par divers moyens d’action, tels que l’éducation de 
l’héritier du trône, le cérémonial religieux auquel le monarque régnant 
est assujetti, les exhortations qu’ils lui adressent, le jugement solennel 
qui l’attend après sa mort, et l'inscription deson nom dans le temple de 
Yulcain (Phta), s’il a été pieux et juste. ( Diod. I, 70, 7 1). 

Fondée sur la double base de la religion et de la science, cette haute 
influence du sacerdoce a encore pour point d’appui le caractère même 
des Egyptiens, que les historiens signalent comme supérieurs à tous les 
peuples par leur piété. Aussi les institutions religieuses tiennent-elles 
une large place dans l’Etat. 

Le principal temple de chaque divinité supérieure est desservi par 
un nombreux collège de prêtres. A Thèbes, il y a un grand-prêtre hé- 
réditaire nommé Pyromis , c’est-à-dire bon et vertueux. La statue de 
chaque grand-prêtre est érigée dans le temple pendant sa vie. Du temps 
d’Hérodote, on compte déjà 345 de ces statues. ( Y. liv. II , ch. 143). 
Une série de grands-prêtres se déroule ainsi parallèlement à Côté de la 
série des rois, 

Le monarque, de son côté, est également revêtu d'un caractère sacré, 
puisqu’ avant de remplir ses fonctions de souverain il est fait prêtre et 
admis dans l’ordre sacerdotal ; il joint dé cette manière une sorte de 
pouvoir religieux à ceux qui lui sont dévolus comme chef de l’Etal, 
comme juge suprême, comme premier administrateur. 

L’autorité du roi est exercée dans les provinces par des nomarques 
ou préfets. Les nomes administrés par ccs fonctionnaires étaient prirni- 


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( 316 ) 

tivement des circonscriptions religieuses placées sous le patronage de 
divinités distinctes. Ainsi, outre Osiris et Isis adorés dans toute l’Egypte 
et qui étaient les grands dieux du pays, Ammon était principalement 
bonoré à Thèbes, Phta ou Vulcain à Memphis , Neith ou Minerve à 
Sais, Mendésou Pan à Chemmis (haute-Egypte), Latone àBouto (basse- 
Egypte), où elle avait un temple fameux par ses oracles. A ces espèces de 
diocèses , Sésostris substitue des divisions administratives qui plus tard 
sont appelées nomes. Toutefois, le souvenir des anciennes circonscrip- 
tions religieuses n’est point effacé, et il reste dans le culte des différen- 
ces plus ou moins sensibles. ( Hérod. II , 42 et s. , 168 ; Diod. i , 54 
et 65). 

Afin de pourvoir au maintien de sa puissance^ la dignité de son trône, 
le roi jouit de revenus considérables. ( Diod. 1 , 75). Une ville assez 
importante, celle d'Anthylle, reste constamment affectée à la femme du 
roi, rien que pour fournir à la dépense de sa chaussure. [Hérod. U , 98) . 

Honoré pendant sa vie , le pharaon esc à sa mort l’objet de doléan- 
ces universelles. Tous les Egyptiens , sans distinction , prennent alors 
le deuil et déchirent leurs vêtements ; les temples se ferment , les sacri- 
fices cessent, et pendant soixante-douze jours on ne célèbre aucune fête* 
A l'expiration de ce terme , lorsqu’on a préparé demagniques funérail- 
les, on place à l'entrée du tombeau le corps du défunt, contenu dans une 
caisse de bois. On procède alors, suivant la loi , au jugement de la con- 
duite du feu roi , et chacun a la faculté de porter contre lui une accusa- 
tion. [Diod. 1. 72.) 

56. Etroite union des institutions politiques et religieuses. Gouver- 
née dès son origine par les Dieux , c'est-à-dire par des prêtres au nom 
de la divinité , la société égyptienne porte en toutes choses l'empreinte 
de la religion. La constitution politique , l'organisation sociale , la vie 
publique et privée , tout est calqué sur le même type , tout semble coulé 
dans le même moule. La profonde séparation des castes, maintenue avec 
persévérance comme une œuvre de conservation et de durée , la divi- 


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(317) 

sion territoriale, plutôt religieuse que civile , les produits du sol et les 
aliments consacrés on réprouvés par la religion , les animaux révérés 
ou proscrits comme purs ou impurs , les trois grands actes du drame de 
la vie humaine: la naissance , le mariage et le décès , placés sous l’égide 
de la divinité , le jugement de chaque homme après sa mort, tout en 
Egypte révèle l’alliance intime du culte et de l’état , du spirituel 
et du temporel. Les rites , les principes religieux se combinent avec 
les institutions civiles; le sacerdoce dirige la politique ; tout respire le 
parfum du sanctuaire , pour ainsi dire. Les mœurs de l’Egypte s’adap- 
tent merveilleusement à ce système. Mis en action par les grands mobi- 
les de la pensée humaine, par la reconnaissance, la crainte et l’espérance, 
le sentiment religieux s’y déploie sous toutes les formes , y éclate à cha- 
que instant par des manifestations extérieures, par des actes pieux , des 
oblations , des fêtes , des cérémonies! 1 ). Jamais contrée ne fut plus 
féconde en solennités religieuses ; lorsqu'il s'agit d’hommages à rendre 
aux Dieux , l’imagination des prêtres et des peuples s’y montre en quel- 
que sorte inépuisable. Aussi la théocratie , admise par la conscience 
publique comme une émanation de la divinité , est-elle constamment la 
forme du gouvernement , même aux époques où l’esprit guerrier et les 
idées de conquête semblent prévaloir. Comme la religion, dont les prê- 
tres ont le dépôt, se mêle à toutes les institutions, leur autorité pénètre 
partout. 

57. Les mystères. Considérés sous le point de vue de la civilisation 
et de la justice, comme moyens d’adoucir , de perfectionner les mœurs , 
de façonner l’homme à la pratique du bien , de l’habituer au respect de 
la religion et de la règle , les mystères ont avec le droit des rapports 
qu’on ne peut méconnaître. 

C’est en Egypte , ce pays des merveilles et des secrets , qu’on voit 

(1) Hérodote, II. 


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( 318 ) 

surtout se développer ces institutions dont l'organisation se rattaobe , 
comme tout le reste , à la forme théocratique du gouvernement. 

Les conditions requises pour être initié , les connaissances révélées 
par l’initiation , les heureuses conséquences que produit eelle-ci , tant 
pour procurer la félioité que pour assurer à l’âme des transmigrations 
successives qui perpétuent son bonheur , font ressortir Futilité de ces 
mystères , destinés à combattre les mauvais penchants , à encourager 
les vertus , à consolider la morale et les lois. 

I. OoiùlUioiMtj *«]u »*»* jpou» f uûtwtvop. Tant que l'Egypte conserve 
sa nationalité , c'est un honneur avidement recherché que de pou- 
voir être initié aux mystères. La première condition, pour y être admis, 
est d'être égyptien et en même temps circoncis ; il est indispensable en 
outre, de présenter une vie pure, exempte de reproches, une vie passée 
dans l’abnégation de soi-même et affranchie du joug des passions (*). 

Mais comme ces âmes privilégiées qui se détachent des vanités d' ici- 
bas pour s’élever à la contemplation divine, sortent du cercle commun, 
le législateur , pour condescendre à la faiblesse humaine et ne pas frap- 
per les simples égarements de la réprobation réservée au crime , ouvre 
le remède de l'expiation à ceux dont la conduite n’a pas été complète- 
ment irréprochable. 

Au moyen de purifications , de lustrations , de pénitences plus ou 
moins rigoureuses , selon la gravité des cas , les fautes sont susceptibles 
de rachat. Les torts commis dans l'entrainement des passions, les homi- 
cides, les blessures involontaires peuvent aussi être effacés. 

Mais si des fautes excusables ne ferment pas définitivement l’entrée 
du sanctuaire , il n’en est pas de même des forfaits qui supposent une 
perversité incurable. Le traître à sa patrie , l'assassin , le sacrilège , 
atteints d'une sonillure indélébile , ne peuvent jamais, quel que soit leur 

(t) Clément. Alexandr. Stromat. 1, 13; Origine contre Celte, lit. ni. 


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(319 ) 

repentir, être purifiée par l'initiation. (Pkiloitrate, in vit. Apoll.,1. IV , 
ch. 6.) 

Si la loi sacrée rejette le pervers , elle éloigne du seuil du sanctuaire 
l’être pusillanime que b frayeur peut gagner. Les aspirants sont assu- 
jettis à des épreuves terribles qu’ils doivent intrépidement surmonter (*). 
Alors seulement ils sont éclairés des rayons divins. 

II. GimiHiMMtKtt vivitit» jm» f init»aiicp. Une fois entrés dans le 
sanctuaire , l’initié jouit des connaissances et des révélations promises à 
sa curiosité. Des prêtres instruits lui dévoilent l’exposé symbolique de la 
théologie égyptienne, les signes mystiques sous lesquels le Dieu suprême 
est représenté, l’explication des noms et des attributs des autres divi- 
nités (*) , le sens caché des aventures d’Isis et d’Osiris ( 1 2 3 4 5 ) , les mystères 
de la génération et de la conception , sous la double figure des organes 
sexuels de l’homme et de la femme , du Phallus et du Kteis (*). A ces 
notions métaphysiques fournies par la science, la morale joint ses ensei- 
gnements salutaires , beaucoup plus accessibles aux simples- initiés. 
Retraçant l’histoire des grands hommes divinisés , qui ont bissé après 
eux de si glorieux motifs d’émulation , elle exalte les avantages de b 
vertu et fait un riant tableau des brillantes récompenses qu’elle recevra 
dans b vie future. Les hiérophantes , dont b mission mt d’instruire lés 
initiés, expliquent encore l’organisation sociale, l’établissement des lob, 
les bienfaits de b justice , toutes institutions qui se rattachent à Osiris , 
être mystérieux, impénétrable, à b fois Dieu suprême , soleil / bienfai- 
teur de l’humanité (®). 


(1) Porphyre^ vie de Pythagorc. 

(2) Jamblichut x de mysteriis, etc., cap. 36-39. 

(3) Plutarque , de bide et Osiride. 

(4) Y. Diodore , liv. I, ch. 21 et 88 ; Hérod ., Iî, 51. 

(5) Diod.y I, 20, 21 ; Plutarque , de bide et Osiride , p. 1059. — Pour mieux rappe- 
ler aux initiés, par une figure symbolique,les avantages de la justice, un prêtre portait une 
main de justice dans les cérémonies des mystères. (Apulée, Métaniorplios, liv. ü.) 


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(330) 

lotis ces secrets révélés aux initiés doivent être inviolablement gar- 
dés. Malheur aux insensés assez téméraires pour les répandre dans le 
public ; le plus terrible châtiment punirait leur indiscrétion (*). 

III. Goiu«ju«iic* d» f L’initiation a pour heureuses con- 
séquences : 

1° La satisfaction intérieure qui résulte de la pratique du bien ; 

2° L’espoir d’échapper , par une conduite irréprochable , au danger 
d’une destruction imminente en cas de perturbation dans le ciel ou dans 
les éléments ; 

3° La consolante assurance de jouir dans un autre monde de la féli- 
cité des élus. 

Un des premiers éléments du bonheur consiste dans cette sérénité 
ineffable que donne une conscience pure et r accomplissement habituel 
de la justice. Ce contentement intérieur, qui est la première récompense 
de l’homme vertueux, élève sa pensée vers le ciel et le rapproche de la 
divinité. < Le grand œuvre de l’initiation, dit Héroclès ( Àureacarmma 9 
p. 310.), est de rappeler l’âme vers les véritables beautés.. ., de la déli- 
vrer de ses peines et des maux quelle endure ici-bas, où die est enchaî- 
née comme dans la matière , de lui faciliter le retour vers les clartés 
éternelles... C’est lorsque l’âme , dépouillée de son vêtement morte! , 
remontera vers les deux , quelle sera rétablie dans son ancien état et 
réunie à l’essence divine. » 

A ces espérances sublimes s’en joignent d’autres non moins précieu- 
ses pour le commun des hommes. C’est une tradition andennement 
répandue , que le monde a péri par le feu ou l’eau. Or , une doctrine , 
perpétuée avec soin , donne à tout initié l’espoir de se soustraire à une 
seconde catastrophe du même genre , au moyen d’une vie pure , et en 
désarmant par des expiations la colère du ciel irrité. 


(1) V. Herodoti , If, 51, 61, 86, i 71 j Kriuzer , commentationes Hérodote» 90. 


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(521 ) 

Eofii , la sanctification de l ime ici-bas doit avoir pour résultat de la 
foire survivre au corps et de lui procurer plusieurs existences. successives, 
plus ou moins fortunées , jusqua ce que , dégagée entièrement de son 
enveloppe, mortelle , elle se réunisse à. la nature divine , dont elle est 
«mande. 

58. DetsymbdUs hkrogfgpkiques et de leur application au droit. En 
Egypte , contrée essentiellement mystérieuse , la pensée de l’homme 
aima de bonne heure à s'envelopper de replis cachés. Le langage loi— 
même, qui doit être l'expression claire et sensible des idées, se complut 
souvent à se déguiser souô le voile de figures et de symboles. L'exis- 
tence sur le même territoire de plusieurs races souvent en lutte » la 
crainte ppur les prêtres égyptiens d'être supplantés par une caste rivale, 
l'ophuon où ils étaient que l’homme a naturellement plus de vénération 
pour ce qui est mystérieux, et inconnu , .portèrent ceux-ci à $e servir 

d’une langue énigmatique dent ils se réservèrent la clef. D'abord en 
% 

usage dans l’Ethiopie qui 4a tenait peut-être de l’Inde * l'écriture biéro- 
glyphiqufe, 

cet art ingénieux. 

Dépeindre la paroi» et de perler aux yeux, 
n'était point à Méroé le privilège exclusif du sacerdoce C 1 ). En Egypte, 
1m prêtres la gardèrent pour eux seule et défendirent de la communi- 
quer aux autres castes, dont l’origine et la condition étaient à leurs yeux 
moins nobles que la leur. De là, chez les prêtres égyptiens , une double 
science, l’une, sainote et subtile f l’autre vulgaire, grossière , et exposée 
à tout le monte. (V. ci-dessus n # 12.) 

« Les sçcrets des.prestres , ajoute Plutarque (trad. d’Amyot) , cou- 
vraient plusieurs mystères sous le voile de fables et sous des propos qui 
obscurément monstroient à travers et donnoient à entrevoir la vérité , 


(t) Kod. de SUitf, lit. ni, cli. 3. 

21 


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( 522 ) 

comme eux-mêmes le donnoient tacitement^ entendre quand ito «net- 
toient devant les portes de leurs temples des Sphinx , voulant dire que 
tonte leur théologie céatenoit sous paroles énygmatiques et couverte* 
les secrets de sapience. De là , en la ville de Sala l’image de PaUae 
( Nevt ou Minerve ) avec une telle inscription : * Je suis tout ee qui a 
esté , qui est et qui sera jamais et n’y a encore eu homme mortel qui 
m’aitdescouverte de mou voile. * ( De isis et Ositris , ch. 4 et 6 , p. 
1055 et 1056. ) 

D’abord assét restreinte , la langue symbolique dut se borner à on 
petit nombre de signes. Ainsi , pour ne rappeler ici que quelques sym- 
boles juridiques ou politiques, l’œil signifia le conservateur de la justice, 
la sentinelle qui épie le méchant ; la main droite avec tes doigta éteodos 
fut l’emblème de l’acquisition des biens ; la gauche fermée le oy ua fro le 
de la conservation et de la garde des richesses. ( Jfe'od. 4e Sie., tiv. III, 
ch. 4.) Deux époux fidèles furent représentés par un couple de cor- 
beaux, dont la destinée est de passer ensemble, une longue vio sur b 
terre. 

Sur la deuxième muraille du péristyle du temple d’Osymandias , les 
captifs ramenés par le roi étaient représentés bans mains et sans parties 
sexuelles , pour indiquer que le manque de courage les avtdt privés du 
titre d'homme et que dans les dangers ils n’avaient pas su se servir de 
leurs bras. ( Diod . liv. 1 , ch. 48.) 

< En la ville de Thèbes, dit encore Plutarque, y a voit des images de 
juges qui u’avoyeot point de mains et celle du prééîdent avoit les yeux 
bandez pour donner à entendre que la justice ne doit éstre ni concus- 
sionnaire , ni favorable , c’est-à-dire ne prendre point d’argent et ne 
rien faire par faveur. » (De Isis et d'Osiris, ch. 6, p; 1096.) 

« Au vestibule qui est devant le temple de Minerve,en la viBede Sais, 
il y avoit peint un petit enfant , un vieillard et puis un épervier , et tout 
joignant un poisson , et à la fin un cheval de rivière ( hippopotame ) qui 


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(343) 

signifiait sous figure ; < O arrivons et parlais. jeunes et vieux , Dieu hait 
toute violente injustice ; » cat par l'épervier ils représentent Dieu, par lé 
poisson haine et abonünalioD , et par le cheval de rivière toute impu- 
dence de mal faire ( anaideia ), d’autant qu’on tient qu’il tue son père et 
se natte par (once à sa mère ( Platarpu, ibid. ch. 13, p. 10-73). 

Les habitants d’ApoUinopolis peignaient et représentaient Osirts ( et 
anesi 1« roi ) par un sceptre , sur lequel il y avait un œil peint. L'œil 
asguifiait la prévoyance, et le sceptre l'autorité. 

Souvent encore ils représentaient Osiris par ni épervier , parce que 
cet oiseau d« proie a la vue longue et perçaote et un vol très-rapide, 
(ibid.ch. 46, p. 1067.) 

Jdsquodàko hiéroglyphes étaient assez si ai pies. Mais à mesure que 
l’inleBigence dn peuple se développa et Int phm capable d'en saisir le 
sens, il y eut nécessité da compliquer davantage la langue symbolique,, 
afin d'en dérober la eomtaissance au vulgaire. Dons la période suivante, 
nous verrons jusqu’à qnd point ce langage sacré devint obscur et sou- 
vent mémo inintelligible. 

59. Dtt loi» dan» leurs rapport» met la religion. Si noos possé- 
dions one chronologie complète de l'histoire d’Egypte et des documents 
pins certains , H serait curieux de voir à choque époque les lois sur- 
gissant successivement de l’état et des besoins de ce peuple religieux; 
gouverné constamment par une théocratie mélangée de royauté ; nous 
étudierions tour-à*toor et nous pourrions apprécier dans leur ensemble 
et dans lehrs détails: 1° les instituts religieux ét politiques dn vieux roi 
Menés , dont leréga* remonte * dit-on , à plus de vingt siècles avant 
J-C. (Héred. Mv. Il, ch. 99 , DM. de Si*. 1, 48-94.) - 

2° Au XT« Siècle ( vert 1491 ) , la législation du grand Sésoslris, 
l'organisation politique et administrative dont il dota l’Egypte. ( Hérod . 
II, 402*109, Diod. I, 83 et $uiv.) 

8* De 1082 à 1019, tes lois d’Aoychis ou Bocehor». [Hérod. Il, 126, 
Diod. I, 94.) 


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(324 ) 

4* Au VIII* siècle, la teuiative de Sabacos, roi d’Ethiopie et d’Egypte, 
pour abolir la peine de mort. ( Hérod . II , 137 , Diod. 1 , 63). 

3° Enfin , de 570 à 526 , les lois d’Amasis. ( Hérod. II , 172*177 , 
Diod. 1 ,68-93). 

Mais dans l'impossibilité où nous sommes de pouvoir , faute de docu- 
ments, étudier dans leur ordre chronologique ces diverses législations , 
dont les historiens ne citent que des fragments, nous devons nous borner 
ici à un rapide aperçu. Examinons d’abord les lois de la théocratie 
égyptienne dans leurs rapports avec la religion, leur premier fondement. 

Dans les anciennes théocraties, une des principales bases de l’organi- 
sation sociale et politique est la division par castes. Lear permanence 
inaltérable , leur conservation sans mélange e6t l’objet continuel de la 
sollicitude du législateur. ( V. ci-dessus n° 13 ). l)e |à cette ancienne 
loi d’Egypte qui astreint le fils à suivre invariablement la profession de 
son père. (Diod. I, 74.) De là encore cette autre loi d’Amasis, qui enjoint 
à toute personne, sous peine de mort, dedéclarer chaque année sa -pro- 
fession, ses moyens d’existence. Par l’effet de cette loi, destinée à main- 
tenir l’ordre établi , tous les habitants sont tenus de se rattacher sans 
cesse à l’unodes castes existantes et l’on ne rencontre point en Egypte 
cettefoule de prolétaires désoeuvrés et vagabonds , qui sont la plaie des 
états modernes. 

Une loi ancienne , dont l’auteur est inconnu , prononçait la peine de 
mort contre le palrjure. Quand la religion et l’état se lient et se combi- 
nent, le parjure est tout à la fois un outrage envers la divinité et Un atten- 
tat contre la constitution, fondée sur le respect des Dieux. Oa le consi- 
dère comme le plus énorme des méfaits, parce qu’il ébranle la plus ferme 
garantie que lés hommes puissent donner dè leur foi. (Diod. 1, 77. ) (U 

{1) < Le serment,dit Pkilon (dt lege tpeeiali), consiste & prendre Dien à témoin d’un 
{ÿt-iur lequel on dispute ; appeler Dieu en témoignage de (ont nuire chose que de !a 
vérité est ce qu’il y a au monde de plus impie. » 


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( 323 ) 

C’esf sur un motif analogue que se base la loi qui prononce contre le 
calomniateur la même peine qu’entraînerait contre l’accusé la pour-» 
suite calomnieuse, dont la criminalité s’aggrave encore par un faux ser- 
ment en justice (t), A cette perversité d’intention qui compromet sciem- 
ment rionocence, le coupable joint ici le mépris sacrilège de la divinité. 

Dans leur respect superstitieux pour l’œuvre de la reproduction , les 
anciens la plaçaient , avec les organes des sexes , sous le patronage des 
Dieux. Ils allaient même jusqu’à cohabiter charnellement dans les lieux 
sacrés. En Egypte , une loi expresse vient défendre d'avoir commerce 
avec des femmes dans l’enceinte des temples. ( Hérod. II , 64. ) C’est 
avec la piété d’un cœur pur et non dans l’enivrement des jouissances 
brutales qu’on doit honorer la divinité. Un spiritualisme épuré est ici 
substitué au matérialisme des sens. 

La loi qui autorise le mariage entre le frère et la sœur est aussi sug- 
gérée par un principe de spiritualisme. Le législateur veut que le mariage 
ait pour objet l’union des cœurs plutôt que la satisfaction des passions 
terrestres. (V. ci-dessus u os 22 et 51. ) 

Les Egyptiens soûl les premiers qui aient avancé que l'àme humaine 
survit au corps , qu’après la destruction de celui-ci elle entre dans un 
autre animal prêt à naître; qu enfin , après de nombreuses transmi- 
grations , elle retourne de nouveau dans le corps d’un homme naissant 
( Hérod . II , 123 ). Celte croyance à un principe immatériel , indisso- 
luble , a pour conséquence un respect plus prononcé pour la vie de 
l’homme ; de là : 

4° La loi qui punit de la même peine Te meurtre d* un esclave et celui 
d’un homme libre ; tous deux sont animés du même souffle divin ; leur 
existence est également précieuse ; ( Diod . I, 77.) 

(1) Diod, ibid. I, 77. On sait que dans les temps anciens l’accusateur et l’accusé at- 
testaient par serment l’un la justice de sa plainte, l’autre son innocence. • 


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( 320 ) 

2° La tentative du roi Sabakbo pour aboüf la peioe dontort ; 

3° L’obligation de porter secours à son secsbUbte , attaqué fur des 
assassins ou succombant sous quelque violence t (DhtL , ibid. i , 77.) 

4° La loi qui défend l’eMcutioa b sort d’ «ne femtie aoceinte , par 
égard pour l'innocent qu’elle doit mettre «ta sonde C 1 ). 

Telles çodl les principales lois de l’Egypte qui ont rapport à la reli- 
gion on qui en ont subi l’influence. 

60. Autres Mt. Les autres lots de l'Egypte concernent les matières 
criminelles et civiles. 

I. dftahètw» En principe, quiconque tue volontairement 

un homme, soit libre, soit esclave, est condamné à perdre la vie. 

Néanmoins , les parents qui ont fait périr un de leurs enfants n’en- 
courent pas la peine capitale ; mais on les oblige à tenir embrassé pen- 
dant trois jours et trois nuits le cadavre de cet enfant, et une garde pré- 
posée par l’autorité publique veille à l’exécution du châtiment. Cette 
loi est fondée sur ce motif, qu’H ne semble pas juste de priver de la vie 
ceux qui l'ont donnée à un enfant ; et l'on croit par Une telle punition 
produire sur le coupable une impression assez profonde de chagrin ou 
de repentir, pour le détourner i l'avenir d’un pareil forfait. 

Quant au parricide , comme il «6t aux yeux des Egyttens le plus 
effroyable des crimes, le coupable est condamné à on supplice aussi 
cruel que raffiné. Après lui avoir coupé sur le corps, avec des roseaux 


(1) Cet usage, dit Diodort , (1,77) est passé en loi chex plusieurs peuples *, parce que 
l’on a pensé qu’il était souverainement injuste de tain participer t'innocencei lafteine 
du coupable , et lorsque le délit n’est que le fait d’un seul,de tirer vengeance de deux 
individus. De plus,une action «'étant réputée crime que parce qu’eUe est le rééditât d’une 
pensée perverse, pouvait-on -comprendre -dans la même peine i’étre qui n’a absolument 
aucune intelligence ? Enfin , et de toutes les raisons celle-ci est la plus puissante , en pu- 
nissant la femme grosse pour un crime qui lui est personnel, il était contre toute justice 
de faire mourir un enfant qui appartient également au père et ê la mère. 

* Code pénal, art. 27. 




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( 327 ) 

aiguisé», de» morceaux de chair de la longueur du doigt , on l'entoure 
cte fagou d'épines et d est Uùlé vif(ftod. I, 77). 

L» soldat qui abandonne son poste à la guerre, ou qui n’obéit pas aux 
ordre» de son chef, n'est pas puni de ntort, mais noté du dernier degré 
d'infamie. Si plu» lard 4 eflbce sa honte par des actions d'éclat , on lui 
rend la oonfianoe et son ancien rang. La loi fait aiasi du déshonneur un 
châtiment pins redoutable que la mort , pour habituer les guerriers à 
regarder l’iofftmie comme le plus grand des maux, et, dès cette époque, 
rhoQneur est considéré comme devant être le premier mobile de la con- 
duite d’un militaire ( Diod I, 78 ). 

Pour plusieurs crimes, le législateur, par un système de répression 
assez singulier , veut que le coupable soit mutilé dans la partie du corps 
qui a été l’instrument de l'action ; ainsi : 

Le traître qui révèle aux ennemis les secrets de l'Etat , a la langue 
coupée ; 

Celui qui fabrique de la fausse monnaie, qui altère les poids et mesu- 
res ou change la gravure des cachets, a les deux maios coupées ; 

Sont punis de la même peine les scribes qui rédigent de faux écrits , 
mutilent les actes on produisent des faux contrats ; 

Celui qui fait violence à une femme libre a les parties sexuelles cou- 
péeo , et expie de la sorte un crime qui entraîne à la fois un cruel ou- 
trage, un attentat aux mœurs et la confusion des enfants. 

Quant à l’adultère commis d’un consentement mutuel , l’homme est 
condamné à recevoir mille coups de verges ; la femme doit avoir le nez 
coupé. Celle qui n’a pris soin de ses charmes que pour se livrer à des 
voluptés illicites , est ainsi privée à jamais des attraits qui faisaient sa 
beauté (Diod. 1, 78). 

Les vols sont régis par une loi assez étrange que rapporte Diodore. 
Cette loi ordonne à ceux qni veulent professer ce genre d'industrie de 
se faire instruire chez le chef des voleurs et de lui apporter immédiate- 


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( 328 ) 

ment ce qui aura été vole. Ceux à qui ces effets ont été dérobés écri- 
vent au chef et lui donnent le détail de ce qui a été pris , eu iftdkpànt 
le lieu, le jour et l’heure où ils ont été volés. Les* objets sont atn» très* 
facilement retrouvés ; mais celui qui les a perdus ne peut les recouvrer 
qu'en abandonnant le quart de leur valeur. Dans rknpossibifikécrarrè* 
ter tout-à-fait le vol, le législateur a imaginé ce moyen pour sauver 
par le sacrifice d’une modique rançon tout ce qui est dérobé dans le 
pays(C. 

II. 3TCaûèwd civifed. Nous avons vu ci-dessus, n° 51, quelles étaient 
les lois civiles concernant la famille : polygamie interdite aux prêtres , 
permise aux autres Egyptiens , mais en général exceptionnelle ; ma- 
riage autorisé entre frère et sœur ; influence des femmes dans la maison, 
surtout parmi les artisans ; bâtards placés sur la même ligne que les 
enfants légitimes ; adoption favorisée pour tenir les castes au complet; 
tels sont les principaux caractères de cette législation. D'après une loi 
dont on ignore la date et que nous devons mentionner ici, si les enfants 
mâles ne veulent pas nourrir les auteurs de leurs jours on ne les force 
point; mais si les filles le refusent, on les y contraint. ( Hérod ., Uv. II, 
ch. 55.) Cette loi est peut-être fondée sur le motif que les femmesavaient 
plus de commodité et de loisir , tandis que les hommes exclusivement 
voués à des occupations actives n’auraient pu que difficilement s’oc- 
cuper de ces soins domestiques. 

Les lois sur le prêt tiennent une large place dans la législation civile 
de l'Egypte. Sous le règne d’Asychis ( 1052* 1012), le commerce venant 
à souffrir de la disette d’argent, ce Pharaon porte une loi pour autoriser 


(t ) Le comte JUiot, traducteur de Diodore , pense que cet historien n’a pas bien com- 
pris les renseignements que les prêtres lui ont donnés sur ce point, et qu’il a mal-à-propos 
considéré comme une loi générale une tolérance forcée dans des moments d'agitation et 
de troubles intérieurs, ou peut-être quelques transactions avec les tribus arabes. (Note 84, 
sur le liv. I, 2c partie.) 


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(*») 

tout Egyptien à emprunter en me n an t es .gage le corps de son père. 
Cette'mêa» loi véut en outre qoe le prêteur, or avançant lasojdme, 
soit mis: es possession. delà sépafcwede i* famille de rtempruateur,et 
quèeelainâ et seseafants, fonte de rendre le capital prête, soient privés 
des honneurs du sépulcre. (Hér. U, iS6 et>ci-dsssos ,.n 0 46; ] L'hypo- 
thèque dpftt on trouve la .première tracs dans la Grèce ne paraît pas 
avoir été connue dans l'Egypte, os les grandes propriétés collectives 
étaient plus nombreuses que les domaines particuliers, e| oà te débor- 
dements du Nil devaient rendre le droit de suite (ort précaire. 

D>utres Lois snr le prêt sont attribuées à ffoocjtoris, qu’on croit être 
le même roi qu’Asyphis. Aqx termes de leara dispositions , celai qui 
prête, de l’argent sans contrat écrit perd sa créance si. le déhtanr dé- 
clare sons serinent qu'il ne doit rieq. Le législateur , montrant pour le 
serment un respect religieux, uesnppose pas facilement qu’on puisse être 
parjure et croit qu’il serait iqiqtte de ne pas s’en rapporter à l'affirma- 
tion de celui dont le prêteur lui-même a suivi la foi. Dans tous les cas» 
il interdit an créancier de faire monter par les -intérêts le capital au- 
delà du double , et ne lui permet de poursuivre Je débiteur que 
dans sep, biens et non dans sa personne qui ne peut lui être liyrée. Tout 
citoyen appartient à l’Etat , et ne peut devenir esclave par suite (1,’uqq 
dette qu’il a pu imprudemment contracter. 

61. Âdminûtration de la justice. La justice , ce grand besoin des 
peuples, et- le ptos puissant peut-être de un» les liens sociaux, est de la 
part des législateurs d'Egypte l'objet d' un soin particulier. 

Dans les temps anciens, quand l’Egypte était morcelée en petits états, 
la justice était probablement rendue par le roi de concert avec les prê- 
tres, seuls instruits à cette époque et seuls dépositaires des lois. [Ælian., 
Hislor. var M lib, XIV, cap. 54.) 

Plus tard , quand toutes les parties de l’Egypte sont réunies sous un 
seul sceptre, le roi reste le juge suprême du pays ; mais il ne lui est pçr*» 


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( 550 ) 

mis de prononcer aucune décision arbitraire. Entente hypothèse, il doit 
appliquer aux délits reconnus constants te» lois ■établies peur chacun 
d-'etra. [DML, I, Tl). Les membres dssitribouana dament nèsse jurer 
que si le roi leur presermk de rendre ost sentence injuste , ibne je- 
géraient pas (JMaturfue, Apophtegmes). 

Non contents de ces garanties, les Egyptienss’aitacbent à perfectionner 
progressivement f organisation et les formes de In justice, persuadés qu'ils 
sont, dit Dwdortf, que les actés des tribunaux ont la pins grande influence 
sur la vie sociale. 11 est certain en effet que la punition des coupable» et 
h protection assurée anx victimes des attentats commis sont les meil- 
leurs moyens de réprimer les crimes. En Egypte , un tribunal suprême, 
composé de trente juges choisis parmi les plus dignes citoyens , est en 
Conséquence institué. Dix jnges sont tirés d’Béliopolis,<fix de ThèbCs et 
dix de Memphis. Ces trente magistrats réunis désignent pour leor prési- 
dent celui d’entre eux qu’ils estiment supérieur en mérite, et la vffle au- 
quel il appartient envoie un autre juge pour le remplacer. Le président, 
pins élevé par son rang /jouit d’appointements plus considérables ; 
comme signe distinctif de sa dignité , il porte suspendue au cou par One 
chaîne d*or une petite figure enrichie de pierres précieuses qn’on appelle 
la Vérité , et qui pour symbole d*hnpartialité a les yeux fermés. Des 
volumes , qui renferment toutes les lois sont placés devant le tribunal. 
L’instruction a lieu par écrit ; la plainte est libellée par le demandeur 
et communiquée au défendeur qui répond. Le président notifie sym- 
boliquement la sentence en imposant l’image de la Vérité sur l'une de» 
parties présentes. Le ministère des avocats est interdit, afin qu’ils ne 
puissent par leur éloquence faire illusion à la conscience des magistrats. 
(Diod.l, 75, 70). 

Telle est la justice légale pour ainsi dire ; mais il y a en outre une 
justice morale et religieuse qui n’est pas moins efficace. Cette justice à 
laquelle tout Egyptien est soumis s’exerce à son trépas. 


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(551 ) 

‘ 08. Jugement det morte. Avant qu’on défunt reçoive l’honneur de là 

sépulture , si imposante en Egypte ; un jugement solennel , appréciant 
sa conduite, est rendu sur sa vie entière en présence de ses enfanta , dé 
ses proches et de la fouie réunie. Ecoutons à cetégard Porphyre: 

« Lorsqu’on embaume un cadavre on en retire les intestins , on les 
met dans un coffre, et entre antres cérémonies qu'on accomplit pour le 
mort, 1* embau m eur tenant le coffre invoque le soleil et hri adresse au 
nom du mort ces paroles solennelles.' * 

« Soleil (Eh), souverain maître, et vous tous dieux du ciel, qui avez 
donné la vie aux hommes, recevez-moi et permettez que j'habite avec 
les divinités éternelles. J’ai persévéré tout le temps que j’ai vécu dans 
le coite des dieux que je tiens de mes pères ; j’ai toujours honoré ceux 
qui ont engendré ce corps ; je n’ai tué personne ; je n’ai point enlevé 
de dépôt ; je n’ai fait aucun antre mal. Si j* ai commis quelque autre 
faute dans ma vie soit en mangeant , soit en buvant , ce n’a point été 
pour moi, mais pour ess choses. • 

L’embaumeur montre en achevant ces mots le coffre où sont les in- 

. i 

testins. On jette ensuite cette caisse dans le fleove. Le reste du corps, 
quand il est pur , est embaumé. » (Porphyre, de abslinentid ab esu 
animal , Ub. IV , § 10 ; cité par Larcher , note 500® , sur le 2® liv. 
d 'Hérodote. ) 

L’embaumement terminé, lorsque le corps est prêt à être placé dans 
le tombeau , les parents le déclarent aux magistrats et font avertir les 
amis et les proches du défunt en se servant de la formule suivante : < Tel 
jour, un tel doit passer le lac de la province où il est mort. » A cet avis , 
des magistrats, au nombre de pkn de quarante, se rendent dans le lieu 
désigné, et s’t&seyent sur un siège demi-circnlaire placé au-delà du lac. 
Une barque préparée s’avance alors sous la conduite d’un nautonnier, 
que les Egyptiens dans leur langue nomment Caron. La barque étant 
arrivée sur le lac, avant qu’on y place, la caisse qui renferme le mort, il 


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A 



(333) 

est permis à chacun de porter contre loi des accusations ; et si l’on de 
ceux qui usent de ce droit propve que le défont a pendant sa vie com- 
mis quelqoe crime , les Juges rendent une sentence qui prive le corps 
de la sépulture légale ; mais si l'accusateur succombe , il est condamné 
à de fortes amendes. Lorsqu aucun accusateur ne se présente ou quand 
l’inculpation a été reconque calomnieuse , les parents quittent leurs ha- 
bits de deuil, et font l'éloge du mort en parcourant toutes les phases 
de sa vie. Ils finissent en invoquant pour; lui les dieux infernaux, elles 
supplient de l’admettre dans le sqour réservé aux hommes pieux. 
La foule des assistants répond à cet éloge par des acclamations et y 
Joint ses prières... Puis le corps est déposé dans le lieu qui lui est assi- 
gné. Quant à ceux qui sont privés, de la sépulture, on les laisse dans les 
maisons qu'ils habitaient. S’ils sont plus tard réhabilités, leurs descen- 
dants leur font de magnifiques funérailles. (Diod. 1, 93) (O. 

Telles sont, jusqu’à la conquête de Cambyse, roi de Perse , les lois et 
les institutions qui gouvernent l'Egypte. Nous verrons dans la période 

suivante quelles furent les altérations qu’elles subirent sous les domi- 
nations étrangères. 


(1) Les souverain* etut-mémes étaient assujettis à ce jugement solennel : 
Cités devant l'Egypte aux yeux de r univers. 

Entre l'urne du peuple et l'urne des enfers , 

Entre la voix du siècle et les races futures, 

Leurs mânes arrêtées au bord des sépultures , 

Pour entendre l'arrêt, ou propice, ou fatal, 
Comparaissaient sans pompe à ce grand tribunal. 

Là, plus de courtisans, de voix adulatrice ; 

Où cessait le pouvoir commençait U justice* 

Là de l'homme indigent les pleurs long-temps perdus. 
Les cris des opprimés étaient seuls entendus. 

Dans son dernier sujet le roi trouvait un juge ; 

Le crime détrôné n'avait plus de refuge... 

JHHlUj 1* Imagination, chant VU 


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( 333 ) 


S •• TMaeratte Jalre. 

63. Sources pour {'histoire des institutions hébraïques. 

64. I. -Çjii »iv co M t mn xe. Depuis te» j % MMtl Uwp* jiuijua JTCcUt_j. 

65. Temps primitifs jusqu'à Abraham. 

66. Epoque des patriarches. 

67. Famille. 

68. Propriété. — Sa transmission. 

69. Tribu ; — gouvernement des patriarches. 

70. Naissance de la théocratie. 

71. IL tTHLsMc^ f «Soft, « «w ww De ta/ loyauté. 

Moïse et Josué. — Les anciens. —Les SopJutm au jeges. 

72. Législation de Moue.— Le Décalogue. 

75. Institutions spéciales de Moïse.— De la famille, 

74. Le lé^irat, 

75. Divorce.— Répudiation. 

76. Propriété individuelle et collective. 

77. Transmission de la propriété. — Succession. — Droit d’al pesse. 

78. Nationalité juive.— Tribus.— Classes de personnes. 

79. Gouvernement tbéoçrajiqqe ; —sa décadence. — Progrès de 

l’aristocratie. 

80. Administration de la justice. 

81. Peines, application. — Crimes et délits. 

82. Villes de refuge. — Rachat. 

83. III. ©«pui* Sait QyuuLj. Premiers rois uniques.— 

Saül, David, Salomon. 

84. Schisme des dix tribus. — Royaumes de Juda et d’Israël. — Jéru- 
salem et Samarie. 

85. Gouvernement royal ; — son caractère. 


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(33*) 

8G. Puissance et attributs du roi. 

87. Autorité des prêtres. 

88. Les prophètes. 

86. Elément aristocratique.— -Les princes et les anciens. 

60. intervention du peuple. 

91. Etablissement des villes.— ‘Leur gouvernement. 

62. Vicissitudes de la législation de Moïse. 

93. Application des lois providentielles à l'histoire des Hébreu*. 

63. Sources pour l’histoire dès inttitutioni hébraïques. A côté de 

la théocratie égyptienne, jadis fondée sur les bords du Nil par des prêtres 
éthiopiens de la race noire de Cbam vient se placer la théocratie des 
Hébreux, issus dé la famille basanée de Sem , par Arphaxad , Hébef et 
Pfaaleg. Double émanation de la sagesse châMéenue et égyptienne, per- 
fectionnée par Dieu même qui en inspire tes législateurs , la théocratie 
juive est aussi supérieure aux autres théocraties que la religion chré- 
tienne est au-dessus de toutes les religions. Tandis que Tlnde s’égare 
dans des superstitions puériles et que les prêtres égyptiens , dans leur 
égoïsme orgueilleux , cachent leurs enseignements sous des symboles 
énigmatiques et des hiéroglyphes que nul ne peut plus lire, H est carieux 
d’étudier à sou tour le peuple d’ Abraham et deMMse, race étonnante , 
souvent abattue, jamais détruite, dont la destinée fat marquée par tant 
d’étranges vicissitudes, et qui, au milieu du débordement de l’idolâtrie, 
eut la gloire de proclamer sans cessé la sublime théorie de l'imité de 
Dieu. ' 

C’est dans les livres saints , majestueux comme son histoire ', que se 
révèle te génie de ce peuple dont le enfle est encore debout après tant 
de siècles. 

Les livres de Moïse, son législateur inspiré, sont surtout remarquables: 
ils sont au nombre de cinq. • * 

C’est d’abord la Geniit , admirable épopée dans laquelle Fhistorien 


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( 335 ) 

sacré chante les merveiles de h création , retrace Iss destinées des pro- 
niera hommes, la vie et te gouvernement des patriarches. 

Puis vient l'Exode , c’est-à-dire la miraculeuse sorti* d’Egypte. On 
y voit la triste condition des Juifc sons les Pharaons , la naissance et 
l’éducation de Moïse , sa fuite et son retour , les persécutions qui affli- 
gent les Hébreux , les plaies dont l’Egypte est frappée , le passage de la 
Mer Rouge, la publication solennelle de la loi et f érection dn Taberna- 
cle. Les chapitres 20 , 21 , 22 et 23 renferment plus spécialement la 
législation. 

A l’Exode succède le Lévütque , ainsi nommé parce qu'il expose 
principalement les lois et les règlements qui concernent les prêtres et 
les Livitet. De ses vingt-sept chapitres, plusieurs traitent aussi des sa cri- 
lices , des cérémonies du culte , des fêles , des vœux , des décimes , du 
jubilé.... 

Le quatrième livre de Moïse est celui des Nombre » , dont les trois 
premiers chapitres sont consacrés au dénombrement des Hébreux et des 
Lévites. Les trente-trois autres chapitres contiennent les événements du 
passage des Israélites dans le désert , leurs guerres contre divers peu- 
ples , leur ingratitude envers Dieu , les châtiments terribles qui en sont 
la suite. Ou lit également dans les Nombres plusieurs lois que donna 
Moïse pendant les trente-nelif ans employés à ce voyage. 

Le Deutéronome , ou la seconde loi, est le Y* des livres sacrés de 
Moïse. On lui a donné ce nom parce que les lois comprises dans les 
livres précédents sont ici reproduites et itérativement publiées pour les 
générations nées ou grandies dans le désert. Le dernier chapitre dû 
Deutéronome est d’an antre écrivain que Moïse , puisque sa mort y est 
. racontée. 

La réunion de ces cinq livres est désignée par le nom collectif de 
Penlateuque (de perte, cinq, et teocos, livre). 

Après le Pentateuque vient, dans la Bible, le -livre de Josué, consacré 


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( 386 ) 

à l'histoire de cet illttstre successeur de Moïse. Les vingt-quatre chapi- 
tres de ce livre comprennent tes dix-sept ans pendant lesquel» Josné a 
gouverné le peuple de Dieii. 

. Puis se présentent successivement: 

Le livre des Juges • quirenferqie l’histoire des Israélites sous le gou- 
vernement aristocratique des Anciens d’abord • et ensuite des Juges , 
jusqu’à la mort de Samson ; 

Le livre de Ruth, biographie pastorale, pleine d’intérêt «qui se place en- 
tre le livre des Juges dont elle est le complément , et le premier livre 
des Rois , auquel elle sert d’introduction ; 

Les quatre livres des Rois , et les paralipomènes qui les complètent , 
sorte de chronique sacrée rédigée probablement par les prêtres , oh se 
trouvent racontés en détail les grands régnes de David et de Salomon « 
et d’une manière plus concise les gestes des rois de Juda et d’Israël* . 

Les antres ouvrages canoniques qui offrent des sources pins ou moins 
abondantes pour l’histoire des institutions et des lois hébraïques jusqu’à 
Cyruà, sont : les livres de Tobie , Judith , Esther , job ; les Psaumes « 
les Proverbes , l’Ecclésiaste , le cantique de Salomon , le livre de ht 
Sagesse, l’Ecclésiastique, les quatre grands Prophètes, Isaïe, Jérémie, 
fearruch , Ëzéchiel , le livre de Daniel , les petits Prophètes. Dans les 
Proverbes, l'Ecdésiasté etle livre de là Sagesse, émanés dn roi Salomon, 
se trouvent disséminées les plus anciennes maximes politiques auxquelles 
un roi doive conformer sa conduite (0. 

64. I. •Çoi* et coutuuné deppi* tté j>v*tuv*X! twwpi yuepèk' OTÇeïftjL 
Durant cette première période «antérieure à Cyrus, les mstitaüons et 
les lois des Hébreux peuvent être étudiée» à trois grandes époques s 

1° Sous les patriarches jusqu'à Moïse ; 

2° Depuis Moïse jusqu’à l’établissement de la royauté, sOuaSaàlt 

■ (1) y. au mrpius 1rs ffotu bibliographique! i h On de cet É»ai. > 


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( 337 ) 

5° Depuis Saùl , premier roi , jusqu'à Cyrus. 

À son tour , la première époque (celle des patriarches jusqu'à Moïse) , 
comprend, d’une part, les temps primitifs jusqu'à Abraham ; et ensuite 
les institutions et coutumes sous les patriarches descendus d* Abraham. 

65. Temps primitifs jusqu'à Abraham. Dans les premiers temps qui 
suivent la dispersion des races sur divers points de la terre , les hommes, 
encore dépourvus d’institutions et de lois , se gouvernent soit par des 
traditions anté-diluviennes, soit par ces maximes de droit naturel gravées 
par Dieu dans la conscience de chacun. 

Les préceptes, en quelque sorte fondamentaux, qui régissent primiti- 
vement le genre humain, sont les suivants : 

4. Adore Jéhovah , sois fidèle à son culte, évite l’idolâtrie; ( V. 
Genèse, ch . IV, vers. 5-4 ; VIII , 20 ; XII ,7 ; XIII, 4 ; XIV, 18-20.) 

2. Ne blasphème pas le nom de Dieu , ne l’invoque pas en vain ; 
( Gen. XIV , 22 ; XXI , 22-23 ; XXIV , 2-9. ) 

3. Honore ton père; celui qui maltraitera son père sera maudit; 
(Gen. IX, 22-25.) 

4. Ne verse pas le sang des hommes. Quiconque répandra le sang 
humain , son sang sera répandu ; car l’homme a été créé à l'image de 
Dieu ; ( Gen. IV, 8-11 ; IX , 6. ) 

5. L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme ; 
et ils seront deux dans une seule chair. La 'femme sera sous la puissance 
de sou mari; et celui-ci la dominera; (Gen. II , 24 ; III > 16.) 0) 


(1) On peut, dit Saint Jérôme , tirer de la création du premier homme ane preuve 
coMre la polygamie ; ear Dieu ne créa d’abord qu’un homme et une femme , ou plutôt il 
tira une des côtes de l’homme pour en former une femme , et réunir ensuite par les liens 
du mariage ce qu’il avait séparé, selon ce que dit l’Ecriture : ils seront deux , non pas en 
deux , ni en trois, mais en une seule chair. C’est pourquoi l’homme quittera son père et 
sa mère, et s’attachera non pas à ses femmes , mais à sa femme. (Sur la viduité, 3c par^ 
lie à Agcruchia, p. 316.) 

OQ 


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G. Ne le souille point par une concupiscence impure et par des 
amours criminels ; (Gen, XIX, 4-11.) % v 

7. Respecte ce qui est à autrui ; ne commets ni rapine , ni larcin. 
(Gen. XIV, 22-23.) 

Dans ces premiers temps le père de famille est à la fois chef» sacrifi- 
cateur et juge. 

66. Epoque des patriarches. Depuis Tharé , père d' Abraham » jus- 
qu’à Jacob, tes Hébreux mènent une vie pastorale et nomade» bien qu’ils 
soient aussi chasseurs et agriculteurs. 

Tharé ayant conçu de l'aversion pour 1e pays d'Uhr , en Chaldée » où 
il demeurait, se met en marche suivi des siens.il vient à Harran (Carra)» 
en Mésopotamie, et y meurt. 

Après lui son fils Abraham, le père et le chef des générations, reprend 
avec sa famille » ses nombreux serviteurs et ses riches troupeaux » le 
cours des voyages commencés. Par l’inspiration de Dieu , il passe dans 
la Palestine , occupée par les Chananéens , de là se retire en Egypte à 
cause de la famine, puis revient dans la terre de Chanaan , où il déploie 
ses tentes. Après une victoire que lui et ses gens remportent sur les 
cinq rois de la Pentapole d’Asie , Melchisedech , roi de Salem , offrant 
le pain et le vin parce quil était prêtre du Très-Haut , bénit Abraham 
au nom du Dieu tout-puissant qui a créé le ciel et la terre. Bientôt le 
Seigneur parle à Abraham dans une vision , et conclut ensuite avec lui 
une alliance, en disant : « Je donnerai ce pays à vos descendants, depuis 
le Nil jusqu’à l’Euphrate. » Dès-lors , l’esprit de Dieu ne quitte plus le 
sage Abraham. Nul autre ne l'égalait en lumières et en prudence » en 
capacité et en vertu. Doué d’une éloquence et d'une pénétration mer- 
veilleuses, il proclamait la toute-puissance et l'unité du Très-Haut, dent 
la terre et les cieux annoncent la grandeur. (Genèse , chap. XII-XXV ; 
Flavius-Joseph , Antiq. juives , liv. I , chap. 6 et s.) 

Isaac 9 Jacob y Esaû et les autres patriarches , vivant tous sous des 


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( 539 ) 

tentes et possesseurs de nombreux troupeaux , continuent sous la pro- 
tection du Dieu d’ Abraham leurs pérégrinations obligées à travers les 
meilleurs pâturages. Dans les diverses contrées que parcourent les 
Hébreux « un esprit héréditaire de religion et de liberté se conserve 
intact et vivace parmi ce peuple. Quelles que soient leurs vicissitudes , 
jeur existence reste éminemment patriarcale. La puissance du père de 
famille , l’autorité du chef de tribu sont môme long -temps chez eux les 
seules bases de l'organisation sociale. Arrêtons-nous un instant à con- 
sidérer les résultats que produit cette double autorité , quant aux per- 
sonnes et aux choses. 

67. Famille. Chez les Hébreux , de môme que dans les autres théo- 
craties , le mariage est imposé comme un devoir religieux et social. ( V. 
ci-dessus n° 9 13» 17, 22 , 29» 51.) Le Seigneur ordonne & l’homme da 
quitter sou père et sa mère et de s’attacher à sa femme. Le mariage 
entre proche parents n’est pas moins essentiellement recommandé. La 
raison prédominante de cette coutume est d’ empêcher toute alliance 
avec des idolâtres et de conserver sans altération le culte du vrai Dieu. 
Dans ces unions de famille, le choix des époux a aussi l'avantage d'élrc 
dirigé par une chaste affection du cœur plutôt que par de profanes désirs. 
Ainsi Abraham épouse Sara » sa sœur consanguine ; Isaac , sa cousine 
Rebecca; Jacob , Lia et Rachel, les deux filles de son oncle Laban. 
(V. Genèse , XX , 12 ; XXIV , 1-7 ; XXVIII , 1-2 , 7-9. ) Dans ces 
mariages qui resserrent entre les branches d'une même famille des liens 
préexistants de parenté , les femmes sont l’objet d’une déférence plus 
affectueuse de la part de leurs maris et obtiennent plus de respect et 
d’obéissance, tant de leurs enfants que de leurs serviteurs (*). 

A côté de l’union légitime et bénie de Dieu, d’où doit naître l’héritier 


(I ) Indépendamment de ces mariages facultatifs , il y a des unions en quetque sorte 
nécessaires. Lorsqu’un individu meurt laissant une veuve, le frère puîné est obligé d’é- 
pouser celle-ci, afin de faire revivre le nom de son frère. (V. n° 74.) 


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( 340 ) 

de la race, se placent dès unions secondaires moins respectables. Leur 
but primitif est de suppléer à la stérilité du premier hymen ; mais d'au- 
tres motifs moins plausibles les rendent bientôt plus fréquentes. l)e là , 
l'origine de la polygamie. Le possesseur d'un riche patrimoine, en posi- 
tion de satisfaire ses fantaisies, achète autant de femmes qu’il en désire. 
En proportion de son opulence , le nombre de celles-ci s’accroît sous sa 
tente. Les unes ont le titre d'épouses , les autres ne sont que de simples 
concubines; toutes sont sa propriété O). 

Quant aux enfants , soit qu'ils aient pour mères des épouses ou de 
simples servantes , tous , comme en Egypte , paraissent placés sur la 
même ligne ( Y. n° 51 ) ; tous sont également soumis à sa puissance sou- 
veraine; et sauf en ce qui touche le droit d'aînesse , qui fait exception , 
tous ont droit à sa bénédiction et au partage de ses biens après sa mort. 

68. Propriété ; — sa transmission . Quand la société n’est point 
assise sur des bases fixes, ou quand les familles vivent encore dans l'état 
nomade , la propriété porte principalement sur les objets mobiliers, 
espèces de biens qu'on emporte à volonté et qui sont en quelque sorte 
plus personnels à l'homme, puisqu'ils le suivent partout. Telles sont, en 
général, les richesses des patriarches. Outre des tentes, des meubles, de 
l'or, de l'argent, ils possèdent surtout des serviteurs , des servantes, des 


(1) Les exemples de mariage par achat, de polygamie et d’inégalité parmi les femmes, 
abondent dans l’Ecrit ure ; ainsi : 

Abraham, déjà marié à Sara, cohabite arec Agar, simple serrante , de qui nait Ismaêl. 

( Genèse , XVI.) 

Nachor , frère d” Abraham , a hait fils nés de la femme Melcha ; sa concubine Rotna 
lui enfante aussi quatre fils. (Ibid. XXI, 20 24.) 

Esaü épouse plusieurs filles de Belh , de race cananéenne, et en outre Maheleth , fille 
d’Ismaèl, sa parente. (Ibid. XXV11I, 6-9.) 

Jacob achète successirement par quatorze ans de serrice Lia et Rachel,ses deux cousi- 
nes. H épouse, de plus, deux serrantes Bala et Zelpha , qui restent dans un rang inférieur* 
Ibid . XXX, XXXH,22 ; XXXIII. J 


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( SH ) 

chameaux, des ânes et d'immenses troupeaux de bœufs , de brebis et de 
chèvres (*). 

La mtmificetice des patriarches est proportionnée à leurs richesses. 
Jacob destine pour présents à Esaü, son frère : 200 chèvres, 20 boucs, 
200 brebis et 20 béliers, 50 femelles de chameaux avec leurs petits , 40 
vaches, 20 taureaux, 20 ânesses et 10 ânons. (Gen. XXXII, 13-15.) 

À tous ces biens mobiliers , il faut joindre la propriété territoriale , 
qui n’était point inconnue aux Hébreu*. On voit Abraham acheter, 
moyennant quatre cents sicles d’argent en bonne monnaie , un champ 
appartenant à Ephrem , pour y enterrer Sara. (Genèse, XXIII.) Jacob, 
de son côté, acquiert une partie du champ dans lequel il avait dressé ses 
tentes, et en paie cent agneaux aux enfants d'Hémor , père de Sicheim 
(Gen. XXXIII , 19). 

La culture des terres qu’exploitent les patriarches parait aussi pro- 
duire des fruits abondants. Isaac, retiré à Gerara à cause de la famine , 
sème en ce pays-là et recueille l’année même le centuple. Son bien 
s’augmente beaucoup ; il devient extrêmement riche. (Gen. XXVI, 1 2-24.) 

A cette époque , antérieure à l’occupation dè la terre promise , la 
propriété territoriale , fondée sur l’occupation et la culture , est beau- 
coup plus individuelle que collective. Elle appartient non à l’état et à 
la tribu en masse , mais divisément à chacun des patriarches en propor- 
tion de ce qu'ils possèdent. Nous la verrons plus tard changer de 
caractère. 


(\) Ainsi : 

Abraham avait hérité de son'pére on reçu du pharaon d'Egypte des brebis, des bœufs, 
des Anes, des serviteurs et des servantes, des ânesses et des chameaux (Gen. XII , 16J. U 
était très-riche et avait beaucoup d'or et d’argent (Ibid, et XXIV, 35,/. 

Lot, qui Vivait d’abord près d’Àbraham, son oncle , avait aussi des troupeaux de bre- 
bis , des troupeaux de bœufs et des tentes. Le même pays ne put leur suftire , parce quo 
leurs gens et leurs troupeaux , étant fort nombreux , n’y pouvaient subsister à l'aise , de 
*orte qu’ils durent se séparer ^Gcn.XÏIIj 2, 5, 7). 


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( 542 ) 

D’après tes exemples qui précèdent, on peut admettre que la propriété, 
tant mobilière qu'immobilière , sacquiert généralement chez les 
Hébreux , par l'achat , le travail , la mise en culture. Ce sont là sans 
contredit les .modes d'aoqusition les plus légitimes. L’iniquité 9 la vio» 
Jence n'y président pas du moins, comme en cas d’invasion on de con- 
quête. Une manière d'acquérir,non moins avouée par la justice» est le 
droit de succession, sorte de co-possession continuée d'elle-même que le 
père transmet aux enfants dans lesquels il revit. C’est la nature qui (ait 
en quelque sorte l’héritier, c’est la voix du sang qni le proclame tel.Abra- 
ham, devenu vieux , se plaint de n'avoir point d'enfants et de ne laisser 
pour héritier que le (iis de son intendant. Dieu lui dit : « Celui-là ne sera 
point voire héritier, mais vous aurez pour vous succéder celui qui naîtra 
de vous. 9 ( Gen. XV.) 

Mais ce droit d'hérédité , si naturellement , si justement dévolu aux 
enfants du défunt , reçoit chez les Hébreux , comme dans l'Inde et en 
Egypte , d’importantes modifications. 

1 a Réputé l'enfant nécessaire (V. ci-dessu6n° 15.), et doté comme 
tel d'un précieux privilège, le fils aîné, appelé à remplacer son père dans 
la souveraineté domestique, recueille une portion plus forte fixée au 
double de celle des autres enfants mâles. En sa qualité d’aîné , il reçoit 
dans la prévision du Messie une bénédiction spéciale; il est constitué 
seigneur de ses frères et a droit en outre au sacerdoce, que les patriar- 
ches semblent avoir successivement exercé depuis la vocation d’Abrabaui 
jusqu’à Moise. Jacob , fils d’Isaac , achète d’Esaü , son frère aîné , le 
droit d’aînesse de celui-ci ; il lui enlève ensuite, par un subterfuge de 
Rebeccaja 1>énédiction d’Isaac. Ce patriarche bénit Jacob en loi disant : 

« Que Dieu vous donne l’abondance Que les peuples vous soient 

assujettis et que les tribus vous adorent.Soyex le seigneur de vos frères , 
et que les enfants de votre mère s’abaissent devant vous. »(Gen. XXVII.) 

2° Chaque fille obtient une quotité dans la succession de sou père. 


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( 343 ) 

« Mous reste-t-il quelque chose, disent les filles de Laban , du bien et 
de la part que nous devions avoir dans la maison de notre père ?.... » 
(Gen. XXXI.) Toutefois , cette part est une fois moindre que celle des 
enfants mâles. De même que rainé reçoit on lot double de celui de 6es 
frères, chaque garçon a une quote-part double de celle de ses sœurs. 

3° Ce droit héréditaire reconnu aux enfants sur les biens paternels* 
dans les proportions qui viennent d’étre énoncées, parait ne s’appliquer 
qn’aox biens de famille proprement dit6. Déjà Ton entrevoit une distinc- 
tion entre les propres et acquêts.. Ainsi, Jacob mourant dit à Joseph i 
< - Je vous donne de plus qu’à vos frères cette part de mon bien que j'ai 
gagnée sur les Amorrhéens avec mon épée et mon arc. » ( Gen. XLY1I, 
22 .) 

4° Comme en Egypte , tous les enfants , de quelque femme qu’ils 
soient nés, semblent appelés à la succession de leur père. On voit néan- 
moins les patriarches déshériter quelquefois les enfants nés de simples 
servantes, « Sara ayant vu le fils d'Agar l'égyptienne qui jouait avec 
IsàaC , son fils , dit à Abraham : « Chassez cette servante avec son fils ; 
car le fils de cette servante ne sera pas héritier avec Isaac. » — Abraham 
se leva dès le point du jour, prit du pain et un vase plein d'eau , le mit 
sur l’épaule d’Agar, lui donna son fils et la renvoya. ( Gen. XXI , 9, 10 , 
13.) Sur le point de mourir , Abraham donne à Isaac tout ce qu’il pos- 
sède. II fait des présents anx fils de ses autres femmes , les sépare d* 
son fils Isaac et les fait aller dans le pays qui regarde l’Orient. ( Gen. 
XXV , 1-6.) 

69. Tribus . — Gouvernement des patriarches. Quand par la fécondité 
des mariages, les familles sont devenues nombreuses, l'impossibilité de 
vivre plus long- temps réunies et de conduire ensemble leurs immenses 
troupeaux les conduit à se séparer. Ainsi, Lot, neveu d’ Abraham, quitte* 
son oncle et prend avec sa famille une autre direction pour éviter les' 
querelles qui s'élevaient entre les pâtres. (Gen. XllI, 5-10). Esaü et 


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( oU ) 

Jacob se séparent egalement. Tous deux extrêmement riches, ils ne 
peuvent demeurer l'un près de l'autre à cause de la multitude de leurs 
troupeaux. Esaü prend ses femmes, ses fils, ses filles et toutes les per- 
sonnes de sa maison, son bien, ses bestiaux, tout ce quil possède dans 
la terre de Chanaan , et s’en va dans un autre pays (Gen. XXXYI, 6-7). 
De là des tribus séparées. De leur côté, les fils de Jacob deviennent les 
souches des tribus d’Israël. Les familles de ces douze patriarches s’étant 
merveilleusement accrues donnent naissance à autant de divisions du 
peuple hébreu. 

Ces familles, en effet, une fois constituées séparément sous l’autorité 
d’un chef ou patriarche, ne tardent pas à former autant de tribus noma- 
des qui, dans leurs pérégrinations successives, occupent un emplacement 
particulier, possèdent une organisation à part et ont chacune leur culte. 
Cette séparation, celte indépendance respective des tribus se manifeste 
ainsi sous le triple rapport du lieu quelles occupent, de l'autorité qui 
les régit, des observances religieuses qu’elles pratiquent. Chaque tri- 
bu déroule ses tentes dans un endroit séparé; chacune d'elles a son pa- 
triarche, ses principaux et ses juges; chacune aussi, comme on va le 
voir , a son culte distinct. 

70. Naissance de la théocratie. Après la victoire d’Abraham sor 
les cinq rois ligués de la pentapole d’Asie, Melchisedcc, roi de Salem, 
offrant du pain et du vin parce qu’il était prêtre du Très-Haut, bénit 
Abraham. Bientôt intervient une alliance solennelle entre celnnci et 
Dieu même. Dès ce moment les patriarches élus et représentants de 
Dieu, deviennent les ministres de son culte. Émanant de la volonté 
même du Tout-Puissant, leur autorité repose sur l’intervention conti- 
nuelle delà divinité, qui exprime ses injonctions par leur organe. Le 
gouvernement patriarcal prend ainsi un caractère théocratique. Char- 
gés des soins du sacerdoce, les patriarches immolent à Dieu sur des 
autels de pierre des animaux de toute espèce ;ils lui offrent les premiers* 


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( 545 ) 

nés des troupeaux , les prémices des fruits de la terre et tâchent de se 
le rendre favorable par des holocaustes et des sacrifices. Dans toutes 
celles des contrées qu’ils parcourent où 1* Eternel s’est montré à eux par 
quelque bienfait f ils lui élèvent un. autel de pierre. (Gen. XII ,7,8; 
XIII , 4 1 18; XXXIU ,• 20 ; XXXV ,1,5, 7). Ils s'efforcent en même 
temps de faire prévaloir le culte du vrai Dien et combattent énergique- 
ment l'idolâtrie (Gen. ibid. XXXV). 

Tel est sous les patriarches le gouvernement des Hébreux encore 
nomades. Leur séjour en Egypte, où l'oppression les accable, altère 
sans doute ces institutions primitives. Mais elfes sont ravivées et réorga- 
nisées sur de nouvelles bases par l’illustre législateur Moïse, un des 
plus puissants génies de l’antiquité. 

71. II. (Depuii tTrCou* ’ cl i elaèivèàtiiiêui Dd tcu vcijautc. 

Moïse et Josué. — Les anciens. — Les Sophetim ou juges. Tirer de la 
servitude un peuple affaissé par une soumission de plus de quatre siècles, 
affronter une puissance aussi formidable que celle de l’Egypte, préparer 
pour le départ et discipliner une multitude confuse et insubordonnée , 
la soustraire sans obstacle au joug de l’étranger , c’était là, certes, une 
œuvre immense qu’une éminente capacité pouvait seule accomplir. 
Doué d’une de ces hantes intelligences que Dieu aecordepar intervalles 
aux fondateurs des nations, Moïse exécuta l’entreprise et délivra les 
Hébreux avec autant d’habileté que de bonheur. Mais même après la 
sortie d’Egypte, tout n’était pas fini. De ces tribus éparses, de cette 
tourbe indocile, il fallait former un peuple, lui donner des lois, garan? 
tir sa nationalité, assurer son avenir : c’est encore ce que Moïse, digne- 
ment secondé par son frère Aaron,eut la gloire de réaliser avec un suc- 
cès complet. A sa mort, les enfants d’Israël eurent raison de le pleurer 
pendant un mois eniier. Car après lui, comme dit rÉcriture,il ne s’éle 
va plus dans Israël de prophète semblable, à qui le Seigneur ait parlé 
face à face , ni qui aiucçompli de pareils prodiges, ni qui a^t agi avec 


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( 340 ) 

un bras si puissant et qui fait des œuvres aussi grandes et aussi mer- 
veilleuses que celles que fit Moïse devant tout Israël. (Gen. XXXIV , 
10 - 12 ). 

Conducteur et libératenr du peuple hébreu, Moïse avait été pendant 
toute sa vie investi de pouvoirs extraordinaires. Avec l’appui d'Aarop, 
son frère, il avait conservé dans sçs mains une triple autorité reli gie us e , 
civile et militaire. Après sa mort, le commandement suprême, déféré à 
Josué , porte plutôt le caractère d’un gouvernement mixte. C’est nne 
puissance militaire tempérée par l'aristocratie, contrebalancée par l’in- 
tervention do grand-prétre , par l’influence des princes ou chefs de 
tribus, par l'autorité d’un sénat , ou grand Sanhédrin , composé de 
soixante-dix anciens. 

Achevant glorieusement l’œuvre de Moïse, Josué défait les rois 
d'alentour, consolide l’indépendance nationale des Hébreux et les met 
en possession de la Palestine on terre promise. ( Livre de Josué , chap. 
XI et XII). Le pays subjugué, devenu ainsi la propriété collective de la 
nation d'Israël, est ensuite, quant à la jouissance, divisé entre les tribus 
par la voiednsort. Josué procède à ce partage de concert avec lé grand- 
prétre et les princes des tribus. La partie de terrain affectée à chaque 
tribu est aussi par le sort subdivisée ultérieurement entre les familles. 
(V. ürid. ch. XVI-XXII). Celte occupation collective d’ün territoire 
què l’autorité distribue ensuite par cantons ou par villes entre les tri - 
bus , et par lots entre les familles, est très remarquable dans l’histoire de 
la propriété. On retrouve des exemples semblables chez plusieurs 
autres peuples. 

A la mort de Josué , qui s'était montré sage dans les conseils et plein 
d’expérience dans les combats, le peuple, après avoir codsullé le grand- 
prétre, laisse la puissance aux mains des Anciens. Quelques expéditions 
de guerre sont d'abord poursuivies avec succès, et les Chananéens sont 
rendps tributaires. Mais quand la paix a ramené le repos , les nébreux, 
s'abandonnant h la mollesse et au désordre , prennent des habitudes 


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( 547 ) 

efféminées , renoncent au travail et cessent même de remplir leurs 
devoirs de citoyens. Il n’apparait plus parmi eux aucune forme de 
gouvernement ; les magistrats demeurent sans autorité ; on n’observe 
pins les anciennes régies pour l’élection des sénateurs ; personne ne 
s'inquiète du bien public t et chacun ne veille qu’à pon intérêt particulier. 
(Flaviut-Joteph , liv. Y, ch. II; Juges, II.) 

Habitant au milieu des nations idolâtres, les enfants d’Israël s’unissent 
par des mariages avec elles et adorent les faux Dieux. Le Seigneur , 
irrité, se retirant d’eux , les abandonne à une première servitude et les 
livre à Chusan-Rasathaïm, roi de Mésopotamie, auquel ils sont assujettis 
pendant huit ans.Dans leur détresse, ils invoquent le Dieu de leurs pères, 
qui leur suscite un libérateur dans la personne d’Othoniel. ( Juges , H 
et III.) 

Un nouveau gouvernement est alors inslitué,et Otboniel est revêtu dé 
la suprême magistrature, sous le titre de juge ou tophel. 

Ce premier magistrat est à la fois chef politique et militaire. Dans la 
guerre , il commande les troupes ; pendant la paix , sa principale fonc- 
tion est déjuger. (Juges, ch. III et ch. X, 2, XII, 7.) ■ 

Le sénat des soixante-dix. Anciens partage avec lui les soins dn gou- 
vernement. Dans toutes les circonstances graves, on prend l’avis du 
grand-prêtre ; souvent aussi on consulte les prophètes qui , comme ins- 
pirés de l’esprit de Dieu , interviennent peu à peu dans les affaires poli- 
tiques. 

Les Hébreux sont ainsi gouvernés successivement par treize juges ou 
tophetim , depuis Othoniel jusqu’il Samsom, qui les régit durant vingt 
ans. (De 1472à 1 152.) (*) Mais par intervalles ils sont , à six reprises 

(1) Ces treize juges sont : 4 Othoniel, 1 2 Ahod, 3 Sarogar, * la prophétesse Debora 

conjointement avec Barach, 8 Gédéon, 6 Abimelch, ? Thola, * Jaû*, Jepblc , *<> Abcian , 
H Ahialon, ** Abdon, *3 Samson. 


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( 348 ) 

différentes, réduits en servitude par les rois des contrées d'alentour W. 

Dans les moments où la dignité de sophet reste vacante 9 une déplo- 
rable anarchie se répand dans Israël ; chacun donhè carrière à ses pas- 
sions , la justice elle-même est pervertie par la corruption et l'iniquité. 
(Juges, XVII, 6 ; XVIII, I ; XXI , 24 ; Flavius-Joseph, tiv. V, ch. H , 
VI, 3.) 

Après la mort de Samsom (1 132) , le souverain sacrificateur Héli est 
à la fois juge et grand-prêtre pendant quarante ans. (De 4152 à 1112.) 
(I Rois, IV, 18; Flav.-Jos. V, 12.) 

En 1112, Archetob , fils de Phineez , succède comme grand-prêtre à 

son aïeul Héli. La dignité de juge ( tophet ) demeure pendant vingt ans 
vacante. 

En 1092 , Samuel , en même temps prophète et juge , est investi de 
l'autorité et l’exerce pendant huit ans. 

En 1080 , le peuple d’Israël demande à grands cris un roi comme en 
ont les autres nationsi Saftl est sacré roi par Samuel. A cette époque 
les gouvernements ihéocratiques étaient partout en décadence. 

Durant tout cet intervalle qui s'écoule depuis la sortie d’Egypte jus- 
qu’è l’établissement de la royauté , les Hébreux sont uniquement régis 
par les institutions de Moïse , dont nous avons maintenant à examiner la 


72. Législation de Moïse ; — le Décalogue. Bien qu’ils varient sur 
quelques faits de la vie de Moïse, les historiens s’accordent à le considé- 
rer comme un des personnages les plus éminents de l’antiquité. Anté- 
rieur à Manou , à Lycurgue , à Solon , il fut le premier qui rédigea des 

i 1 ’ 

(1) De ces six servitudes , la a lieu après Josué , sous Khusan-Rasatbaim, pendant 
8 ans; la 2e, après Othonicl,sous Eglon, roi des Moabites, pendant 18 aus ; la 3e, après 
Samgar, sous Jabin, roi des Chananécàs, durant 20 ans ; la 4e, apres la mort de Debora, 
sous les Madianites, pendant 7 ans ; la 5e, après Jaïr, sous les Ammonites, durant 18 ans; 
la 6e, après Abdon, sous les Philistins, pendant 40 ans (de 1212 à 1172}. 


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( 349 ) 

lois proprement dites. « Jusqu à lui , dit Flavius-Joseph , les peuples 

> étaient gouvernés, soit par certaines maximes, soit par les ordres des 

> rois;on en usait suivant les conjonctures,saos qu'il y eût rien d’écrit, 

» Moïse le premier donna de véritables lois et prouva qu’il était un 

> admirable conducteur de tout un grand peuple, puisqu’après lui avoir 
t donné des lois excellentes , il lui persuada de les garder inviolable- 

> ment » (Flav.-Jos., réponse à Âppion,liv. II, ch. 6.) 

On sait avec quelle redoutable solennité ces lois fuirent promulguées. 
« Voyez # dit M. de Chateaubriand , voyez cet homme qui descend 
de ces hauteurs brûlantes. Ses mains soutiennent une table de pierre 
sur sa poitrine ; son front est orné de deu t rayons de feu, son visage res- 
plendit des gloires du Seigneur ; la terreur de Jéhovah le précède : à 
l’horizon se déploie la chaine du Liban avec ses neiges éternelles et ses 
cèdres fuyant dans le Ciel. Prosternée au pied de la montagne , la posté- 
rité de Jacob se voile la tête dans la crainte de voir Dieu et de mourir. 
Cependant les tonnerres se taisent et voici venir une voix : 

Ecoute, 6 toi Israël, moi Jéhovah ton Dieu qui t’ai tiré de la terre de 
Mitzraïm , de la maison de servitude : 

1 . Tu n’auras point d’autres Dieux devant ma face. 

2. Tu ne te feras point d’idole par tes mains...» 

3. Tu ne prendras point le nom de Jéhovah ton Dieu en vain.... 

4. Souviens-toi du jour de Sabbath pour le sanctifier. Six jours tu 
travailleras et le jour septième de Jéhovah ton Dieu tQ ne feras aucun 
ouvrage. ... 

5. Honore ton père et ta mère, aGn que tes jours soient longs sur la 
terre et -par-delà la terre que Jéhovah ton Dieu t’a donnée, 

6. Tu ne tueras point. 

7. Tu ne seras point adultère. 

8. Tu ne voleras point. 


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( 550 ) 

9. Tu ne porteras point contre ton voisin an faux té mo ignage. 

10. Tu ne désireras point la maison de ton voisin , ni sa femme, ni 
son serviteur , ni sa servante, ni son boeuf , ni son àoe, ni rien de 
ce qni est à ton voisin. 

< Voilà, ajoute M. de Cbàteaubriand , les lois que ('Éternel a gravées 
non seulement snriapierre de Sinai , mais encore dans le coeur de l'hom- 
me. On est frappé d’abord du caractère d’universalité qui, distinguées! te 
table divine des tables humaines. C’est ici la loi de toas les peuples , de 
tous les climats , de tous les temps. Pythagore et Zoroastre s’adressent 
à des Grecs et à des Mèdes; Jéhovah parle à tons les hommes...,. » 
( Génie du christianisme , l re partie, liV. II , cbap. 6). 

. 73. Institution» tpiciale» de Moite. — Delà famille . Après le Dé- 
calogue, ce code suprême des lois morales, envisageons les institutions 
de Moïse , à commencer par celles qui régissent la famille. Dégénéré de 
sa pureté primitive, le mariageétak devenu une sorte d’achat .Tout hom- 
me qui épousait une femme était tenu d’en fournir le prix, soit en l’ache- 
tant à ses parents, soit en lui constituant un dooaire pour paiement de sa 
virginité. Dans lu législation de Moi se, l'idée d’un simple marché s’effa- 
ce devant le caractère plus noble d'un acte civil et religieux que bénit 
le père de l’époux et auquel assistent ses parents, ses amis. Quant à la 
polygamie, conséquence naturelle du mariage par achat , l'illustre légis- 
lateur en suppose , il est vrai, l’existence; mais nulle part, il ne r or- 
donne, De même qu’en Egypte , elle est plutôt de tolérance que de 
prescription (*). Comme ii est honteux de mourir sans enfants, la loi 


(!) Moïse, disent les docteurs juifs , ne commande pas expressément de prendre plus 
d’une femme ; vais il ne le défend pas. Il semble même adopter cet usage comme établi, 
puisqu’il régie le partage des successions entre enfants de plus d’une femme. ( Solation 
donnée , le 4 mai 1806, par l’assemblée des Juifs réunis à Paris. (Report, de jnrispr. de 
Merlin , mot juif, sect. V, % IV). Le 9 février 1801 , le grand Sanhédrin , légalement as- 
semblé k Paris, déclara également que la polygamie permise par la loi de Moïse n’est 
qu’un esimple faculté. (Répert, ibid. ) 


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( 581 ) 

l’autor se,parce qu’elle offre un moyen de suppléer par une seconde union 
à la stérilité de l’épouse légitime. 

Le même désir de perpétuer la famille et d’en écarter les étrangers 
idolâtres fait considérer avec faveur les mariages entre parents, parce 
qu’ils réunissent les branches d’une même souche. Moise engage les 
Israélites à épouser leurs proches. Mais plus rigide à juste titre que 
Ménés et Solon, il condamne le mariage entre le frère et la sœur. 

» Vous ne découvrirez pas ce qui doit rester caché dans celle qui est 
> votre soeur de père , ou votre sœur de mère , qui est née dans la mai - 
» son ou hors la maison. (Levù. XVIII, 9). 

> La loi veut aussi, dit Flavius-Joseph , que dans le mariage notre ' 
intention soit si pure que nous ne considérions point le bien, et que loin 
d’enlever des femmes, nous n’usions pas du moindre artifice pour leur 
persuader de nous épouser. 11 foulque nous les recevions de la main 
de ceux qui ont le pouvoir de nous les donner et avec le consentement 
des parents. — La femme doit être soumise en toutes choses à son mari , 
quoiqu’elle soit plus vertueuse que lui , parce que Dieu lui a donné ce 
pouvoir sur elle ; mais il ne doit pas en abuser. ( Flav. Jottph , rép. à 
Appion, «&., liv. II, ch. VU). 

L’ordre, la décence doivent régner dans la fomiUe. Même dans les 
jours où l’on soienniee la naissance des enfants, la loi ne permet pas les 
festins , dans la crainte que les pères ne s'enivrent et ne donnent mau- 
vais exemple. Elle veut que de bonne heure on apprenne aux enfants à 
être sobres ; qu’on lesinstruise dans les lettres et la connaissance des lois; 
qu’on les entretienne des hauts faits des hommes illustres, afin de les 
exciter à les prendre pour modèles, (flan. Jot. iUd.) 

La loi commande en outre impérieusement à l’enfant de rendre après 
Dieu toute sortes d’honneurs à son père et à sa mère. Le fils rebelle et 
insolent doit être mis à mort. (Deutéronome XXI, 48). « Dieu, dit 
11. de Châteaubriand, fait un précepte de l'amour filial ; il n’en fait pas 


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( 352 ) 

un de l'amour paternel; il savait que le fils en qui viènnent s» réunir 
les souvenirs et les espérances du père ne. serait souvent que- trop aimé 
déco dernier; mais au fils il commande d’aimer, car il connaissait 
l'orgueil et l’inconstance de la jeunesse. (Génie du.Christ. , !«• part, 
liv. II, ch. IV). 

74. Le levirat. La famille est le premier élément de toute société. La 
force de la famille fait celle de l’état. (V. ci-dessus n°* 13, 22, 29, 51). 
En prenant des mesures pour y maintenir l’ordre, la législateur hébreu 
s’attache à la perpétuer, àl’empécher de s’éteindre. De là l’institution 
du Levirat qui oblige celui doBt le frère est mort sans postérité , d’é- 
pouser la veuve de ce frère et de lui susciter des enfants. Ecoutons à 
cet égard le Deutéronome : 

« Lorsque deux frères auront demeuré ensemble et que l’un d’eux 
sera mort sans enfants, la femme du mort n’en épousera pas d’autre que 
le frère de son mari, qui la prendra pour femme et suscitera des enfants 
à son frère ; 

» Et H donnera le nom de son frère à l’atné des fils qu’il aura d’elle , 
afin que le nom de son frère ne se perde point dans Israël. 

> S’il ne veut point épouser la femme de son frère qui lui est due se- 
lon la loi , cette femme ira à la porte de la ville , et elle s’adressera aux 
anciens et elle leur. dira : le frère de mon mari ne veut pas susciter dans 
Israël le -nom de sonfuère, ni me prendre pour, femme ; 

. »- Et aussitôt ib le feront appeler et ifs l’interrogeront. S’il répond : 
je ne veux point épouser cette femme-là ; 

: » La femme s’approchera de lui devant les anciens, lui ôtera son 
soulier du pied et lui crachera au visage en disant: C’est ainsi que sera 
traité celui qui ne veut pas établir la maison de son frère ; - 

»’Etsa maison sera appelée dans Israël la maison dii déchaussé.» 
(Deutér. XXV, 5-9). 

Ces dispositions du Deutéronome ont un double but : celui de relever 


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( 535 ) 

hr race et le nom dn défunt (suecüare semen ejus) et d empêcher qué 
les biensdes fils d*Israêl ne passent d'une tribu dans une antre. Le livre 
de Rmhtkons en présente une intéressante application; h début de pins 
proche parent, Boott achète le champ que veut vendre Noém» et épouse 
Rulh, vèuve du fils de celle-ci, afin de foire revivre le nom du défunt 

75. Divorce; — répudiation. A côté du lévirat qui resserre la famille» 
vient se placer le divorce qui la relâche et la dissout. Quoiqu'il soit con* 
traire à l'essence même du mariage , à l'ordre moral , au bien de la so- 
ciété, la loi de Moïse le tolère à cause de la dureté de cœur des Juifs. 
« Si un homme ayant épousé une fémme et ayant vécu avec elle , en 
conçoit plus tard du dégoût à cause de quelque défaut honteux, il fera 
libeller (par les docteurs de la ldi) un écrit de répudiation, et l'ayant mis 
entre les mains de cette femme , il la renverra hors de sa maison , sans 
pouvoir la reprendre ensuite. » ( Deuter. XXIV , i-4 ). La loi veut que 
l'acte de répudiation soit consigné par écrit et soumis à des formes pour 
que l'homme ait le temps de réfléchir et n’obéisse point à un mouve- 
ment de colère. Le mari seul est en droit de recourir au divorce. Infé- 
rieure par sa condition et toujours Censée acquise par achat, la femme 
ne peut lé demander: L'acquéreur, s’il lé veut.rejette ce qu'il a payé; 
mais la créature vendue ne peut récuser l'acheteur. La loi néâmnôirîs 
met en deux circonstances obstacle au divorce : c'est lorsque le mari 
préténd que sa femme n'était pas vierge et succombe dans cette accu- 
sation intimante ; U est obligé de vivreavec elle sans pouvoir la répudier. 
Il en est de même lorsqu’un homme , rencontrant dans ne champ une 
vierge non fiancée, loi tiit violence et h déshonore; il doit là prendre 
pour femme, et h répudiation lût est interdite (iXeuter. XXII, 41M9, 
28 ,»). 

76. Propriété individuelle et collective. Pendant qué les Israélites 
vivent en nomades # il arrive dans leurs migrations que tel chef de fa- 
mille se met, de son autorité privée, en possession d'une terre vacante, 


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( 334 ) 

la féconde par son travail, $e l'approprie par la culture , De tous les mo- 
des d’acquérir, il n’y en a certes- pas de plus juste et de pins louable. La 
propriété, prix du labeur , est dans ce cas tout individuelle au profit de 
celui qui la orée par ses soins et ses peines. Hais lorsqu’ après leur sor- 
tie d’Égypte, les descendants de Jacob, s’emparant violemment de» 
contrées voisines du Jourdain , se les attribuent par la force des armes , 
la possession change de caractère. On passe dans un autre ordre d’idées : 
la conquête collective se substitue à la simple occupation privée; l’ac- 
quisition individuelle est remplacée par la main-mise générale. C’est à 

• é 
la race conquérante prise en masse qu’appartient indivisément le terri- 
toire envahi.. Ce ne sont plus les particuliers qui sont propriétaires; 
c’est la nation , c’est l'état. Des cantons , il est vrai , sont spécialement 
assignés aux tribus d'Israël et aux familles qui les composent. «La terre, 

> dit le Seigneur à Moise, sera partagée entre tous ceux qui ont été 

> comptés, afin qu’ils la possèdent selon leur nombreet la distinction de 
» leurs noms. Vous en donnerez une plus grande partie à ceux qui 

> seront en plus grand nombre et une moindre à ceux qui seront en 
» plus petit nombre ; et l’héritage sera donné à chacun selon le dénom- 
i brement qui vient d’être fait , mais de manière que la terre soit par- 
» tagée au sort entre les tribus et les familles ( Nombre» XXVI, 52-55). > 

Par suite, des lots sont composés et tirés au sort;mais ils sont (datât 
attributifs de jouissance que translatifs de la propriété eUe-même.Celle-' 
ci est réservée au souverain qui représente la nation, ou pour mieux dire 
fi Dion chef et seigneur du peuple d’Israël. Aussi toute aliénation de la 
part du possesseur de la terre n’est-elle que provisoire et n’a-t-efie lieu 
que sous condition implicite de réméré, «La terre,dit le Seigneur à Moise, 
ne se vendra point à perpétuité, parce qu’elle est à moi et que vous y êtes 
des étrangers à qui je la loue. C’est pourquoi tout fonds que vous, pos- 
séderez se vendra toujours sous condition de rachat.... et l’année da 
jubilé, tout bien vendu retournera au propriétaire qui l’avait possédé 


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( 355 ) 

d'abord. (Icviüque, XXV, 23, 24, 28.— V. aussi cb. XXVII, U et 
suiv. 19 et snv.)» 

Moïse néanmoins crée que exception pour les propriétés urbaines. 
« Celui qui aura vendu une maison dans l'enceinte des murs d’une ville 
aura pouvoir de la racheter pendant un an. S'il laisse passer -l’année 
sans la racheter , celui qui l’aura acquise la possédera, lui et ses enfants, 
pour toujours, sans quelle puisse être rachetée même au jubilé ( XXV , 
tf. 29-31). 

Ainsi qu’on l’a vu (n° 71), le territoire conquis sur les Chananéens est 
pin» tard compris dans le partage des terres fait aux enfants d’Israël. 
Josué opère ce partage arec le grand-prêtre et les princes des tribus. 

Les villes récemment subjuguées, de même que celles qm avaient été 
conquis es do temps de Moïse, sont à la même époque assignées aux Lé- 
vites. (Livre de Jotué, cbap. XXI). 

• 77. Transmûtion de la propriété ; — tuccesiion ; — droit d’aineste. 
On vientde voir que ,sauf en ce qui concerne les maisons des villes, l’alié- 

nationdes propriétés n’est autorisée par Moïse qu’à titre provisoire, parce 
qu’en réalité la terre appartient au Seigneur et que l’enfant d’Israël 
n’est ici-bas qn’un étranger à qui Dieu la loue. Le Seigneur souverain 
maître du territoire détermine aussi l’ordre de la succession ou plutôt 
lie la dévolution des lots primitivement assignés aux familles : « Lors- 
» qu’un homme seramort sans avoir de fils , son bien passera à sa fille 

> qui en héritera.— S’il n’a point de fille , il aura ses frères pour héri- 

* tiers.— S’il n’a pas même de frères , vous donnerez la succession aux 
frères delson père.— Et s’il n’a pas non plus d’oncles paternels, sa 

» succession sera donnée à ses plus proches. Cette loi sera gardée in- 
» notablement à perpétuité par les enfants d’Israël, selon que le Sei- 

> gneur l’a ordonné à Moïse {Nombre» XVII, 8-11). » Ainsi les filles 
n’héritent qu’à défaut de fils. Réformant sous ce rapport les anciennes 

: cou tu mes (v. n°. 68) , Mtfise favorise les mâles parce -que les Israélites 


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( 35G ) 

sont devenus guerriers. Or, chez toutes les nationsguerrières , les mâles 
sont préférés. Ce n’est donc qu’en leur absence que la Succession 
hébraïque est dévolue aux filles; encore celles-ci Sont-elles tenues d’é- 
pouser des hommes de leur tribu, pour que la propriété ne se déplace 
point. ( Nombres XXXVI). 

Quant aux droits des enfants mâles entr’enx , ils sont modifiés par le 
droit de primogénîture en faveur de l'aîné, réputé le fils par excellence, 
et, comme tel, consacré au Seigneur. « Si un homme a deux femmes 
» dont il aime l’une et n’aime pas l’antre, et que ces deux femme» ayant 

> eu des enfants de lui , le fils de celle qu'il n’aime pus soit l'ainé, 
» lorsqu’il voudra partager son bien entre ses enfante,'' il ne pomra pas 
» faire son aîné le fils de celle qn’il aime ni le préférer an fils de «die 

> qu’il n’aime pas ; il lui donnera, en conséquence, une double portion 

> dans tout ce qu’il possède, parce que c’est lui qui est le premier de 
.» ses enfants et que le droit d'aineise lui eatddu (Douter. XXI , 
» 15-17). > 

' Ainsi, quoique la vie patriarcale ait cessé , et qu’il n’y ait pins la 
même raison de conférer une plus grande fortune à l’ainé pour qn’il 
soit le guide, le défenseur et le prêtre de la famille, cèpendant Moïse 
consacre le droit d’atoesse. Le maintien, la perpétuité des noms et des 
maisons, afin que les tribus d'Israël demeurent intactes, co ntinue ex- 
citer tout à la fois l'émulation des particuliers et la du légis- 

lateur. Par suite, l'ainé reste privilégié comme enfant du Seigneur et 
reçoit une double part, pour que, vivant dans la considération et l’abon- 
dance et se procurant au besoin plusieurs fournies, il ait plue de facilité 
de conserver la famille ( V. n° 67 ). 


Ce droitde primogénîture est encore exercé lorsqu.’ au beu de recueillir 
des biens, il s’agit de remplir un ministère, d’occuper une dignité eu 
des fonctions qui ne se peuvent diviser. Aujourd'hui lorsque dos héritiers, 
en vertu d’une obligation contractée par leur auteur, sont chargés <fun 


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( 557 ) 

service iodivaibte, il» désignent T un d’entre eus pour l’acquitter. Dans 
les temps attteas,cet héritier est d'avance désigné par la loi , c'est l : aî- 
né. Ainsi pour la dignité de grand-prêtre , déclarée béréditairedans la 
famille sacerdotale d’Aaron , c'est de père en fils l’aîné qui en est in- 
vcML 

7B. Nationalité juwe ; — tribut clisses de personne*. Jusqu’à 
Moïse , les Hébreu* avaient mené une vie purement patriarcale. Leurs 
tribus nées de simples familles formaient des associations plutôt domes- 
tiques qué civiles ; aucun pouvoir public commun à tous les enfants 
d' Israël n’existait réellement. Dorant la servitude d’Égypte, ces mœurs, 
tes habitudes de pasteurs n’avaient guère changé; ht destruction de 
l’indépendance nationale avait même mis obstacle è toute idée d’orga- 
nisation politique. A l’époque où le joug des Pharaons est brisé, Moïse 
est donc le premier qui fait des Hébreux un peuple véritable. Dès lois 
générales sont promulguées sous l'intervention du Très-Haut ; les tribus 
sont constituées définitivement suivant un mode uniforme et liées entré 
elles par la religion , par des institutions communes. 

Le peuple d’Israël comprend douze tribus laïques et une tribu sacer- 
dotale, celle de Levi,qui forme désormais Une sorte de caste séparée. Des 
douze tribus laïques, neuf et demie s'établissent à l’ouest du Jourdain ; le 
siège des deux autres et demie est à l’est du même fleuve. Les villes 
sont assignées pour demeures à la tribu de Levi. Un premier dénom- 
brement opéré la seconde année après la sortie d’Égypte avait produit 
603,550 individus mâles âgés de vingt ans ou plus et capables d’aller à 
Iaguerre(Nombres,ch. I). Au moment du partage de la Terre Promise, 
après les pertes du désert , il est procédé à un nouveau recensement 
qui en fournit 601,750. (iôid. ch. XXVI). La tribu la plus nombreuse , 
celle de Juda, comprend 76,500 guerriers; la moindre, celle de Siméon, 
n’en compte que vingt-deux mille. Dans la distribution intérieure de cha- 
que tribu , les enfants d’Israël sont comptés par grandes familles, par 


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( 338 ) 

mettons et par souches. A la tète de la iribtnést un prince au chef, dent 
le dignité est en général héréditaire par ordre.de prunogéniture dans la 
branche alnée de la première famille. Chaque famille ,-cbaque naisoa a 
aussi son chef. 

Les enfants d'Israël et les étrangers naturalisés parmi eux constituent 
la race dominante dans la Terre Promise. Seuls,ils forment le irai peu* 
pie de Dieu; seuls, ils ont entrée dans l’assemblée générale ou grande 
synagogue. La loi en exclut formellement les eunuques, qui ne sont que 
des êtres incomplets, les Ammonites et les Moabites, ennemis implaear 
blés de la race de Jacob. Quant à lTdaméen,né d!Esaü, frère de Jacoh, 
quant à l’Égyptien, ancien hôte d’Israël, ils sont admis à la troisième 
génération dans l’assembléedu Seigneur. Le bâtard issu d’une prostituée 
n’y entre qu’à la dixième génération. (Dealer. XXIII), 

On distingue chez les Hébreux deux classes principales de personnes.: 
eu première ligne marchent les Lévkes , tribu supérieure vouée à U 
prêtrise , sorte de caste sacerdotale à la tête de laquelle figure la famille 
privilégiée d’Aaron ; puis les autres descendants de Jacob, dont les fa- 
milles de guerriers sont réparties dans les douze tribus. 

Dans un ordre inférieur sont rélégués les étrangers, les mercenaires 
ou fermiers , les serviteurs et les esclaves. 

Moïse ordonne de traiter l’étranger avec bienveillance : « Si un e'tran- 

> ger habite dans votre pays et demeure au milieu de vous, ne lui faites 
k aucun reproche ; mais qu’il soit parmi vous comme s’il était né dans 
k votre pays et aimez-le comme vous-même: car vous avez été vqus- 
k mêmes étrangers, en Égypte. Ne faites rien contre l’équité ni dansles 

> jugements, ni dans ce qui sert déréglé, ni dans les poids, ni dans 
» les mesures. » (Lévit., XIX, 53-33), L’étranger qui se fait circoncire 
est même admis à faire la Pâque. (Exode, XII, 48). On peuttoutefois,en 
prêtant aux étrangers, leur demander des intéréls,tandis qu'il est dé- 
fendu d’en exiger des Israélites. (Deuter., XXIII, 20) 0). 

(t) V. au Répertoire de Jurisprudence de Merlin, au mot Juift, le» réponse» donnée* 


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( «9 ) 

les mercenaires ou fermiers sont ceux qui travaillent pour les Hébreu* 
moyennant une rétribution, on qui cultivent la terre à des conditions 
convenues. (V. Lévit.,XXV, 6,40, 50). 

▲u dernier degré de l'état social vivent les serfs et les esclaves. A 
leur égard, une distinction importante est admise entre ceux quisont nés 
d'Israël et ceux qui doivent le jour à l'étranger. Si la pauvreté réduit 
nn Israélite à se vendre, il doit être traité non en esclave, mais plutôt 
en mercenaire. La septième année, celle du sabbat, ou méme,si elle vient 
plus tôt, la grande année jubilaire le rend à la liberté, à moins toutefois 
qu’il ne préfere demeurer en servage. Dans cette dernière hypothèse, 
le maître prend une alêne,perce à la porte de sa maison l’oreille de son 
serviteur,et celui-ci reste à jamais dans la dépendance. (Exode, XXi,' 
2-6; Lévit., XXV, 59 , 45 ; Deuter., XV, 12-18). Il en est de même 
de l’Israélite, condamné pour vol et réduit au servage, faute de pouvoir 
restituer ce qu’il a dérobé. (Ex., XXII, 5.) Quant aux esclavesd’extrac» 
tion étrangère, ils demeurent* eux et leurs enfants* la propriété perpé- 
elle de leur maître, à moins que celui-ci ne leur donne la liberté. On 
les emploie aux travaux les plus pénibles, et ils tournent ordinairement 
meule 4 moudre le blé. (Lévit., XXV, 44 et s.) 

79. Gouvernement théocratùjue; — sa décadence; — progrès de l’aris * 
tocratie . Jusqu’à Moïse, les Hébreux, long-temps pasteurs nomades, 
avaient formé plutôt un assemblage assez désuni de tribus distinctes 
qu’un peuple compact et fortement lié. Mais l’illustre législateur, dont le 
génie est inspiré par Dieu même apprécie bientôt combien il est impor~ 
tant de créer entre ces populations diverses une étroite cohésion et dë 
les réunir sous un gouvernement central. 


«n 1807 aux commissaires impériaux par rassemblée juive, tenue à Paris, et les ré* ol li- 
ions du grand Sanhédrin, de février 1807. 


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{ SLO ) 

Pour arriver à ce Lut il établit : . 

i 1°. Le culte unique duspul Dieu Xébovab, souverain sp-ignoyr fe 
toute la nation juive , culte dont une seule tribu est spécia lemen t char- 
gée (Deuteron., X, 8 et s.) C 1 ) ; 

2°. Des lois générales communes à tout Israël et dont nul ne se doit 

k 

départir pour observer des coûtâmes étrangères fl) ; 

. 5°. Un grand saubédrin qu assemblée suprême composée de soit 
Xante-dix sénateurs j , 

.. 4°. Une assemblée gépérale ou synagogue, à laquelle n<tsUt>>nt les 
seuls membres du peuple de Dieu. 

Dans la même intention de resserref ce lieu qui doit unir toutes les 
tribus d’Israël, Uloïse consacre solennellement, le gouvernement théo- 
çratique. 

« Les diverses nations. qui spnt .dans le pionde, dit Flavius-Joseph, se 
régissent suivant des formes différentes. uns adoptent la monarchie, 

le$ autres l'aristocratie, d’autres la démocratie. Mais notre divin légis^ 
lateur Moïse n’a établi aucun de ces gepres de gouvernement. Informe 
de république qu’il a choisie peut être appelée du nom de théocratie , 
puisqu’il l’a rendue entièrement dépendante de Dieu. ( Rép. à Appion , 
chap. VI). 

Dieu, en effet, avait dit aux Israélites par la voix de Moïse : »*Si vous 
* écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous serez le seul 
> peuple que je posséderai comme mon bien propre.... Vousserez mon 
» royaume et un royaume consacré par la prêtrise ; voui serez la 
» nation sainte. » ( Exode, XIX, 5, 6>). 


(1) Afin de maintenir l’unité dans la religion et la puissance , Moïse ordonne que tous 
les Hébreux, en quelque pays qu'ils demeurent, se rendent trois fois par an dans b ville 
sainte et dans le Temple. (Flav. Jos., liv. IV, ch. 8.) 

(8) V. au Lévitique , ch. XVH1 , et dans Flavius-Joseph , liv. Y , chap. 1 ^ le duCourj 
de Josué aux Hébreux. 


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(«i ) 

Pour sanctifier autant qu’il eu «a lu j es peuplr #tde l>iou , Jfiotsa 
prg«nùe d’abord aqm «P» soin scropeiqjtttpm «s gui ^onoeMe'JchsMh 
et s«pe«ite. . 

À stop et «près lai se» 'descendants, par ordre 4s priuogësSlare.sodt 
investi» <fai sacsrdocs suprême. Ata qu’une grwle wjsssiK aosottpe- 
gu œU» investit»*, Motoe, suivant t’ordrodo Seigneur, assemble Wdtle 
pèopbxlnrant ta ports da Tabernacle. Là, optât avoir purittt avsrde 
l’eaa Aaron et ses fils, il revêt le gnpd-pr6tre de la tunique défit M*,«t 
loi passe la enStare ; il le revêt pardons de b robe «fhymteiht» ont 
l’épbod w la robe,et le aemataeeela oenttaps.y atUKbeléTaskBMi w 
lequel étaient écrits eas mets: doctrikeetvànM; il lui met aussi bt tiare 
«or h tête; et ao bas.de la tiare, «a l’ endroit qoi couvre le froat, Unet 
la lame d* or consacrée par le nom de Jéhovah quelle porte.... (lémt,, 
ch. YI|I) (*). 

Non-seolement Aaron et ses fils, mais tonte h tribu dé Lévî, fi laquelle 
Us appartiennent, sont chargés du sacré ministère (*). ils doivent pren- 
dre soin du sanctuaire, de ses vases, en un mot de tout ce qoi serai ta- 
che an culte ; et tandis que les amies enfeou cf Israël sont caoeoolsér par 
bandes fi part , chacun sons ses drapeaux et ses enseignes , setta tas 
familles et las maisons, les Lévites dressent leurs tentes aatonr da Taber- 
nacle et veillent à sa garde. Aussi ne sont-ils pas compris dans lertosar- 
ecment général dés Israélites. Dénombrés fi port , cmnptds per familles 
et par maisons , en prenant tonales miles figé» d’un moâeta ft dtm '* 
leur total s’élève à vingt-deux iqitye. Us coasliujeot ainsi qp saerrdgee 


(i) Qgqnt à la signification symbolique des diverses parties du ooMûme du grand-prê- 
V. Flavius-Joseph, liv. HI , chap. 8 ; Saint Jérôme , explication des cérémonies de 
l’ancienne loi et de l'habillement des prêtres, adressée à Fabiola. 

(3) Les hautes fonctions sacerdotales sont réservées h la maison d’ Aaron. Les autres 
membres de U tribu ont en partage le ministère inférieur et conservent le rang de sim-t 
f(es Léyites. 


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($62) 

nombreux et inluefet.une plissante théocratie concentrée tant dans la 
maiMa d’Aaron que dans firtribft des Lévites. ^Sn<ds - dépositaires de ta 
doctrine, en possession des offices les pha importants , investis de la 
mienne portioodn pouvoir législatif et judiciaire , maîtres de la dignité 
da grand-pontife, par ta boochednqœlDieu lui-même déclare sa volonté 
soties «Itire» le» pins gravas , les prêtres sont en. réalité convenus 
d'Israël. A. la vérilé,. ils n’ont afeame part dans les fonda de terre assi- 
gnés .« antre» tribus; niais. Ht çcaupensatinn ,48 vilfesienr sootattri- 
bnésst (Joané , XXI , <3â.). Afin 4 urUs soient tout, entiers an S eign e u r et 
qn'fls a’aient poiBt à s'inquiéter, dé leor .subsistance , Moïse y pourvoit 
hrgrainat Indépendamment des oblations: considérables qui accompa- 
gnant les sacrifiées , la famUfo d’Aaron reçoit les prémices. de tons les 
pre d nits d e » animant et de ton» les fruits de-la terre. La dîme on dixiéme 
partie de ces productions est en outre affectée à la tribu de Lévi, de 
at^qmterprétrm: joignent la richesse à l'autorité. Ces avantages, 
ces privilèges, conférés an* fils d’Aaron, ne sont pas vus sans jalousie; 
de ièle soulèvement contre Mbise .de.Coré , de Dathan et d'Abiron , 
a aç q ne ls an joignent deux cent-cinquante principaux delà synagogue ; 
dn bHê châtiment et la . catastrophe dé ces impies. (Nombres, XI Y) (*>. 
LnCbéoeratie organisée par Moïse reste debout toute-puissante et re- 
dsntée. i • ’ 

A la-monde Jtwué.des germes de corraption et de désordre ne tar- 
dèrent pasà édore. La foi si vive des Hébreux , leur confiance enléfao- 
vab , leur déférence pour ses prêtres s'ébranlent et s’affaiblissent par 
degrés. Entraînés par les femmes idolâtres auxquelles ils s’unissent , ils 
abandonnent parfois le Dieu d'Israël et sacrifient à Baal. Forts de l’épée 

(1) Goré, qui désirait ardemment la dignité de grand-prêtre , fut profondément blessé 
de la voir conférée fe Aaron. Il accusa Moïse do disposer des emplois fans le consente* 
ment du peuple, d’user d’ariiûce pour rester maître du gouvernement, de conspirer avec 

aron contre la liberté (V. Flavius-Jotêph et le TalmudJ. 


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( 565 ) 

qu’ib portent, le» chefs de tnt», dont là vaübqee a débit l'ennemi se 
montrent ansslmoins res p ectu e ux pour les prêtres. Enfin, do h part de 
ces derniers on de leurs enfants, qnehptesécarls; quelques nhus de pour 
voir sont pour la paissance sacerdotale one cMee noa moins aetive de 
décadence. La théocratie altérée se mélange alors d’élémentsaristoerati- 
ques. 

Après la servitude des Hébreux, sons Khnsan-Rasathaïm, etlenr déli- 
vrance par Othoniel , une nouvelle forme de gouvernement mixte est 
instituée. L'aristocratie s’y combine avec la théocratie. La souveraineté 
se partage entre le grand sacrificateur qui , à raison de son caractère 
religieux, reste le plus éminent personnage, le sophei ou juge, magistrat 
à la fois militaire et civil, un sanhédrin composé de soixante-dix Anciens, 
et les princes des tribus qui interviennent dans la plupart des a flaires. 

Le grand-prétre, organe et ministre suprême du Très-Haut, conserve 
le principal ascendant. Le seul aspect de sa personne vénérable et de 

son costume imposant inspire la crainte an peuple, qui se courbe devant 

/ 

loi. L’hérédité de ses fonctions ajoute à leur importance. 

Le sophet ou juge, à la dignité duquel sont attachées d’éminentes pré. 
rogatives , entr’autres celle de commander l’armée , est revêtu d’une 
autorité semblable à celle des suffètes ( ou tophotim ) de Tyr et de Car- 
thage , des rois de Sparte et des consuls de Rome. Mais à Jérusalem 
cette haute magistrature n’est point conférée par le choix du peuple, 
et souffre même d’assez longues interruptions. 

Le sanhédrin , ou conseil des soixante-dix Anciens d’Israël , prend 
part à la décision des affaires les plus graves. Ses membres, versés dans 
la connaissance de la loi , veillent attentivement à son maintien. Le chef 
du sanhédrin se nomme hatiatci , président ; le second , dont le nom 
(ai) signifie père , siège à sa droite ; le troisième , qui se place à sa gau- 
che, se nomme kaeam, le sage (*). 

(1) Exode, XD, SI, XXIV, 9 ; Nçwkrte, XI ; Haimmdee inSsnltcdrim. 


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( 364 ) 

Enfia les dôme princes d'Israël , tant en leur non personaoi qm 
coma ehefc des. déuae tribus qu’ils repré sen t an t , s’occupent des aflai- 
ros de Fétat et soignent les intérêts communs en même temps que l’in- 
térêt particulier de chaque tribal*). 

Tel est le gouvernement des Hébreux jusqu’à l'établissement de la 
royauté, sous Saül, en 1080. 

80. Administration de la justice. I. Gv^amsaJioif ju&cLsn». Après 
la sortie d’Egypte, Mtfise s'applique, depuis le lever jusqu’au coucher du 
soleil ,à juger seul tous les différends du peuple d’Israël. Cette entreprise 
est évidemment au-dessus de ses forces. Alors , par le conseil de son 
beau-père Jetbro, il choisit dans toutes les tribus des hommes fermes et 
courageux , craignant Dieu , aimant la vérité , haïssant l’avarice , et les 
établit princes ou juges du peuple. Ils rendent la justice en tout temps ; 
mais ils réfèrent à Moïse les affaires les plus difficiles, jugeant seulement 
les plus aisées. (Exode, XVIII, 13-26.) 

La loi de Dieu, promulguée par Moïse, prescrit aux juges de ne jamais 
s’écarter de la justice pour condamner le pauvre , de fuir le mensonge , 
de ne faire mourir ni l’innocent ni le juste. Elle leur défend de recevoir 
des présents , parce que les présents aveuglent les sages mêmes et cor- 
rompent les jugements des justes. (Exode, XXHI, 6-8.) 

Quatre juridictions ou autorités sont définitivement chargées du soin 
d’administrer la justice, 

1° A toute? les portes des villes, il existe des tribunaux composés de 
trois juges pour statuer sur toutes les causes dont l’objet est pécuniaire , 
telles que demandes en restitution ou en dommages-intérêts , répara- 
tions de faits nuisibles , rachat d’obligations ou de promesses sacrées. 
(Deuteron. , XVI, 18.) C’est dévaut les mêmes juges que se passent les 

(t) Jotué, XIY, 1 ; XXIV, I , etc. 


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( 565 ) 

Ventes et autres conventions. Hs exercent ainsi une double juridiction , 
contentieuse et gracieuse. (Liv. de Ruth, ch. tV.) 0) 

2* Dans les cités ( probablement les plus importantes ). sept hommes 
d’une vertu éprouvée sont constitués magistrats (tojfctùn) et investis du 
droit déjuger. Deux officiérs ( toterim , minùterialet), ch oisis parmi les 
Lévites, leur sont adjoints pour faire exécuter leurs sentences. (Flavitit- 
Jo»., Iiv. IV, ch. 8.) 

3° Si les juges se trouvent en peine de décider certaines affaires * 
comme il arrive souvent, ils doivent, sans rien prononcer, les porter en 
leur entier dans la ville sainte ; et là , le grand sacrificateur , le prophète 
ou juge suprême ( sophet ) et le sanhédrin des soixante-dix Anciens ont 
mission de les juger selon l’inspiration de Dieu et de leur conscience. 

4° Quant aux affaires capitales , elles sont soumises à un tribunal 
composé de vingt-trois juges, lequel siège également à la porte de la cité. 

II. cÜwdM^. •m'humS». — ^ uediiM. C’est surtout dans les ancien- 
nes théocraties qu’ontété instituées ces formalités salutaires , pretec tri- 
ces.de la vérité et de la justice. Chez les Hébreux, aucun accusé ne doit 
être condamné qu’après une information scrupuleuse , et que quand le 
fait quonlui reproche est reconnu constant. (Deutér.,XVIl, 4.) 

Un seul témoin est insuffisant; il en faut au moins deux on tratu qui 
soient irréprochables. (Deutér. XVII, 6; XIX , 3; Flav.-Jo*,, IV, g.) 

Les femmes ne sont point reçues en témoignage à cause de la légèreté 
de leur sexe et attendu leur parole téméraire. 

U en est de même des esclaves , parce que la bassesse de leur ceedn 
tion leur abatte coeur et que la crainte oa l'intérêt peyt les porter à 
déposer contre la vérité. ibid.) 

Lorsqu’un objet confié a été volé ou pendu chez celui qui eu était 


(1) V. pool plus de ddtaib tax cettemalifee , Portortt , Hûteire de U ttgüküon , 
tome IV, cbap. SS. 


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(m) 

détenteur , ce dernier doit jurer qu’il n'a point détourné le bien de non 
prochain. (Exode , XXU, 7-11.) 

81. Peine» , application. — < Crâne* et Mit». Outre l'excommunica- 
tion, les sacrifices expiatoires et les autres punitions ou pénitences reli- 
gieuses communes aux diverses théocraties , des peines corporelles plus 
ou moins graves sont prononcées par les juges. La pins rigoureuse , 
dont l'application fréquente annonce des temps encore barbares , est la 
peine de mort. Les divers modescTexécation sont la lapidation (surtout 
pour les infractions religieuses) , le feu , la décapitation , la corde et la 
croix. D'autres supplices plus atroces sont même quelquefois infligés 
parles Hébreux ; mais ce sont moins des peines légales que de cruels 
actes de vengeance. (V. Pattoret , t. IV, p. 128 et smv.) Pour les mu- 
tilations , les blessures , les voies de fait , la peine ordinaire est celle du 
talion, c’est-à-dire œil pour œil, dent pour dent, membre pour membre, 
brûlure pour brûlure, plaie pour plaie. (Exode , XXI , 24-25; Deutér. 
XIX , 21. ) Le faux témoin subit la peine qui eût été infligée , si son 
témoignage avait été cru. ( Deuter. XIX , 16-20 ; flav.-Jo». VIII, 4. ) 
Les autres châtiments corporels sont la bastonnade, l'emprisonnement, 
et surtout le fouet, que les juges prononcent assez arbitrairement. 

Dans l'impossibilité de retracer ici en détail , avec des explications , 
les lois pénales des Hébreux , nous nous bornons à indiquer leurs prin- 
cipales dispositions dans l’ordre où les présentent l’Exode, le Lévhique, 
les Nombres et le Deutéronome. 

EXODE. Ghap. XXI. Contre l'homicide prémédité , les coups ou 
les outrages envers ses père èt mère , l’enlèvement et la vente d’un 
homme libre , tes voies de fait 'sur une femme grosse qui occasionnent 
son trépas, la loi prononce la peine dé mort. 

Cbap. XXII. Le vol, les. dégâts dans les champs, l’incendie par 
imprudence , la violation de dépût ou l’abus de confiance , la séduction 
d’une vierge sont punis de diverses peines. (Vers. 1-17.) Les sortilèges, 


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(SU) 

les enchantements, le crime de bestialité , TidoMtrie , sont passibles de 
b peine de mort. 

: LÉVITIQUE. Chap.YÏ. Contre l'abus de confiance et le bien mal 
acquis , restitution ai entier arec un ci nq uièm e en sus et sacrifice 
expiatoire. (Vers. 2-7.) 

< Chap. XVIII. Contre l’inceste , f adultère , les abominations contre 
nature , la bestialité et l’idolâtrie , pane de-mort. (V. 6-92.) 

- Chap.. XIX. Contre celai qnimange d’uné victime plus dedeax jotars 
après son immolation., peme demort. (V. 8*6,) — Contre la fornication 
avecune femme eachru, peine do fouet infligée aoktiHix coupables. 
(Y.âO.) 

; Cbap. XX (complétant le chap. XVIII}.' Contre Tidolâtrie, l’outrage 
même de parole envers ses père et mère, l’adultère, l’inceste, le crime 
contre nature , la bestialité •, le commerce arec une femme pendant son 
flux périodique , la divination ; peine de mort. 

Chap. XXI. Contre la fille d’tin prê tre surprise en fornication, la peine 
tin fen (V. 9). 

Chap. XXIII. Contre celui qui travaille le jour du sabbat, le premier 
jour do septième mois (jour consacré} et le dixième jour de ce septième 
mois (fête de l’expiation), peine de mort. 

Chap. XXIV. Contre le blasphème et l’homicide, peine de mort. 
(V. 16 , 17 , 23) ; contre les blessures, le talion. (V. 19*20). 

Chap. XXV. Défense de Tasore sans pénalité. 

NOMBRES. Chap. I. Contre l’étranger qui se joint aux Lévites pour 
dresser ou détendre le Tabernacle, peine de mort. (Y, 61). 

Chap. V. Femme accusée d’adultère. — épreuve per reaude jalousie. 
(V. 11*13). 

Chap. XV. Contre celui qui par. orgueil se reud rebeile aa Sei gne ur, 
ou méprise sa parole et rend vaine son ordonnance, peine de mort. 


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(3«) 

(Ver». 30 51). — ConKe .U violation, dé Sabbat. pètnede mort. (ML 
V. 32-56). 

Ch»p. XXV . Contre 1a forniaaiien avec dvs ©trangèf» , peiné de 
mort. . 

DEUTÉRONOME. Chap. XVII. Contre lTdo&trie, peiné de méru 
(V. $,7). Contre le refes d’obéif an commendement dt pontife <tt à 
l'arrêt du jngu, peine de mort ( V. 13 ) 

Çbap. XVHI. Dà fen a e depnriierparfeféaaepfilaousa fiRe, decén- 
soltar le» efevln», ë'observttf les songenetleréogurn», <T nier de nndéfr) 
cas» deaertiiégnseéd'enclfeiltcnMhto; d'avoir r e c d nra à ceux qui om 
l'esprit de Python, qui se mêlent de deviner on qui interrogent les 
morte,--» peint de pAMftté.'JV.Ifcl t). — Centrale* feux prophètes, pdine 
de mort (V. 30). 

Chap. XIX. Contre l'homicide, peine de Inôrt. (V. 11*15). Contre 
le feux témoignage, peina <pt’anfai*> Sobie l’accoté. (V. 1640). Contré 
les nmtilalions , peine dn- talion (V, 21). 

Chap. XXI. Loi concernant le corps mort d’un homme tné par on 
inconnu. ÇV. 1 -9). Contre le» enfents rebelles à leur» parents, peine de 
mort (V. 18-21). 

Chap. XXII. Femmes accusées de fornication;— -peine» soit contre 
l’épouse adultère, soit contre le mari calomniateur.— Attentat» aux 
mœurs : fornication, séduction, viols; leurs peines. 

Chap. XXIII. Usure défendue, mais sans pénalité. 

Chap. XXIV. Contre l’ entêtement et la vente d’une personne libre, 
peinedé mort (Vi T). 

Chap. XXV. Punition arbitraire contre les individus trouvés en fente. 
(V. f^.—ifteine du poing coupé contre la femme qui, dans une rixe, 
saisit un homme par ses parties naturelles (V. 11-12). 

Cl»p. XXVtt. MàMdfcdom «marc te» tiolMéursdé fe h>H<T. 

(i) Sur la législation de Moïse, Y. encore Flav.-Joseph , liv. III, ch. 40 , elle Talmud. 


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( 5G9 ) 

82. Tilles de refuge. — Rachat . Quelque rigoureuse que doive être 
aux yeux de Moïse la punition des coupables , il est néanmoins des cir- 
constances où la loi elle-même fournit le6 moyens d'échapper à un châ- 
timent trop sévère. 

Ainsi, des villes sont établies (trois d’abord , six ensuite), pour servir 
de refuge à l'homme qui par accident a commis un homicide. Par 
exemple, un homme s'en est allé avec un compagnon dans une forêt pour 
couper du bois , et tout-à-coup le fer de sa coignée, lorsqu'il voulait 
couper un arbre, s'est détaché du manche , a frappé son ami et l’a tué ; 
dans ce cas, celui qui par mégarde a de la sorte fait périr son prochain 
peut se retirer dans l'une des villes dé refuge ; sa vie doit y être en sû- 
reté, pourvu qu'il se présente à la porte de la ville devant les anciens , 
et qu’après leur avoir exposé ses moyens de justification , il soit admis 
par eux à y résider. Telle est la disposition de la loi, de peur que le plus 
proche parent de la victime , emporté par sa douleur , ne poursuivo 
l’homicide, ne l'atteigne et ne le tue indignement (Deuteron. cliap. XIX» 
\ 1-10 ; Josué, chap.XX). 


Ainsi encore un homme dont le bœuf frappait de la corne , ne l'a 
point renfermé après en avoir été averti, et il arrive que l’animal furieux 
tue ensuite un homme ou une femme. Dans ce cas, la loi ordonne que le 
bœuf homicide soit lapidé. Le maître lui-même doit être puni de mort. 
Toutefois celui-ci est admis à racheter sa vie moyennant une somme 
déterminée. (Exode, XXI, 29, 50). 


85. III. (D*j)uu Sauf jtUiju à. Oij'tua/. — Premiers rois uniques, — • 


Saul. — David.— * Salomon. Après avoir vu les Hébreux régis par le gou- 
vernement patriarcal, nous les avons suivis sous la théocratie-aristocra- 
tique organisée par Moïse ; nous avons maintenant à les considérer sous 
la royauté que Samuel vient à regret placer à côté de la théocratie. 


S{iy vtr 3. Saut. (1080-1040 av. J.-C). Tombés plusieurs fois en 

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( 370 ) 

servitude faute d'avoir eu à leur tête un roi qui combattit pour eux 
(v. ci-cessus, n°. 71), les Israélites, scandalisés de l’iniquité des fils de 
Samuel, juges prévaricateurs qui venden.t la justice, demandent à grands 
cris au prophète un roi semblable à ceux des autres nations, qui 
sache gouverner, juger et combattre. Samuel, convaincu que le gouver- 
nement théocratique ne peut être mieux tempéré que par un mélange 
d'aristocratie, s'oppose d'abord à leurs vœux et leur trace de la royauté 
un tableau effrayant (*). 

Cependant sur leurs instances réitérées, Samuel, après avoir consul- 
té le Seigneur, se détermine à leur donner un roi. Son choix s’arrête sur 
Saul, dont le père, nommé Gis, était un homme riche et puissant deGabaa, 
dans la tribu de Benjamin. Se trouvant seul avec Saul au bas de la ville 
deRainatha, le prophète prend en conséquence une fiole d’huile, la ré- 
pond sur la tête du jeune Israélite, l’embrasse et lui dit : c Le Seigneur , 
par cette onction, vous sacre pour prince sur son héritage et vous déli- 
vrerez son peuple de la main de ses ennemis qui l’environnent. Voici la 
marque que vous aurez que Dieu vous a sacré pour prince. » (IRois , 
chap. X , Flav. Joseph). 

Cette onction, qui confère à Saül un caractère divin , est en même 
temps le signe que l'autorité monarchique émane de la religion , que la 
royauté est fille de la théocratie. 

Peu de temps après, Samuel réunit à Maspha dans une assemblée gé- 


(1) c Le roi qui vous gouvernera, leur dit-il , prendra vos enfants pour conduire ses 
chariots ; il s’en fera des gens de cheval, cl les fera courir devant son char ; — il en fera 
ses officiers pour commander les uns mille hommes et les autres cent; — il prendra les uns 
pour labourer ses champs et pour recueillir ses blés, et les autres pour lui faire des ar- 
mes et des chariots ; — il fera de vos filles des parfumeuses , des cuisinières et des bou- 
langères; — il prendra ce qu’il y aura de meilleur dans vos champs, dans vos vignes # 
dans vos plants d’oliviers, et le donnera à ses serviteurs; — il vous fera payer la dfme de 
vos blés et du revenu de vos vignes, pour avoir de quoi donner à scs eunuques et è ses 
officiers; — il prendra vos serviteurs , vos Eervantes el les jeunes gens les plus forts avec 
vos Anes et les fera travailler pour lui; — il prendra aussi la dime de vos troupeaux et vous 
serez ses serviteurs. > ( 1 Rois, VIII, 11-17 ; Flavius -Joseph, liv. YI, chap. 4.) 


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( 371 ) 

nérale tons les enfants cTlsraël pour nommer le roi ; et quoique tout 
s accomplisse en vertu des desseins de Dieu, par l’ordre duquel le pro- 
phète a sacré Saul, toutes les tribus sont appelées aux chances de l'éleo 
tion. Le sort tombe d’abord sur la tribu de Benjamin , puis sur la 
famille de Métri, enfin sur la personne de Saul, fils de Cis. 

Saul, qui s'était enfui dans sa maison par crainte d'un pouvoir si pe- 
sant, est amené devant le peuple. Samuel déclare alors que c'est lui qui a 
été choisi par le Seigneur pour être roi, et le peuple s’écrie :c Vive le 
roi! » 

Samuel lit ensuite publiquement la loi du royaume (*), l'écrit dans 
un livre et la met en dép6t dans le sanctuaire devant le Seigneur. 

Le choix de Saul obtient une approbation présqu’unanime. Seule- 
ment quelques pervers murmurent entr'eux et disent : «Est-ce celui-là 
qui pourra nous sauver de l’ennemi? » Ils méprisent le nouveau roi et ne 
Ini portent point de présents, comme le voulait l’usage de toutes les na 
lions. Saül feintdene pas s’en apercevoir. ( I Rois, X). 

La dignité suprême dont il vient d'être revêtu ne change rien à sa 
manière de vivre, toujours simple et sans faste. Il habite la campagne, 
cultive ses terres et les laboure lui-même avec ses bœufs. (Ibid. ch. XI). 
On reconnaît à ces traits les rois du moyen-âge antique. De leur côté, 
les mœurs dés Israélites révèlent une nation encore peu civilisée et qui 
vient de passer de l’état nomade à la vie agricole. 

Bientôt les habitans de Jabès, attaqués par les Ammonites, invoquent 
le secours de Saul. II marche contre ces derniers avec une armée nom- 
breuse et les taille en pièces. C’est alors que tout Israël se félicite plus 
que jamais d'avoir un roi à sa tête. Samuel tient à Galgal une assemblée 
générale, où l'élection de Saül est réitérée au milieu des acclamations. 
Le prophète le consacre roi une seconde fois en répandant sur sa tête de 


(\) Cest-h-dire probablement la loi qui instituait la royauté. 


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( 372 ) 

l'huile sainte. Vais on voit que c’est à regret. Dans an discours qu’i| 
prononce en quittant le pouvoir, il reproche aux Israélites leur folie 
d'avoir voulu secouer le joug du Seigneur pour celui d’un homme; il leur 
représente que ce roi qu’ils ont maintenant, ils le tiennent de Dieu, dont 
l'autorité doit rester inébranlable. « Si vous craignes le Seigneur, a- 
joute«t-il, si vous le servez, si vous écoutez sa voix sans être rebelle* à 
ses paroles, vous serez, vous et le roi qui vous commande, à la suite du 
Seigneur, votre Dieu. Mais si vous en agissez autrement, la main du 
Seigneur pèserasur vous comme elle a pesé sur vos pères. » ( 1 Rois , 
cb. X, Flav. Joseph, VI, 6 ). Dans l’opinion de Samuel, la théocratie 
doit donc demeurer prédominante. 

Deux ans après, la guerre se déclare entre les Israélites et les Philis- 
tins. Dans le cours de cette guerre, une mésintelligence lâcheuse éclate 
à plusieurs reprises entre le roi et le prophète, entre le pouvoir.politi- 
que et l’autorité religieuse. Samuel, en sacrant le jeune Saül, avait es- 
péré qu’il resterait docile à ses inspirations. Mais dès que celui-ci a sur 
Ses épaules le manteau royal et sur son front le diadème, il ne tarde pas 
à s'affranchir de la tutelle religieuse. Les victoires qu'il remporte, l'épée 
qu’il tient d’une main plus ferme, ajoutent encore à sa fierté. Samuel se 
repent amèrement de l’avoir fait roi. Pendant tout ce règne, la théocra- 
tie et la royauté sont désormais deux puissances hostiles constamment 
en lutte 0). 

Plus tard, Samuel vient de la part du Seigneur intimer au roi l'ordre 
d’attaquer les Amalécites, et les détruire avec tout ce qu’ils ont , sans 
rien épargner. Saül, les ayant défai ts,sauve néanmoins Agag leur roi, et 
(réserve ce qu’il y a de meilleur dans les troupeaux. Samuel, irrité, lui re- 
proche sa désobéissance et lui annonce qu’il est rejeté de Dieu, lui et sa 


(1) L’iiistoire de l’Inde et de l’Egypte noue prétente à diverses époques des luttas du 
même genre. 


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( «"3 ) 

♦ 

race. 11 sacre ensuite secrètement le jeune David comme futur roi dis* 
raël. (I Rois , XV ; Flavius Joseph VI , 8, 9). 

Le surplus du long règne de Salil est rempli par les événements que 
fait naître sa jalousie contre David, dont la gloire lui portait ombrage.' 
Ayant appris que le grand-prêtre Acliimelech avait reçu David à Nobé , 
et lui avait donné des rafraîchissements et une épée, il envoie aussitôt 
chercher Achimelech avec tous les prêtres de sa famille, leur adresse de 
violentes invectives et les fait tous impitoyablement massacrer. Cet acte 
de barbarie met le comble à fa désunion entre le sacerdoce et le monar- 
que. (I Rois, XXII; Flavius Joseph , ib. liv. VI). 

Après quarante ans de règne, Saül périt avec trois de ses fils dans une 
bataille contre les Philistins. Ainsi, dit l'historien sacré, mourut le roi 
Saul à cause de ses iniquités, et parce que méconnaissant les ordres du 
Seigneur, il les avait enfreints. C’est pourquoi Dieu le livra 5 1a mort et 
transféra son royaume à David, fils d'isaï. (I Paralipomènes,X). Destiné 
à concilier la théocratie et la royauté en subordonnant celle-ci à la pre- 
mière, le long règne de Saül n'avait guère été qu’une lutte opiniâtre et 
persévérante entre les deux puissances. Nous allons voir sous David, 1a 
royauté prendre le dessus et devenir prépondérante. 

&r<pt+ f 1040-1001 ). A la mort de Saül , une scission 

désastreuse se manifeste parmi les Hébreux. La tribu de Juda se déclare 
pour David ; les Anciens de cette tribu le sacrent et le proclament roi# 
Mais un général influent de l'armée de Saül , Abner , prend parti pour 
Isbosethÿ fils de ce prince , et rétablit roi sur Israël* C'est alors , pour 
la première fois , que se produit d'une manière $i éclatante la désunion 
entré Juda et Israël , désunion funeste qui finira par amener une sépa- 
ration permanente. Une guerre civile , longue et sanglante , afflige le 
royaume. Toutefois , à mesure que le temps s'écoule , le parti de David 
sc fortifie davantage , tandis que celui d’Isboscili dcdinc et s'affaiblit. 


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i 



( 374 ) 

Abner lui-même ayant abandonne sa causée, Isboselb périt assassiné et 
David demeure seul roi des douze tribus (*), 

Reconnu roi par tous les Hébreux f David se porte avec des forces 
considérables sur Jérusalem» ville possédée jusque-là par les Jebuséens, 
11 s’empare d’abord de la ville inférieure , puis de la citadelle de Sion » 
où il établit sa demeure » et qui prend le nom de ville de David. L’arche 
du Seigneur y est transférée plus tard. Jérusalem devient alors la cité 
sainte» consacrée au culte exclusif de Jéhovah ; elle est en outre la capi- 
tale de tout le royaume. La triple unité religieuse , monarchique et na- 
tionale se trouve ainsi constituée. Le roi»logé magnifiquement dans une 
maison construite en bois de cèdre , rougit bientôt de voir l’arche du 
Seigneur déposée sous une tente formée de peaux d'animaux. Il forme le 
projet de bâtir un temple superbe à Jéhovah ; mais le prophète Nathan 
lui déclare que cet honneur est réservé à son fils» Continuant, sous le rap- 
port guerrier , le règne glorieux de Saul , David bat successivement les 
Philistins, les Moabites, les habitants de Soba et de Damas , les Syriens 
de plusieurs nations , et porte ses conquêtes jusqu’à rEuphrate.il défait 
ensuite Naas , roi des Ammonites , qui avait osé outrager ses ambas- 
sadeurs, et s’empare de l’idùmée. Redoutée au-dehors par ses victoires, 
la royauté , entourée d’une nombreuse maison militaire et d'une puis* 
santé armée fortement organisée , s’affermit encore au-dedans par les 
institutions civiles . Pour l’aider dans ses fonctions, David organise un 
gouvernement central. 11 s'adjoint plusieurs ministres , notamment un 


(1) La manière dont périt Isboseth est un nouveau trait du caractère de l'époque. 
Vers midi, à l'heure de la plus grande chaleur du jour, ce prince dormait sur soo lit dans 
sa demeure. Une femme, qui gardait la porte de sa maison, s’était aussi endormie en net- 
toyant du blé. Deux chefs de voleurs, que le prince avait à son service, profitent de celle 
circonstance pour pénétrer jusqu'à lui et le mettre à mort, dans l'espoir d'étre récom- 
pensés par David. Us entrent furtivement dans la chambre d'isboseth pendant son som- 
meille tuent, lui coupent la tète, et vont la présenter à David ; mais ce prince, irrité d’un 
pareil crime, ordonne à ses gens de tuer ces meurtriers ; ce qui est exécuté sans (orme 
de procès, fil Rois, ch. 4.J 


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( 373 ) 

surintendant des finances , un maître des requêtes et un secrétaire 
d’état. Aux portes de la résidence royale, des gardes et des officiers veil- 
lent à la sûreté du monarque et exécutent ses ordres. ( Il Rois , VII et 
suiv. ; Paralipom. I, XVIII et XXVII). 

Plus pieux ou plus politique que son prédécesseur, David se garde 
bien d’entrer en lutte avec l’autorité religieuse» pour laquelle il témoigne 
sans cesse une obséquieuse déférence. Jamais il n’entreprend rien sans 
consulter le Seigneur et sans prier le grand-prêtre de se revêtir de 
l’Ephod» afin de recevoir les ordres du Très-Haut. (Flav. Joseph, liv. 
VII» ch. 4). Toujours on le voit offrir à Dieu d’abondants sacrifices » lui 
rendre les honneurs qui lui sont agréables et se montrer scrupuleux ob- 
servateur des pratiques religieuses. 11 réorganise le culte avec splendeur» 
distribue lesfonctions des Lévites» règle l’ordre et les devoirs des prê- 
tres, l’office des chantres et des musiciens. Les prêtres trouvent en lui le 
plusgénéreux soutien; mais au point de vue politique , on ne voit pas 
que la puissance sacerdotale exerce sous son règne une bien grande in- 
fluence. Elle a d autant moins de force pour contrebalancer la royauté 
que par une circonstance fortuite deux grands-prêtres existent à la fois. 
En effet, lorsqu* Achimelech avait été mis à mort par ordre de Saiil , 
son fils Abiathar s’était réfugié près de David qui l’avait revêtu du sa- 
cerdoce suprême, tandis que Sadoc,de la famille d’Eléazar, en remplis- 
sait les fonctions prèsr de Saiil. A la mort de ce prince, Sadoc se rend 
près de David, qui lui conserve sa dignité tout en laissant la sienne ^ 
Abiathar 0). Il y a ainsi deux grands-prêtres en même temps. 

Le règne de David serait parfait si sa folle passion pour Betbsabée ne 
le conduisait à faire périr Urie, son époux; si la violence commise par 


(i) Sous Salomon, Abiathar est destitué par ce prince pour avoir embrassé le parti 
d’Adonias;il est relégué loin du temple dans une petite ville, de sorte que Sadoc demeure 
seul en fonctions. On voit par ces actes quel ascendant la rovaulé a pris sur Te sacer- 
doce. ( Voyez 1U 9 Rois, 11, 26, 27 ; Flav . Joseph, VUI, l.) 


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( 37Ü ) 

Amoon.fils de ce prince,sur Thamar,sa propre mbut, violence suivie da 
meurtre d’Amnon par Absaloo.ne répandait b diaoorde et Je deuil dans 
b Camille royale; si enfin b révolte d’ Absafon lui-mètte ne vantât abreu- 
ver d’amertume la vieillesse du monarque. Dana cette ré voit* qui met le 
tr6ne de David en péril, on voit renaître b scission entre Jnda et Israël. 
Jnda, qui marchait à la tète du peuple de Dieu, qui possédait daas sou 
sein le roi et le grand-prêt re, qui se trouvait comblé d'honneurs et 
d’avantages, excitait b jalousie des autres tribus. Celles-ci voulaient de 
même avoir un roi, une capitale, un temple, et former un état distinct. 
De b cette antipathie qui devenait de jour eh jour ph» profonde. 

Sentant sa fin approcher, David réunit autour de son trône tous les 
princes d'Israël, les chefs des tribus , les généraux des troupes qui 
étaient à son service, les tribuns, les centeniers et tons les officiers du 
domaine royal. Il recommande à leurs soins b construction du temple 
du Seigneur, leur en donne le plan et en confie l’exécution 4 leur fer- 
vente piété. Après avoir lait sacrer et proclamer roi son fils Salomon, ü 
lui donne ses derniers avis et raenrt à l'âge de 71 ans. Il avait régné 
sept ans à Hébron et trente-trois ans à Jérusalem. Son règne voit en 
grande partie s'accomplir dans l’état social, politique et religieux, dans 
les mœurs, dans les institutions, dans le coite, une transformation remar- 
quable qui va s'achever sous le gouvernement de Salomon. 

clUjjM» d* Sofumo». (1001-962). Salomon commence son règne par 

quelques exécutions sanglantes. Il fait tuer sans aucune forme juridique 
par Banaïa, capitaine de ses gardes, son frère Adonias dont il redoutait 
b turbulente ambition, et fait également mettre à mort Joab, général en 
chef, bien qu’il se soit réfugié près de l’autel. (III Rois, 1 1 , tlav. Joseph 
VIII, 1). Après s’étre ainsi défait de ses ennemis, le jeune roi épouse la 
fille du pharaon d’Égypte et gouverne ses états dans une paix profonde. 
11 fait éclater sa sagesse dans l’administration de la justice, surtout par 
le jugement fameux qu’il prononce en ire deux femmes qui réclamaient le 


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( 377 ) 

méqie enfant. 11 donne à son royaume une puissante organisation, le di- 
. vise en neuf provinces, à la tète desquelles il met des gouverneurs, et 
place ceux-ci sous l'autorité d'on chef qui est une sorte de lieutenant 
du roi. (Ütd). 11 s’apprête en même temps à réaliser le projet de David 
et à construire le temple. 

Pour l’accomplissement de ce grand œuvre, Hiram, roi de Tyr, lui 
fournit d’babiles artisans et unequantité considérable de t>ois de cèdre 
et de cyprès. Salomon, de soncèté, lève et discipline toute une armée 
d’ouvriers, au nombre de trente mille qu’il divise en trois corps. 11 en 
envoie tour à tour dix mille travailler sur le mont Liban pendant un 
mois, de sorte qu'ils sont relevés par dix autres mille, et ceux-ci à leur 
tour par un troisième corps de dix mille. Pour faciliter les travaux, 
soixante-dixmille manœuvres étrangersportent les matériaux et quatre- 
vingt mille taillent les pierres sur les montagnes; les surveillants et di- 
recteurs sont au nombre de trois mille six cents. Ces préparatifs gigan- 
tesques et cette immense quantité d’ouvriers donnent à peine une idée 
des proporlionscolossales du temple. Sept années entière sont employées 
à le bâtir et à le décorer. Un si court espace pour tant de magnifiques 
ouvrages qu’il renferme, dit Flavius Joseph, ne les rend pas moins 
étonnants que leur grandeur, leur richesse et leur beauté, personne ne 
pouvant croire qu’il fût possible de les exécuter en si peu de temps. 
Enfin la dédicace du temple est célébrée avec une solennité inouie au 
milieu de la foule accourue dp toutes parts , et l’arche d’alliance y ést 
déposée au milieu d’une pompeuse cérémonie (U. 

Le roi Salomon se bâtit en outre un riche palais, dans lequel se trouve 


(1) V. Sur le Temple de Salomon, et sa description, H Rois, Y-VU ; D paralipoménes, 
ID-Y;FZawta-Jb#epA,liv. V1II;M. Daniel Ramée , Manuel de l’hisloire générale de l’archi- 
tecture, 1. 1, p. 166 (Paris, 1843, gr. in-18j ; M. Batiuier , Eléments d’archéologie na- 
tionale, p. 56 (Paris, 1843, gr. in-18). Ce temple fut réduit en cendres lors de la prise de 
Jérusalem, par Nabuchodonosor,en 588 ar. J.-C, — Quant à l’Arche sainte et à sa descrip- 
tion, Y. H. Daniel Ramée, #»#., p. 162. 


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( S78 ) 

une vaste salle supportée par de nombreuses colonnes et destinée à con- 
tenir tous ceux qui viennent foire juger leurs différends. On y place un 
trône élevé d’ou le monarque rend la justice (*). 

Salomon fait aussi reconstruire les murs de Jérusalem, auxquels il 
ajoute des tours et des bastions. Par ses ordres, tous les grands chemins 
qui conduisent à cette capitale sont pavés de grandes pierres noires. Dans 
les provinces il restaure des villes, en fonde plusieurs autres, notamment 
la fameuse Palmyre qu’illustre plus tard la reine Zénobie. A l'extérieur, 
plusieurs peuples sont rendus tributaires; une flotte considérable est 
mise en mer. 

La renommée de sagesse et de puissance de Salomon se répand en 
môme temps dans toutes les contrées de la terre. Nicaulis, reine d'Ethio- 
pie et d'Égypte, vient de Méroé à Jérusalem avec une suite nombreuse et 
un riche équipage. Elle admire tout à la fois la haute intelligence du roi, 
l'ordre qui règne dans sa maison et dans ses états, la magnificence qui 
l’entoure, la soumission avec laquelle il est servi. 

Néanmoins ce prince si sage, si éminent, si honoré,ne persévère pas 
jusqu’à la fin dans sa gloire : ses dernières actions ternissent l'éclat de 
toute sa vie. II abandonne les lois de ses pères et se laisse dominer à un 
tel excès par l'amour des femmes que cette folle passion lui trouble le 
jugement. Ses brutales voluptés lui font oublier tous ses devoirs. Il 
épouse jusqu’à Sept cents femmes toutes de condition élevée et a de 
plus trois cents concubines. Sa faiblesse pôur elles le rend leur esclave; 
il ne peut se défendre d'imiter leur idolâtrie. Plus il avance en âge, 
plus il s’abandonne à l'impiété. 

Ce déplorable aveuglement porte ses fruits. La force de son gouver- 
nement décline; sa domination est ébranlée. Le fils de l'ancien roi 


Yl) V. le III". liv. des Rois, les paraUpomènes el Flavius-Joseph , précités ; M. Da- 
niel Ramée, ibid, p. 176. 


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( 379 ) 

d'Iduméc, Adad, reprend les armes et s empare d’une partie de la Syrie, 
Jéroboam, personnage puissant et considéré, s # élève aussi contre lui* 
Mais craignant pour sa vie,il se retire en Égypte, où il demeure jusqu’à 
la mort de Salomon en 962* Ce prince avait régné environ quarante 
ans M. 

Quelque florissante que soit la Judée sous ce règne, elle porte déjà 
dans son sein plusieurs germes de destruction. L’absence d’union et de 
concorde môme parmi les Hébreux, les progrès du despotisme, l’abais- 
sement de la théocratie, l’invasion du luxe oriental, le rélàchement des 
mœurs, le désordre que la polygamie introduit dans la famille, sont au- 
tant de causes destructives qui vont exercer leur funeste influence. 

84. Schisme des dix tribus . — Royaumes de Juda et d'Israël . — 
Jérusalem et Samarie. Les éléments de désunion et de décadence qui 
fermentaient dans le royaume de Judée ne tardent pas à se faire jour. 
A peine Salomon a-t-il fermé les yeux que la triple unité nationale, 
religieuse et monarchique consolidée par David se rompt violemment ; 
voici dans quelles circonstances: à l’avénement de Roboam,les princes 
des tribus, et avec eux Jéroboam, revenu d’Egypte, viennent trouver le 
nouveau roi et le prient de leur remettre une partie des impôts exces- 
sifs dont Salomon les avait chargés. Roboam leur demande trois jours 
pour répondre; puis au lieu de suivre l’avis de sages vieillards qui l’enga- 
geaient à accueillir cette demande, il la repousse durement d’après le 
conseil de quelques jeunes insensés. L’ancienne antipathie entre Juda 
et Israël fait alors explosion. Dans leur irritation, dix des douze tribus 
se séparent de la maison de David; Juda et Benjamin lui restent seules 
fidèles. Encore peu façonnées à la vie sédentaire, les tribus d’Israël se 
retirent d’abord sous leurs tentes. Vainement pour lés apaiser, Roboam 


1*1 Sur le règne de Salomon, y oyez le ffle Ut. des Roisjchap. U-XI; le 11* Ut. des para ■ 
Upomènes) chap. I-IX. 


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( 380 ) 

leur envoie Aduram, surintendant des tribus; elles le lapident et le met- 
tent à mort. Bientôt après, elles se donnent pour roi Jéroboam. Dès ce 
moment, la scission devient définitive. 

Le roi d'Israël établit en premier lieu sa demeure à Sichem. Crai- 
gnant de voir ses sujets l’abandonner s’il leur permettait d’aller au tem- 
ple de Jérusalem assister aux cérémonies religieuses . il organise un 
culte à part , tourne son peuple à l’idolâtrie , en lui faisant adorer des 
veaux d'or ; il construit des temple sur les hauts lieux , comme les infi- 
dèles , et institué pour prêtres des hommes de basse condition qui 
n’étaient pas de la tribu de Lévi. (111 Rois, XII , 26-31 ; II Paralipom. 
X, 16; Fiav.-Jbteph , VIII, 3.) La plupart des prêtres du vrai Dieu , 
aussi bien que les justes attachés à leur foi et à la maison de David , 
quittent en foule Israël et se retirent à Jérusalem, parce qu’à leurs yeux 
le royaume de Juda est le royaume du Seigneur par excellence et qu’il 
a été donné à David et à ses descendants par un pacte inviolable. 
(II Paralipom. XIU, 5 et suiv.) 

Les deux royaumes de Juda et d’Israël subsistent simultanément 
pendant plusieurs siècles. Celui d’Israël , en proie à de violentes agita- 
tions sous dix-neuf rois de différentes races qui se succèdent au milieu 
des catastrophes , dure depuis 976 jusqu’en 718 , époque à laquelle il 
est détruit par Salman-Àsar , roi des Assyriens , qui en transporte les 
habitants dans la Médie. Le royaume de Juda est gouverné successive- 
ment par vingt rois de la maison de David , dont le sceptre se transmet 
assez paisiblement du père au fils ( sauf l’usurpation d’Albalieen 883 ) ; 
il prolonge son existence jusqu’en 388. Jérusalem est prise alors par 
Nabucbodonosor * et Sédécias, son dernier roi, après avoir eu les yeux 
arrachés, est emmené à Babylone avec le reste de la nation. 

Chacun des deux états avait sa capitale. Après la scission qui s’opère 
à l’avénement de Roboam , Jérusalem demeure la ville royale de Juda. 
Elle apparaît assise sur deux collines placées eu face l’une de l’autre > el 


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( 581 ) 

séparées par une vallée. Sur la plus spacieuse et la plus éminente de ces 
collines , s’élève la haute ville avec la forteresse de Sion , le temple et le 
palais du roi. La ville inférieure se déroule sur la seconde collioe. 
Embellie par David , rendue magnifique par Salomon , Jérusalem est 
une des plus belles cités de l’Orient C 1 ). Malgré ses égarements et ses 
infidélités , elle reste jusqu’à la fin du royaume de Juda la ville choisie, 
par le Seigneur pour y établir la gloire de son nom. (U Paralip.XILlS.) 

Jéroboam , roi d’Israël , adopte d’abord Sichem pour capitale; mais 
il ne tarde pas à l’abandonner. C’est Tbirza qui devient ensuite la rési- 
dence royale et le siège du gouvernement ; c’est là que Zamri, cinquième 
roi d’Israël en 918 , est assiégé par son peuple insurgé. Craignant de, 
tomber au pouvoir de ses ennemis , il s’enferme dans son palais qt s’y. 
brûle avec toute sa famille. Amri , son successeur , achète de Semer » 
pour deux talents d'argent , une montagne où il bâtit une ville qq’i| 
appelle Samarie, du nom de Somer, à qui avait appartenu la montagne. 
(III Rois , XYI.) Cette cité nouvelle est à son tour érigée en capitale du 
royaume. Peu importante à son origine , les rois d'Israël quj se succès 
dent ne négligent rien pour l’accroître , la décorer , l'enrichir et la reu^ 
dre digne desadestination.Mais la dépravation et la licence s' introduisant 
dans son sein en même temps que le luxe.Outre quelle prend nue part 
plus ou moins active aux révolutions dont elle est le théâtre, Samarie s’a- 
bandonne sans pudeur à tous les écarts de l’idolâtrie et delà corruption 
des mœurs. Ezéchiel lui reproche en termes énergiques de porter au 
dernier degré la fureur de sa passion, de se prostituer sans honte aux fils 
de l'étranger, avec une fornication qui surpasse encore celle de sa sœur 


(1) Le paysage d'alentoar présente aae physionomie remarquable. « Des aspect* 
extraordinaires décèlent de toutes parts une terre travaillée par des miracles : le soleil 
brûlant, l'aigle impétueux , le flguier stérile , toute la poésie , tous les tableaux de F Ecri- 
ture sont Ut, » (9f. de Chàtwubrxand , Itinéraire de Paris à Jérusalem. 5e partie.) 


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( 382 ) 

(Jérusalem). ( V. cliap. XXIII.) Enfin , Samarie expie tons ses dérègle- 
ments par les maux cruels qu’elle éprouve lorsqu’elle est emportée de 
vive force par Salman-Asar. Livrée au pillage et à la désolation, tous ses 
habitants sont passés au fil de l’épée : les femmes et les enfants ne sont 
même pas épargnés. Toutes les statues sont détruites, les idoles mises 
en poudre , les murailles renversées jusqu’aux fondements, et cette ville 
superbe n’est plus qu’un monceau de ruines. ( Mickée , cliap. 1.) 

83. Gouvernement royal. — Son caractère. Dominée d’abord par 
la théocratie dont elle est émanée , la royauté ne tarde pas à s’affranchir 
de cette tutelle qui gène ses mouvemenls.Quand ses conquêtes au-dehors 
et les forces militaires dont elle dispose Ont assuré sa prépondérance , 
on la voit prendre l’essor et marcher rapidement au despotisme. Dans 
les ordres qu’ils donnent , dans les mesures qu’ils exécutent , David et 
Salomon sont obéis ponctuellement et sans aucune résistance. Ce n’est 
pas , toutefois , que les anciennes formes politiques aient perdu leur 
apparence extérieure et cessent complètement d’agir. Le grand-prétre , 
organe des volontés du Seigneur, continue d’être consulté ; les soixante- 
dix Anciens qui composent le grand sanhédrin , les princes des tribus , 
les chefs des familles, ont encore des attributions ; mais, en réalité, c’est 
le roi qui est l'âme du gouvernement et qui le dirige. 

Un des premiers titres du monarque à l’obéissance et â la vénéra- 
tion , résulte d’abord de sa qualité d’omf du Seigneur (U. L’huile sainte 


(1) Tous les rois sont sacrés successivement : Safil est sacré par Samuel (I Rois, X, I). 
Le même prophète mécontent de Saül sacre ensuite secrètement David ( Ibid . , I Rois , 
XVI, 12-13). Après la mort de Saûl , les anciens de la tribu de Juda étant venus h Hé- 
bron j sacrent David de l'huile sainte (U, Rois, H , 4). Plus lard David est également sa- 
cré par ceux d'Israèl (ibid, V, S ; I, Paralipomènes, XI, 3). Salomon est sacré par ordre 
de David du vivant de ce prince (ÜI, Rois, I, 32-40). Après la scission entre Israël et 
Juda, les rois d’Israël sont également sacrés. Le prophète Elisée appelle un des enfanta 
des prophètes et l'envoie sacrer pour roi d’Israël Jéhu, Ois de Josaphat (IV, Rois, IX, 1). 


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( 383 ) 

répandue sur sa tête donne à sa personne an caractère sacré (0. Malheur 
à qui l’outrage ; quiconque met la main sur lui doit périr (2). Du temps de 
Saül, David et Abisaî trouvent ce monarque endormi sous sa tente. A fri, 
saï dit à David : « Dieu vous livre aujourd’hui votre ennemi entre les 
mains ; je vais donc de ma lance le percer d’nn seul coup » ; mais David 
lui répond : « Ne le tuez point, car quiconque étendra la main sur l’oint 
du Seigneur ne sera point innocent. » (1 Rois, XVI, 8*9.) 

Ce caractère divin, dont le roi est revêtu par l’effet dn sacre qui pré* 
cède son avènement, a pour double but de lui rappeler que son pouvoir 
émane du Seigneur ou de la théocratie, et d'apprendre aux populations' 
que sa personne commande un respect religieux ,'que tout attentat con- 
tre elle est un sacrilège. 

86. Puissance et attributs durai. Pour l’exercice de son pouvoir, le 
roi, chef suprême de l’Etat, jouit de plusieurs prérogatives. De hautes 
distinctions, des marques d’honneur lui sont en outre attribuées. . 

Les prérogatives du monarque sont : 1 2 de commander l’armée ; * de 
rendre la justice ; 3 de présider au gouvernement ; 4 de lever des tri- 
buts ; 8 de diriger les relations extérieures. 

1 Un premier élément de force et de puissance pour le roi consiste 
dans l’armée dont il est le chef par excellence. Toute la hiérarchie mili- 
taire est placée sous son commandement. Un général en chef reçoit 
directement ses ordres et les transmet aux troupes; il a sous lui d’autres 
généraux qui dirigent les divers corps d’armée. Mille hommes sont 
commandés par un tribun, cent hommes par un centenier, cinquante 

hommes par un capitaine. Tous ces officiers sont nommés par le roi. 

« 

(II Rois VIH, 16; X VIII 1-4; IV rois, 1 , 9 et suiv.) Pour sa sûreté 


(1) I, Rois, XXIV, 7 ; XXVI, 7, H, 23. 

(2) II, Rois, I, 14-17. 


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! 

( 584 ) 

*>• 

personnelle ,1e monarque a en outre un capitaine des gardes. Tous les 
guerriers des diverses tribus sont appelés successivement à veiller è sa 
défense. (Il Paralipom. XXVII). 

* Dans l’ordre civil, la plénitude de b justice souveraine appartient 
au roi. Son droit de vie et-de mort est illimité; ils étend même jusqu à 
Étire mourir les coupables sans formalités de justice. David use de ee 
droit contre l’amalécite qui vient se vanter à lui d’avoir tué Saul, et cen- 
tre les meurtriers d'Isboseth. (II Rois, 1 5-15 , IV , M2). 

3 Le gouvernement comme la justice relève directement du roi, qui 
a pour mission de faire exécuter les lois, mais sans pouvoir les modifier 
ou y déroger.Lé gouvernement central, dont le siège est dans la capitale, 
comprend trois secrétaires d’état , un chancelier, un grand-maître de la 
maison du roi qui joint à ses fonctions celle de rendre la justice, un 
surintendant des tributs , un surintendant des domaines royaux. A la 
tête des provinces sont placés des gouverneurs ; douze officiers rési- 
dant en divers lieux sont chargés de pourvoir à la subsistance et à la 
consommation du roi et de tout ce qui l’entoure. (III Rois IV , 2-7; 
IV , rois XV , 5 et s.) 

4 Une quatrième prérogative inhérente à la royauté est de lever des 
tributs. A eet égard, le plus lourd fardeau retombe sur les peuples étran- 
gers subjugués par la conquête; les Israélites qui composent la race 
dominante n’en supportent qu’une plus bible partie. Cependant vers lu 
fia du règne de Salomon, il parait .qu’ils en sont aussi chargés d’une 
manière accablant, puisque le refe» fait par son fils Roboam de les en 
dégrever provoque t’insunreçtûm et te schisme des dix tribus. (V. ci- 
dessus s° 84). Le roi, qui perçoit les impositions, peut en exempter. 
Ainsi dans la guerre contre les Philistins, il est dit que s’il se trouve 
un homme qui puisse tuer Goliath, le roi le comblera de richesses , lui 
donnera sa fille en mariage et rendra la maison de son père exemple de 
tribut dans Israël. (I Rois XVII, 25). 


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( 386. ) 

s Enfin le roi, qui représente à l’extérieur la nation d'Israël, dirigeies 
relations avec les peuples voisins ; il conclut avec eux les traités, les al- 
liances, les capitulations, reçoit leurs ambassadeurs et leur en enueu»; 
de son côté. David reçoit les envoyés d'tyiram, roï de Tyr.et çn députe 
à Hanon.roi des Ammonite*. Mais celui-ci fait saisir les envoyés i&raéli- 
tes; par no excès d'outrage, il leur fait raser la moitié de la barbu, cou- 
per la moitié des véteœeo tsjusqu’aubaut descuisses, et les renvoie dansi 
ce honteux état. Pe là une guerre où cet afTnpat e$t lavé dans lu song, 
des Ammonites. ,(U RoisX, 4 ; paralip. XiV , i i XVIII , 9-10;, XIX).. 

Ponr rehausser l'éclat et la nuÿesté de son trône, le roi possède «ne 
maison considérable composée de nombreux ©üuiars et gens de èentite; 
de maîtres du palais, d’écuyers, d' échangea#, d’tfnhoques. Elle eartfé-> 
gie par uniutendant;un prêtre particulier y est attaché. (IU Rois.ptMtiü)., 
Lorsque le roi sort,il a près de lui uu des grandsde sa cour.stu* la main 
duquel il s’appuie (IV Rois, VII, 3, 17). C’est un éclatant tëmwghugU 
de faveur que d'être admis à manger à sa table. (11 Rois IX, 8?Iil 
Rois II, 7). , 

Comme marques distinctives de sa dignité suprême, le roi parie' un 
brillant diadème, de riches braaal ets. de magnifiques vêteé^tité: (U 
Rois I, 10, XII, 30; IHRois,XXH, tO),LesCeptpeàlaaoM,<ièéiégo 
sur un trône d’ivoire enrichi d’or, (Hl RoisX; 18)» A Saumon, uddfcnl 
général est de rigueur (U Rqlg, W 11-13) .Sdn eorpa est dèp&é ddis la 
sépulture royale. Les mauvais princes sont seuls exclus de oèt honneur; 
c'est une espèce de marque d’infamie im p r imé e à leur gouterbeméotv 
Joram , Joas , Achaz , Manassé et Amrrfoè soit alési privés de'Ia ééptfl> 
tureroyale, à cause de leurs méfaits. (11 Paralip. XXI, 20, XXIV; 86, 
XXV1U; 27, IV Rois XXI). 

87. Autorité de» prêtre». Malgré la décadence dont la théocratie 
s’élail trouvée atteinte quelque tempeavant rétablissement de la royauté 
(v. n° 79), les prêtres conservaient encore un immense ascendant sous 

25 


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( 586 ) 

le double point de vue politique et religieux. Dans l'ordre hiérarchique, 
le souverain pontife représentant du Seigneur sur la terre, marchait 
avant le sophet simple magistrat civil, et prenait une large part à la di- 
rection des affaires publiques. Dans les premiers temps du roi Safil, 
malgré la révolution opérée dans le gouvernement, le pouvoir religieux 
essaie encore de se maintenir tout paissant en face de la royauté ; mais 
bientôt- il est contraint de fléchir devant elle. Dominée par l'omnipoten- 
ce monarchique, la dignité de grand-prétre n’est plus qu’une haute 
fonction religieuse pour laquelle le prince orgueilleux ne professe pas 
toujours le respect qu’eHe mérite. Ainsi Soûl fait tuer le grand-prétre 
Àchimelech, sous prétexte de conspiration contre lui (I Bois XXII) ; et 
Salomon, reléguant loin du temple le grand-prétre Abiathar qui' avait 
pris le parti d’Adonias, l’empéche de remplir désormais ses fonctions' 
(111 Rois II , 27). Dans quelques graves circonstances, le pouvoir sacer- 
dotal reseaisit.il est vrai, une influence prépondérante. En 852, le grand- 
prétre Joiada, avec l’aide des officiers du temple, fait sacrer et proclamer 
roi de Juda le jeune Joas, qu'Athalie avait supplanté; il lui met sur la 
télé le diadème et le livre de la loi (*), et renouvelle ensuite l’alliance 
entrele Seigneur, le roi et le peuple. (IV Rois XI, ci-dessus n° 70). 
Pendant toute la vie de Joiada , Joas règne sous sa direction; à la mort 
de l’illustre pontife, ce prince le fait inhumer avec les rois. ( H Paralip. 
XXIII et XXIV). Plus tard, Joas s'étant adonné à l’idolâtrie, est repris 
de son impiété par le grand-prétre Zacharie, fils de Joiada . Dansla colère 
qu’excitent en lui ces remontrances , il le fait lapida 1 par le peuple' 
ameuté. (II Paralip. XXIV , 20). 

. Mais quel que soit sous le rapport politique rabaissement que subit 


(t) Lor» du couronnement de» rois , le grand-pré Ire place le livre de la loi sur la léle 
du monarque pour exprimer par uo symbole que )a loi est au-dessus de lui et qu’il doit 
lai obéir. 


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( 387 ) 

le sacerdoce, jamais il ne tolère que la royauté s'immisce dans la reli- 
gion. Ainsi Ozias. roi de Juda, ayant voulu offrir lui-même de l'encens 
au Seigneur, rencontre une énergique résistance dan» Je pontife Axa- 
rias, qui, accompagné de quatre-vingts prêtres, s’ oppose vivement à cette 
prétention sacrilège; (11 Parahp, XXVI). 

C'est qu’en effet les pratiques et les cérémonies du culte appartiennent 
exclusivement an prêtres; eux seuls ont le privilège d’entrer dans le 
sanctuaire; mais aucun d'eux, excepté le grand-prétre, ne peut aller au- 
delà du voile qui couvre le Saint des Saints. C’est une des prérogatives 
du souverain pontife; encore lui est-H défendu sous peine de mort d’y 
pénétrer on antre jour de l’année que celai de l’expiation solennelle. 

88. Le» prophète». On donne le nom de prophète (en langue semi- 
tique nabi ) à celui qui, inspiré de l’esprit divin, déclare aux hommes la 
volonté de Dieu et leur découvre ses desseins les plus secrets. Dans le 
principe, lès Hébreux l’appelaient voyant , parce qu’il apercevait ce que 
nul homme ne pouvait voir. (X Bois IX, 9). D’après l’Écriture-Sainte, 
le moyen le pins ordinaire par lequel Dieu se communiqué est une sorte 
d’inspiration soudaine qui vient illuminer la pensée du prophète et le 
porte à révéler ce que le Seigneur lui dit intérieurement. Dès les siècles 
. les plus reculés, on voit surgir des prophètes. Dans la Bible, plusieurs ■ 
éminents personnages, notamment Abraham, Jacob et Moise,sont doués ' 
d’un esprit prophétique ; mais c’est surtout à partir de Samuel qu’appa- 
raissent ces hommes supérieurs à qui l’avenir se dévoile et qui sont 
remplis du souffle de Dieu pour annoncer sa parole, consoler ses ser- 
viteurs, censurer les pervers et les menacer de la rigueur de ses juge- 
ments. Cétte liberté qu’ils prennent de dire anx rois et anx grands des 
vérités sévères les expose quelquefois aux plus graves périls; plusieurs 
d’entre eux périssent même victimes de leor franchise (*). 


(I) L’Ecriture-Sainle nom offre de nombreux exemples de eene fermeté irtt laquelle 

% 


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( 3Ç8 ) 

-iMwwt d’ordinaire une existence rude et pleine de mortifications , se 
rtourrissantd'berbes et d’un pamd'orge grossier, vêtus d’unsacoucilice, 
couchant dan» les montagnes, les-prophètes dounent l’exemple de l’ aus- 
térité des mœurs et d’unè fidélité 9crnptd«Bse dans l’ accomplissement 
des observances. Ce sont ces pieux pérsotürages qui, après les patriar- 
ches, conservent là tradition la pins pure de la véritable religion. Ils s’oc- 
cnpentà méditer' laloi de Dieu, à le prier plusieurs fois le jour et la 
nuit, et s’exercent à la pratique de tomes les vertus. Ils forment des 
disciples, leqr découvrent l’esprit de laloi, leur en expliquent le set» 
ntysiique ; ils iostrqisent aussi le peuple, lui enseignent à s'abstenir du 
mal et l'exhortent à la pénitence. Len jours du Sabbat et -les autres jours 
de fête, ils sont entourés de la foule qui vient cliercher près d’eox des 
cpnsolations ou des avis ( ( ). 

. A côté de ces prophètes élus dn Seigneur s'en élèvent une foule 
d'autres qui ne tiennent leur mission que d'eux-mêmes. Ces imposteurs 


loi prophètes reprochent .aux rois leur» écarts ou leurs erreur» ; nous nous bornons à 
quelque» citations : 

Le prophète Nathan reproche à David son adultère avec Belhsabée et la mort d’Urie , 
soti époux , qu’il a fait péri» en l'exposant direaiefnqpl aux coups de l'ennemi. David 
reconnaît sa faute et s'humilie devant Dieu. (Il Rots , XII.) 

r » 

Quand Sesac, pharaon d’Egypte , s'avance contre Roboam à la fête d'une armée formi- 
dable et menace Jérusalem d'une terrible invasion , le prophète, jSemeias vient trouver le 
roi et les princes , et leur dit que si Dieu les a délaissés, c'est parce qu'ils Tout lui-méme 
abandonné. Ceux-ci, consternés, reconnaissent que le Seigneur est juste. Dicu,les voyant 
hhmbles et rèpenUtotâ , fait entendre sa parole à Bemeias', et loi dit 3 t Puisqu'ils se sont 
humiliés*, je ne les exterminerai point et leur (tannerai des secours, s (0 ParaBp. XII.) 

Le prophète Jehu prédit au nom du Seigneur & Baasa , roi d'Israël , la ruine de sa mai- 
son. Baasa, irrité, fait mourir le prophète ; ce qui n'empèche pas que soit Bis £la ne soit 
détrôné par Zaïpbri , général de cavalerie , qui le tue après deux ans de régne et exter- 
mine tous ses proches, (III Rois , XVI.) 

f te prophète ïùie, inspiré par le Seigneur, annonée à Achab , fui d'Israël i que Dieu le 
retranchera de la terre Jni et sa postérité, pour avoir injuatemepifait périr Acbab et enlevé 
sa vigne. (DI Rois, XXI, 17.) Cette sentence du Seigneur, déclarée parle prophète, reçoit 
plus tard son exécution. (Vf Rois , IX et X.) 

(1) Vi fflettry , mœurs des Israélites , qo XXII. 


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( 389 ) 

qui se vantent faussement d'être inspires se rencontrent en grand nom- 
bre parmi les Juifs, surtout dans le royaume d'Israël séparé du trat culte 
et toujours pins enolinà l'idolâtrie. Ainsi Achab,roi d'Israël, rassemble 
ses prophètes au nombre d'environ quatre cents pqur leur demander s'il 
doit attaquer les Syriens. Ces faux prophètes lui prédisent ftp amoès? 
mais Ùichée, prophète du .Seigneur, lui annonce des revers. ( UI Rois 
XXH, 6-4 1). Dans une autre circonstance , Elisée, prophète dn Sel* 
gneur, mandé par Joram, roi d’Israël, lui dit : « Qu’ÿ oetre vdufc 
et moi ; aflez-vous-en aux prophètes de votre père et de votre mère, s 
Néanmoins par égard pour Josaphat,roi de Juda, il conserit "à prophé- 
tiser. Il fait venir un joueul* de harpe, et la main du Seigneur descend 
sur Ini. (IV Rolsltl, If et suiv). • 

Les faux prophètes ne négligent rien pour captiver !a foule, pour Fa*- 
tirer à eux. Ms la séduisent par leurs déceptions , contredisent les prO L 
phètes du Seigneur et les décrient auprès des grands et des dasées 
inférieures. Ces séducteurs ont presque toujours du sdccès, parce qu’ifc 
flattent les passions du peuple et se conforment 5 ses-désirs dans leuth 
discours et leurs prétendues révélations. Aussi le législateur a^t-ilsoih 
de prévenir les Israélites contres ces fourbes, eh* infligeant Acetut-ci les 
peines les plus terribles : « Si un prophète , corrompu pùr son orgfleil; 

> dit le Seignear , entreprend de parler en mon jiom , et de diré defc 

> choses que je ne lui ai pas commandé de dire , ou s'il parle au nom 
» des Dieux étrangers , il sera puni de mort. » (Deutéron. XVllI, 22. ) 
Dans urt'gottver bernent thédCratique , les*prèfres de la religion demi 1 - 
nante doivent %euls parler htt nbm de la divinité. Celui qui empiète stfr 
letlrtS droits èomfnet une sorte d’üsurpatiori pofitique, un crimè' dé léze~ 
majesté divise et humaine. iChefc les Juifs , riéanfaoiàs , cette rJgdétA* 
tombe en désuétude sous la royauté , parce que le sacerdoce , quptque 
toujours iafluent , n’est plus souverain. 

89. Elément aristocratique* — Les princes et les Anciens . Chez I<» 


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( 390 ) 

Hébreux nomades , la puissance politique prend naissance dans Tasso- 
dation domestique et commence par être purement civile. (V . ci-dessas 
n° 66.) Les fils de Jacob, formant douae tribus dont ils sont les patriar- 
ches , ont d’abord pour subordonnés et pour défenseurs leurs propres 
enfants qai , en se mariant , deviennent chefs de famille. ( V. n® 69. ) 
Progressivement chaque tribu s’organise séparément, et dans chacune 
d’elles la puissance paternelle des chefs de famille se rattache à l’auto- 
rité du patriarche , dont elle est l'appui. Plus tard , quand les Hébreux 
forment uqe nation , ce pouvoir respectif des princes des triStu et des 
princes des familles , comme les appelle l’Ecriture , perd sans doute de 
son intensité, mais n'est pas anéanti, 11 conserve une partie de sa force 
primitive tant que subsiste le peuple israélite, Sous la royauté comme 
sous les juges , ces princes des tribus et des familles constituent l'élé- 
ment aristocratique dans l’état, et, se combinant avec les deux puissan- 
ces sacerdotale et monarchique, composent avec elles la souveraineté , 
qui prend ainsi la forme extérieure d’un gouvernement mate (*). Du 
temps de .Josué , les princes des tribus confirment par leur serment 
l’alliance contractée avec les Gabaonites (Liv. de Josué, IX, 15.), et pré- 
sident au partage de la. Terre-Promise. (Ibid. XI Y, I.) Sous les rois , 
bien que l’aristocratie ait nécessairement moins d’influence , les chefs 
conservent encore des attributions importantes. En temps de gnqrre, 
ils commandent les hommes de leur tribu ; en temps de psix,il$ convo- 
quent et président l’assemblée des chefs de famille , loi communiquent 
les ordres de Jéhovah ou du souverain. On doit croire aussi qu'aucune 
mesure d’un haut intérêt n’est prise sans leur assentiment. Les rois les 
.réunissent auprès d’eux dans ^circonstances graves. Ainsi Ton voit 
Davidy-dcgtenu vieux et sentant sa fin approcher , les appeler dans son 


(1) A toute* le* époque* , l’aristocratie , que Flavius-Joseph considère comme la meil- 
leure espèce de puissance , compte chez les Hébreux de nombreux adhérents. 


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( 501 ) 

palais et leur communiquer ses desseins pour la construction du temple* 

( I Paralip. XXVIII , 1. ) Leur dignité est héréditaire dans la broochfe 
aînée de chaque tribu et se transmet de père en fils , par ordre de pri- 
mogéniture. . 

Quant aux Anciens ( zakenim ) , il est probable que cette expression 
désigne cT abord tant les douze princes des tribus eux-mêmes , que les 
cinquante-huit chefs de famille qui existaient dans les tribus , lors* des 
premiers dénombrements. Ces personnages , dont le nombre réuni 
s’élève à soixante-dix , composent le grand sanhédrin. (V. n* 79.) Ce 
nom d* Anciens , qui ne s’appliquait primitivement qu’à des vieillards 
respectables par leur âge, devient ainsi un titre de dignité (*). Plus tard 
on le donne aux juges et aux principaux des villes. A toutes les époque^ 
de l’histoire sainte, las Anciens, chargés d’unapart plus ou moins large 
soit dans le gouvernement central, soit dans l’administration des cités , 
reçoivent de grands honneurs et jouissen uT une éminente consi A$ration(*7 . 

90. Intervention du peuple. Dans aucune des anciennes théocraties 
l’élément démocratique ne parait exercer une influence directe et active 
sur la marche du gouvernement ; le peuple proprement dit n’est pas 
représenté dans la constitution et n'intervient pas d'une manière offi- 
cielle et nécessaire dans la gestion des affaires de l'état. Sans doute des 
synagogues oi| assemblées générales sont convoquées à certaines épo- 
ques ; mais c’est uniquement, soit pour assister à de grandes solennités 
du culte, soit pour recevoir communication de délibérations prises ou 


(f) D’autres peuples nous donnent l'exemple de ceUe déférence peur les vieillards , 
dont les années garantissent l’expérience et la sagesse. A Sparte et à Rome , le sénat ne 
se compose que de (Personnes avancées en âge. De là le nom de gérontesel de pères qui 
leur est donné. La qualité de seigneur (en latin senior ) , attribuée aux chefs dés fouille* 
nobles , dans le moyen âge , a aussi la même étymologie . 

fij Jérémie , prophétisant contre Jérusalem , est jugé digne de mort par les prêtres et 
'pàr le peuple, 0 est délivré de leurs mains par les princes et les Anciens, (Jérémie XXVL) 


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(S«2) 

d'ordres donnés par les pouvoirs religieux et politiques. Si , à de rares 
intervalles;, le peuple fait entendre sa voix et ntaolfesfe sM volénté , ce 
n’est que dans, dçs cfcconstançee extraordinaires ou aocirientèlleé. Ainsi, 
eu cas de révolution , quand la forme de la constitution est changée ou 
quand le sceptre est transféré d'une dynastie à une autre, , il arrive que 

le peuple r exprime, son vœu ou donne son adhésion. On voit , par eiem- 

* | • 1 

pie, le» Israélites mécontents du gouvernement établi demander un roi. 
insj^er malgré l'opipion personnelle de Samuel , et le prophète assem- 
bler foutes les tribus pour procéder A l’élection du monarque. (I Rois , 
VII.) On voit encore , sons Sa&l, .le peuple intervenir en faveur de Jona- 
thas, que lq raison père , tnalgré sa valeur et ses services , voulait faire 
mourir pour avoir transgressé ses ordres , qni défendaient de rien 
manger av^nt le soir. Le peuple s'écrie: « Quoi donc! Jonatbas 
> mourra-t-il , lui qui vient de sauver Israël d'on» manière si merveil- 
» leuse?fela ne se peut. tfaus furent peur le Seigneur qu’il ne tombera 
» pas sur la terre un seul cheveu de sa tête car il a agi avec Dieu. » 
Ainsi Jonathas est sauvé de la mort par uné sorte de volonté générale ; 
mais c ; est li une manifestation exceptionnelle et désordonnée , plutôt 
que l’exercice régulier d’ün pouvoir reconnu par la constitution. Sous le 
despotisme des rois , l’élément populaire est moins influent que jamais. 

91 . Etablissement des villes. — Leur gouvernement. Ce n’est que 
quand les Hébreux , installés dans la Terre Promise, abandonnent la vie 
nomade pour devenir sédentaires et se livrer à l'agriculture , qu’on les 
voit, repliant leur tentes , construire des bourgades on de3 villes. Une 
révolution aussi prompte que complète s’opère alors dans leur genre 
d'existence. Us renoncent à leurs anciennes habitudes pastorales , se 
façonnent aux mœurs agricoles et bourgeoises , et substituent à leurs 
grosttefs pavillons de peau d'animaux, des demeures fixes , des maisons 
bâties en bois , dont l'agglomération forme la cité. On voit rapidement 
se multiplier oes bourgades ou cités qui, long-temps encore , conservent 


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( 393 ) 


un aspect tout rustique et renferment dans, leur sein des ..terrains en 
culture» des grands vergers.oontigus aux habitations » des explott^tioos 
rprales garnies de bestiaux , des fermes avec des granges et .des étables 
couvertes de chaume ou de roseaux. Comme h plupart des cités du 
monde primitif, les villes hébraïques sont gouvernées paf des gprpntes 
ou Anciens (en bébreu.xoAmtm). Respectables par leur âge et leur expé- 
rience! des vieillards, en même temps chefs des familles,' constituent une 


aristocratie toute naturelle , placée de droit & la tête de la municipalité, 
dont tous les maîtres de maisons sont citoyens. Investis à la fois des 
fooctiOni dé juge et de eeUed’d’adiàlnyfrateur , ïei* Anciens rendent b 
justice attx portes de Ut rifle, reçoivent les hctes et les contrats que pas- 
sent lès particuliers et délibèrent Sdr toutes les mesures' utiles Ai la cité. 


•Ainsi; dans plusieurs des livres saints on volt les Anciens , siégeant aux 
pwmdmh Vtile Juger- I r» dUfetends et t&riWek'&dürceg dé là discorde. 
Dansfeitoe dé Rndi , on vsitBototi'Se présenté* dévaüt eux et cons- 
tata» en bue présence la’rsunncklten que bit àebn proéfle plue proche 
parent de Rnifa. £* trapu de guenu , leésqa'ùtm\ÜO est attaquée par 
l’ennemi, ce sont eux également qui veillent A sa sûreté et qui jugent de 


la réfistmÿceqp’ellp pputpppefer eux «grumeur*. AM , Jqmtadb tille 
de Jabès qst aqptygéq vivepteal par Nporoi des Ammonites, 1ns Aurions 
lui dijS«nt| : «,J)onnez T qons sept joui*, afin que noos envoyions dés UoéU- 
» riejs dans tout Israël, çt s'il, nq su trouve, personne pour inundéfam 
» drq , dçu§ nous rqndrpns A vous. » (l Rois , Jji , Toutefois , lus 
places fortes , fermées de murailles , ont un gouverne^ nommé ppr lo 
roi , qui commande les troupes de b garnison. Dans quelques-unes sp 
trouve' un arsenal rempli de piques et de boucliers. (.11 Paralipomènes , 
X, lî-12 ; XVII, 19. j 

. Les* villes des Hébreux, organisées de b sorte, sont régies par les lois 
de Moïse, dont noos devons maintenant retracer brièvement les destinées. 


92. Yicûritudet d« la Uÿùla.l\Qn 4« Moïtc. Sous les premiers rpis , 


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( 394 ) 

la législation de Moïse était restée la loi dominante, et plusieurs d’entre 
eux en avaient religieusement prescrit l’observation. Ainsi , David 
mourant avait recommandé à Salomon de marcher dans les voies du 
Seigneur, de garder ses cérémonies , ses préceptes , ses ordonnances , 
ulo* la teneur de la toi de Mette. (Ht Rois , II , 3). 

Mais à I époque du séhisme , lorsque les dix tribus d’Israël , brisant 
le lien qui les attachait 4 leurs frères , forment un royaume à part , le 
droit mosaïque éprouve des destinées diverses dans les deux états. 

Dans le nouveau royaume ,d’I$rël , où règne l'hérésie et souvent 
1 idolâtrie , cette législation subit des altérations plus profondes.. Les 
faux prophètes , les prêtre» , les douteurs schismatiques , se permettent 
de 4 commenter et poème (je la modifier par des fl^plieatjpps arbj maires, 
sans autre; guide que leur fantaisie oudes traditions flwt incertaines, 
les révolutions, 1<$ guerres , surtout (çq 71tyla prise de Samarie , sui- 
vie delà desmicûendfir^«oawd!Isra«, par SaUnan-Aaar.portentlee 
plus swdes atteintes wnJois de Moite. , qui aentodénaiturées ou tombent 
en désuétude. 

En IwKJes Mis, renés tes élus de Dieu . demeurent aussi , dans les 
qpremiërs temps, tes fidèles conservateurs de la lbi de Moïse. Asa , petit* 
•fils de Roboom, éomtnande i ‘ses sujets d’ obéir au Seigneur le Dieu de 
leurT pères , d'observer la loi et tout ce qui est ordonné. (Il Paralipom. 
XIV, 4.) H renouvelle ensuite l’alliance âvêc Dieu et jure solennelle- 
ment de lui être fidèle, au milieu dés acclamations du peuple. (Ibid.XV, 
13-14.} Plus tard, Josaphat , fils d’Àsa , envoie , dans la troisième année 
de son règne ( en 943*) , cinq des premiers seigneurs de sa cour , neuf 
lévites et deux prêtres dans les villes de Juda pour instruire le peuple. 
Us portent avec eux le livre de la loi du Seigneur. (II Paralipom. XVII , 
7-9.) 

Toutefois , même dans le roÿtthme de Juda j la législation de Moïse 


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( 595 ) 

se corrompait sons un amas d’ifiterptétaiion» , de gloses /d’expfications 
qui résultaient de la loi orale. D’après ime lçgeûde dqs afbbihs, voici en 
quoi celle-ci consistait : 

t En mèine temps » dfeent-ils , que Dieu avait inspiré S Moïse sur le 
mont Sinai la loi qui fut ecnte , O lui en avait aussi donné le comment 
taire; mais en lui prescrivant de le conserver de mémoire et de le trans- 
mettre d'iine génération à l’autre par la seule tradition. Rentré dans sa 
tente , Moïse avait répété ce commentaire d’abord à Aaron , puis aux 
deux fils de celui-ci , Eléazar et Itbamar. Ensuite étaient venus les 
soixant-dix Anciens composant le grand sanhédrin ; Mcftsê leur avait 
redit les mêmes explications ; enfin était arrivé le peuple, devant qui ce 
législateur les avait encore reproduites. Alors Moïse s’était retiré ; Aaron 
avait répété à rassemblée ce qu’il avait déjà entendu quatre fois de la 
bouche de son frère ; Aaron parti, ses deux fils avaient redit le commen- 
taire ; après quoi les soixante-dix Anciens en avaient fait autant en pré- 
sence du peuplé 9 sitôt que les fils (T Aaron s’étaient retirés. Ainsi nul 
n'était sorti de l’assemblée qu’après avoir entendu quatre fois l'explica- 
tion. Celle-ci s’était de la sorte profondément gravée dans la mémoire 
des assistants; la tradition l’avait perpétuée parmi le peuple.EÜe formait 
In loi orale , destinée à suppléer aux imperfections, à l’obscurité, à l’in- 
suffisance de la loi écrite (t). i 

Grâce à l’imagination féconde et à la subtilité d’esprit des rabbins de 

■ i * . ’ . - 

(1) Y* Mmwumides , comment, de la Ütischna , prœf. ad seder Zstaim , Prideau&f 
biai. des Juifs'i liv. Y T t. O , pagq 235 et soit, r— An D« siècle de notre ère , la lot orale 
désignée fous le nom de Mitekna , a été recueillie et mise en écrit par le rabbin Judas* 
le-Saint. Un commentaire du £AA»iara y a été ajouté fins tard. La lf&chna etlaGbémara 
réunies forment le Tblmttd, livre sacré des Juifs modernes. H existe une double Ghémara: 
l'une a été compilée par les Juifs de Jérusalem au Dk ou au IV* siècle , c'est la moine 
wbie ; l’autre est due aux Juifs de Babjlone , qui l'ont rédigée du Ve au VH« siècle. De 
& » les deux Tafmm^de Jérusalem et de Babjlone , qui , outre la Mischna, comprennent 
l’une ou F autre Ghemara. 


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(286) 

Jérusalem , les inter péèlaûoDS , k» gloses Ûréss de h prétend» M 
orale de wdwtfM àsupfianler le texte de la loi-écrits ; k&imywm 
oo paraphrases , la cabale ou doctrine mystique , achève» ensuite de 
l'accabler. C'est làlesortde toutes le» grandes législations d’être 
ainsi défigurées ouétoulfée* par des fommeotairesf 1 ). 

_ RéVégué pojnme «ne lettre morte ao fend do sanctuaire» ignoré mêm e 
des ingrats Israélites» le livre de Moïse, enseveli dans le temple » gisait b 
l 'écart complètement oublié , lorsqu’une circonstance fortuite vint 1e 
remettre en lumière. . 

En 611 avant J.-C., un des plus pieux rois de Jqda , Joeies, après 
avoir banni de sesdmts Mutes les abominations de l’idolâtrie, s’occupe 
à restaurer le ternie depuis long-temps négligé.Pow payer W dépens*», 
il ordonne qn’on recueille tout ce qui restait d’or et d'argent dans le 
trésor. En. procédant à cette recherche, le grand-prêtre Hdcias trouve 
un livre qu'il remet i Saphan, secrétaire. Celui-ci.en rendant compte à 
Josiasdu travail des ouvriers employés au temple, dit encore à ce prince : 
< Le pontife Helcias m’a donné un livre. > Et il se met à.le lire devant 
le roi. Josias, ayant entendu les paroles du livre de la loi, déchire ses vê- 
tements; il donne aussitôt des ordres h fielcias, à Àhicam, fils de Sa- 
phaè.â lbdoft , fils de Midha , à Saphau^secré taire, à Asaas.un des offi- 
ciel* loyaux, et Uur dit : « Allez et priez le Seigneur pour moi et pour 

tout ce qui reste d’Israêl.et de Juda;car fa colère du 'Seigneur s’est al- 

•, i- .*> • ; . j. .î ... •» i r n ■ ■ * . 

lumée contre noué, parce que nos pères n ont point écouté ses paroles ni 

accompli ce qui a été écrit dans ce livre. » Après avoir fût consulter la 
prop^ipssp QcJda» Jo«ia«.afaqi feit-^ssesabler Jç» anciens, monte à la 
m’aish'du'Sèfgneiit.'accompagiié de tons les hommes de Jüda et des 
citoyens de Jérusalem,*!» prêtres, des lévites et de tout le peuple depuis 


(I J On Mit de çimJ mopcf de commentaire* la législation de Jusliaiena été eaco» 
brée. Napoléon redoutait la même destinée pour son code. 


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(SW ) 

e pfes,petk jusqiMU tty* entrés dans le temple, 

tops tp mettent à écouler ; et le roi leur Ut 1 m parole» de «e live. S» 
tenant debout, dap&sq tribune , fl. fait alliance avec leSejguuur peuraar- 
cherayec lui $wn*et voies. jour garder entoute sincérité a» ftéçepfe», 
ses ordonnaDçes^e» cérémonies, et jour accomplir tout ce q«i était écrit > 
dans celivre qa'H avait ln.il fait ensuite prêter lp pème^ertmaf à tous 
ceux qui fêtaient trçuyés à Jérusalem et dros la teryp 4« Beajenfai. 
Tous consente n t à cette alliance du) Seigneur le Pion. 4e leurs fine. 
(IVRoi&XXU, 8 et s.jll Pendipqm. X*XIV , i* et «ni*; Mt- 
Jc0eph\, 5). 

Halheumaanent cette npunBoaUiaaee est lâont é n trbuhléo per de 
grandes catastrophés. En flOIMéacbaa. lait pria c an ïar par le pfaareon 
ïfectam, «et emmené en Egypte; en 6q6,N*b ttfc boén a o »or atempane de 
Jérusalem et h raine. Lw tribus 4e Jades sent conduites I BabyloOeen 
captivité. La législation de IColfae ast alors «oins strictement cfaservée 
que jamais. 

93. cation des lois providentielles à l’histoire des Hébreux . 
Dans le long intervalle écoulé depuis les premiers temps historiques 
jusqu’à l’édit de Çyrus.qui.en 336 met un terme à la captivité de Baby- 
lone, Ips grandes lois providentielles qui président, aux destinées des 
nations et de l’humanité , déploient nécessairement leur action sur fa 
société et la. législation des Israélites. Parmi ces lois générale^, et éter- 
nelles » nous avons signalé la sociabilité . la rénovation , le progrès ; 
l'unité, la diversité, l’harmonie on l’équilibre. (V. ci-dessu^ n** 3 et s.). . 
En général toutefois ce n’est pas que l’action de oes loi^se développe, in- 
variablement dans un oednerégqUer.suwantdet conditions toujours qoi- 
formes et après des espaces exactement je» mêmes. Une foule, de causes 
accidentelles, les guerres , la diversité des événements, le flox. et le re- 
flux des passions humaines rendent impossible use telle régularité, pans. 


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( 398 ) 

l'histoire juive, l’adieu dés lois historiques n'est pas constamment «or» 
mftle, précisément parce que ■l'existence dé cè peuple ést tout à fait ex- 
traordinaire. Tant que les enfenis d’Israël sont nomades, oa captifs en 
Égypte, les lois providentielles qui régissant Jes étàtspoütiques propre - 
nleut ÆtStleur sonf peu applicables. Ce n’est que sous Moisë et par 
Méïee q*» les -Hébreux constituent une hatlon véritable; c’ëst alors 
sedonencansai que sematiïffestent, en ce qui les concerne , les déux 
grandes lois de la 'sociabilité et de l'unité. Tant que vivent l’if! us ire 
lég is lateur et :son digne successeur JSsué , l’application corréla- 
tive de ces deux lois suprêmes se maintient. Hais après leur mort , la 
réaovàti ou, lard ir ensilé ne tardent pas à réagir. Elles ont pour mobiles 
et pour auxdiaires^d’ une part las agitations continuelles auxquelles sont : 
en proie les enfants é’ Israël, les oppressions, les servitudes imposées à 
ceuib-ei par l’étranger, leur mélange réitéré avec les différentes nations 
d’ateqtour; et sous un autre rapport, !», dissensions, les tendances op- 
posées ou divergentes qui se produisent parmi les tribus. Travaillées 
qu’elles sont par ce vieil esprit d’indépendance qui caractérise les 

x , ’ * * • 

nomades, les tribus et leurs cbeb, loin d’agir toojours d’intelligence 
comme un peuple unique et compact, s’accordent peu , se meuvent en 
sens divers, entreprennent des guerres ou des expéditions séparées. Il 
ne laut rien moins plus tard que ta. puissante royauté de Saul, de David 
et de Salomon pour mettre un terme à ces tiraillements et pour réaliser 
dans Israël l’application des grandes lois de la civilisation ou du progrès, 
de Cbarmenie ou de l’équilibre. Encore ces règnes glorieux sont-ils à 
peine terminés que la diversité, la rénovation éclatent de recbef par la 
séparation des dix tribus, par de schisme politique et religieux. Les 
catastrophes de tout genre qui affligent le royaume d’Israël, la prise de 
Samarie par Salman-Àsar, roi des Kinivites,en 718, lés vicissitudes du 
royatriné de Juda lui-même, les invasions de Sannac-Harib, autre souve- 
rain de Ninive,en 710, du pharaon Nechao en 609, enfin la ruine de 


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( 599 ) 

Jérusalem par Nabuchodonosor et la captivité de Babylone en 606. 
fournissent à ces deux dernières lois de nouveaux éléments de puissance 
et tÇSttixité 0). 

-, 

■ : . . ’ . . f 

THÉOCRATIES p'EflJIOPE. 

LES PÉLASGES. — LIS CELTES. — LES ÉTM]SQUES. 


$ T. Tkéteratle 4em PélAigea. ; 

94. Origine des Pélasges, — contrées qu’ils occupent. 

• * - * ' r , ■ 

95. Premières cités fondées par eux en Europe. 

96. Temple de Dodone.en Épire; — religion des Pélasges. 

97. Traits de ressemblance avec les anciens Gaulois. 

98. Institutions religieuses et politiques des Pélasges; 

94. Origine des Pélasges ; — contrée» qu’ils occupent. En striant 
de l’Asie et de l’Afrique, en cessant de contempler les magnifiques 
théocraties de F Inde, de l’Égypte et de U Judée, aous-rétcogradons en 
Europe vers la barbarie ; npns, sommes ramenés aux .théocraties des 
Pélasges, des Celtes et des ^traques. • 

Originaires de l’Asie comme toutes les nations qui oot peuplé l'Eu- 
rope, les Pelasges, race barbare remuante, aventurière, apparaissent au 
XVI* siècle sur presque tous les points du sol de la Grèce et couvrent do 
leurs populations la plupart de ses contrées. 


(1) La diversité , la rénovation, qui agirent avec tant de force but les populations juh 
ves, influèrent également sur la langue hébraïque y dans laquelle on retrouvera* mufti* 
tude de mots empruntés k d'autres nations. 


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( 400 ) 

' Du XX e au XVI* siècle avaal J.-C., on les voit occuper successive- 
ment l’Argolide, I* Arcadie, l'Altique,* Béotie. Ces divers pays encore 

incultes présentaient l’aspect dune nature sauvage, dune terre fré- 
quemment travaillée par de grades révoltions physiqaes. C’étaientçà 
et là des roches abruptes qui avaient servi de refuge aux hommes me- 
nacés par les dernière càudyines, dés chaînes de montagnes aux 
flancs décharnés par les eaux, des vallées couvertes d’arbres et de 
broussàilles. dés plaines sablonneuses portant des traces récentes des 
inondations qui les avaient submergées. 

Telles étaient les contrées ou les agrestes Pelasges viennent déployer 
les efforts d’une intelligence naissante stimulée par le Besoin. Rendues 
patientes par la nécessité, quelques unes de leurs peuplades défrichent 
et mettent en culture des terrains féconds qui 'sous le travail de leurs 
mains se couvrent de rjèhes moissons. D’autres tribus moins heureuses, 
rebutées par un sol ingrat reprennent leur vie yagabopde- Une partie 
de la Thessalie, l’Épire, les Iles de Crète, de Legonos , de Samothrace, 
les Cyclades , les rives dp l' Hellespont reçoivent bientôt leurs colo- 

nies (O. > j . - , , , ^ , j' . 

, 95. Prtmitoe» où* forcée» en Europe, tes Masgeè développent 
daiis la Grèce les premiers éléments d'une vie policée. Ils y fondènt les 
premières citésou bourgades telle» queSIcyoneen Achaie dont Ægialus 
Contemporain dé Ninus fat, dît-on, le premier chef, Argos dont la for- 
teresse ou Larùte passe poué la plus ancienne place forte de l’Europe, 
fyrintbe et Mycènes en ArgoÜde remarquables par leurs antiques cons- 
tructions, Eleusis en Attique bâtie par Ogygès, Chéronée et Or'chomène 

. * t * 

- ‘(1) V. Demt d'RaHcam. ; A Mi., rom. KW ♦ f lureher , Chronologie d'Béndot* , 
cbap. VIH, g 8. > 


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( 401 ) 

villes célèbres «le Déclic, Cal ydon en Elolie, Halizea en Arcananie’, 
Larisseen Thessalie (i). 

Toutefois parmi ces anciennes cités, tes plus importantes ou les plus 
fameuses sont celles de Sicyone.d* Argos.de Tyrinthe et d’Eleusine.dont 
nous allons dire séparément quelques mots. 

$%cyo*e. Cette cité, fondée par les Pelasges sur les côtes de la mer, est 
le plus ancien état policé de la Grèce. Son site avantageux, son terri- 
toire riche et fécond lui procurent une merveilleuse prospérité. Des rois 
y partagent d’abord la puissance avec les prêtres. Chef de la colonie 
qnî avait donné naissance à la cité , Ægialus en est le premier roi ; son 
nom même exprime qu’il était arrivé du côté de la mer (2). Vingt-six 
misse succèdent au pouvoir. Le vingt-quatrième, Polyphydes, était con- 
temporain de la guerre de Troie ; le vingt-cinquième fut Pélasgus , le 
vingt-sixième Zeuxippe. L’autorité sacerdotale domine alors complète- 
ment. La batilit ou royauté est abolie , et le gouvernement confié à un 
pontife. Sept grands-prêtres en sont successivement chargés pendant 
l’espace de trente-trois ans. Le dernier .Charidème, hors d’état de suffire 
à la dépense de ces éminentes fonctions, s’y soustrait par la fuite, 3$2 ans 
avant la première olympiade ou 1 126 ans avant J.-C. Des tyrans (luran- 
noi ( 3 )) s’emparent ensuite ou sont revêtus de l’autorité; ils gouvernent 
cependant avec modération ( 4 ). 

(!) Toutes les fois qu’on lit le nom d’une Larissa , on ne peut douter de ses rapports 
primitifs avec la Larissa d’Argoa , qui est la plus ancienne cité de toute TBurope. On en 
compte onze du mêrpe nom dispersées entre la Macédoine et l'Assyrie. ( Dodwell , cité 
par M. Petit- Radel f Rech. sur les monuments cyclop. p. 200. V. aussi p. 232.) 

(*; Dans le viefl idiome pelasge, le mot atg ou aigos signifie mer ou eau. Dans le dia- 
lecte dorien,aiÿéJ veut dire flots. De là le nom d’Ægeos donné à Neptune, de là plusieurs 
mots dérivés, notamment des noms de localités sises sur les bords de la mer. En latin et 
en langue romane on retrouve le même mot dans aqua, Aii, Aigues-Mortes, etc. 

(Z) A la différence des basiles ou (Ils du soleil , titre donné aux anciens rois (\, ci- 
dessus Prolégom. sect. ni , % 2 , note 1, et sect. IV, g 2 , n. 1) , le* lyrans sont ainsi 
nommés parce qu’ils habitent des tours ou lieux fortifiés. Turos ou Tyr signifie roc , en 
phénicien. 

(4) V. Apollodori fragmenta, no 71 , p. 442 dans les Frag . hislor, grcscor. de Di- 
dot. 1841. 

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( 402 ) 

Dans ce pays qui fut aussi tr&s anciennement peuplé» Pho* 
ronée f fils d’Inachus, est le premier chef qui réunit dans une association 
commune les populations jusque-là disséminées. La cité dont il est le 
fondateur ported'abordle nom d'Astu phoronicon (ville de pboronée)(*). 
Parmi ses successeurs, l'histoire signale Argos,qui,en succédant à Apis, 
change le nom de la contrée et lui donne celui d’ Argolide. Puis régnent 
Pelasgus et ensuite Gelanor. Jusque-là ce sont des rois pélasges qui 
tiennent le sceptre ; les populations de leur race qui habitent le terri- 
toire y sont même tellement anciennes qu'on les considère comme au- 
tochtones. C’est peut-être à cette dynastie que remontent ces vieilles 
constructions pélasgiques formées de pierres non taillées dont les débris 
existent encore aujourd’hui. Mais Gelanor, dernier roi pélasge,estdétrôné 
par Danaüs,fil$ àeBelus, chef d'une colonie d’Egyptiens.Les descendants 
de Danaüs, désignés sous le nom de Bekdes, sont supplantés à leur tour 
par les Pélopides.Sous ces derniers, le culte de Jnnon ou Héra, déesse du 
mariage, est pré dominant à Argos. A toutes les époques, la religion est 
florissante dans cette cité. Quoiqu'il soit impossible à une distance aussi 
éloignée d’apprécier quelles y sont, au milieu des révolutions, les vicis- 
situdes de la puissance sacerdotale.il est certain néanmoins que les prê- 
tres jouissent constamment d’un immense crédit, qu v ils sont consultés 
dans toutes les circonstances importantès , que les rois et les peuples 
professent pour eux une grande vénération. 

G Sise entre des montagnes dont l'entrée forme une gorge 

étroite que traverse le Ut d'un torrent, celte ville ne fut d’abord qu’une 
simple bourgade servant d’àsile à des pécheurs et nommée Halieis pour 
cette raison PI. Plus tard, elle fut fortifiée et entourée dé murailles gros- 


(1} V. ibid. Acusilai fragmenta ,n«» 11-14, p. 101 ; Pamanias , liv U ( Corinth .] , 
ch. 13 et 16. 

(2) Halieu s en grec signifie pêcheur. 


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( «3 ) 

sières par les Pélasges. Ces murs, dont les débris existent encore , con- 
sistent en pierres énormes , superposées sans ciment et non façon- 
nées. < Ils nous offrent, dit Jf. Pouqueville , le modèle le plus complet 
de l'architecture militaire des temps héroïques. » ( V. Univers Pittores- 
que; Grèce , p. 21 , et Pausanias , liv. 11 , cb. 16) (U. 

Parmi les populations pélasges qui se fixent sur le sol de la 
Grèce , l'une d’elles a pour premier chef Ogygès , contemporain d’un 
déluge fameux dans l'antiquité payenne. A une époque qui correspond 
au régne de Phoronée, roi des Argiens, Ogygès fonde Eleusine, qui n’est 
d’abord qu'une simple bourgade entourée néanmoins d'un mur d’en- 
ceinte de construction pélasgique. Les habitants d'Eleusine, comme les 
autres Pélasges, n’ont d’abord que des Dieux sans nom empruntés aux 
éléments ou aux forces de la nature. Mais Cérès, qui , en reconnaissance 
de l’hospitalité par elle reçue à Eleusine , donne des lois à cette cité et 
y propage des inventions utiles , y est plus tard adorée comme une 
déesse. Un culte public est organisé en son honneur ; des mystères 
célèbres dans l’histoire sont institués. ( 1 2 ) 

96. Temple de Dodone en Epire. — Religion des Pélasges . Telles 
sont les premières cités fondées par les Pélasges. Mais le centre , le 
foyer de leur religion est à Dodone en Epire. C’est là qu'est établi ce 
fameux oracle de Zeus ou Jupiter , qui eut dans les temps anciens un si 
grand retentissement. 

Les prêtresses instituées pour servir d’interprètes à cet oracle avaient 
emprunté à l'Egypte les rites quelles observaient. Hérodote rapporte & 


[1] C’est aux Pélasges qu’on attribue plusieurs constructions importantes de la ville de 
Mycènes. V. Pausanias, ibid . , Ht. Il , ch. 16 ; Petit- Radel , Recherches sur les monu- 
ments cydopéens, 5« partie ; Pouqueville , Univers Pittoresque, Grèce, p. 21. 

[2] Gronovius . Thésaurus Antiquital. Grscor.,vol. IV', col. 1022 et suiy.; Barthélémy, 
y o y. d’Anachars. en Grèce , chap. 68, tome V ; Sainte-Croix , Recherches sur les mys- 
tères du paganisme (édit. 1817, t.,1 p. 109) ; Robinson, knüq. Grecques, liv. VI, t. U , 
p. 31. 


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( 404 ) 

ce sujet une tradition qui , sous le voile de la fable , parait contenir des 
éléments de vérité ; « Deux colombes noires s’envolèrent on jour de 
Thèbes en Egypte et vinrent s’abattre l’une en Lybie, l’autre à Dçdone ; 
celle-ci , d’abord silencieusement perchée sue un chêne , finit par arti- 
culer ces mots d’une voix humaine : « Etablisses ici un oracle de 
Jupiter. > Les Dodonéens s’empressèrent de déférer à ces paroles 
qu’ils regardaient comme un ordre du ciel. Tel est le mythe ( voici son 
explication : deux égyptiennes de race noire , toutes deux consacrées 
au service du temple de Thèbes , furent enlevées d’Egypte par des Phé- 
niciens. Elles furent vendues et emmenées l’une en Lybie , l'antre à 
Dodone chez les Pélasges. Celle-ci , en mémoire de son ancien culte , 
éleva sous un chêne un autel à Jupiter. Muette d’abord parce qu’elle ne 
parlait pas l’idiome du pays » elle exprima , lorsqu’elle put se faire 
comprendre , la recommandation, d’instituer en l’honneur de Jupiter nn 
oracle dont elle devint sans doute la prêtresse. (Hérodote, II, 54-58.) 

Cet oracle , renommé par ses réponses , ne tarde pas à s'enri chir des 
offrandes de tous ceux qui viennent y interroger l’avenir. Il est adjacent 
à une forêt sacrée composée de chênes, objets de la vénération publique. 
Parmi ces arbres séculaires , il en est un qui porte le nom de divin ou 
de prophétique, et qui, pendant une longue suite de siècles, est regardé 
cemme le plus ancien de la Grèce. * Les Epirotes, dit Pausaniat, sont 
signalés comme ceux qui ajoutent le plus de foi aux oracles que les 
colombes rendent du haut du chêne sacré. » (Liv. VII, ch. 21). 

La religion des Pélasges , simple et grossière , est en harmonie avec 
la rudesse et l’ignorance des populations. Le cri de leur conscience , 
les terreurs de leur imagination leur révèlent des Dieux qu’ils honorent 
d’un culte ; mais ce sont des Dieux sans nom, auxquels pliis tard seule- 
ment les Phrygiens et les Egyptiens viennent attacher des q ualifi ca tions 
et des symboles (*). 

(I) niroi. liv. II, chap. 52 ; Z.ar<7ter,Cliroiiol. d'Hérodote, cliaj>. VIII, g 5. 


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( m j 

97. Traits de ressemblance avec les anciens Gaulois . Celle religion 
encore informe des premiers Pélaéges présente de frappantes ressem- 
blances avec celle des vieux Gaulois. Ainsi , soit à Dodone , soit dans 
tés colonies qui en sont sorties , nous trouvons : 

4° Des prophétesses ou prêtresses , organes des oracles des Dieux» 
(Hetodot. ll/MJ.W; 

2° Un collège de prêtres dodonéens , ministres du temple. ( Hérod . 
ibid.) (2) ; 

3° Une vénération particulière pour le chêne , considéré comme un 
arbre divin qu'il serait sacrilège de mutiler ( 3 ) ; 

4° Des hommages rendus aux fontaines v notamment à u tto fontaine 
voisine du temple de l'oracle de DodOne (Pline, liv. II, ch. 183 ; Pefsï- 
Radel, Monuments cyclopéens, p. 131) W ; 

5° Des autels érigés à ciel ouvert et composé de pierres brutes» 
(Petk-Radel, ibid. p. 171 et 174) (*) ; 

6 d Dans quelques localités, le culte d’Hermès, qui révèle d'antiques 
relations avec l'Egypte. Ainsi les anciennes villes pélasgiquesd’Arpinum 


(t) Les anciennes prèfresâes gauloises et leur don prophétique sont célèbres. (V. les 
autorités citées par M. de Chdieaubriand à l’appui de l’épisode de Velleda dans les mar- 
tyrs, Ut. IX et les notes.) 

(t) Les prêtres fermaient dans la Gaule une corporation puissante et le premier ordre 
do l’Etat. [JuL Cessa*., Commet) tar. VI, 13,14). 

[3] On connait le respect superstitieux des Gaulois pour le chêne , d’où délire le mot 
Druide , soit qu’il Tienne du grec Drus , qui signifie chêne, ou, comme le prétend La Tour 
d'Auvergne , du celtique deheyd-din. 

(4} i Lé cuite deS fontaine» sacrées qui joua dans la religion des Druides un rôle sf 
important, se maintint dans la Gaule même après l’établissement du christianisme. On 
roit encore en Bretagne de nombreux vestiges de ce culte des fontaines. » (Antiquités du 
Finistère, par Jff. de Fremmville , 1“ partie, p. 7.) 

(3) Voilà les dolmen gaulois (Y. ibid». Antiquités, etc. 


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( 406 ) 

et d’Alalri, en Italie, portent encore des traces de la religion d’Hermès. 

( Petit-Radel , ibid. p. 158, 164) (*); 

7° À certaines époques périodiques , les habitants du pays se réu- 
nissent à l’Hiéron (Ieron), où brûle le feu sacré apporté de la métropole 
ou colonie-mère. 

Les uns y font des prières et des sacrifices; les autres y viennent pour 
trafiquer à cause de la foule qui s’y réunit. (Petit-Radel , p. 152 , et 
JDenys d f Halicamasm (liv. 111) , qu'il cite) (*). 

98 Institutions religieuses et politiques des Pélasges. Quatre prin- 
cipaux points , dont les deux premiers sont communs aux autres théo- 
craties , peuvent être remarqués dans les institutions religieuses et 
politiques des Pélasges : 

1° Dans chaque pays qu’ils habitent , ils établissent unr lieu sacré 
(Hiéron) où se réunissent pour le culte les populations de leur race et 
de leur religion. (V . Petit-Radel , p. 3); 

2° Pour desservir les oracles et les temples 9 il existe chez eux des 
prophétesses et des prêtres , organes de la divinité , qui jouissent d’un 
immense ascendant sur des populations ignorantes et crédules. Cette 
puissance sacerdotale , due à la supériorité morale et intellectuelle , est 
la base de la théocratie payenne. Elle est utile même dans les cultes 
idolâtres , parce que la religion est le principal frein aux passions bru- 
tales et désordonnées ; 

3° Des hautes villes fortifiées , ordinairement construites par les 
Pélasges sur des élévations , sont entourées de murailles grossièrement 
composées de pierres non taillées. < L’histoire de l’antiquité grecque 
et latine , dit Petit-Radel, nous montre jusqu’à présent quatre cents 
villes qui sont reconnues comme ayant été murées en blocs de pierre 


fl)Natioet omnium Gallorum dedita religionibus... Deum maxime Mercurium cotant.. 
( C<r*ar, Commentai*, liv. VI, 16, 17.) 

(2) On retrouve le même usage dans la Gaule ( Cœsar, Comment. Vf, 13J. 


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( 407 ) 

de construction dite cyclopéenne, et qui indiquent les chefs-lieux d'au- 
tant de colonies pélasgiques. » (Mooum. cyclop. , p. 3) (0; 

4° A la clôture des villes se rattache le développement simultané de 
l'agriculture et de la vie sociale. Lorsque des peuplades précédemment 
errantes se fixent dans des lieux qu’elles mettent en culture f elles sont 
naturellement portées à mettre en sûreté leurs récoltes , produit de leurs 
sueurs. De là des cités où l'ordre intérieur est maintenu par des lois 
et dont l’indépendance est garantie à l’extérieur par des murailles et 
des fortications (*). 

(1) U a existé aussi dans la Gaule de ces villes bâties sur des hauteurs et garnies de 
murailles de pierres non façonnées. Ainsi Jules-César, dans ses Commentaires fVlI t 69J, 
dit que la ville d’Alise était située sur le sommet d'une colline , et que les Gaulois l'a- 
vaient munie d'un fossé et d*un mur de pierres. Ipsum erat oppidum in colle summo ... 
fossam et maceriam ... (Galli) prœduxerant. Par Maceria , dit Achaintre, il faut enten- 
dre des pierres sans ciment posées les unes sur les autres et se soutenant réciproque- 
ment ; Lapides sine cemento alius super alium positi qui se invicem sustentant. (Edit. 
d'Aug. Baron. Paris et Bruxelles, 1827, in-8°).A la vérité, daqs un autre endroit (ibid. f 
VII, 23), César décrit un autre genre de murailles entremêlées de pierres et de longues 
pièces de bois. Mais , dit M. de Caumont , ce n'était pas le seul mode usité ; souvent les 
murs se composaient d'énormes morceaux de pierre brute sans ciment (Cours d'antiq. 
monum., 1. 1, p. 172). Une lettre adressée au comité historique des arts et monuments 
par U.Barraud , correspondant historique de Beauvais ,el insérée au tome irr des bulle- 
tins de ce comité, p. 331 , nous apprend aussi que l’ancien prétoire de la forteresse de 
Bavai consistait en une grosse tour carrée, construite en pierres de grand appareil juxta- 
posées sans ciment . Enfin , pour compléter ces rapprochements entre les Pélasges et les 
Gaulois, nous voyons dans les Commentaires de César (1, 29 ; VI, 14 ), que les Druides 
se servaient de caractères gréés, et le nom de la ville d'Àlise, dont nous venons de par- 
ler^rappelle exactement celui d’Uulize,ville pélasge d'Acarnanie que mentionne M. Petit - 
Radel , p. 283. V. au surplussur l'origine commune des Pélasges et des Celtes ,Jf. de 
Brotene , Hist. de la filiation des peuples. * 

(2) f Une fois, dit M. Petit- Radei , que les peuplades eurent découvert et apprécié les 
nombreux avantages que pouvaient leur procurer les céréales , elles durent se fixer r dé- 
fricher le sol, le labourer, l’ensemencer et attendre le temps des récoltes... Puis le champ 
qui les avait nourries une première fois dut les retenir par l'espérance d’y recueillir à 
l’avenir de nouveaux fruits ët les décider à y élever leurs habitations. De là naquirent 
donc, au milieu de ces peuplades jadis nomades , les principes du droit privé et du droit 
commun ; ceux de la propriété individuelle et de la propriété publique , le partage des 
terres qui ne pouvaient plus appartenir à des possesseurs passagers , l'établissement do 
de demeures stables , de là enfin la construction des enceintes murées qui garantissaient 
les sociétés établies (ibid., p. 9-10). 


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( 408 ) 


§ 8. Théocratie des Druides. 

99 Aspect de la Gaule. — Mœurs et religion des Gaulois. . 

100 Puissance des Druides. 

101 Gouvernement et confédération des cités gauloises. 

102 Classes de personnes dans la Gaule. 

99 Aspect de la Gaule . — Mœurs et religion des Gaulois. Par une 
filiation non interrompue , la théocratie d’Egypte nous avait amené à 
celle des Pélasges (*). Cette dernière, à son tour, nous conduit naturelle- 
ment à la théocratie des Druides et aux institutions des anciens Celtes, 
qui ont avec les Pélasges tant de rapports et de ressemblances. 

On sait quelle physionomie pleine de rudesse et d’âpreté présente 
la Gaule primitive. Là s’étendent des forêts épaisses et profondes , des 
marais immenses, de vastes plaines stériles couvertes de bruyères et de 
broussailles. Excepté quelques bourgades plus régulièrement bâties et 
entourées de murailles de pierre , l’œil n’entrevoit par intervalles que 
des villages informes composés de huttes arrondies qui n’ont ni chemi- 
nées , ni croisées garnies de vitres , et dans lesquelles se presse une 
sauvage population. 

Ces mœurs si grossières entretiennent dans la religion une semblable 
âpreté. Dans leur aveugle et cruelle superstition , les Gaulois n’épar- 
gnent môme pas le sang humain. C’est dans de sombres forêts, sur des 
autels de pierre que s’accomplissent leurs affreux sacrifices (*). Lors- 
qu’il règne des épidémies destructives ou que de graves périls sont 
imminents , on dresse d’énormes mannequins d’osier , on les remplit de 
criminels , et même au besoin d’esclaves innocents , et ces malheureux 
sont brûlés vils avec une barbare solennité. Pendant ces affreuses exé- 
cutions, les Druides implorent la pitié des Dieux et s’efforcent de désar- 
mer leur courroux. (Cœsar, Comment. VI, 16). 

(1) Hérodote , II, 50-52. 

(2) Diodore de Sicile, liv. V, cli. 32 ; Lucain, Pharsalc. 


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( 409 ) 

100 Puissance des Druides. Au scia de celte société barbare , au 
milieu de ces populations superstitieuses , les Druides , corporation do- 
minante , exercent une immense influencé. La puissance sacerdotale se 
combine dans leurs mains arec la puissance politique. 

L'excommunication religieuse est pour eux le moyen le plus formi* 
dabte de maintenir lear autorité. Ceux qui sont frappés de ce châtiment 
terrible sont rangés parmi les impies et les scélérats. Tout le monde , 
évitant leur abord , fait leur conversation dans la crainte d’être atteint 
du niai par une sorte de contagion ; il n’y a pins pour Ces malheureux 
ni droit de demander justice , ni honneur à recevoir. (Cœur, Comment. 
VI, 13). 

A la tète de tous les Druides, se trouve un grand pontife qui déploie 
sur eux Une autorité sonveraine. Lorsqu’il meurt , celui des prêtres qui 
l’emporte en dignité loi succède. Si plusieurs sont égaux, lesufiVage des 
Druides opère l'élection ; quelquefois aussi ib Se disputent la préémi- 
nence les armes â h main. 

A une époque déterminée de chaque année , aux confins dit pays des 
Carnutes, qui passe pour le point central de toute la Gaule, les Druides 
prennent séance dans un lieu consacré. Là, sc rendent de toutes parts ceux 
qui ont des différends à leur soumettre. Les Druides connaissent de 
presque tontes les causes publiques et privées. Si quelque crime a été 
commis , si un meurtre a eu lieu , s’il y a litige pour une hérédité ou 
relativement à des limites, ce sont eux qui prononcent ; ib infligent les 
peines et adjugent les récompenses. Tout particulier, tout homme >public 
qui n’obéit pas à leur sentence, est repoussé des sacrifices ; c’est la peine 
la plus grave. (Cœur, ibid. 13.) 

A ces attributions importantes , ces prêtres joignent de précieuses 
immunités. Ib ne vont point à la guerre , ne paient aucun impôt et sont 
exempts de tontes les charges. (Cœtûr, Comment, dnd. 14.) 

Séduits par ces privilèges considérables, une foule de jeunes gens so 
rendent auprès d'eux pour devenir leurs disciples et entrer dans leur 


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( 410 ) 

ordre., Car il ne paraît pas qu’ils aient constitué une caste héréditaire. 
Ces jeunes adeptes sont habitués . à retenir par cœur des milliers de 
vers. Il en estqui restent pendant vingt ans en apprentissage. Les Drui- 
des ne se croient pas autorisés à confier ces vers à l' écriture, quoiqu’ils 
$e servent de caractères’grecs pour presque toutes les affaires publiques 
et privées, t Cet usage, ajoute César , me parait fondé sur un double 
motif: d’abord, parce qu’ils ne veulent pas que leur doctrine se répande 
dans le vulgaire ; ensuite , par crainte que les disciples , en se reposant 
sur l’écriture, ne cultivent moins soigneusement leur mémoire. (Ibid. 14.) 

■ Comme ceux des Chaldéens , des Mages , des Egyptiens , les ensei- 
gnements des Druides ne manquent pas de sublimité. Les astres et leurs 
mouvements , l’immensité du monde et de la terre , la nature des cho- 
ses , la force et la puissance des Dieux immortels , tels sont les sujets 
qu’ils discutent et qu’ils transmettent à la jeunesse. [Ibid. 14.) 

101. Gouvernement et confédération des cités gauloises. Les cités 
gauloises , dans leur intérieur , ont un régime politique , simple et peu 
compliqué. Quelques-unes reconnaissent un roi ou chef de guerre ; mais 
nulle part la royauté n’est permanente et héréditaire. Dans la plupart 
des cités , la prépondérance appartient à une sorte d’aristocratie. Un 
sénat auquel est confiée l’administration se compose des Druides et des 
chefs de clans ou des pères de famille riches et nobles. Car, dans les 
cités gauloises, les prêtres et les chevaliers sont les seuls qui soient 
comptés pour quelque chose. C’est à eux exclusivement que sont réser- 
vés les dignités, les honneurs et la puissance. [Ibid. 13.) 

Lorsque des contestations s’élèvent entre les peuplades celtiques qui 
habitent la Gaule , ce sont les Druides qui statuent comme arbitres 
suprêmes , de sorte qu’ils sont les juges souverains de toute la confédé- 
ration gauloise, comme les Ampbyclions le furent de la Grèce entière. 

Après la religion , le besoin de la. défense , est le principal lien 
<le l’association. Quand une expédition est entreprise et soutenue 
en commun , chaque peuple confédéré, fournit 6on contingent et le 


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( «1 ) 

commandant en chef est désigné dans une assemblée générale. (Cœsar, 
Commentaires. IV , 7 ; VII , 63.) Les cités gauloises sont donc plus 
spécialement unies par le culte religieux et par . le service de la 
guerre. Quant au surplus, les populations demeurent indépendantes et 
souvent même diffèrent par l’origine , le langage et les coutumes , de 
manière qn’il n'y a dans la Gaule ni unité nationale , ni unité politique. 

• (Cœsar, ibid. 1,1.) 

409. Classes de personnes dans la Gaule. Les différentes classes de 
personnes dans la Gaule sont les suivantes : 

Au premier rang marchent les prêtres. Ils se divisent en trois classes : 
les Druides , chargés du soin de la justice et de l’enseignement ; les 
Eubages ou grands sacrificateurs ,qui prédisent l’avenir tant par le vol 
des oiseaux que par les entrailles des victimes; les Bardes, qui chan- 
tent les exploits des héros. ( Strabon , liv. IV ; Diod. de Sicile , liv. V, 
ch. 51 ; Âmmien Marcellin , liv. XV, ch. 9.) 

Il parait aussi que dans les siècles reculés, une assemblée ou tribunal 
suprême de femmes ( probablement de prêtresses ) décidait , chez les 
Celtes , de la paix et de la guerre , et prononçait sur les différends qui 
surgissaient entre eux et les alliés. Mais les Druides, jaloux de l’autorité 
de ces femmes , parvinrent à les supplanter. ( Plutarque , de virtutibus 
nmlierum ; Polyen , de stragemat. lib. VII , cap. 50,dans la collection 
des bistor. des Gaules, de D. Bouquet , . I, p. 416 et 699.) 

Après les prêtres viennent les nobles ou chevaliers , presque tous 
grands propriétaires , poissants par leurs richesses et leurs nombreux 
clients. C’est pour enx un grand honneur et le signe d’un immense cré- 
dit que de marcher entouré d’une multitude de protégés. (Cœsar, Comm. 
VI, 15.) 

On distingue dans la Gaule deux sortes de clients : dans l’ordre civil , 
les ambactes ou clients, que le patron mène autour de lui (*) ; dans l’or- 
dre militaire , des solduriens pu hommes de guerre dévoués. L’une et 

(1) On s'eit épuisé en conjectures sur l'étymologie du mot ambactes, dont on a cher- 
ché l'origine dans les langues celtique et tudesque. (V. l’édition déjà citée des Comment. 


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( 412 ) 

l'antre association produit des devoirs également sacrés ; et jamais on no 
vit un soldnrien reculer devant la mort lorsqu'il S’agissait de sauver son 
maître ou de périr avec lni. {Costar , ibid. III , 22.) Non-seulement les 
particuliers, mais même les peuples, participent à l'institution du patro- 
nage. Ainsi les Bituriges sont les clients des Æduens. {Ibid. VU, 4.) 

Après les clients paraissent les esclaves. De même que la conquête 
produit la distinction des classes nobles , ainsi la guerre enfante l’escla- 
vage. Les premiers esclaves forent des guerriers pris les armes à h main 
sur le champ de bataille et réduits en servitude. Cbez les Gaulois , on 
devient également esclave par suite de dettes trop pesantes , ou par 
l’énormité des tributs, ou par la tyrannie des grands. Lorsqu* un homme 
libre est obéré ou se trouve dans l’impossibilité de payer le tribut , il se 
vend pour de l'argent. En perdant sa liberté , il acquiert du moins sa 
subsistance et une sûreté entière. ( Costat, comm. VI , 13. ) Quel que 
soit son mode d’origine , b servitude se perpétue par la naissance. Le 
fils d'un esclave naît et vit esclave. 


S 9 . Théocratie Etrusque. 

103. Premières migrations pélasges ou diusques en Italie. 

104. Seconde colonie de Pélasges Tyrrhéniens ou Etrusques. 

105. Ci tés étrusques. — Leur gouvernement. — Influence des prêtres. 

106. Confédération étrusque. 

105. Première* migrations pélasges ou tkusques en Italie. D’après 
les vraisemblances les plus probables , on peut croire que les premiers 
habitants de l'Italie , désignés dans l’histoire sous fe aotad! Aborigènes , 
étaient des Ibères. Les Ombriens , de race celtique , viennent ensuite 
prendre place à côté de ces habitants primitifs. 


d« Citar dUuj. Baron, lit.Vl , ch. 15 , à la noie p. «0>. C’est lout simplement un mot 
latin formé de atob, autour, et agere, conduire. Les ambactes sont les clients <]ue le patron 
mène autour de lui et qui l'escortent dans la rue. 


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( 415 ) 

Plus tard, des. migrations de Pélasges sorties de l'Asie-Mineure et de 
la Grèce abordent à leur tour en Italie. Comme tous les essaims de 
colons détachés de leur métropole, ces nouveaux bêtes apportent , dans 
le séjour qu'ils adoptent , la religion, les rites , les coutumes qu'ils pra- 
tiquaient dans leur ancienne patrie. Nous avons vu que les vieux Pélas- 
ges de la Grèce , dans la simplicité de leurs moeurs , avaient un culte 
grossier; qu’ils offraient à des Dieux sans nom des victimes immolées 
sur des autels de pierre; que pour mettre leurs récoltes à l'abri, ils se 
renfermaient dans des villes murées de blocs non façonnés. Or , des 
recherches récemment opérées ont constaté l’existence , dans le Latium 
et en Elrurie, de ces anciennes colonies pélasgiques. Des débris d’autels 
de pierre brute , des restes de murailles grossières et sans ciment ont 
révélé leur religion, leurs mœurs, leurs habitudes sociales primitives (*). 

Les Pélasges s’étalent d’abord arrêtés dans le Latium ; mais , comme 
ee territoire trop restreint se trouvait insuffisant pour tons, ils attaquent 
Iss Ombriens , de concert avec les Ibères ou Aborigènes qu’üs s’asso- 
cient, et leur enlèvent Cortone , cité popnknae déjà importante (*). 

Quoique dans un état qui touchait encore à la barbarie, ces Pélasges- 
Thusques ou Toscans répandent en Italie les premiers éléments d’un 
cuit régulier et propagent l’agriculture qu’ils connaissaient P). 


(1) Les données historiques sont d'accord sur ce point avec les découvertes de l’ar- 
chéologie : < Ceux des Pélasges qui firent route à travers les terres , après avoir franchi 
les montagnes deHiaUe , arrivèrent dans la, contrée des Ombriens, peuples limitrophes 
des Aborigènes. Ces mêmes Ombriens occupaient aussi plusieurs autres parties de l'Italie 
et foraoaieet une nation fort nombreuse et très ancienne. Les Pélasges occupèrent d'aèovd 
le pays oè ils s’étaient aqrèlés ; ils s’empqrèrepi ensuite , de quelques petites villes des 
Ombriens. (Dmyt d'Halicam. , Antiquit. rom. liv. 1). 

(f) La ville de Cortone a encore aujourd’hui le même nom et (hit partie de la Toscane 

(3) Le premier établissement du csdtn, les mcnfiçe* solennels, les pratiques religieuses, 
les expiations sont, en Occident, l’œuvre des Pélasges. De IA, dit-on, le nom de Thusciens 
ou sacrificateurs qui leur fut donné. Ce sont eux aussi, paralt-il, qui ont institué en Italie 
les féciales , hérauts ou messagers sacrés chargés de parlementer avec l’ennemi avant 
d’entamer les hostilité» ou pour y mettre fin. (Denys d’ B cd i cetrn* liv. 1 , cbap. 3 et 13 , 
liv. H, ch. 19). ; 


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(414) 

104. Seconde colonie de Pélasges-Tyrrhéniens ou Etrusques. Néan- 
moins, la civilisation était peu avancée, lorsque vers le XIII* siècle avant 
J.-C., voici venir d’autres colons, issus de l’Asie-Hineure. Deux frères 
régnant ensemble en Lydie sont forcés à se séparer par suite de la 
stérilité du sol; ils tirent au sort lequel des deux s’éloignera de h patrie 
avec l’excédant de la population. Celui que le sort désigne part avec ses 
compagnons , comme lui Pélasges-Tyrrhéniens , et vient se fixer en 
Italie (0. 

Se confondant avec les anciens Pélasges-Thusques, leurs frères d'ori- 
gine , ces autres Tbusques ou Etrusques (*) donnent une grande impul- 
sion au perfectionnement de la vie civile , au développement des arts et 
des sciences. La Lydie , qu’ils venaient de quitter , en contact avec 
l’Asie centrale et la Phénicie , était bien autrement civilisée que l’Occi- 
dent de l'Europe , de sorte que la nouvelle colonie apporte avec elle de 
nombreux éléments de progrès social. L’architecture, la sculpture, l'art 
plastique, la peinture prennent bientôt, en Etrurie , un essor remar- 
quable. 

105. Cités étrusques. —Leur gouvernement. — Influence des prêtres. 
La société étrusque , successivement composée de populations ibères , 
celtiques , pélasges et lydiennes , arrive néanmoins à une assez prompte 
fusion. L’organisation politique se développe en même temps que l’or- 
ganisation sociale. Chaque cité se crée son gouvernement , ses institu- 
tions à part ; chacune d’elle est régie par un.chef ou Lucumon. Investi 
de prérogatives importantes, celui-ci commande les troupes; il marche 
entouré de licteurs, s’assied sur une chaise d’ivoire et porte la robe 
bordée de pourpre. Son autorité est cependant contrebalancée par la 
double puissance du sacerdoce et de l’aristocratie. 

(1) V, Hérodote ,1,-94; Justin, XX , 1 ; Velteiu» Patere . ,1,1. 

(2) Le mot Etruskoi est l'abréviation d* Eteroùthutkoi. (Y. ci*dessus , prolégomènes*) 


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(415) 

Les prêtres, intervenant dans toutes les affaires publiques dont aucune 
n’est résolue sans* qu’ils soient consultés , exercent surtout une -grande ' 
influence. Les aruspices, les augures,, les devins , exclusivement chargé» 
d'interroger l’avenir. en lisant dans les entrailles des victimes , en expli- 
quant le vol. des. oiseaux et une. foule d'autres présages, sont les maîtres- 
de diriger à leur gré les délibérations , d'ajourner ou de précipiter les 
entreprises. La science des aruspices , considérée dans les temps 
anciens comme propre aux Etrusques, est de leur part l’objet d’une étude 
approfondie* Des livres rituels spéciaux indiquent d’une, manière précise - 
les cérémonies de la religion, ils déterminent également dans quelles 
formes les villes sont rendues.saintes, avec quelles solennités les murail- 
les et les maisons sont consacrées , comment ondivise les tribus , les 
curies, les centuries. ( Festus, de verborum significat. au mot Tagis. ) 
Ainsi , les institutions civile* elles-mêmes sont du ressort de la religion 
qui, en Etrurie comme en Egypte , tient dans la société une très large 
place. 

Dans cette théocratie mixte, le pouvoir royal .du Locumon fléchit par 
degrés devant l’ascendant des grands. La constitution des villes incline 
par suite vers la forme républicaine. 

406. Confédération étrusque. Unies par le culte et par des intérêts 
communs, les douze cités de l’Etrurie forment une confédération puis- 
sante. Les Etrusques , aussi renommés par leur courage que par leur 
intelligence , se rendent maîtres d’une immense étendue de pays et 
fondent une multitude de villes. Supérieurs à tous les peuples par leurs 
forces navales, ils dominent pendant long-temps sur les mers. Celle qui 
baigne les côtes de l’Italie a pris de leur nom grec celui de mer Tyrrhé- 
nienne. ( Diodore , Y, 40.) Les Romains leur ont emprunté , plus lard , 
beaucoup de leurs institutions civiles et religieuses (*). 

(t) V. Pastorçt , hist. de la législation , t. XI. 


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( 416 ) 

Souveraine dans l' intérieur de chaque cité, la religion couronne encore 
dans la confédération le sommet de l'édifice social. C’est auprès d'au 
temple , sous les auspices' des Dieux ( dans- un endroit nommé Fanum 
Yollumm ) , que les représentants des douce cités confédérées se ras- 
semblent pour délibérer sur tes intérêts communs. Cette immixtion en 
tontes choses, de la divinité toujours et partout présente, prouve jusqu'à 
l'évidence que le gouvernement étrusque est essentieliemeai théocratique. 

Telles sônt, en Europe, les trois, tkétcratii* des Péhages , des Drui- 
des et des Etrusques. Le pouvoir sacerdotal y prédomine d'une manière 
trop sa illan te pour qu’on paisse leur contester ce caractère. Il faut 
r econnaî tre, cependant, qu’il y tient mie moins large place que dans les 
éuus religieux deT Asie et de l'Afrique. Le double élément monarchique 
et aristocratique y est aussi phu actif, plus iaSuenu Les piètres y consti- 
tuent , à U vérité , un ordre puissant et privilégié ; mais cet ordre est 
accessible à tous les citoyens ; tous peuvqat être revêtus du sacerdoce. 
Il n’a jamais existé en Europe de ces castes héréditaires et immuables , 
séparées du reste de la société par une figne profonde de démarcation. 



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BIBLIOGRAPHIE. 



NOTES BIBLIOGRAPHIQUES POUR L’ÉTUDE DBS ANCIENNES THÉOCRATIES. 


S 1. Chaldée. 

1 Berose. Annii viterbiensis antiquitatum libri;/tomae, 1498, in-f». 
Autre édition, Antiquitatum libri V, Anvers, 1545, in-8°. 

2 Selden. Joannis Seldeni de Diis syriis syntagmata II ; Amsterdam, 
1680, pet. in-8 0 . 

S A. L. Schfaser , Ton den Chaldæern (sur lés Chaldéeas), Gaettittr 
gue, 1781, in-8®. ( de 64 p. ) 

Extr. du 8 e vol. du répert. de la littérature bibliq. et orient. 

4 Pastoret. Histoire de la légis!aiion;Pam, 1817-1837. 11 vol. in-8®. 


S t. Thééfratle dé» Mages et des aneleu Perses, 

1 Th. Hyde. Historia religion» veterum Persarum eorumque Ma- 
gorum nbi etiam nova Abrbhami et Mitbræ, et Vestæ et Maneiis, été. 
historia atque angelorum officia et præfeciuræ ex veterum Persarum 
sententia,etc. Oxanti,e iheatro sheldoniano, 1700, pet. in-4°. fig. 

2 John Malcotm, History of Persia from the most early period to 
' the présent time ; London, 1835 , 2 vol. gr. in-4°. 

3 Rhode Die heilige Sage nnd das gesammte Religions System der 
alten Baktrer Meder und Perser. — ( La tradition sacrée et le système 
religieux complet des anciens Bactriens, Mèdes, Perses). Francfort - 
sur-le-Mein , 1820(0. 

(t) On peut *é procurer chez MM.Brockhau* el Avenarius, libraire*, rue de Kichdieo, 

69, le* ouvrage* allemand* indiqué* dan* ces noie*. 


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( *18 ) 

4 Zend Avesta, ouvrage de Zoroastre, contenant les idées théologi- 
ques physiques et morales de ce législateur , les cérémonies du culte 
religieux qu’il a établi, etc. par M. Ànquetil-Dvpcrron ; Paris. 1771 , 
in-4®. fig. 3 vol. 

5 Lettre à H. A. du P. (Anquetil-Duperron) , dans laquelle est com- 
pris l’examen de sa traduction des livres attribués à Zoroastre ( Lon- 
dres). 1771, in-8®. 

6 Le Zend Avesta. trad.en allemand par Kleuker. Riga, 1786, 3 vol. 
in-8°. 

7 Rask , de l’authenticité du Zend et du Zend- Avesta. Copenhague , 
1826, in-8°. (en Danois). 

8 Fragmenta ueber die Religion des Zoroaster, etc.... Fragments 

sur la religion de Zoroastre trad. du persan et accompagnés d’un com- 
mentaire détaillé avec la vie de Ferdousi par le D. Joh. Aug. Vul- 

fcrs, et une préface par le prof. Windischman. Bonn, 1831, in-8®. , 
XXXII et 130 pages , plus 14 p. de texte persan. 

9 Vendidad, Zend Avestæ pars XX adhucsuperstes.Subauspiciis..., 
Frederici VI Daniæ regis... È codd. mss. parisinis primum edidit, va- 
rietatem lectionis adjecit JustusOlshausen Holsatus. Hamburgi, 1829, 
pet. in-4°. 

10 Vendidad-Sadé, l'un des livres de Zoroastre, publié d'après le 
manuscrit zend de la bibliothèque du roi; avec un commentaire, une 
traduction nouvelle et un mémoire sur la langue, zende par Eugène 
Bumouf. Parts, 1829-1832, in-f°, 10 livraisons de 56 pages chacune. 

11 Commentaire sur le Yaçna, l’un des livres religieux des Perses, 

ouvrage contenant le texte zend expliqué et la version sanscrite iné- 

dite deNeriosengh , par Eugène Bumouf. Paris. Imprimerie royale, 
1833 , in-4°. , pap. vel. , 1 tom. en 2 vol. 

12 Scheikh Mohammed Fani’s Dabistan , etc. Le Dabistan du 
Cheik Mohammed Fani , ou de la religion des anciens Perses, trad. de 
l'original persan en anglais par sir Francis Gladwin et de l'anglais en 
allemand par F. de Dalberg, avec des éclaircissements et un appendice 
relatif à l’histoire de Sémiramis d’après les sources indiennes. Ascha- 
fenbourg 1809, pet. in-8 # * 


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(419) 

13 Hieroi logoi. Persbche Hymnen nacb den Sendbüchern Serdischts 
das istSoroasters ( Discours sacrés, hymnes parses, d’après les livres 
zend de Zerducht ou Zoroastre ), sans date, pet. in-8° fig. ( 36 p. ) 

14 The Ardai Viraf Nameh, or the révélations of Ardai Viraf; trans- 
lated from the persiân and guzeratee versions ; with notes and illus- 
trations by /. A Pope. London, 1816, in-8°. 

18 The Desâtir or sàcréd writings of the ancient persian prophets in 
\he original tongue ; together with the anéien persian vérsion and 
commentary of fifth Sasaû ; carefully pdblished by Mulla Firuz btn 
. Haut..... to wich is addedan enghsh translation in two volumes. Bom- 
. âoy, 1818, gr. in-8°. . 

16 De Hanuner.Mithriaca, ou les Mithriaques, mémoire académique 
sur le culte solaire deMithra, par Joseph de.Hammer. Caen et Paris , 
1833, in-8®. 


gS. Be l'Inde» 

1 De Mariés. Histoire générale de l’Inde ancienne et moderne. 
Paris , 1828. 6 Vol. in-8®. 

. 2 Abraham Roger. Le théâtre de l’idolâtrie ou la porte ouverte pour 
parvenir a la cognoissance du paganisme caché et la vraye représenta- 
tion de la vie , des mœurs, de la religion et du service des Brahmines 
qui demeurent sur les costes de Chormandel et aux pays circonvoisins ; 
par le sieur Abrahanl Roger. Trad. en fradçois pdr le Sr. Th. La Grue. 
Amsterdam , 1670. In-4° , avec fig. 

3 Systema Brahmanicum, liturgicum , mythologicum, civile ex moéu- 
mentis Indicis musæi Borgiani Velilris , disserta tiohibus hi6torico criti- 
ds illustravit fr. Pauilinus a S. Bartholomaeo Malabariæ missionarius. 
Romae, 1791. In-4® , fig. 

4 Bescbreibung der Religion und heiligen Gebrœucbe der Malabaris- 
chen Hindous...;. (Description de la religion et des coutumes religieuses 
des Hindous du Malabare, d’après des remarques recueillies dans l’Hin- 
doustan). Berlin, 1791. Petit in-8°, 4 parties en 1 vol. 

5 Mythologie des Indous, travaillée par madame la chanoinesse De 


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( 420) 

Polier sur des manusc. authentiqués apportés de l'Inde par feu M. le 
coionèl De Polier. Roudolstadt et Paris , 1809. 2 vol. in-8°. 

6 Moore. The Indoo panthéon. London, 1810. ln-4®. 

7 Crawfurd. Researcbes concerning the laws theology of ancient and 
modem India. London ,1817. In-8°. 

8 Ch. Coleman. The mythology of the.Hindus , with notices of va- 
rious mountains and island tribes inbabiting tbe two peninsulas of 
India and tbe neigbbouring islands , etc. London , 1832. Gr. in-4°. 

9 Will. Jones. Instituts of Hindn laws* or tbe ordinancesof Menu... 
verbally translated of the original sanscrit, with a préfacé by sir Wil- 
liam Jones. Calcutta , 1796. in-8®. 

10 Manava dherma sastra , or the institulesof Menu edited by .graves 
Chammey Haugton. London , 1825. Gr. in-4°. 

11 Lois de Manou, publiées en sanscrit avec des notes, contenant un 
choix de variantes et de 6choties , par Aug. Loiseleur-Deslongchamps. 
Paris , 2 vol. (texte et notes). 

12 Manava dharma sastra. Lois de Manou , comprenant les institu- 
tions religieuses et civiles des Indiens ; trad. du sanscrit Par Aug. 

Loiseleur-Deslongchamps. Paris, Crapelet, 1833. In-8°. Réimprimé 
par M. Pauthier dans les Livres sacrés de F Orient. Paris, Didot, 1841. 
Gr. in-8°. 

• * . N 

13 A code of gentoo laws. London , 1791. In-8®. 2 e édition. 

14 Code des loix des Gentoux ou reglemens des Rrames traduit de 
l'anglois d’après les versions faites de l’original écrit en langue sams- 
crete. Paris , 1778. ln-4°. 

13 Colebrooke. Digest of Hindu law translated from tbe original 
sanscrit. Calcutta, 1796; London, reprinted for J. Debrett, 1801. 
3 vol. m-8°. 

16 Colebrooke. Two treatises on the Hindn -law of inheritance. 
Madras reprinted at the college press , 1822. In-4°. 

17 Sutherland. The Dattaka mimansa and Daltaka-Chandrika two 
original treatises on the Hindu law of adoption. Madras, 1825. In-8®. 


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( *21 ) 

18 Bagkunandana Bkatlacharya. Daya lalwa.a treatise oa Üie law 
of inberitance. Calcutta , 1828. ln-8°. 

19 Bagkunandana Bhaltacharga. Vyavabara tatwa, a treatise on 
judicial proceedings. Calcutta, 1828. ln*8°. 

20 Jimutavahana. Daya bbaga or law of inheritance. Calcutta , 
1829. In-8°. 

21 Wynaneswara. The mitakshara, a compendium of Hindu bw. 
Calcutta , 1829. ln-8°. 

22 Strangc. Hindu law with référencé to lhe administration of jus* 
lice in king’s court in India. London , 1830. 2 vol. in-8 a . 

23 Briggs Land-tax in India. 1830. In*8°. 

24 Letters tou a Young pereon in India..... 

25 Bergier (Antoine). Dissertation sur les mœurs, b religion , la 
philosophie et l’état des Hindous. 1780. 1 vol. in*12. 

26 ilfaurtce. Indian antiquities or dissertations relative to the ancient 
geographical divisions, the pur syslem of primeval theology , the grand 
code of civil laws , the original form of government and lhe various and 
profound literature of Indostan: compared , throughout, with the reli- 
gion , laws , government and literature of Persia , Egypl and Greece. 
London , 1806. 7 vol. in-8°. 

t .. 

The history of Hindostan , ils arts and ils sciences as connecled 

with the history of the olher great empires of Asia , during the most 
ancient periods of the World. London , 1795-1798. 2 vol. in-4°. 

27 Researches concerning the bws, theology, learning, commerce of 
ancient and modem India. London, 1817. 2 vol. in-8°. 

28 Langlès (Louis). Monuments anciens et moderne, de l’ Hindous- 

tan.,... précédés d’une notice sur b religion, 1a législation et les 

moeurs des Hindous. Paris , 1821. 2 vôl. gr. in-4°. 

29 J. -A. Dubois. Mœurs, cérémonies et institutions des peuples do> 
l'Inde. Paris , 1825. 3 vol. in-8°. 


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( 422 ) 

S 4 d 5. Théocratie» d'Égypte et d'Éthiopie. 

1 Hérodote . Herodoti musæ sive hisloriarum lib. IX continua 

înterpreiatione latinâadnotationibüs Wesselingii et Valckenarii aliorupi 
que et suis illustravit Joh. Schweighœuser. Argentoratx, 1816. 6 tom. 
eu 12 vol. in-8°. 

— Larcher . Hist. d'Hérodote , traduite du grec avec des remarques 
biçtor. et critiques, etc. 2 e édition. Paris, 1802. 8 vol. in-8°. 

— Miot . Hérodote v nouvelle traduction , accompagnée de notes et 
observations, par M. Letronne. Paris, 1822. 3 vol. in-8° , avec carte. 

2 Diodore de Sicile. Diodori Siculi hibliolheca historien ed. Wesse^ 
ling, Amsterdam, 1846. ln-f°. — Edit, des Deux-Ponts: Biponti , 
1793-1807. 11 vol. in-8°. — Nouv. éd. publiée par MM. Didot. 1842. 
Gr. in-8°. dans leur Biblioth . scripîorum graecorum + . 

— Miot. Biblioth. hislor.de Diodore dç Sicile. Parts, 1834, et 
suiv. , 7 vol. in-8°. 

3 Plutarque . Liber de Isjde et Osiride. Cajüabrigiœ , 1744. In-8°. 
( Se trouve aussi dans les œuvres morales (moralia) de Plutarque , pu- 
bliées par MM. Didot. Bibl. script, graec. ) 

4 Saint Clément d 9 Alexandrie . Stromata ; dans ses œuvres : Cfe- 
mentis Alexandrini opéra ed. Jo. Potter , Oxon, 1715. 

5 Horapollinis Niloi Hieroglyphica edidit varias lectiones et 

versionem latinam subjunxit , adnotationem , etc. Gonr. Leemans. 
Amsterd. J. Muller. 1855. In^8°. 

6 Jac. Perizonü Ægyptiarum originum et temporum antiquiss. 

investigatio. Lugd. Batav. 1711/ In-12. \ 

7 Athan. Kir chéri OÉdipus Ægyptiàcus. Romae , 1752. 4 tom. 
ra-f°. 

8 Jablonski Panthéon Ægyptiorum. Franco fur tï, 1750* In-8°. 

9 J. Nicolai. Tractatus de Synedrio Ægyptiorum , illorumque legi- 
bus.'Lugd. Batavor. 1716. in-8°. 

10 BœclérLeçes Ægyptiorum. Argentoratx , 1657, in-4°. 

— Nomica Ægyptiorum dans le 2 e vol. de ses dissertations. Argen 
torati , 1710. In-4°. 


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Google 



( 423 ) 

H Jameson ( Guill.) Spicilegia antiquitatura Ægypti atqueei vici- 
naruin genlium. Glasguae, 1720. ln-8°. 

12 Le Mascrier. Idée du gouvernement ancien et moderne de 
l'Egypte. Paris , 1743. In-12. 

13 IPOrigny* L'Egypte ancienne. Paris , 1762. 2 vol in-12. 

14 Schmidt (Fréd. Sam. de). Dissertatio de sacerdotibus et sacri- 
ficiis Ægyptiorum. Tubmgae , 1768. ln-8°. 

15 De Paie. Recherches philosophiques sur les Egyptiens et les 
Chinois. Berlin , 1773. 2 vol. in-12. 

16 Schumacher (< Joh.-Eeinr .) De cultu animalium inter Ægyptios 
et Judæos commentatio. Brunsvigiis , 1773. In-4° (64 pages). 

17 *** Histoire critique des mystères de l'antiquité et particulière- 
ment chez les Egyptiens. Parts , an VII. in-18 , fig. 

18 Ahmad. Àncient alphabets and hieroglyfic characters explained 
with an account of tbe Egyptian priests, their classes etc. in lhe Arabie 
language by Ahmad bin Alubek ; and in English by J os. Hammer. Lon- 
don, 1806. Pet. in-4°. 

•Sur cette production moderne pseudonyme, v. une notice de M. 
Sylvestre de Sacy , mag. encycl. nov. 1810, p. 145-174. 

19 Soulage. Des mystères d’isis. Paris, 1820. In-8°. 

20 Description de l'Egypte , ou recueil des observations et des re- 
cherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition de l'armée 
française # publiée sous la direction de M. Jomard. Paris , Imprimerie 
impériale et royale , 1 809- 1 828. 10 vol. in-fo de texte et 12 vol. in-f° 
de planches. 

21 Campagne de Rhamsès-le-G rand ( Sésostris) contre les Scheta et 
leurs alliés; manuscrit hiératique égyptien. — Notice sur ce ms. par Fr* 
SalvoUni. Paris , 1835. In-8 U , fig. 

22 Caillaud. Recherches sur les arts et métiers , les usages de la vie 
civile et domestique des anciens peuples de l’Egypte , de la Nubie et de 
F Ethiopie. Paris , 1856. Un vol. de texte et 16 livr. de 6 pl. color. 

23 J.-G. Wilkinson , Man tiers and Customs of the ancien tÆgyptians 


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( 424 ) 

including their privatc üfè, goverwnent, laws, arts» manufactures» reli- 
gion and early hlstory. London , 1837. 3 vol. — À second sériés ükf. 
1841. 3 vol* dont un de planches. — ? En tout» 6 vol. in-8°. 

24 Champollion-Figeac . Egypte ancienne. Paris, 1840» in-8°. 
(Faisant partie de 1* Univers pittoresque publié par MM* Firmûi Didot 
frères (*) ). 


S 6. Théocratie flea Hébreux* 

1 Biblia sacra Vêtus Testamentum græcum juxta septnaginta inter? 

prêtes cum lalina translatiooe. animadversionibuset complementis... 

cura et studio J. N. Jager. Parisiis , 1839 , 2 vol. gr. in-8°. ( Didot , 
Bibl. script . graec . ) 

2 Flavius Joseph. Flavii Josephi opéra , græcè et lalinè cum notis 
Hudsoni» Bernardi» Gronovii» etc. Amstel. 1726, in-f°. 

3 PhüonùJudaei opera,emendationibus et observationibus iliustravit 
Thomas Mangey. Londini, 1742, in-f°. 

4 Mxschna sive totius Hebræorum juris , riluum , antiquitatum ac 
legum oralium systema cum clarissimorum rabbinorujn Maimonidis et 
Bartenoræ commentariis integris ; quibus accedunt variorum auctorum. 
notæ ac versiones.... lalinitate donavit ac notis iliustravit Guillelmus 
Surenkusius; Amstelodami , 1698-1703 , 6 tomes en 3 vol. , in-f*\ 

B Wasengelius. Sota hoc est liber mischnicus de uxore adulterii 
suspecté , cum versione , 2 vol. in-4°. , 1674. 

6 Maimonides Hebræorum jus civile et pontificium de connubiis » 
seu tractatus dé re uxoria , latinè ex interpretàtione Ludovici de 
Compiegne . Parisiis , 1673 , in-8°. 

— Ejusdem liber de jure pauperis et peregrini apud judæos Hebraicè 
et latinè cum notis Humfredi Pineaux ; Oxonii , 1679, in-4°. 

— Ejusdem iractatus de synedriis et pœnis in latinum versus, notisque 
illustratus ab Henrico Houfingio , 1685, Amst. , in*4°. 

(i) C’est un résumé exact de l’état des connaissances actuelles sur l'Egypte- V. an 
surplus les gavants travaux de M. Cbampollion jeune , Letronne , Le Normanl , Horov Ct 
fUaproth , Iddcr , RoaeUûti ; Leaosr > Nestor Lhôte , Gouliaoof , do Briére j cite — 


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(*»■) 

7 Clegtm. htrodoctidn à l’bisloiredes Juxfs.Trad. de l'angl. Leyde, 
1793, in-4®. 

8 VUringa, de synagoga vetere libri très. Francquerœ, 1696, in-4*, 

9 Sigoniui, de republic Hebræoram libri VU. Bononiae , 1582 ; 
autre ed. Honorine, 1609, in-f®., autre édit, de NicolaJ. Lugd. Batav . 
1701 , in-4®. 

10 Cunaei Pétri, de repubiicâ Hebræorum libri très. Lugd. Batav . 
1617, 1 vol. in-4*. Autre édit. 1732. Trad. en françoU par Goerée, 
AnUterd. 1705, 5 vôl. pet. in-8 0 . 

1 1 Adrian Houtuyn. Monarchia Hebræorum. Lugd. Batav. 1635, 
pet. in-8®. 

12 L’empereur ( Conetantin ). De legibus Hebræorum forensibus 
liber singularis. Lugd. Batav. , 1657, in-4*. 

13 Léon de Modine. Historia degli ritiebraici. Pari*. 1037,in-12, 

14 Hençekiut. De republica Hebræorum libri octp. Parisiù, 1648, 
in-f*. 

15 Selden. Uxor Ebraica Et de successionibus ad leges Ebræo- 

rum in bona defanctorum. Wittembergae , 1612. In-4*. — Francojur. 
Ad. Oder , 1673. In-4®. Et dans le second vol. de ses œuvres. Londre», 
1726.3 vol. in-f®. ' * 

— — Ejusdem de synedriiset præfecturis juridicis veterum Ebræorum. 
Londini, 1650-1654. 2 vol. in-4®.— Autres éditions, notamment celle 
de Berlin, 1734. In-4*. Cum præfatione Jo. Gottl. Heinecii. 

— Ejusdem de jure civili et gentium Hebræorum. Argentor. 1665. 
In-8®. 

16 Jo. Buxtorfii patris Synagoga judaica de Judæorum fide, ritibus 
ceremoniis tam publicis et sacris quam privatis , etc. Batileae, 1661. 
Pet. in-8®. 

17 Ulmann ( Joannis ) Tractatus lalmudici sex , id est de sacrifiais, 
de benedictionibus , de votis , de naziræis , de juramentis , de excisions 
Bus, latinè donati. Argmtotati , 1663. In-4?. . . 


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( 426 ) 

18 Schikkhardi ( Wtlhelmi ). Jus regium Hebræorum è tenebris rab- 
binicis erutum cum noiis Garpzovii. lipsice, 4674. In-4°. Il y a une 
autre édition de 1625, in-4° , Argentinae. 

49 Bertramus. (Bon. -Corn.) De politiâ judaïcà tant civili quant ec- 
desiasticâ. Genevœ, 1680. In-8°. 

20 *** Monarchia Hebræorum (répnbl.) Lugud. Batav. 1685. In-12. 

21 Spencer ( Joanrn ). De legibus Hebræorum ritualibus et earum 
rationibus libri très. Cantàbrigae, 1685. In-f°. . 

22 Leidekkerii ( Melch .) De rep. Hebræorum libri duodecim quibus 
de sacerrimâ gentis origine et statu in Ægypto, etc. disseritur. Amstel. 
4704. In-fl». 

23 Nicolaï. Libri IV de sepulchris Hebræorum. Lugd. Batav. 4706. 
In-4°. 

— Ejusdem Diatribe de juramentis Hebræorum, dans le tome XXVI 
des antiquités sacrées d’Ugolini. 

24 Relandi ( Hadriani] . Àntiqui ta tes sacræ veterum Hebræorum bre- 
viter delineatæ. Lugd. Batav. 1708. In-8®. — Nouvelle édition revue 
et augmentée par Vogel. Halae, 4766. In-8°. 

25 Basnage. Antiquités judaïques , ou remarques critiques sur la 
république des Hébreux. Amsterdam, 1713. 2 vol. in-8°. 

26 Calmet (dom). Dissertations. Paris, 1720. 3 vol. in-4®. 

27 Goodmni ( Thomae ). Moses et Aaron, seu civiles et ecclesiastioi 
ritus Hebræorum cum notis Reitzii ; accesserunt Witzii dissertationcS. 
Bretnae, 1722. In-8°. 

28 Bacallar y Sana , Monarchia Hebrea. Baya , 1727 , 2 v. in*4°. 

29 De Vence. Analyses et dissertations sur les livres de l’ Ancien- 
Testament. Nancy, 1742-1743. 6vol. 

30 Fleury. Mœurs des Israélites et des Chrétiens , 1 vol. in-12. 

•31 UgoHni ( Blasii ). Thésaurus anüquitatum sacrarum. Venetüs , 
4765, in-f*. 

52 Konradi Kenü. Antiquitates hebraicæ secundum tripbcep 


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( 427 ) 

Judæorum statum écclesiasticum , politicum et œconomicum , breviter 
deüoeaiæ. Editio quarts, Bremae, 1764, petit in-8°. 

33 Michaelit (Joh. Dm.) Abhandlung von den Ehegesetzen Mosis , 
welche die Heiralben in die nahe Freundschaft ontersagen. (Traité des 
lois matrimoniales de Moïse jqui interdisent le mariage en cas de proche 
parenté.) 2 e Aufl. gr. in-4®, Gaettmgen , 1786. 

— Gründliphe Erklærung des Mosaischen Redits. ( Eclaircissement 
approfondi dn droit mosaïque. ) 2 e Anfl. franckfurt , 1776-1780, 

6 vol. in-8°. 

34 Pastoret. Moïse considéré comme législateur et comme mora- 
liste. Paris, Buisson, 1798, iu-8®. 

35 Jokantt John. Biblische arcbæologie. Vienne , 1797-1805 , 3 
tom. en 5 vol. in-8° ; 

36 Grattenuer. Yom stamme Aaron und dessen angeblichen Vor- 
rechten. ( De la tribu d’ Aaron et de son prétendu privilège. ) Berlin , 
1817 , in-8®. 

37 Volney. Hist. de Samuël , inventeur dn sacre des rois. Pan » , 
1820, in-12. 

38 Oriental customs , or an illustration of tbe sacred scriptures by 
an explanatory application of the .customs and manners of the eastern 
nations and especially tbe Jews, thereln afluded to.... London , 1802-. 
1808; — 6* édition , 1822 , 2 vol., in-8°. 

39 Holst ( Ludolf ). Judentbum in allen dessen Theilen ans einem 
sta?tswissenschaft(ichen Standpuqkt betrachtet. (La Jodée dans toutes 
ses parties, considérée sous le point de vue politique). Jfatftx,182l, in-8®, 

40 Salvador. Hist. des institutions de Moïse. Paris , 1828 , 3 vol. 
in-8°. 

41 M. Dupin. Jésus devant Caïphe et Pilate. Paris, 1828 (2® édit. 
1840), in-18. 

42 J. M. J ost. Allgemeine Geschichte des Israelitischen Volkes. 
(Histoire universelle du peuple israélite.) Berlin , 1832, 2 vol. in-8°. 

43 Bülmann. Staatsvcrfassung der Israeliten. ( Constitution des 
Israélites.) Leipsig , 1834, gr. in-8®. 


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( 428 ) 

44 CtUerier (J. G. fils, de Genève). Esprit de la législation mosaïque. 
Paris et Genève , Cherbuliex, 1837, 2 vol. in-8°. 

43 C. W. F. Bahr. Symbolik des Mosaiscben Cul tas. Hdddbtrg, 
1837-1838, 2 vol. in-8°. 

46 J. B. Glaire. Introduction historique et critique aux livres de 
l’Ancien et du Nouveau-Testament. Paris , 1839 , 2 vol. in-12. 

47 Hetmequin. Introduction historique à l’élude de la législation 
française , 2 vol. in-8°, 1842. Le premier volume est consacré au droit 
hébraïque. 

48 Ghillany. Die Menschenopfer der alten Hebræer. ( Les sacrifices 
humains des anciens Hébreux.) Nümberg , 1842 , in-8°. 


g 7. Théocratie des Pélasges. 

1 Denys d’ Halicamasse. Antiquit. roman. Lib. 1 . 

2 Fragmenta historicorum Graecorum. Paris , 1 841 , Didot, Bibliot. 
script, graec.) gr. in-8°. 

3 Larcher. Chronologie A’ Hérodote , à la suite de la traduction de 
cet historien. 

' ’ \ 1 

4 Freret. Plusieurs notices dans les Mémoires de l'Académie des ins- 
criptions et des belles-lettres. 

3 GdJies. Hist. de l’ancienne Grèce , trad. de l’anglais , 1787 , 6 
vbl.in-8^ 

C Clavier. Hist. des temps primitifs de la Grèce.. 2 e édition , 18 22, 
3 vol. in-8 # . 

7 Dodwell ( Edward ). Vues et descriptions de constructions cyclo* 
péennes ou pélasgiques trouvées en Grèce et en Italie.Porû, 1834,io-P. 

8 Pelit-Radel. Examen et tableau des premiers temps de la Grèce. 
Paris, 1828, in-4°. 

— Recherches sur les monuments cyclopéens. Paris, 1841» >0-8®* 

9 Rhüle von Lifunstern, Zùr Geschichte der Pelasger und Etrusker 
sowie der altgriéchischen und ahitaliscben Vcolker Stiemme überhappt. 
Berlin, 1832, gr. in-8°. 


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40 Lasaulx ( profit, rtc. Emit von). Das Pelagische Orakel des 
Zeus zn Dodooa. Ein Beitrag zur Religions Philosophie. Würzbourg , 
4840. 


$ 8. TMmpaüc r—liiM, 

4 Bouquet ( Don itart. ). 'Recueil des historiens des Gaules et de la 
France, in-f°, t. 4 er . 

2 Lefevre (Jean). Les fleurs et antiquitésdes Gaules, où il est traité 
des anciens philosophes gaulois , appelés Druides , etc. Parti , 4532 , 
in-8° (en vers). 

3 Picards (Joannit), Toutretiani (de Toutry). De prisca Celtopsedia 
libri qninque quibus admiranda priscorum Gallorum doctrina et erodi- 
tio ostenditur. Parisiit, 4556, in-4®. 

4 Fauchet (Claude). Les antiquités gauloises depuis l'an 3350 jus- 
qu’à Clovis, en deux livres. Paris, 4579, in-4°. 

5 Foreatuhu ( Stephanm )Jhtterrensis. De Gallorum imperio et 
-philosophé libri octo. Pariais, 4579, in-4®. 

6 Taillepied (Noël). Histoire de l’état et république des Druides , 
Eubages , Sarronides , Bardes, Vacies, anciens François gouverneurs 
du pays des Gaules , depuis le déluge jusqu’à la venue de Jésus-Christ , 
avec leurs loix, police, ordonnances et coutumes. Paris , 4385 , m-4°. 

7 Frey (Jani Caecilü). Philosophé Druidorum 4665 (en tète de ses 
opuscula). Parisns , 4640 , in-8°. 

8 Fossmm (J. G.). De Gallis, Gallorumque Diis , d raidis, etc. (C’est 
le XXXV e chapitre de son traité de origine qt progressu idolâtrée. ) 
Amstelodami, 4631, 2 vol. in-4°. 

9 Puffendorf ( Esaiat) Germant Dissertatio de Draidibos. Lipsiae , 
4650 , in4*. 

40 Boxhomxi (Marci Zueri) Bràbanti. Originum Gallicaram liber, 
inquo veteré et nobilissimæ Gallorum génté origines , antiquitates , 
mores, lingua et alia eruunturet illustrantur, etc. Amstel.,‘t 654 , in4*. 


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(450) 

11 Smith (Thomas), Angk Syntagma de Druidum moribos et insti- 
tut». Londini , 1664 , in-4°. 

12 Dickinson (Edmond). De origine Druidum. (Dans son traité inti- 
tulé : Delphi phaenistanles.) Erfurti , 1670, in-4*. 

13 Schuxfleitehii (Conradi Samuelis). Dissertatio de velerum Drui- 
dum institutis. Wittebergae , 1697 , in-4°. 

14 Montfaucon ( dom Bernard ). Religion des anciens Gaulois et 
cérémonies des Druides.(bangsonAntiquitë expliquée) Partis, 1729, in-P. 

15 Keytler (Joh. Georg.). Antiquitates selectæ septentrionales et 
Celticæ , qui bus plurima loca conciîiorum et capituiarium explanantur, 
dogmata theologiæ ethnicæ Geltarum , gentiiimque septentriona- 
lium cum moribus et institutis majorant nostrorum circa idola , aras , 
oracula, templa, lutos, sacerdotes , regum electiones, comitia et monu- 
ments sepulchràlia, etc., fusé perquiruntur.J3aimot;«rae,1720,in-8 o ,fi^. 

16 Toland. Letters ( Lettres critiques sur les Druides ). London , 
1726 , 2 vol. in- 1 #*. 

17 Martin ( Dom.) La religion des Gaulois.' Paris , 1727 , 2 vol. 
in-4®, fig. — Explications de divers monuments Singuliers qui ont rap - 
port à la religion des peuples les plus anciens. Paris , 1739 , in-4®. J — 
Eclaircissements historiques sur les origines celtique». Paris , 1774 , 
in-12. — Histoire dés Gaules et des conquêtes des Gaiilbis. Paris , 
1752-54 , in-4®. 

18 Frickii (J. Georgii ). Commentatio de Druidjs qccidentalium 
populorum philosophis; accedunt.opuscula quædam rariora historiam et 
antiquitates Druidum illustrantia ; itemquè scriptorum de iisdem cata- 
logus. (2® édit.) ülmae , 1744 , in-4®. 

19 Smith (John). Choir Gaur, the grand orrery of the anciënt Draids, 
commonly called stonehenge. Salisbury , 1771, in^4°. — Gallic antiqhi- 
ties consisting of an history of the Druids. Edinb. , 1780 , in-4®. 

20 Cambry (Jaeques). Monuments celtiques , bu rechèrches sur le 
culte des pierres, précédées d’une notice sur les Celtes et les Druides et 
suivies d’étymologies celtiques. Paris, 1805 , in-8®. 

21 Datcies (Eduard). Cellic researches on the origin, traditions and 
langoàge of the ancient Britons , 1804. — Mythologie and rites of the 


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■ ( 4SI ) 

British Druids ascertained by national documents. London, 1809, in^8 n . 
39 Berlier. Précis histor. de l'ancienne Gaule, Parie. 1823, in-8*. 

23 Higgins ( Gedf. ). The Celtic Druids , etc. Parie, 1829, in-8°. 

24 De Cmmont. Cours d’antiquités monumentales. Caen et Ports, 
4830 et suiv. , t. 1 er . 


$ ». Théocratie Etruyw. 

4 Dempster. De Etruria Regali lib. VII curante Tho. Kake. Florent. 
4723-1724, 2 vol. in-P>. 

. On y ajoute: 

/. B. Patserii. In Dempsteri librosde Etruriâ paraüpomena. Lueae, 
4767, in-f®. 

2 Gmmaeci (Mario). Origini Italiche o sia le memorie istorico- 
etrusche sopra lo anticho regno d’Italia e lei primi abitatori d’italia. 
Lueca, 1767-1772. 

3 Marini. Esame critico delle origini italicbe di Guaraacci. Venet , 
4773, in-4®. 

4 Lanzi. Saggio di lingua etrusca et di altre antiche d’Italia per ser- 
vira alla storia de popoü delle lingue e delle belle arti. Borna, 1789. 

5 CarU( G. Rinaldo, conte). Delle Antichità Italiche con appendice 
de documenti. Milano. 4788-1761, 5 vol. in-4°. 

ÔZannoni. Dissertazione Sopra gli etruschi.... 0) 

7 Lampredi. Discorso del governo civile degli antichi Toscani...., 

8 Micali. L'Italie avant la domination des Romains, trad. de l’Ita- 
lien avec des notes, par M. Raoul-Rochette. Paris. 1824, 4 vol. in-8°. 
avec atlas. 


(i) V. encore : 

Antony 1 Hassan (Gallesii juriaconsulti ) de origine et rebus Faliscoram liber. Romae , 
* i&46, pet. in-4o, et 1588 , in-16. 

Fontanini. De Antiquitatibus horle colonie Etruscorum libri très. Romae, 1723, in-4<>. 


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(452) 

g Nitbuhr. Die Rœmisebe Gescbtcbte (l’histeife romaine , etc.) 1 M . 
vol. Berlin, 4811, in-8o. 

dO Cicdaporei,(Anionio ). Degli Etruschi lettere. Firme, 1816 , 
broch. in-8°. 

41 Muller (Karl. Otfried). Die Etrusker (les Etrusques). Bretle». 
4828, 2 vol. in-8«>. 

42 Lepsius (Richard). Des Pélasges Tyrrbéniens d'Etrarie et de 
l’extension du système monétaire étrusque en Italie ( deux mémoires 
gr. in-8°. Er long en , 1842 , en allemand. ) 


$ il. Etade NUfaratlra émm aaeieaaes tiée e rÉtri . 

4 Jamblichut. De mysterib Ægyptiorum, Cbaldæorum.Àssyriontro. 
Th. Gale græce nunc primant edidit latinè vertit et notas adjecit. 
Oxofiü, 4678. In-f°. 

2 J. -B. Catalii. De veteribus Ægyptiorum, Romanorum Cbristiano* 
rum ritibus. Romae , 1544. In-4°, fig. (Trois parties en un volume). 

3 Joh.-Henrici Ursini. De Zoroastrebactriano, Derme te trismegisto, 
etc. Nortmbergae, 4664 . In-8°. 

4 Hermani Witsii Ægyptiaca et decapbulon sive de Ægyptionia 
sacrorum hebraïcis collatione libri très, etc. Amslerd. 4683. Pet. in-4». 

5 *** Examen des esprits , ou les entretiens de Pbilon et Poliate. 
Examen premier, de» Origine». Pari», 4672. In-12. (Rare). 

6 La Creqviniire. Conformité des coutumes des Indiens orientaux 
avec celles des Juifs. Brut telle» , '4704. ln-42. 

7 Brome» (Charte» de). Du cultedes dieuxféticbes,ouparalMiede 

l’ancienne religion d’Egypte avec la -religion actuelle de Négritie. 
Pari», 1760. In-12, 

8 Scheidemanttl. Legum qnarumdam Ægyptiarum cum atücis 

comparatio. Jenae , 1766. Pet. in-8<>. 

9 Boulanger. L’antiquité dévoilée par ses usages. Amsterd. 4768. 
3 vol. pet. in-8°. 


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t *35 ) 

40 Lettres édifiantes ét carieuses écrites par les missionnaires , pu- 
bliées par le P. Querbeuf. 1780. 86 roi. in42. Nouv. édk. publiée par 
M. Aimé Martin. Paris, 1857 et suiv. 4 vol. gr.- in-8°. • •. 

11 Sainte-Croix. Recherches sur les mystères du paganisme. l r # 
édit. Paris, 1784. 1 vol. in-8°; 2 e édit, publiée par M. de Sacy. 1817. 
In-8°. 

12 Pastoret. Zoroastre, Confucius et Mahomet. Paris, 1787. In-8°. 

15 Dupuis. Origine de tousles cultes. Para, an lll de larép. (1795). 
6 tomes en 12 vol. avec atlas. Nouv. édit. publ. par M. Auguis. Paris, 
1822. 7 vol. in-8°. et atlas. 

14 Priestley. A comparison of the institutions of Moses with those 
ofthe Indous. Norlhumberland , 1799. In-8°. 

15 Sylvain Maréchal. Voyages de Pythagore en Egypte, dans 
la Chaldée, dans l'Inde, etc. Paris, an VII, 6 vol. in-8°. 

16 Schreiter. De more defunctos reges judicandi et laudandi ab 
Ægyptiisad Israelitas propagato. Lvpsiae, 1802 , br. in-8°. 

17 Heeren. Politique et commerce des peuples de l'antiquité. Trad. 
de l’allemand par IF. Suckau. Paris, 1850-1854, 6 vol. in-8°. 

18 Lacour. Fragments , essai sur les hiéroglyphes égyptiens. Bor- 
deaux, 1821 , gr. in-8°. Cet essai a pour épigraphe : Sunt Hebraicis 
similia Ægyptiorum aenigmata. 

19 Kreutzer [Fried.) ou Creuxer. Symbolik und mythologie der 
alten Vœlker (symbolique et mythologie des anciens peuples ) 2» édi- 
tion continuée par Fr. Jos. Mone; Leipsig. 1819-1825, 5 tom. en 6 
vol. in-8<>. 

Le même ouvrage trad. par Guignaut. Paris. 1825. 4 vol. en 8 
part. in-8<>, avec planches. 

20 Richter . Recueil des traditions mythologiques des Egyptiens, des 
Indiens, etc. Leipsig. 1820. in-8°. ( en allemand). 

21 Landseer(John). Sabbæan researches in a sériés of essays: inclu- 
dinggni the substance of lectures delivered at the royal institution of 

28 


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( 431 ) 


great Britain, on tbe engraved bieroglyphies of Chaldæa , Egypt, 
and Canaan. London. 4823, gr. in-4°. 

22 P. de Bohlen. L’Inde ancienne considérée dans ses rapports 
avec l’Egypte. Kœnigsberg. 1830, 2 vol. in-8 0 . (en allemand). 

23 Joseph Roberts. Oriental illustrations of the sacred scriptures , 
collected front tbe customs, manners, rites, snpertitions, traditions, etc. 
of tbe Hindoos. London. 4835, in-8°. 



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TABLE. 


Prolégomènes p. 205 

Idée générale du sujet. — Esquisse d’une histoire des institutions. — Temps antérieurs 


à Cyrus. — Sociétés primitives : théocraties, royautés. — Sociétés de seconde formation : 
èmpires militaires , gouvernements mixtes , aristocraties militaires des Doriens et des 
Ioniens , démocratie d’Athènes. — Aperçu des institutions depuis Cyrus jusqu’à J.-C. 

Chapitre préliminaire , 232 

Division du sujet. — Intérêt d’une élude générale des législations sous le point de 
vue historique. — Lois historiques ou providentielles qui régissent les sociétés. — Quelles 
sont ces lois. — Corrélation qu’elles ont entre elles. — Leur action sous l’empire d’une 
double force physique et morale. — Réaction des transformations sociales sur les 
législations. 

I Te . Période. — Temps antérieurs à Cyrus 243 

Développement des premières sociétés. — Gouvernements. — Deux formes primitives, 
théocratie , royauté. 

THÉOCRATIES. 

Théocraties d’Asie et d’Afrique 246 


Principes communs aux théocraties.— Organisation sociale. — Castes* — Droit pri^.— 
C.ouverncinent théocraliquc. — Ses éléments* de force. — Sa décadence. ^ 


§ 1 • Théocratie Chaldéenoe. 


Antiquité des Chaldôens. — Leur succès dans les sciences. — Leurs vicissitudes. — 
Institutions chaldéennes. 

§ 2. Théocratie des Mages. . 237 

Peuples de llran entre le Tigre et l’Indus. — Ancien ascendant des Mages dans ces 
contrées. — Leur austérité. — Zoroastrc l'ancien. — Vicissitudes des Mages. — Organi- 
sation sociale , la famille. — Castes , puissance des Mages , gouvernement. 


§ 3. Théocratie de l’Inde 262 

Siège de la société indienne , le Gange. — Histoire de l’Inde , formation des castes. — 
Action des lois historiques sur l’Inde. — Histoire des institutions. — Code de Manou. — 
11 révèle trois époques : i« les temps primitifs ; 2<> une deuxième époque à partir du XlIIe 


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( 43G ) 

siècle avant J.-C.— Famille , castes , communes , gouvernement central du Xm* au IX« 
siècle; 3° une troisième époque du IXe au Vie siècle. Etat de la famille et de la société. — 
Mélange des castes. — Décadence. 

§ A. Théocratie Ethiopienne p. 289 

Histoire de l'Ethiopie Antique paissance de ce royaume. — Vicissitudes depuis le 

XHe siècle. — Action des lois providentielles sur l'Ethiopie. — Organisation sociale. — 
Familles , castes. — Gouvernement , administration de la justice. 

§ 5. Théocratie d’Egypte 295 

L’Egypte et ses habitants. — Configuration du sol. — Evénements, vicissitudes.— 
Application des lois historiques : Règnes importants , principales révolutions. — Orga- 
nisation sociale : famille , castes , propriété. — Gouvernement , institutions. — Union 
étroite de la religion et de Tétât. — Mystères et symboles. — Législation. — Administra- 


tion de la justice. — Jugement des morts. 

§ 6. Théocratie Juive , . • . . 333 

I. Lots et coutumes depuis les premiers temps jusqu’à M oise. Temps primitifs , époque 
des Patriarches*. — Famille , propriété. — Tribu , son gouvernement. — Naissance de 
la théocratie. 

JI. Depuis Moise jusqu’à la royauté. Moïse et Josué. — Les anciens. — Les Sophetim 


ou juges. — Législation de Moïse , le Décalogue. — Lois qui régissent la famille et la 
propriété. — Nationalité juive , tribus , classes de personnes. — Gouvernement théo^ 
cratique , sa décadence. — Administration delà justice. — Peines, application.— 
Crimes et délits. — Villes de refuge , rachat. 

Hl. Depuis SaUl jusqu’à Cyrus. Premiers rois: Saul, David, Salomon. — Schisme 
des dix tribus. — Gouvernement royal , son caractère. — Autorité des prêtres , 
les prophètes. — Élément aristocratique : les princes et les anciens. — Intmenlion 
du peuple. — Les villes et leur gouvernement. — Vicissitudes de la législation de 
Moïse. — Application des lois providentielles. 

THÉOCRATIES D* EUROPE. 

§ 7. Théocratiè des Pelasges . 599 

Origine des Pélasges, contrées qu’ils occupent. — Premières cités fondées en Europe* — 
Temple de Dodone en Epire, religion des Pélasges, traits de ressemblance arec les 
anciens Gaulois. — Institutions religieuses et politiques des Pélasges. 

§ 8. Théocratie des Druides 408 

Aspect de la Gaule. — Mœurs et religion des Gaulois. — Paissance des Druides. — 
Gouvernement et confédération des çités. gauloises. — Classes de personnes dans 
la Gaule. 

§ 9. Théocratie Etrusque. . . 412 

Premières migrations pélasges ou thusques en Italie. — Seconde colonie des 
Pelasges Tyrrheniens ou Etrusques. — Cité? étrusques, leur gouvernement. — ■ Influeû®* 
des ^ ‘ — Confédération étrusque. 


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PIÈCE DE VERS 


DE M. CÉSAR LAMBERT, 

5IF.MB R£ COP.RESPO.NDAM. 


LE DESTIX DES GRAXDS POÈTES. 

s> « 

Jadis les poètes sublimes , 

Pontifes du jeune univers , 

Cherchaient la solitude et les plus hautes cimes : 
Des torrents d'harmonie emplissaient les déserts, 
Çt les peuples charmés écoutaient ces concerts. 

Le sceptre alors était la lyre. 

Plus légère à porter et d'un plus doux empire. 
L’amour et le respect suivaient partout les pas 
De ces mortels divins que nous n’écoutons pas. 
Premiers consolateurs du deuil de notre race , 
De la chiite de l'homme ils effaçaient la trace ; 
En eux seuls aujourd’hui brille et réside encor 
Le génie étoilé de l'antique âge d’or. 


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( 458 ) 

Us renaissent toujours quand toujours tout s*ccroule 
Un signe éblouissant les désigne à la foule ; 

Mais , pareils à Moloch qui , sur le Golgotha , 
Sifflait et blasphémait le fils de Jéhova., 

Des hommes faits d’airain dans le cœur et la télé 
D’un linceul de pitié couvrent l'art du poète ! 

O génie ! est-il vrai , parlent-ils en ton nom ? 

Est-ce un vol fait à la science , 

Est-ce un trésor abject , est-ce un futile don 
Que cette harmonieuse et noble intelligence 
Qui parle au cœur de l’homme avec magnificence ? 
Non ; j’en atteste ici Pascal , Cuvier , Newton ! 

Ils se prosternaient , eux f savants incomparables , 
Devant l’austère majesté 
De ces bardes que Dieu nomma d'autorité 
Les possesseurs inexpugnables 
De l’immortalité ! 

Ne ris donc pas , foule insensée , 

De ces rêveurs mystérieux 
Qui , sous le poids de la pensée , 

Penchent leur front harmonieux. 

Ne jette pas ton lourd blasphème 
Sur l’inconcevable problème 
Du génie eo proie au malheur : 

Pour accuser leur existence. 

As-tu quelque argument immense 
Qui fasse bonté à leur grandeur ? 

H faut au monde des poètes , 

Comme il faut aux deux des soleils: 


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( m ) 

lis répandent dans nos tempêtes 
La lumière de leurs conseils. 

Les grands hommes sont toujours rares ; 
Mais si les siècles sont avares 
De ces esprits prodigieux , 

C’est qu’ils ont avec le génie 

Cette science de la vie 

Qui les fit prendre pour des Dieux. 

Comme un navire à pleines voiles 
Qui fend les flots , et dans un jour , 

Des deux pôles et des étoiles 
Pourrait dire : j'ai fait le tour ! 

Une existence de poète 
Se fait vite et blanchit sa tète 
D’une précoce majesté ; 

Sous cette voûte de nuages 
On croit voir passer tous les âges 
Qu’a parcourus l’humanité. 

Mais, hélas ! quels flots d’amertume 
Il faut remonter dans son cours , 

Avant d’ôter toute l’écume 
Qui souille le lit de nos jours ! 

C’est le sort : grands cœurs , vaste orage ! 
Dieu mesure au poids du courage 
Les désastres qu'il a permis ; 

La vie est une Babylone , 

Et le génie une colonne 
Qui reste au milieu des débris* 


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( 440 ) 

Les aigles traversent la foudre 
Avant d'atteindre un ciel d'azur ; 
C'est de la fange et de la poudre 
Qu'on tire un diamant plus pur ; 
Tout homme aux grandes destinées 
Passe aussi par ses trois journées 
De passions et d'ouragan* 

11 a son flux et ses cratères , 

Comme les volcans populaires 
Et les bassins de l'Océan. 

Le cœur humain dont les abimes 
Sont en naufrages si féconds , 

Et qui ne choisit pour victimes 
Que des porteurs de vastes fronts , 
Souvent submerge dans ses laves 
Les philosophes les plus graves 
Et l’ûme forte des héros ; 

Il n'a d'immobiles frontières 
Ni dans la zône des tonnerres , 

Ni même aux portes du chaos. 

Dès que l'esprit de poésie 
Descend sur l’homme encore enfant, 
Il perd la fraîcheur de la vie 
Dans un atmosphère étouffant. 

Jouet d’une puissance étrange, 
Comme si l’aile d'un archange 
Fouettait son sein d'un vent de feu, 
Il sent au frisson de l'extase 
Qu’il porte en lui comme en un vasd 
Un des grands élémens de Dieu, 


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( 444 ) 

Dès-lors, les larmes de sa mère 
Tombent sur lui sans tarir ; 
Endigae descendant d'Homère , 

Il vit sans savoir où mourir. 

Le tems, torrent sombre et rapide. 
Semble le pousser vers le vide 
Sans qu’il en soit épouvanté, 

Car l'univers est sa patrie 
Et son âme s’est agrandie 
Pour on saisir l’immensité. 

Adieu le toit de la famille 
Toujours si doux au souvenir ! 

11 faut suivre l’astre qui brille 
A l’horizon de l’avenir. 

Horizon un, désert de sable ! . 

Une équinoxe redoutable 
Dévore ses jours les plus beaux ; 
Seul, comme Orphée avec sa lyre , 
11 traverse un aride empire 
Qui n’est peuplé que de tombeaux : 

La gloire, comme une bacchante 
Qui fait un pacte avec la mort, 
Etouffe entre ses bras d’amante 
Tous ceux que son ivresse endort. 
Pour se reposer sous ses ailes, 
Jusqu’aux voûtes éternelles 
11 faut oser porter son nom ; 

Plus juste alors elle console 
l)u mépris par le Capitole, 

Du malheur par le Panthéon. 


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( 442 ) 

Que dis-je? ô crime! ô honte ! on à vu des génies 
Par l'exil et la faim chassés de leurs patries , 

Contraints à mendier; est-il un deuil pareil ? — 

Le pain de la misère et leur place au soleil ! 

Comme si de ce globe où chaque nain se hausse , 

L’axe dût s'affaisser dès qu’il porte un colosse, 

On comme s’il a peur de manquer d’horizon 
Dès qu’il voit s’arrondir le crâne d’un Hilton ! 

Mais quoi ! l’ingratitude est la vertu des hommes. 

On remplirait encor l’enceinte de trois Romes 
Si tous ceux que la gloire a marqués de son sceau 
Recevaient seulement l’aumône d'un tombeau. 

Sans doute un tel oubli vous indigne, grands mânes, 
Fières ombres ! qu’un dieu vengeur 
Devrait dresser debout quand le pied des profanes 
Foule la place où dort votre généreux cœur. 

« Votre poudre, qui vaut les poussières royales. 

Devrait en touchant nos sandales 
Nous immobiliser de honte et de frayeur 
Comme des pierres sépulcrales, 

Pour attester que là devrait être un grand deuil. 

Les autels du génie ont pour base un cercueil. 

La mort aime la gloire ! — et la nuit de la tombe 
Poètes, se dissipe aux bruits de vos accords ; 

Mais nous, quand nousmourons, tout l'homme en nous succombe. 
Notre nom tout entier dans le néant retombe, 

Et nous comprenons mal l’énigme des grands sort s. 

Toute grandeur humaine est un profond mystère; 

Le destin n’a pas fait son stage sur la terre ; 


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( 443 ) 

Si haut que soit ie trône où s'assied un mortel, 

11 n'est point consulté dans les décrets du ciel. 

Que son but soit ou non à ses regards visibles, 

Il y court entraîné d’une pente invincible : 

Napoléon au trône et vers Rome Attila, 

Le poète à la gloire ; — et tout le sort est là. 

Toi-méme, quand tu vas secouant tes épaules. 

Quand tu sors de ton lit pour jouer ta fureur, 

Quand ton flot réchauffé porte sous l'équateur 
Les glaçons nourriciers des pôles. 

Vieil Océan, tu dis: c’est l'ordre du Seigneur. 

Et vous, deux ; vous sentez son souffle sur vos astres ; 
Rien en vous n'est changé depuis lesZoroastres: 

La grande Ourse n'a pas dévoré le Dragon 
Ni l'Hercule envahi l’empire d'Orion, 

Et vous roulez sans bruit dans l'éther sans limites 
Les mêmes tourbillons dans les mêmes orbites. 

L'œil aperçoit pourtant dans les étals du ciel 
Des globes affranchis de l'ordre universel ; 

Hais quel que soit leur but, leurs lois, leur origine, 
Leur mission secrète est sans doute divine. 

Sentinelles des deux, ils roulent sur leurs chars 
Du vide et de la nuit les brûlants boulevards ; 

Ils préservent peut-être en leurs lointains voyages 
Les grands vaisseaux de l'air d'effroyables naufrages ; 
Peut-être ils vont porter leur feu réparateur 
A quelque vieux soleil qui n’a plus de chaleur. 

Seuls aux climats sacrés pèlerins solitaires, 

Des gouffres de l'espace ils savent les mystères ; 


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( 444 ) 


Seuls ils approchent Dieu 4e si près, que leurs pas 
De la création déborde le compas. 

Que vont-ils faire au seuil de ce monde des âmes ? 
Qui le sait ? couronnés de panaches de flammes. 

Leurs spectres au retour ont l'œil si flamboyant 
Que la terre en est pâle et tremble en les voyant. 

La peur, l’étonnement et surtout l’ignorance 
Les ont cru tourmentés d'une étrange démence, 

Et pour pouvoir errer encor plus librement, 

Toujours prêts à chasser les rois du firmament. 

Rêve honteux, effroi stupide autant qu’impie ! 

A Dieu séul sont les teins, les mondes et la vie. 

Il sait où doit peser l’équilibre des cieux , 

Comme il sait guider l’homme en lui fermant les yeux. 
Ses desseins sont pour nous abimes et ténèbres. 

Il n’en sort des éclairs qu’aux époques funèbres ; 

Mais tout soleil, tout homme a son but et son poids. 
L’intelligence même est soumise à des lois. 

Des comètes du ciel le poêle est l’image : 

Son génie est un feu, son âme est sans rivage, 

Il comble une lacune immense, et nos regards 
Verraient sans son flambeau s’éteindre les beaux- ai ls. 
Oh ! les vrais souverains dont la mort elle-même 
Semble immortaliser leur titre au rang suprême , 

Ce n’est pas vous, ô rois ; ce sont ces hauts esprits 
Trop souvent de vos cours exilés et proscrits , 
Condamnés par envie, ou haine, ou politique 
A traîner dans l’opprobre un destin magnifique, 

Parce que leur poitrine est pleine d’un grand cœur ! 
Leur génie est un crime et leur gloire un malheur t 


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( 445 ) 

Dans l'histoire du deuil et des forfaits du inonde , 

Certe, il est des sujets d'une horreur bien profonde. 

L’épouvante court dans la chair ; 

L’âme sort en sueur de nos veines glacées* 

Quand nous laissons tomber notre œil et nos pensées 
Sur cette vision d’enfer, 

Vision de débris d’empires, de couronnes , 

Des peuples morts, des Dieux tombés, des rois sans trônes. 
Fracas, poussière, écume, éclairs, foudre, ouragans , 
Nuits noires, mer de feu, mers de sang; et la terre 
Flotte et rouleau milieu desa chaude atmosphère 
Avec son poids de six mille ans ! 

Ces grands coups de la mort sont un horrible drame : 

On frémit ; mais sur qui tombent les pleurs de l'âme , 

Ces pleurs dont les cieux sont jaloux ? 

Dans le sépulcre vaste où le passé s’abîme. 

Qui donc est du malheur la plus triste victime ? 

C’est vous, ô Poètes, c’est vous ! 

C’est toi , vieillard aveugle , Homère ! au fond des âges 
Ta grande ombre apparait à travers leurs nuages ; 

Plus le tems la recule, et plus elle grandit. 

Pauvre, errant, sans amis et les yenx sans lumière, 

Ton génie immortel fut un Dieu pour la terre, 

Un soleil dans l’antique nuit ! 

C’est toi, mon pauvre Ovide aimé des âmes tendues; 

On voudrait de son cœur faire une urne à tes cendres 
Et les rendre aux clartés du jour. 


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( 440 ) 

Noble exploit d'empereur d'exiler un grand homme î 
D'envoyer sous le pôle un citoyen de Rome 
Expier un baiser d’amour! 

Vous tous qui pour trésor n’avez eu que la lyre. 

Cette amante du cœur qu’on ne peut pas proscrire, 
Souiïrez qu’à votre gloire ainsi qu’à vos malheurs 
J’apporte pour tribut ce chant de poésie : 

Moi qui suis ignoré, mon aumône au génie , 

C'est moins un laurier que des pleurs. 

Oui, je pleurs sur toi, Chénier, sur ta patrie : 

En adoptant ta gloire, elle a brisé ta vie ; 

Ton sang rougit la liberté ! 

Belle tête à l’antique où brillait une étoile, 

Tu n'asdonc pour couvrir notre forfait d'uu voile 
Qu’un lambeau d'immortalité ! 

Oui, je pleure sur toi, Milton ! génie austère, 

Rayon vivant tombé sur le sol d'Angleterre, 

Plus beau que ce soleil dont Dieu priva tes yeux ; 
Dans tes vieux jours, au seuil de l’éternel silence, 

Prêt à rendre au Très-Haut ton âme, monde immense 
Qu'il fit d'un souille harmonieux, 

Abreuvé de chagrins, d'injustices, d'outrages, 

Tu montras la vertu des plus mâles courages 
Dans les plus grands revers ; 

Et tel que La Peyrouse au milieu des abîmes, 

Tu mourus sans savoir si tes travaux sublimes 
Léguaient un nouvel univers. 


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( 447 ) 

Ainsi le Tasse, en proiç à de vagues tristesses. 
Trompé dans ses calculs de gloire et les ivresses 
D’un amour sans espoir qui dévorait son cœur. 
Alluma dans son sein tous les feux de la vie 
Sans avoir pu combler, même avec son génie, 
L’abime immense du malheur. 

Jeune encore, expiant par un arrêt barbare 
La haine ou l’amitié des princes de Ferrare, 

Il étala sous le soleil 

Une infortune humaine élevée à son faîte; 

Et quand Rome tressait des lauriers pour sa tête, 

Il dormit son dernier sommeil ! 

Tel, et peut-être encor plus brisé dans sa vie. 
Descendu comme un Dieu jusqu’à l’ignominie. 

Toi, Camoens ! le cœur plein du sang de Gaina, 
Marin sur tous les Ilots et soldat dans trois mondes, 
Toi qu’à peine échappé de la fureur des ondes 
Les fers attendaient à Goa, 

Grand naufragé ! sans doute, à ce moment suprême 
Où seul, demi-noyé, tu sauvas ton poème 
Comme l’Arche au-dessus du flot. 

Tu ne te doutais pas qu’au sein de ta patrie 
Mourant d’une plus lente et plus triste agonie, 

Tu n'aurais pas même un tombeau ! 

Voilà de ces destins dont le spectacle étale 
Une gloire sans borne, une misère égale ; 

Et triste, l’œil fixé sur la voûte des deux, 


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( 448 ) 


On se «lit : voilà donc la justice des Dieux ! 

Oui, c'est de (a justice : il faut que l'homme expie 
Ce redoutable don que Dieu fait du génie. 

C’est toujours sous ton pied, sous ta foudre et ta main. 
Dieu très-haut, que grandit quelque front surhumain. 
Eh bien ! sois-en béni de celte étrange grâce ! 

Le poète à tes coups reconnaîtra sa race. 

Qu'importe insultes, cris, et désespoir amer! 

Il en saura tirer l’harmonie et l’éclair. 

Laisse-le seulement, avant de se dissoudre. 

Consumer tout ce feu que tu mis dans sa poudre. 
Laisse-le, pour ta gloire, ouvrir ces grands débats 
Qui font entendre au monde un nom qu’il ne sait pas. 
Dans notre ascension aux vérités nouvelles , 

Il «st bon d ecouter ceux dont l’âme a des ailes ; 

Et dans la. forge ardente où se fait le destin. 

Où se taille à grands traits le corps du genre humain. 
Lorsque les travailleurs assis mal à leur aise. 

Manquent d’air et d’espace autour de la fournaise, 

Le poète frappant au cœur des nations 
Fait jaillir de ce globe un faisceau de rayons ! 

Sublimes héritiers delà Grèce et du Tibre, 

Les bardes, par instinct, ont un cœur d’homme libre : 
C’est que l’esprit d’Alcéeest sorti du tombeau. 

Quand un poète meurt, un autre est au berceau. 

Fils du soleil, leur âme et leur tête éclatante 
Brille aux yeux des puissants comme un feu d’épouvante 
Premiers princes dusang dans l’ordre surhumain, 

Le canon ne peut pas briser leur droit divin ; 

Us font l’œuvre de vie et non l’œuvre qui tue. 


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( ) 


Qu’on déracine un roc pour taire ta statue. 

Tzar, sauvage du pôle et brutal empereur : 

Qui fonde un grand empire appelle un grand honneur ; 
Mais quand un monument est d'airain ou de pierre. 

Le temps l’eflace, ou bien le niveau du tonnerre ; 

S’il est fait de pensée, il tient mieux qu’un rocher ; 
Du sol de l’univers rien ne peut l’arracher ; 

Et quand, las de verser son gravier comme une onde, 
Le sablier des jours aura vidé ses bords 
Dans Turné où pour jamais seront tombés les sorts ; 
Quand la mort, dévorant le temps qui la féconde, 
Eteindra dans le ciel ce grand globe de feu, 

Balancier flamboyant de l'horloge de Dieu, 

Les poètes bénis, pleins d’une paix profonde. 

Resteront les derniers pour pleurer sur le monde ! 



29 


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LE CHIES DU DÉPUTÉ. 


Par M. DEKBIGNY, 


DIRECTEUR DES DOMAINES ET DE l’eSRECISTREMEXT A BORDEAUX , MEMBRE CORRESPONDANT. 


Fable. 

Un Député d’un des pays de France 
( Je ne sais plus duquel ; le pays n’y fait rien ) , 
Lorsqu'il devait se rendre à la séance , 

Avait soin d’enfermer son chien. 

Cet animal, c’est le chien que j’entends, 
Depuis que son maître était membre 
De la Chambre, 

N’avait plus qu’à passer son temps 
À soupirer, à gémir dans la sienne. 

Jamais sortir, jamais se promener ; 

Il avait beau se démener , 

C’était toujours la même antienne : 
t Allons, vite ! Milord, vite ! sous l’escalier. * 


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( 452 ) 


'Après ces mois on prenait le collier , 

Ensuite venait la ficelle , 

Et son tyran qui le grondait 
A tous ses cris ne répondait 
Qu’en serrant le nœud de plus belle. 

Un jour son maître était prêt à partir ; 

11 tenait son chapeau, n avait plus qu’à sortir ; 
Cependant quelqu’un vient. C'était de sa province. 
Un sien ami, qui de son prince 
Venait solliciter quelque léger bienfait. 

— Bonjour, mon cher ! ah ! par le temps qu'il fait. 
Je croyais ne jamais trouver votre demeure , 

J'ai trotté tout Paris , je cours depuis une heure ; 
Eh bien ! dans ce pays, comment va la santé ? 

— Pas mal. — Eh 1 mais.de ma' visite 
Vous paraissez embarrassé ? 

Ai-je pris mal mon temps ? je suis venu si vite ! 

— Mon ami, voyez-vous, je suis un peu pressé. 

A la Chambre, aujourd’hui, jè porte la parole ; 
C’est pour un important objet : 

Je dois parler sur le budget ; 

J’évite volontiers tout entretien frivole. 

J’ai beaucoup à penser ; l’on s’attend de ma part 
A du profond , et si rien ne me presse. 

Je toucherai, je crois, quelques mots de la presse. 

La presse, voyez-vous, c’est le dernier rempart, 

Et le seul bientôt qui nous reste 
De nos publiques libertés. 


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( 453 ) 


Mais prenez ce billet : vous entendrez le reste 
A la Chambre des Députés. 

Venez m’y joindre... Il sort à pas précipités. 

Mylord, qui l’écoutait de toutes ses oreilles, 

S’adressant au nouveau venu : 

« Mon pauvre maître, hélas ! il vous dit des merveilles. 
L’auriez-vous deviné ce qu'il est devenu ? 

S’il n’est pas fou, vraiment, il ne s’en manque guère ; 
Vous a-t-il seulement demandé quelle affaire 
Vous amenait en ce pays ? 

Ilne parle que lois, presse, budget, finance ; 

Là, souvent, il griffonne autant que vingt commis. 

On dirait, à lui voir tout cet air d'importance , 

Quil se croit seul chargé des destins de la France 
Il l’aime en citoyen ; mais il n’a plus d’amis. 

C’était bien des humains le plus parfait modèle ! 

Et c’est auprès de moi, maintenant rebuté , 

Naguères son ami, son compagnon fidèle. 

Qu’il fait son nouveau cours de générosité. 

Il m’enchaîne, il me bat, et plus il ne m’appelle 
Que pour serrer les fers de ma captivité. 

Peut-être il plaint mes maux ; mais qu’est mon infortune 
Auprès de ce discours qu’il a tant médité ? 

Courez, courez l’ouïr, vous serez transporté ; 

. Vous l’entendrez vanter à la tribune 
Les douceurs de la liberté. 

* < 


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LE SL\GE AVANT BARAQUE EX FOIRE. 


PAR LE MÊME. 


fable. 

Un singe , un jour , à ce que dit l'histoire , 
Voyant qu'un homme intelligent , 
Montrant des animaux en foire , 
Rassemblait force monde et gagnait force argent , 
S'imagina qu’il aurait chance égale 
D'amuser son public , s'il offrait aux passants , 
C'est-à-dire aux passants des forêts du Bengale f 
Un aniqial des plus intéressants , 

L’homme , le type vrai de l'espèce amphibie f 
Ou pygmée ou géant , colosse ou vermisseau , 

Flus terrible aux combats qu'un lion de Nubie , 

Ou plus craintif qu’un souriceau ; 

Ayant , esclave ou fibre , ou rustre ou damoiseau , 


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( loti ) 

Dos ponclians , dos humeurs , des appétits sans règle; 
Sur deux pieds seulement posé comme un oiseau , 
C’est une buse ou c’est un aigle. 

Entrez , leur dira-t-il , pressez-vous pour le voir , 

Cet animal , tantôt blanc , tantôt noir , 

Jamais dans l'état de nature , 

Jamais nu , toujoqrs habillé , 

Spuvent chamarré d’or , éclatant de parure , 

Et plus souvent déguenillé. 

Quand il eut calculé la faveur de ses chances ^ 

C’était fête à la cour ; le monarque des bois 
Venait précisément d’annoncer des tournois , 

De publiques réjouissances. 

Il choisit ce temps de g$da , # 

Prit son bagage et s’en alla 
Tenir baraque en foire , et crier à tù-téte : 

« Entrez , Messieurs , l’incomparable bêla , 

L homme , cet animal si grand , si curieux , 

Nous vous l’avons amené dans ces lieux. 

Animaux de tous rangs , bêtes de toutes races , 
Grands et petits, prenez vos places. 

Le prix est le même pour tous : 

La bagatelle de cinq sous. » 

Quand tout son monde est placé sous la tonte , 

Il se fait un moment de silence et d’attente. 

Lui , derrière la toile , accomplit son projet , 

Achève sa supercherie > 


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( « 7 ) 


Car il est , à lui seul , de sa ménagerie 
L'entrepreneur et le sujet. 

II se prépare , il s'affuble , il s'arrange 
De la façon la plus étrange , 

Au gré de son astuce et suivant son besoin ; 

Mais le public , le bon public est loin 
D’accueillir la plaisanterie. 

L'acteur en scène , il voit la jonglerie. 

Chacun de murmurer , personne d'applaudir. 

Il a beau s’admirer , se hausser , se grandir , 

Faire manchette et jabot de fin linge , 

On a trop vu le poil du singe, 
pès lors , tout est manqué ; dès lors , tout est perdu , 
Le héros reste confondu. 

Conclusion de tout ce conte. 

On éprouve plus d’un mécompte , 

On s'expose à plus d'un faux pas , 

A vouloir se montrer pour ce que l’on n'est pas. 



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NOTICES 

NÉCROLOGIQUES. 


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9K. DELPLAIQUE , 


Par M. JOUGGLA. 


Messieurs , 


Ce n’est pas un homme dont la vie s’est écoulée 
dans les hautes régions sociales, entourée du prestige et 
de l’éclat que donne ordinairement la naissance ou la 
fortune, que j’ai la mission de vous faire connaître'; 
c’est tout simplement l’homme de bien , doué des capa- 
cités nécessaires à son état, qui a terminé sa carrière, 
jeune encore, et qui n’a laissé après lui d’autres senti- 
* mens que ceux d’une profonde estime que lui avaient 
vouée ses concitoyens. Quoiqu’une telle existence, aussi 
simple que modeste, n’exige point de grands efforts pour 
lui assigner le rang qu’elle doit occuper dans l’affection 


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( 4G2 ) 

des hommes , je reconnais toutefois l’insuffisance de 
mes moyens pour rendre à la mémoire de celui que 
nous honorons un hommage digne de lui et surtout 
digne de vous. 

Delplanque ( Pierre-François-Joseph ) est né à Douai, 
le 18 septembre 1793 , de parents dont la fortune ne 
permit pas que ses premières études fussent en rap- 
port avec l’intelligence et les goûts qui se révélaient dès 
sa plus tendre enfance ; cependant il s’avança dans ses 
classes et toujours avec succès, jusqu'aux bornes où la 
position peu aisée de sa famille élevait un obstacle qu’il 
ne put franchir. 

En 1810, à l’âge de 17 ans, le jeune Delplanque se pré- 
senta au concours, ou vert à Douai, pour une placed’élèvc 
à l’école vétérinaire d’Alfort ; il fut choisi parmi ses 
compétiteurs , et envoyé , aux frais du département du 
•Nord, pour suivre les cours que l’on professait dans cette 
école. Les études sérieuses auxquelles il se livra sur 
toutes les parties des sciences médicales ne firent 
qu’augmenter en lui le goût du travail qui lui était si 
naturel. Là il obtint aussi des succès qui furent cou- 
ronnés, après 18 mois d’études , par l’obtention de. la 
place de répétiteur, attachée à la chaire de botanique et 
d’hygiène. Cette récompense, .Messieurs , très-honorifi- 
que quoique salariée , est elle-même tout un éloge, car 
elle n’était ordinairement accordée qu’à ceux des élèves 
qui se distinguaient des autres par le travail , l'intelli- 
gence et la moralité. La fin de la même année fut pour 
lui en nouveau triomphe : le second prix du 2 e cours 
d’études lui fut décerné . 


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( 465 ) 

Un an plus tard, en 1813, il obtient le diplôme de vété- 
rinaire, et parvenu à ce but, où se bornait toute son am- 
bition, il sedisposait à rentrer dans sa ville natale pour y 
exercer la médecine zoologique. Cette science, Messieurs, 
après avoir été professée par les hommes les plus 
célèbres de l’antiquité, et après avoir servi de mère, pour 
ainsi dire, à la médecine humaine , devint l’apanage de 
l’ignorance et du charlatanisme, ce qui la précipita dans 
l’abaissement et l’oubli presque universel , malgré ce 
qu’en avaient dit Celse, Virgile et Columelle. Cependant 
après plusieurs siècles , durant lesquels la médecine 
resta complètement ignorée , survinrent des hommes 
tels que Buffon; Vicq-d’Azir et Cabanis qui, pénétrés de 
l’importance d’une science à la fois si riche , si difficile 
et si nécessaire, firent de grands efforts pour la replacer 
au rang qu'elle n’aurait dû jamais perdre ; mais tous ces 
sublimes efforts vinrent se briser contre le pouvoir 
magique des préjugés et de l’ignorance. 

Il était pourtant décidé qu’un seul homme accompli- 
rait une tâche qui avait été vainement entreprise par 
tant d’autres ; il est vrai que Bourgelàt, l’ami intime de 
d’Alembert, était puissamment secondé par la juste con- 
sidération dont il jouissait comme savant et surtout 
comme homme dévoué au bien public. L’honneur d’ap- 
partenir à l’académie des sciences, le titré de membre 
de l’académiede Berlin que lui conféra le grand Frédéric, 
ne furent pour loi que des auxiliaires dont il se servit 
pour exécuter le projet qu’il méditait depuis si long- 
temps. Ce fut en 1161 que Bourgelàt , sous les auspices 
du ministre Bertin, dont il était l’ami, créa dans Fun des 


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c 464 ) 

faubourgs de Lyon la première école 'vétérinaire. Les 
bienfaits de cette institution ne -tardèrent, pas à se faire 
sentir: une épizootie n?eurtrièreravageait quelques dé- 
partements de l’est de la Erance ; les élèves de l’école 
vétérinaire, peu expérimentés encore, sous la direction 
du fondateur , se transportèrent sur le théâtre du mal 
et en triomphèrent bientôt. Un tel succès devait néces- 
sairement avoir du retentissement en Europe, et en effet, 
on vit bien peu de temps après des élèves à l’école de 
Lyon, envoyés parla Suède, le Danemarck , la Prusse , 
l’Autriche, la Suisse et la Sardaigne. Cette école devint, 
dans le courant del’année 1762, école royale. Le minis- 
tre,voyant de quelle utilité pouvait être une pareille ins- 
titution.crut quïl était nécessaire d’en établir une autre 
aux environs de la capitale , et celle d’Alfort , toujours 
sous la direction de Bourgelat,fut fondée avec des déve- 
loppements qui la rendirent supérieure à la première. 

C’est à partir de ce moment que la noble ambition de 
cet homme illustre fut satisfaite, et il eut le bonheur de 
voir sortir de ses mains d’habiles professeurs qui, à leur 
tour , portèrent dans leur patrie les bienfaits de l’ins- 
truction qu’ils avaient reçue en France. Quel plus beau 
titre de gloire, en effet, que celui d’avoir fait renaître 
une science qui touche à tant d’intérêts pour les proté- 
ger. Et ici , Messieurs , je ne puis m’empêcher de citer 
quelques paroles de l’éloquent secrétaire perpétuel de 
l’académie royale de médecine : « - Conçoit-on , s’est 
» écrié M. Pariset, dans l’éloge d’Huzard père, que l’apo- 
» logie de l’art vétérinaire ait jamais été nécessaire ? 
» Est-il une étude plus propre à éclairer toutes les 


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( 405 ) 


» nôtres ? N’a-t-elle pas devant elle., pour faire ses 
b expériences, un champ .sans limites? et soit qu’elle 
» expérimente en effet, soit qu’elle s’en tienne à la sim- 
> pie observation, quels secrets ne peut-elle pas nous 
» apprendre sur les qualités morales des animaux , la 
» docilité, l’ardeur, le courage , le dévouement, sur les 
» moyens de développer, d'afïernrn, de tempérer cesqua- 
» lités généreuses , et où l’homme prendrait des leçons 
b pour lui-même ; sur les amitiés , sur les antipathies 
b qui les rapprochent ou les divisent ; sur cette flamme 
b périodique de tendresse et de fureur qu’allument 
p dans leur sang les saisons des amours , et qui , de tous 
b les phénomènes de l’économie animale, est peut-être 
b. le plus incompréhensible; sur les transmissions hé- 
b réditaires , sur les étranges altérations qu’impriment 
b à la matière animale le climat et la localité , et sur- 
b tout la nourriture qui , de concert avec le repos et le 
b travail , transforme à souhait cette matière en os , en 
b graisse , en chair musculaire , et la castration qui 
» la dénature, et les croisements qui semblent confon- 
» dre les races et métamorphoser les espèces. » 

C’est cette médecine , Messieurs , dont nous remer- 
cions M. Pariset de la juste appréciation qu’il a faite 
des services qu’elle a rendus et de ceux qu’elle peut 
rendre encore , que Delplanque se proposait de prati- 
quer à Douai à sa sortie de l’école ; mais il devait en 
être autrement. Les revers que nos armes avaient éprou* 
vés , en 1812 et 1813, ayant complètement désorganisé 
le. service des vétérinaires militaires, et l’pcôled’Alfort 

me présentant pas en ce moment un nombre suffisant 

S0 


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( 4M ) 


d’élèves pour remplacer ceux qui avaient succombé) 
l’administration départementale mit à la. disposition du 
ministre de la guerre tous les élèves qu’elle entretenait 
à ses frais dans les écoles vétérinaires, et Delplanque fut 
nommé vétérinaire en second au 7 e régiment de lanciers 
qui se trouvait en ce moment en Allemagne; il dut donc 
sacrifier ses goûts simples et studieux pour une carrière 
qui ne lui offrait en dédommagement que mouvement 
et désordre. Cependant il obéit et fut rejoindre son régi- 
ment, avec lequel il fit la campagne de France. 

Plus tard èt lorsque les événements amenèrent la 
cbûte de l’Empire , que les régiments furent licenciés , 
Delplanque demanda et obtint son congé définitif; il put 
alors , libre enfin .réaliser le projet de consacrer à ses 
concitoyens le fruit de ses études et de son expérience. 

A cette époque où la fatalité déversait sur la France 
tant de malheurs , nos belles campagnes eurent à souf- 
frir non-seulement de la présence de l’ennemi, mais 
encore d’une maladie épizootique très-meurtrière ( le 
typhus contagieux ), qui exerça ses ravages sur les bes- 
tiaux des contrées parcourues par les armées coali- 
sées. Çette circonstance offrit à Delplanque uneoccasion 
de déployer son zèle et les nombreuses ressources qu’il 
avait puisées dans ses études ; aussi le voyait-on partout 
où son ministère était réclamé, mettre en pratique les 
préceptes de la théorie avec le discernement qui le 
caractérisait. Grâce à l’activité de l’administration se- 
condée par les efforts des vétérinaires ‘, on parvint à 
maîtriser le fléau qui , si l’on consulte l’histoire sur les 
trop fréquentes apparitions de cette épizootie dévas- 


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f 467 ) 

talrice , eût pu faire encore beaucoup plus.de ravages.» 

Delplanque, Messieurs» était doué 4’ un heureux carac- 
tère ; jamais .il n’ambitionna une position au-dessus de 
celle qu'il s’était faite lui-même. ; l’orgueil était.incom- 
patihle avec ses goûts simples et ses habitudes paisibles; 
il .était d’uue obligeance extrême qui se conciliait très- 
bien avec son désintéressement ; jamais un secours ne 
lui fut demandé en vain. Toutes ces précieuses qualités, 
qui sont un don de la Providence, Del planque les possé- 
dait, etelles lui. acquirent l’estime publique, - 

Il n’était pas de ceux chez lesquels le travail ne laisse 
qqe de légères empreintes ; il savait parfaitement, tout 
ce qu’il avait appris ;au 3 si réunissait-il dans sa mémoire 
les véritables principes de la théorie avep tout ce que lui 
avaient enseigné, une pratique de vingt-six .ans et un 
esprit éminemment observateur. Pénétré de l’idée que la 
médecine; vétérinaire est encore loin du but qu’elle doit 
attei ndre malgré ses immenses progrès , Delplanque 
étu^iaitavec ardeur toutes les questions sur lesquelles 
on n’est pas encore d’accord , et il est à regretter , Mes- 
sieurs , qu’il ne nous ait pas laissé par écrit le résultat 
de ses méditations et de ses longues études. Dans les 
courts moments de loisir que lui laissait sa clientelle.il 
trouvait un délassement agréable dans l’horticulture 
pour laquelle il avait une prédilection marquée. 

Soit un excès de modestie , soit le peu de confiance 
qu’il avait en ses propres moyens , pendant long- 
temps il n’osa solliciter l’honneur d’appartenir à votre 
Société *, cependant toutes les fois qu’elle avait réclamé 
son concours , il s’était empressé de la satisfaire ; mais, 


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( 4G8 ) 

en 1836, voire Société, roulant se libérer envers Delplan- 
que des services qu’elle avait reçus de lui , l’admit au 
nombre de ses membres résidants , et c’est quelque 
temps après, au moment où il allait seulement jouir 
d’un bonheur qu’il s^tait préparé avec iant de peine, 
après avoir vu sa vie traversée par bien des revers de 
fortune , par bien des chagrins de famille ; quand il se 
voyait enfin à la tête d’une brillante clientelle, qui lui 
procurait une aisance suffisante à ses goûts simples, 
entouré de l’amour de son épouse et de ses trois enfans, 
dont l’aîné était sur le point de venir partager ses tra- 
vaux ; honoré de l’estime de tout ce que Douai renferme 
d’hommes de bien ; quand un si long avenir se présentait 
encore devant lui pour lui faire oublier un passé un peu 
trop agité ; quand il eût pu rendre encore tant de ser- 
vices, qu’il fut enlevé à l’affection d e tous par une maladie 
aussi lente que cruelle, qui le tortura jpehdant une année 
entière , durant laquelle il ne cessa que dans æs der- 
niers moments de se livrer à la pratique de son art. 

Ce fût le 7 janvier 1839 , à l’âgé de 45 ans , que Del- 
planque termina une vie qui eût pu être encore si long- 
temps utile à sa famille !... Il a laissé un fils, Messieurs, 
qui, nous l’espéêons du moins, saura mériter l’éstime et 
la considéra lion qui entouraient le père dont nous hono- 
rons la mémoire !... 

* 


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DELEPOCVE, 


Par M. HIBON , premier avocat-général > 

MEMBRE RÉSIDÂT. 


Delepouve, Engelbert-Justin-Joseph , naquit à Arras 
le 13 septembre 1787. La France touchait alors à une 
époque qui fut fertile ën grands événements. La lutte 
était engagée entre les partisans de la- réforme et les 
classes privilégiées. L’autorité royale devenait chaque 
jour plus iiti puissante contre la résistance des Parle- 
ments* De sinistres orages -apparaissaient à l’borison, 
et menaçaient de grossir le torrent déjà prêt à renverser 
les faibles digues qui protégeaient encore la royauté. 
Bientôt, en effet, le pays était agité par les secousses 
les plus violentes. L’anarchie et la guerre civile déchi- 
raient notre malheureuse patrie. Le trône, depuis long- 
temps miné jusque dans ses fondements , s’écroulait au 


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( 470 

milieu des convulsions de la monarchie, pendant que 
l’étranger s’avançait vers nos frontières. L’héroïque 
valeur de nos soldats préserva la France des périls qui 
l’environnaient au-dehors; mais combien n’eût-elle pas 
à gémir des déplorables, excès qui l’ensanglantèrent au- 
dedans, et que de milliers de victimes, prises dans tontes 
les classes de la société et jusque sur les débris dn trône, 
payèrent de leur fortune et de leur vie ce que l’on 
appelait la conquête de nos droits et de nos libertés ! 

La ville d’Arras surtout, livrée à la fureur d’un féroce 
proconsul, vitalors une sanglante proscription atteindre 
tous ceux de ses habitants qui se distinguaient parleur 
naissance ou par leur rang , par leurs richesses ou par 
leurs vertus. Le père du jeune Delepouve ne pouvait être 
épargné, et les fonctions judiciaires dont il était investi 
étaient un titre suffisant à la persécution. Jeté dans les 
cachots de Joseph Lebon, son malheur s’accrut encore 
de celui d’une épouse condamnée à supporter aussi les 
rigueurs d’une horrible captivité. Jours affreux de dou- 
leur et d’anxiété, pendant lesquels chacun séparédetout 
.ce qui lui était cher , incertain sur le sort des membres 
■épars de sa famille, voyait en même temps .'tous les liens 
rompus , toute& les espérances de l’avenir détruites -, et 
n’apercevait d’autre terme à ses maux que la perspective 
de l’échafaud ! 

- Notre collègue était alors dans l'âge lé plus tendre; 
les portes de la prison qui renfermait les auteurs de ses 
jours ne lui furent point ouvertes; îl resta seul, sans 
asile, sans guide, sans ressource. Un ami de sa famille, 
fcn le recevant chez lui , crut recueillir un orphelin. 


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(471 ) 

Pourtant il 'n’en devait pas être ainsi; par un hasard 
inespéré, les parents du jeune Delepouve échappèrent 
au couteau de la guillotine, et la fin du règne de la Ter- 
reur les rendit >à leur fils en même temps qu’à la liberté.: 

Son père; après avoir repris sa place parmi les magis- 
trats de la cité, devint plus tard le chef de sa compagnie, 
et , pendant de longues années , il présida avec distinc- 
tion le tribunal d’Arras. 11 employait le temps que lui 
laissait l'administration de la justice à diriger l’éducar- 
tion de son fils, et les progrès du disciple répondirent si 
bien aux enseignements du maître , qu’après avoir subi 
d’une manière brillante l’épreuve d’un concours public, 
le jeune Delepouve conquit son admission gratuite au 
lycée de.Donai. Il s’y fit remarquer par des succès qui 
plus tard se continuèrent à Paris, dans cette institution 
de Ste.-Barbe , d’où sortirent à diverses époques tant 
d’hommes illustres dans les sciences et dans les lettres. 
Son excellent naturel et la douceur de son caractère lui 
concilièrent au plus haut degré 1’afTection de ses maîtres 
,et dp. ses condisciples. 

Il s’appliqua ensuite avec ardeur à l’étude du droit , 
obtint le titre d’avocat à l’âge de 22 ans et vint faire ses 
débuts au tribunal d’Arras , sous les yeux de son père. 
Pendant, deux années , il se livra à la. plaidoierie avec 
talent , et se montra en toutes circonstances probe , 
érudit et jaloux de sa dignité. 

En 1611 , il fit son entrée dans la magistrature comme 
substitut du procureur impérial près le tribunal deMop- 
treuil-sur-Mer. 11 apporta autant de zèle que de capacité 
à l’exercice de ces.fonctions , qui lui furent conservées 


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( 472 ) 

par la Restauration. Le titre de procureur impérial près 
le même siège loi fut conféré durant les Cent-Jours , et 
eet avancement mérité lui devint plue tard une cause de 
défaveur. Les Bourbons, en rentrant en France , voulu* 
rent annuler tous les actes du pouvoir éphémère qui 
venait d’être renversé , .et M. Delep.ouve fut, comme 
beaucoup d’autres, suspendu de ses fonctions. Mais, le 
31 janvier 1316, il lui fut permis de reprendre Ja diree- 
tion de son; parquet , et cinq mois plus tard. U était 
nommé par le roi président de ce même tribunal. 

Persuadé que dans une compagnie l’exemple est d'au- 
tant plus efficace qu’il vient d’an siège pins élevé , il 
accomplissait avec la plus scrupuleuse exactitude tons 
les devoirs qui lui étaient imposés par sa dignités II ré- 
digeait lui-même presque tous les jugements qu’il pro- 
nonçait , et ils se faisaient remarquer par- leur netteté et 
par leur concision autant que par' une saine interpréta- 
tion de la loi. 

En 1818 , le nombre des affaires civiles à juger sur 
appel s ’étani considérablement aocru, le gouvernement; 
bien convaincu que le zèle de la Cour Royalç de Pouaine 
pouvait suffire à la bonne administration de la justice, 
fut forcé de rétablir une chambre que l’on avait' sup- 
primée peu de temps auparavant. Cette mesure obtint 
l’approbation générale, etl’on pensa avec raison que la 
charge imperceptible qu’elle rétablissait au budget de 
l’état ne pouvait entrer en comparaison aVecJes avan- 
tages qu’elle procurait aux jipticiables bien plus encore 
qu’aux magistrats. Pour occuper ces nouveaux sièges , 
on choisit dans toute l’étendue du .ressort les magistrats 


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( 475 ) 

qui devaient apporter dans le. sein de la Cour le p tus de 
lumières et d’intégrité. M. Delepouve devait être de ce 
nombre , et il abandonna la présidence du tribunal de 
Montreuil-sur-Mer pour revêtir la pourpre des Cours 
souveraines. 

Ses collègues trouvèrent en lui' un esprit sain , un 
jugement droit, une conscience indépendante, un amour 
de la justice exempt de toute passion. 

• lorsque la révolution de Juillet eut renversé la bran- 
che aînée des Bourbons et placé sur le trône une dynas- 
tie nouvelle ; c'est M. Delepouve qui fut chargé par la 
Cour royale de Se rendre à Arras, à St.-Pol et à Montreuil- 
sur-Mer pour y recevoir des magistrats de ces divers 
sièges le serment de fidélité qu’ils devaient au princeau 
nom duquel ils allaient désormais distribuer la justice , 
et qui par sa sagesse et la puissance de son génie a si 
bien justifié le obéi x de la nation. 

Sept fois il reçut l’honorable mission de diriger en 
présence du pays nos grands débats criminels, et, dans 
ces fonctions si difficiles, il sut rester toujours impartial 
entre l’accusation et la défense, sans que l’indulgence 
qui lui était naturelle dégénérât en faiblesse. La prési- 
dence des assises ne lui apparaissait pas comme une 
satisfaction donnée à l’amour-propre ni comme .un 
moyen de servir son ambition ; il n’y trouvait qu’un de- 
voir important à remplir, qu’une charge grave h laquelle 
s'attachait une grande responsabilité. Aussi, lorsque le 
choix du gouvernement cessa de se fixer sur lui, ne 
)’entendit-on jamais ni s'affliger ni se réjouir de ce qu’il 
m’avait plus à porter sa part de cet honorable fardeau; 


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( 474 ) 

jamais à celte occasion un inot d’aigreur ne sortit de sa 
bouche , et ses convictions politiques ne furent point 
influencées par les rancunes de' la vanité blessée. 

Constitutionnel modéré, avant comme après la révo- 
lution de Juillet, il sut résister aux séductions des par- 
tis extrêmes qui s’efforçaient, par leurs flatteries, de le 
ranger sous leur bannière. Tolérant envers tout le 
monde, il accueillait, il recherchait .les personnes qu’il 
croyait dignes de son estime, sans jamais se préoccuper 
de la nuance politique à laquelle- elles appartenaient, et 
sa maison était comme un terrain -neutre sur lequel se 
rencontraient sans se combattre des hommes placés 
ordinairement dans les camps les plus opposés. 

' La société royale et centrale d’ Agriculture, Sciences 
et Arts du département du Nord l’admit au nombre de 
ses membres résidants le 8 décembre 4819. Il méditait 
celte distinction par son dévouement à tous les inté- 
rêts du pays et par la variété de ses connaissances. 
Mais l’affaiblissement de sa- santé et les soins qu’il don- 
nait à l’éducation de ses enfans lui permirent rarement 
d’assister à nos séances et de prendre part à nos tra- 
vaux. 

Ses goûts simples , ses habitudes de modestie le te- 
naient éloigné de ce qu’on appelle le grand monde; 
Dans les salons dorés des hommes puissants et -de l’opn- 
lence, combien de gens se réncontrentchaque jour sans 
concevoir les uns pour les autres plus d’estime ou d’af- 
fection ! M. Delepouve préférait le charme de son inté- 
rieur et quelques relations intimes avec un petit nombre 
d’amis, qui lui demeurèrent, fidèles jusqu’au; dernier 


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( *78 ) 

'moment. Personne ne mérita mieux que lui de conser- 
ver leur attachement; car son amitié , aussi indépen- 
dante que son caractère, ne s’était jamais refrbidie , 
même’ dans ces temps de fâcheuse mémoire où un gou- 
vernement ombrageux pouvait lui faire un crime de 
n’avoir pas rompu ses liaisons avec des hommes disgrâ- 
ciés ou suspects. 

Content de son sort, peu soucieux des honneurs, per- 
sonne n’applaudissait plus franchement que lui à l’élé- 
vation de ses collègues, et son cœur fut toujours inac- 
cessible aux sentiments de cette basse jalousie, si 
commune de nos jours, qui ne peut voir sans déplaisir 
la fortune d’autrui. 

Il était doué d’un caractère toujours égal , d’un calme 
inaltérable, d’une patience qui ne se démentait jamais ; 
il ne lui échappait pas même une parole blessante con- 
tre ceux dont il avait le plus à se plaindre. 

Avec des qualités si précieuses, M. Delepouve ne pou- 
vait manquer de faire le bonheur de tous ceux qui l’en- 
touraient , et quiconque a pu apprécier la vivacité et 
l’étendue de la douleur que sa perte a causée dans sa 
famille, a dû se convaincre que personne ne fut ni meil- 
leur père, ni plus tendre époux. 

Une cruelle maladie, qui le minait depuis long-temps, 
l’a séparé des siens, le 10 janvier 1840, à l’âge de 52 ans, 
et l’amertume de ses derniers moments fut adoucie par 
les consolations sublimes d’une religion dont il n’avait 
jamais oublié les préceptes. 

Cette existence dont nous venons de retracer une 
esquisse imparfaite, n’est pas une de celles sur lesquel- 


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( 476 ) 

les une éminente position ou de hauts faits accomplis 
répandent leur illustration ; c’est la vie d'un magistrat 
intègre, d’un vertueux citoyen^d’un homme aux ancien- 
nes moeurs; c’est surtout la vie d’un bon collègue qui 
sut mériter l’affection de plusieurs et emporter l’estime 
de tous ceux qui l’ont connu. 




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TABLEAU 


DIS 

MEMBRES HONORAIRES , RÉSIDANTS ET CORRESPONDANTS DE LA SOCIÉTÉ 
ROYALE ET CENTRALE D* AGRICULTURE f SCIENCES ET ARTS 
DU DÉPARTEMENT DU NORD v SÉANT A DOUAI. 


FONCTIONNAIRES DE LA SOCIÉTÉ 

3 . » 

pour l'année 4843. 

MM. Mangin, présidera 

Leroy (de Béthune), i ei vice-président. 

Hibou, 2 e vice-prisident. 

Parmentier, secrétaire-général. 

Deledicque, ) 

\ secrétaires-® diotn t s 
Foncques, J 

Foulon, économe. 

Daix, trésorier. 


MEMBRES DES COMMISSIONS 

d’agricOlturi. 

MM. Dussaussoy. MM. ÏOuggla. MM. Leroy (de Béthune). 
Vasse. Fotilon. Parmentier. 

Lagarde. » Mangin. Lequien, 


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( 478 ) 

t)ES SCIENCES EXACTES ET NATURELLE*. 

MM. Evain. MM. Malet. . MM. Dussaussoy. 

Jonggla. Blavier. Poliez. 

Plazanet. Maugin. Vasse. 

DBS 8C1EMCËS MORALES Et HISTORIQUES. 

MM. Minart. MM. Camaret. MM. Deledicque. 

Parmentier. Hibon. De Warengbied 

Tailliar. Foucques. Pilate. 

t>ES JARblMS. 

MM. Mastrik. MM. Hibon. M. Pilate. 

Mangin. Lagarde père. 

DE LA BIBLIOTHÈQUE. 

MM. Tailliar. Minart, Poisson, Bigant, Foucques. 

M. Brassa rt , conservateur des jardins , des archives et de la bddio* 
thique. 

MEMBRES HONORAIRES DE DROIT. 

MM. L’archevêque de Cambrai. 

Le premier président à la Cour royale. 

Le procureur-général , idem. 

Le président dn trihbnal de première instance de Douai. 

Le procureur du Roi , idem. 

Le Préfet du département du Nord. 

Le sous-préfet de l’arrondissement de Douai. 

Le maire de la ville de Douai. 

Le lieutenant-général commandant la 46 e division militaire, 

Le maréchal-de-camp commandant le département du Nord. 

Le maréchal-de-camp commandant l’école d’artillerie. 

Le lieutenant du Roi commandant la place de Douai. 

Le recteur de l'Académie de Douai. 


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( 479 ) 

MEMBRES HONORAIRES NOMMÉS BAR LA SOCIÉTÉ. ' 

MM. De Wareaghien , propriétaire. 

Reytier , docteyr en médecine. 

D’Haubersaert , pair de France. 

Lagarde, greffier en chef à la Cour royale. 

Lambert, président à la Cour royale. 

Tressignies, médecin-vétérinaire. 

Daix , banquier. 

Martin (du Nord), ministre de la Justice. 

Le général Marion , ancien comm. de l’école d’artillerie. - 
Durand d’Elecourt, conseiller à la Cour royale, 

Quenson, président du tribunal de St. -Orner. 

De Bailliencourt dit Cour col, notaire. 

Preux, procureur-général à la Cour royale de Metz. 
Lamarle, ingénieur des ponts-et-cbaussées à Landrecie*. ' 
Bagneris, docteur en médecine. 

MEMBRES RÉSIDANTS. 

MM. Mangin, docteur en médecine. 

Bigant, conseiller à la Cour royale. 

Wagrez, avocat à la Cour royale. 

De Lagrange (Amaury), colonel d’artillerie en retraite. 
Plazanet, colonel du génie en retraite. 

Desfontaines d’Azincourt, colonel de la garde nationale. 
Dubois, sous-intendant militaire. 

Minart, conseiller à la Cour royale. 

Pilate-Prévost, secrétaire de la Mairie. ' 

Lagarde fils, conseiller à la Cour royale. 

Lequien, docteur en médecine. ■ ’ 

Dussaussoy, colonel d’artillerie en retraite. 

De Hontozon, député. 

De Guerne, propriétaire.' > 

Foulon, propriétaire. 


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( 480 ) 

MM. Tailloir, conseiller à la Cour royale. 

Delattre, ancien conservateur des eaux-el-foréts. 

Leroy (de Béthune), avocat.. * 

Potiez, conservateur du Musée. 

Monter, ancien ntatlre de postes. 

Hibon, premier avocat-général. 

Parmentier, avocat. 

Bommart (Anacharsis), fabricant de sucre indigène. 

Malet, architecte. 

FouCques, membre du conseil municipal. 

Nutly, avoué au tribunal de première instance. 

Jouggla, médecin-vétérinaire, 

Deledicque, avocat à la Cour royale, 

Evain, colonel d’artillerie en retraite» 

Vaste, professeur de physique au collège royal, 

Blavier, ingénieur des mines. 

Petit, ingénieur des ponts-et-chaussées. 

Robequin, conservateur des eaux-et-foréts. 

Cahier , conseiller à h cour royale. 

Estabel-Crépy , agriculteur et maître de postes. 

ypM BRKS CORRESPONDANTS DOMICILIÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD. 

Arrondissement dAvesnes. 

MM. Barbier de la Serre, propriétaire à Trélon, 

Bourcier, propriétaire à Ruesnes. 

Clavon (Augustin), avocat et propriétaire à Avesnes. 
Defourmestraubc-St.-Denis , propriétaire à Gussigaies. 

Deharme (Jacques), propriétaire à Avesnelles. 

Deroisin, propriétaire à Boussières. 

Desse, curé à Landrecies. • 

Havée, propriétaire à Boulogne. 

Lagorce, propriétaire à Maubeuge. 


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( «l ) 

MM. Lebeau, president du tribunal à Àvesnes. 

Preseau (Louis de), propriétaire à Dompierre. 

Saulnier, chirurgien-major retraité à Avesnes. 

Waultier (Louis-Â.), maître de forges à Maubeuge. 

Arrondissement de Cambrai. 

M. Béthune-Houriez, propriétaire à Cambrai. 

Mad. Cîément-Héinery, propriétaire à Cambrai. 

MM. Delcroix (Fidèle), propriétaire à Cambrai. 

Tellier, cultivateur à Carnières. 

Thibaut, bibliothécaire à Cambrai. 

Vancappelle de Premont, propriétaire à Villers-Guislain. 
Arrondissement de Douai. 

MM. Brocquet, cultivateur à Gœulzin. 

Bouteville (baron de), propriétaire à Hôrnaing. 

Broy, cultivateur à Cuincy. 

Dorchies, cultivateur à Nomain. 

> Dovillers (Louis), cultivateur à Montigny. 

Estevez, notaire à Orchies. 

Boq, cultivateur à Faux-Vivier, près Marchiennes. 
Jacquart, cultivateur à Sin. 

Jacquart, cultivateur à Dechy. 

Jacquart, cultivateur à Courchelettes. 

Luce, propriétaire 5 Courchelettes. 

Morel» cultivateur à Somairi. 

Lan vin, cultivateur à Fressain. 

Piéron, juge-de-paix à Cantin. 

Pinqûet, cultivateur àr Roost-Warendin. 

Simon, propriétaire à Orchies. 

Fiévet (Antoine), cultivateur a Masny. # 

Bourlet (abbé ) , à Douai. 

Jacquart, cultivateur à Guesnain. 

Lolliot, cultivateur ù Lécluse. 

31 


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( 482 ) 

MM. Bernard fils, cultivateur à Roost-Warendio. 

Fournet, directeur des mines d*Aniche. 

Lenglet aîné, capitaine du génie , à Douai. 

Pinquet, cultivateur à Dorignies. 

Lenglet, conseiller a la cour royale. 

Caudrelier, cultivateur à Waziers. 

Dumoulin, cultivateur à Coutiches, 

Cambrai, cultivateur à Hamel. 

Fiévet (Edouard), cultivateur à Masny. 

Denisse, arpenteur à Racbes. 

Guilbert-Estevez, juge-de-paix à Orcliies. 
llouzeaux, cultivateur à Lallaing. 

Locoge, propriétaire à Douai. 

Arrondissement de Dunkerque . 

MM. Baelen, juge-de-paix à Woorhmout. 

Colombier-Batteur, propriétaire à Esquelbecq- 
Daudrug. maître de postes à Dunkerque. 

D Halewyn, propriétaire à Aire. 

De Buyser, propriétaire à Dunkerque. 

Hamereel, propriétaire à Grande-Synthe. 

Muchenbled (Alexand ), prop. à Looberghe, cant. de Bourbourg. 
Vandenkerkove (Auguste), propriétaire à Bellezeele. 

Debaecker , avocat à Bergues. 

Arrondissement d’ Hazebrouck. 

MM. Bollart, propriétaire à Steenvoorde. 

Cappon de Bailleul , propriétaire à Hazebrouck. 

Cappon (François), cultivateur à Vieux-Berquin. 

Duvet, ancien magistrat à Hazebrouck. 

Leroy , greffier de la mairie , à Bailleul. 

Vampradelle de Palmaert , propriétaire à Hazebrouck,. 


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C«3 ) 

Arrondissement de Lille. 

MM. Bontry, juge au tribunal de Lille. 

Brun-Lavaine , archiviste a Lille. 

Cazeneuve , doct. en médecine , profess. à l'école milit. de Lille. 
Chombart, propriétaire à Herbes. 

Claies, propriétaire à Seclin. 

Cospain-Nollet, juge-do-paix à Tourcoing. 

Courcelles (de), propriétaire à Lille. 

Delcourt, cultivateur à Lomme. 

Delezenne, professeur de physique a Lille. 

Denis du Péage, propriétaire à Houpbncs. 

Descamps, cultivateur à Croix. 

Desmazières, naturaliste à Lille. 

Dumaisnil (comte), propriétaire à Wallignies. 

Frémont, capitaine du génie à Lille. 

Herbo-Watel, à la ferme du Quint, commune de Templeuve. 
Jaeghères (de), Charles, négociant à Wazemmes-en-Pévèle. 
Lecreux (Victor), négociant à Lille. 

Leglay, archiviste du département à Lille. 

Lestiboudois (Thémistocle), député à Lille. 

Macartan, médecin à Lille. 

Macquart, naturaliste à Lille. 

Obert (vicomte), propriétaire à Wambrechies. 

Rouvroy de Fournes, propriétaire à Lille. 

Vandecasteele, brasseur à Lille. 

Waymel (Jules-César), propriétaire à Lille. 

Arrondissement de Valenciennes. 

MM. Boulanger, juge au tribunal de Valenciennes. 

Coquelle (Jules), cultivateur à Mastaing. 

Desespringalle, ex-maire 5 St.-Amand. 

Dinaux (Arthur), homme de lettres à Valenciennes. 

Fardel, cultivateur ù Hordain. 


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( m ) 

MM. Grar, avocat à Valenciennes. 

Hamoir (Denis), négociant à Valenciennes. 

Hamoir (Edmond), négociant à Valenciennes. 

Lacoste (marquis de), propriétaire à Sebourg. 

Lespagnol de Grimbry, propriétaire à NoyeHes-sar-Selle. 
Moreau de Bellaing, cultivateur à Bellaing. 

Simon, juge-de-paix à St.-Àmand. 


MEMBRES CORRESPONDANTS DOMICILIÉS HORS DU DÉPARTEMENT. 

31M. Avignon, recteur de l'Académie à Grenoble» 

Avrincourt (marquis d*). 

Bâillon, propriétaire à Abbeville. 

Bergery, professeur à Metz. 

Blanche, docteur en médecine à Rouen. 

Blondel d’Aubers, à Vendm-le-Vieil (arrond. de Béthune). 
Bouchard, naturaliste à Boulogne. 

Bottin, antiquaire à Paris. 

BouiUet, naturaliste à Clermont-Ferrant. 

Boulanger (Florimond), élève de f école des beaux-arts à Rome. 
Bra, statuaire à Paris. 

Brame fils, fermier à Grenay (Pas-de-Calais). 

Bouthors, greffier près la cour royale d’Amiens. 

Bonnaire, homme de lettres à Saint-Claude. 

Gaumont (de), membre correspondant dè l’Institut à Caen. 

Cazin de Caumartin , ex-conservateur des forêts à Campagne v 
par Guines. 

Chabet, à Cambligneul (arrond. de St.-Polj* 

Chevraux, avocat à Evreux. 

Chenou, professeur de faculté à Paris. 

Cordier, inspecteur des ponts- et- chaussées à Pans. 

Crombeck (de), maître de postes à Lens. 


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( 485 ) 

MM. DelafoIIy, vice -président du tribunal à St. -Orner. 
Dancoisne, notaire à Hénin-Liétard. 

Danvin, docteur en médecine à St.-Pol. 

De Brière, archéologue à Paris. 

Delaby, fabricant de sucre à Courcelles. 

Delà chinai, propriétaire à Paris. 

Delà Fons, baron de Mélicocq, à Douvrain (Pas-de-Calais). 
Derbigny, directeur des domaines a Bordeaux. 

Derheims, pharmacien à St. -Orner. 

Mad. Desbordes- Valmore, à Paris. 

MM. Desfontaine, inspecteur des ponts-et-cbaussées à Paris. 
Dessaut le Breton, propriétaire à St. -Orner. 

D'Herlincourt, propriétaire à Eterpignies. 

* Doresmieux, propriétaire à Fouquières-lez-Béthune. 
Drappier, inspecteur des ponts-et-chaussées à Arras. 
Dupetit-Thouars, directeur de la pép. du Roulle, à Pari s, 
Dupin (baron Charles), membre de l'Institut à Paris. 
Dusevel , avoué à la Cour royale d'Amiens. 

D’Esclaibes, colonel d’artillerie en retraite à Cbelenay. 
Fontenelle de Vaudoré (de la), conseiller à Poitiers. 
Francoville ( Charles ) , avocat à Boulogne. 

Godin, archiviste du Pas-de-Calais à Arras. 

Garnier, inspecteur des mines à Paris. 

Godde de Liancoiirt, à Paris. 

Gosse de Serlay, colonel d’artillerie à Rennes. 

Givenchy (L. de), propriétaire à St. -Orner. 

Goudemez, cultivateur à Fresnoy (Pas-de-Calais). 

Uédouin, avocat à Boulogne. 

Herbaville, conseiller de préfecture à Arras. 

Herbet, principal du Collège à Arras. 

Héré, professeur de mathématiques à St.-Quentin. 

Ilerman t-Legrand, propriétaire à St. -Orner. 


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( 486 ) 

MM. Hue. commis d enregistrement à Beauvais. 

Jodot (Marc), ingénieur- répétiteur à l’école polytechnique à Paris. 
Jonh Sinclair, agronome à Londres. 

Jullien, ex-directeur de la Revue encycl. à Paris. 

Lair, propriétaire à Caen. 

Lambert (César), littérateur à l’Abbaye du Gard. 

Lamy, chef d’escadron d’artillerie à Chàteau-Chinon. 

Laurens, maire à Saverdun. 

Lecocq, professeur d’histoire naturelle à Clermont-Ferrand. 
Lefebvre de la Houplière, propriétaire à Abbeville. 

Legenlil, fermier à Méricourt (Pas-de-Calais). 

Leroux du Châtelet, propriétaire à Rœux. 

Leviez, docteur en médecine à Arras. 

Lucy (Ambroise), agriculteur ù Ermenonville. 

Lemaitre d’Anslaing, à Paris. 

Lorentz, à Paris. 

Malingié, agriculteur à Ponl-le-Voy. 

Mancel, préfet au Mans. 

Mangon de Lalânde , ex-directeur des domaines , à Àvrancbcs 
(département de la Manche). 

Moléon (de), directeur du Recueil indust. à Paris. 

Mirbel (de), directeur du jardin du Roi à Paris. 

Moure, membre de la Société linnéenne de Bordeaux. 

Mutel, capitaine d’artillerie à Vincennes. 

Orfila, professeur de chimie à Paris. 

Ottmann, agriculteur à Strasbourg. 

Pallas, docteur en médecine à St.-Omer. 

Parmentier, propriétaire à Arras. 

Perrier, membre de l’Institut à Paris. 

Philippar, directeur du jardin Grignon à Versailles. 

Piers (Hector ) , bibliothécaire à St.-Omer, 

Pilate fils, à Brebières, 


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( 487 ) 


MM. Polonceau, abbé a Paris. 

Poulet, capitaine au train d'artillerie à Méziorçs. 

Pradel (Eugène de), improvisateur à Paris. 

Proyart, fermier ù Hendecourt (Pas-de-Calais). 

Prouville (de), propriétaire à Versailles. 

Quarré de Boiry, propriétaire à Farbus. 

Quetelet , directeur de l’Observatoire à Bruxelles. 
Rainneville (de), propriétaire a Allouville. 

Reiffenberg (baron de), membre de l’Institut à Louvain. 
Rivière, professeur de physique à Paris. 

Rohart (Louis), cultivateur à Avion (Pas-de-Calais), 

Serrure, professeur à l’Université de Gand. 

Saussaye (de la), numismate à Blois. 

Soulange-Bodin, directeur du jardin à Froment. 

Stassart (baron de), à Bruxelles. 

Sylvestre (baron), membre de l’Institut à Paris. 

Thiehaut de Berneau, cons. de la banque marchande à Paris. 
Ure, docteur en médecine.à Londres. 

Vauthier-Wasmael, receveur municipal à Bruxelles. 
Vincent, professeur de sciences à Paris. 
Wains-Desfontaines, littérateur à Alençon. 

Warnkœnig, à Gand. 



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